J’ai dévoré les trois romans ci-dessous en moins d’une semaine, c’est dire combien ils sont captivants. J’ai ensuite eu le plaisir d’en discuter avec les trois auteurs lors du Salon du livre du grand Sudbury, en Ontario. Que du plaisir!
Il s’agit d’abord du roman Le prince africain, le traducteur et le nazi de Didier Leclair, nom de plume de Didier Kabagema, paru aux éditions David et retenu pour le Combat national des livres de Radio-Canada de 2024.
Deux heures avant la fin de l’été de Sébastien Pierroz. Roman paru aux éditions David et finaliste au Prix du livre de la Ville d’Ottawa de 2024.
Finalement Welsford, de Claude Guilmain, un roman publié chez Prise de parole.
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Le prince africain, le traducteur et le nazi est le dixième roman de Didier Leclair. C’est dire qu’en 23 ans comme auteur, il a appris à manier la plume avec dextérité. Il possède un style coulant qui rappelle les grands écrivains de feuilletons parisiens du XVIIIe siècle.
L’histoire se passe en 1941, dans un Paris occupé par les Allemands pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Dès les deux premiers chapitres, Didier Leclair met en scène ses trois principaux personnages. Le prince, Son Altesse Antonio Jose Henrique Dos Santos Mbwafu, est l’héritier d’un petit royaume angolais, le Kongo, autrefois colonie portugaise. Il étudie à Paris, mais en fait, c’est son traducteur, Jean de Dieu N’kuba, qui se présente aux cours en son nom.
Jean de Dieu est le fils d’un tirailleur sénégalais, venu combattre en Europe lors du premier conflit mondial, et d’une mère allemande. C’est d’ailleurs lui qui, le premier, rencontre le nazi, un certain major F. Baumeister.
Baumeister est convaincu que le prince est en réalité un contrebandier qui, avec la complicité de son père, le roi du Kongo, écoule clandestinement des diamants angolais sur le marché européen.
Au fil des pages, nous apprendrons que, là-dessus, il a tout à fait raison. Le problème, c’est que Baumeister veut récupérer les diamants pour son propre compte et au diable le Reich. Il veut cette fortune pour se sauver en Amérique du Sud avec sa nouvelle maitresse.
Un bel imbroglio qui se décline en un chassé-croisé dans Paris et au Portugal. Sans dévoiler la fin, je me contenterai de dire que le héros, c’est Jean de Dieu.
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Deuxième roman de Sébastien Pierroz, journaliste et producteur au réseau de télévision ONFR+, Deux heures avant la fin de l’été est paru aux Éditions David et a été finaliste au Prix du livre d’Ottawa de 2024. Même s’il n’a pas l’expérience d’un Didier Leclair, Sébastien Pierroz a, comme lui, une plume coulante, journalisme oblige.
Ce roman est un peu plus compliqué que celui de Didier Leclair du fait que l’action s’y déroule en trois temps : 1976, 2001, 2020. Cela ne veut pas dire que la trame est difficile à suivre; Sébastien Pierroz réussit à nous entrainer dans ces trois périodes avec brio.
L’histoire débute en 2020 à Londres où Damien, fils d’une famille de Mongy, village près d’Annecy dans le sud-est de la France, s’est réfugié après la mort «accidentelle» de sa sœur Nadia en 2001.
Dès le deuxième chapitre, on apprend qu’une autre mort, celle de Claudia en 1976, était le résultat d’un viol. Un immigrant algérien, Arezki Hamani, sera trouvé coupable et passera 20 ans en prison.
En 2020, Damien revient à Mongy pour les funérailles de son grand-père. On rencontre sa famille – le frère Adrien, le père, la mère, l’oncle et la tante – qui tient une petite auberge. Dans ces rencontres, on sent bien les non-dits dans cette famille. En fait, dans toute cette petite localité.
Sébastien Pierroz insère même dans l’histoire une jeune Franco-Ontarienne, la journaliste Cristina Tremblay, qui a obtenu un stage au journal local de Mongy. On pourrait penser que l’apparition de ce personnage franco-ontarien est un peu factice, mais Cristina joue un rôle important dans le dénouement.
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Publié aux Éditions Prise de parole, le roman Welsford, de Claude Guilmain, porte le nom d’un quartier du nord de Toronto qui a été aménagé dans les années 1960.
Ici encore, l’action se déroule en deux temps : 1969 et 2019. Le personnage principal, François, alias Frank pour les Anglais, est un ancien inspecteur-chef de la police locale. Il est parti en préretraite il y a quelques années, mais est encore consultant pour la police.
En 2019, les nouveaux propriétaires d’une maison de la rue Cassandra du quartier Welsford, qui s’embourgeoise, font démolir la vieille piscine derrière leur maison. Les travailleurs y découvrent un cadavre enseveli sous le ciment.
Or, dans les années 1960, Frank a grandi dans une maison juste en face de celle avec la piscine. Il s’y est baigné avec ses camarades à l’adolescence. Et surtout avec la fille des propriétaires de l’époque, la famille Martella.
Claude Guilmain nous trimbale dans le temps, entremêlant la quête de Frank pour identifier le cadavre et pour trouver le coupable avec des scènes de jeunesse dans ce quartier en plein essor.
Les pages du roman nous font revivre (ou, pour les plus jeunes, dépeignent) la musique et les films des années 1970, le premier alunissage, les soirées au resto de burgers, les premiers émois sexuels, les premiers joints fumés. C’est très bien ficelé.
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La grandeur d’un roman se mesure peut-être par le sentiment qu’il laisse chez le lecteur quelque temps après sa lecture. Le mot qui me vient après Le prince africain, le traducteur et le nazi, c’est «libération». Libération dans le sens de libération de Paris, bien sûr, mais aussi la libération d’un jeune immigrant qui déjoue les nazis.
Pour Deux heures avant la fin de l’été, c’est plutôt l’expression «le temps fait son œuvre» qui décrit bien que, tôt ou tard, le bien finit par triompher sur le mal.
Et pour Welsford, c’est «nostalgie». Pour un babyboumeur comme moi, qui a vécu les années 1970, ce roman raconte parfaitement le décor de notre jeunesse.
Trois romans à lire.
Réjean Grenier a travaillé dans les médias pendant 47 ans, comme journaliste, rédacteur principal à Radio-Canada/CBC, éditeur et propriétaire d’un journal et d’un magazine, et éditorialiste. Il a présenté une chronique littéraire sur les ondes de Radio-Canada pendant cinq saisons. Il est un avide lecteur depuis l’âge de 12 ans. Il a grandi dans un petit village du Nord de l’Ontario où il n’y avait pas de librairie, mais il a rapidement appris où commander des livres. Son type d’ouvrage préféré est le roman puisqu’«on ne trouve la vérité que dans l’imaginaire».
L’environnement a toujours été dans la liste des priorités de Francopresse. Ce qui a mené à la rédaction d’articles et de dossiers autour de ce thème.
Pour notre récent dossier sur l’écoanxiété, nous avons réfléchi à notre propre rôle dans la diffusion de l’information sur les changements climatiques. Notre couverture était-elle trop négative? Contribuait-elle à l’écoanxiété? Avait-elle des angles morts?
Nos questions nous ont menés à Covering Climate Now (CCNow), un collectif international de journalistes créé aux États-Unis en 2019 pour améliorer la couverture de la crise climatique.
Cet été, Francopresse est devenue l’un de leurs partenaires canadiens, rejoignant nos collègues de L’Aurore boréale comme seuls médias francophones de l’extérieur du Québec membres du collectif.
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Prédire l’avenir avec précision est une tâche impossible. Mais les premières prédictions des scientifiques par rapport à l’accumulation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère – faites il y a déjà quelques décennies – se réalisent devant nos yeux, et ce, de plus en plus souvent. Impossible de les ignorer.
Selon le cofondateur et directeur exécutif de CCNow, Mark Hertsgaard, les médias doivent parler du climat de la même manière qu’ils ont couvert la pandémie de COVID-19 : comme une urgence mondiale.
La francophonie canadienne restera, bien entendu, la raison d’être de Francopresse. Mais cette francophonie est, elle aussi, touchée par l’augmentation de l’intensité des incendies de forêt, les tempêtes, les inondations et la montée du niveau des océans.
Sans oublier que ces catastrophes ont des conséquences sur le territoire, l’économie, la santé mentale et physique des francophones comme des autres.
CCNow encourage aussi à mettre de l’avant les bonnes nouvelles. L’augmentation de la production électrique avec des énergies renouvelables est justement une de ces bonnes nouvelles qui donne un peu d’espoir.
Covering Climate Now offre des ressources pour que les journalistes qui s’intéressent aux questions climatiques aient un point de départ à leurs réflexions et leurs recherches.
C’est aussi un réseau d’échanges. Tous les journalistes membres peuvent participer au groupe de discussion où des idées de sujets et des sources sont mises en commun. Où il est possible de poser des questions et d’échanger avec d’autres journalistes, entre autres.
Ne parlait-on pas de «réchauffement climatique» il y a quelques années? Comment en est-on venus à parler de «changements climatiques»?
Les climatosceptiques avancent que ce changement dans le lexique est une preuve que le réchauffement des températures n’existe pas. Qu’il y a encore des jours très froids en hiver!
Ils (toujours difficile d’identifier qui se cache derrière ce «ils» utilisé par les conspirationnistes) ont donc changé le nom pour essayer de nous convaincre sans preuve, clament ces personnes qui mettent en doute ou même réfutent l’existence de la crise climatique.
Pourtant, le changement vient d’un stratège républicain. Dans une note de service secrète de 2002, Frank Luntz soulignait que le président George W. Bush et les républicains étaient vulnérables sur la question climatique. Il a proposé d’utiliser «changements climatiques» au lieu de «réchauffement climatique», parce que c’était «moins effrayant».
Les analyses des discours du président avant et après 2002 révèlent d’ailleurs que le vocabulaire sur la question a effectivement changé.
Dans la communauté scientifique, l’expression «changement climatique» est tout de même plus souvent utilisée, parce qu’elle décrit mieux les effets d’augmentation des extrêmes causés par les gaz à effet de serre.
La notion qu’ils sont «causés par l’humain» y est de plus en plus souvent attachée tandis que «réchauffement climatique» est davantage utilisé pour parler plus spécifiquement de la hausse des températures à la surface de la planète.
Il y a d’autres points de comparaison entre la pandémie de COVID-19 et le réchauffement climatique.
Selon les sondages américains de mars 2020, date qui marque l’arrivée de la pandémie sur le continent nord-américain, peu de gens étaient inquiets d’être infectés par la maladie au cours des premières semaines. Mais à mesure que des personnes de leur entourage contractaient le virus, le niveau d’inquiétude grimpait.
Notre anxiété face aux changements climatiques suit la même logique. Tant que notre ville, nos proches ou nous-mêmes ne semblons pas être directement touchés, nous avons l’impression que nous serons à l’abri du pire. Que c’est pour les autres.
Pourtant, le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète. Les incendies de forêt des dernières années sont un bon indice que nous sommes tous plus près des effets que nous voulons l’admettre.
Il y a plus d’une route devant nous pour éviter le pire – ou non – et nous adapter. Ces routes mènent parfois à de mauvaises nouvelles, mais de plus en plus souvent à de bonnes nouvelles. Ce sont toutes ces voies que Francopresse explorera.
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En politique, le double standard vestimentaire est aussi tenace qu’une tache de café sur un tailleur blanc.
Alors que les hommes peuvent se fondre dans l’uniformité des costumes sombres, une femme n’a que rarement ce luxe. Le moindre faux pas vestimentaire peut être interprété comme un affront, une excentricité, voire un défi direct aux codes tacites du «boys club», ce réseau informel où les hommes et leurs visions dominent.
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Depuis son arrivée sur les devants de la scène politique en 2020, le style vestimentaire de Kamala Harris n’a cessé d’être commenté, notamment pour son affection pour les chaussures de marque Converse. Un détail qui a parfois pris une importance disproportionnée dans la couverture médiatique, occultant les véritables enjeux de ses campagnes.
Kamala Harris n’hésite pas à porter des souliers confortables, ce qui détourne parfois l’attention de son message.
Au Canada, les choses ne sont pas si différentes. Le Québec a eu son propre «scandale vestimentaire» avec la députée provinciale Catherine Dorion. En 2019, Dorion, connue pour son style décontracté et ses prises de position audacieuses, s’est présentée à l’Assemblée nationale en coton ouaté, ce qui a déclenché un tollé parmi certains collègues qui estimaient que sa tenue n’était pas à la hauteur des attentes pour une députée.
Comme si l’élégance vestimentaire était le critère ultime pour faire de la bonne politique.
Bien sûr, les hommes en politique ne sont pas totalement épargnés par les jugements vestimentaires. Mais la différence est que, chez eux, les faux pas sont moins risqués et moins commentés. Tant qu’ils portent un costume sombre et des chaussures cirées, ils passent sous le radar. En somme, la société leur pardonne plus facilement.
En politique, on s’attend à ce que les femmes soient sérieuses, mais pas trop. Élégantes, mais pas trop. Féminines, mais pas trop. Cette ligne totalement arbitraire à ne pas franchir est à la fois absurde et frustrante.
Des figures comme Chrystia Freeland, ministre des Finances et vice-première ministre du Canada, ont régulièrement dû jongler avec ces attentes, subissant parfois des critiques pour des tenues «trop simples» ou «trop féminines».
Le débat autour des choix vestimentaires des femmes en politique n’est pas un simple affrontement de gouts, mais bien une manifestation profonde de la manière dont les femmes sont perçues dans les sphères de pouvoir.
Derrière les commentaires sur les tenues des femmes politiques se cache une vision patriarcale et profondément sexiste, qui lie l’apparence à la compétence et la crédibilité.
Le résultat de cette inégalité de traitement et de ces règles floues est que les femmes en politique doivent non seulement prouver leurs compétences, mais aussi gérer leur apparence avec une précision quasi chirurgicale. Si elles ne respectent pas les codes vestimentaires implicites, elles risquent de voir leur crédibilité remise en question.
En politique, on s’attend à ce que les femmes soient sérieuses, mais pas trop. Élégantes, mais pas trop. Féminines, mais pas trop…
Dans ce contexte, l’apparence vestimentaire devient un enjeu politique, un espace où se jouent des luttes de pouvoir qui ne concernent pas uniquement les idées, mais aussi la manière dont les femmes peuvent – ou ne peuvent pas – occuper l’espace public.
Le fait d’avoir deux poids, deux mesures en matière vestimentaire sert non seulement à limiter l’expression des femmes dans l’espace public, mais aussi à les renvoyer constamment à leur corporalité, les réduisant ainsi à des objets du regard.
Il est temps que nous arrêtions de juger les femmes politiques sur ce qu’elles portent et que nous nous concentrions enfin sur ce qui compte vraiment : leurs idées, leurs politiques et leur capacité à diriger.
Parce que, franchement, que Kamala Harris porte des Converse ou que Catherine Dorion préfère les cotons ouatés, ce n’est pas cela qui va résoudre les défis auxquels sont confrontées nos sociétés.
Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, voici près de quinze ans qu’elle travaille dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.
Une affirmation que le chef Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a répétée ad nauseam lors de son point de presse de la première semaine de septembre.
Sa décision aura pour conséquence immédiate d’ouvrir la voie à la multiplication des motions de censure contre le gouvernement dès la rentrée parlementaire, le 16 septembre. Des motions dont l’issue du vote n’est plus facilement prévisible : le gouvernement tombera-t-il ou pourra-t-il se maintenir au pouvoir?
Cette incertitude s’explique par le fait que chacun des partis aux Communes se demandera, lors de chaque vote, s’il a plus à gagner ou à perdre en provoquant des élections.
Précisons que les trois partis d’opposition – le Parti conservateur, le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique – doivent tous voter contre le gouvernement minoritaire actuel pour le renverser.
Tous les partis politiques vont donc agir comme si la campagne électorale était déjà officiellement lancée.
En ce moment, les sondages indiquent que seul le Parti conservateur peut s’en tirer avantageusement si des élections avaient lieu maintenant.
Les sondeurs prédisent même une hausse substantielle du nombre de sièges conservateurs à la Chambre des communes. Ce parti réussirait à former un gouvernement majoritaire sans aucune difficulté.
Les sondages laissent aussi entrevoir que le Bloc québécois tirerait bien son épingle du jeu si une élection était déclenchée ces jours-ci. Le nombre de sièges bloquistes pourrait même augmenter à la Chambre des communes. Le phénomène d’engouement que l’on observe partout ailleurs au Canada pour le Parti conservateur ne se produit pas au Québec.
Toutefois, même s’il pouvait compter sur un plus grand nombre de députés, le Bloc québécois perdrait beaucoup d’influence si le prochain gouvernement était majoritaire. Ce qui risque de se produire, si les prévisions des sondages se confirment.
En conséquence, le Bloc québécois y réfléchira certainement à deux fois quand il devra indiquer en chambre s’il appuie ou non les libéraux.
Quant aux libéraux et aux néodémocrates, les deux partis se trouvent dans une position plus que difficile. Actuellement, aucun ne peut espérer former le prochain gouvernement et rien n’indique que les choses vont changer dans un avenir proche.
Depuis maintenant un an, les sondages montrent les uns après les autres que les intentions de vote sont en baisse constante pour les libéraux, alors qu’elles font du surplace pour les néodémocrates.
Ainsi, si les choses ne bougent pas sur le plan des intentions de vote, peut-on raisonnablement penser que le gouvernement libéral survirera aux motions de censure?
La réponse à cette question est fort probablement oui, il survivra encore quelque temps.
Toutefois, les choses pourraient changer. C’est du moins ce qu’espère de tout cœur le chef néodémocrate.
Lorsque Jagmeet Singh «déchire», selon ses propres mots, l’entente avec les libéraux, lorsqu’il justifie sa décision par le biais d’une vidéo qui a toutes les allures d’une publicité de campagne électorale, lorsqu’il hausse le ton et les attaques personnelles envers Justin Trudeau et Pierre Poilievre, il tente de brasser la cage.
Cette stratégie que Pierre Poilievre utilise lui-même l’a certainement déjà servi. À vrai dire, on peut se demander si, justement, Jagmeet Singh ne s’est pas inspiré des conservateurs en se lançant dans les attaques personnelles contre Justin Trudeau, le traitant notamment de «faible», «d’égoïste» et «d’ami des ultrariches».
Mais ce qui peut produire de bons résultats dans certains cas peut ne pas fonctionner dans d’autres. Le style abrasif de Pierre Poilievre plait à un certain groupe d’électeurs naturellement plus enclins à voter pour les conservateurs.
La même recette ne fonctionnera probablement pas aussi bien pour les néodémocrates. Beaucoup de Canadiens n’aiment pas les campagnes électorales négatives. Celles-ci pourraient même en inciter à ne pas voter, ce qui n’aiderait certainement pas la cause des néodémocrates.
Par ailleurs, beaucoup de Canadiens veulent aussi connaitre les propositions des partis politiques. C’est une chose de dire que ça va mal, ça en est une autre de proposer des solutions convaincantes. Les attaques personnelles ne suffisent pas.
Le NPD saura-t-il convaincre les électeurs que ses propositions sont meilleures que celles des autres partis politiques?
C’est ce qu’il espère, bien évidemment, mais la tâche sera difficile.
En fait, le NPD est dans une position délicate. Étant le parti politique fédéral le plus à gauche (j’exclus le Parti vert qui n’est plus réellement dans la course), il peut difficilement se redéfinir.
Se positionner encore plus à gauche, c’est risquer de perdre des appuis, surtout dans un contexte où la santé des finances publiques commence à préoccuper de plus en plus de gens.
S’il se repositionne plus au centre, alors il devra convaincre l’électorat qu’il n’est pas le Parti libéral, ce qui ne serait pas chose aisée. Faut-il rappeler la campagne électorale de 2015? C’est exactement ce qu’avaient fait les néodémocrates, alors dirigés par Thomas Mulcair. Cela avait grandement contribué à la victoire libérale.
Il ne faut donc pas s’étonner si Jagmeet Singh cherche maintenant à présenter Justin Trudeau et le Parti libéral comme étant à droite, voire très à droite. C’est en fait la seule porte de sortie pour le NPD.
Ce sera même le principal message que l’on entendra de la part de Jagmeet Singh au cours des prochaines semaines, des prochains mois. Parce que la campagne électorale est déjà commencée.
Reste à savoir maintenant si les électeurs le croiront, car le Parti libéral a bien montré, au cours des neuf dernières années, qu’il n’était pas un parti de droite.
Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.
Les Sœurs Marleau, Diadem à leurs débuts, œuvrent dans la chanson depuis 1979 et cumulent une dizaine d’albums à leur actif. Le trio franco-ontarien, formé des sœurs Diane, Denyse et Marie Marleau, propose un onzième opus sous le signe de l’espérance.
Pochette de l’album Osons l’espérance des Sœurs Marleau.
Osons l’espérance nous interpelle avec une douzaine de textes sur des thèmes universels. Les Sœurs Marleau nous parlent d’espoir, d’amour, de rédemption, de violence conjugale et de fierté francophone. Côté musique, elles livrent un bel univers adulte contemporain, aux nuances multiples faites de pop-rock, reggae et parfois presque orchestrales.
L’un des moments forts de ce nouvel album est Le coin de mon pays. Cet hymne à la fierté s’inspire de l’univers de Gilles Vigneault et rend hommage aux nombreuses familles qui ont bâti l’Ontario français.
Féminisme est un petit reggae sur l’émancipation des femmes. Place à la non-violence est un appel à lutter contre la violence conjugale et à respecter les femmes. La pièce titre, Osons l’espérance, résume bien le propos de l’album : le désir d’un monde meilleur.
Après une carrière de 45 ans bien remplie, Les Sœurs Marleau ont une belle raison de fêter. Osons l’espérance est un bouquet de souhaits universels et de musiques contemporaines.
Sur son nouvel album, L’Osstidtour, David Dufour, dit D-Track, livre 16 chansons hors du commun. Poète, slameur, rapeur de l’Outaouais, il ne cesse de peaufiner son art tout en gardant son authenticité et sa sincérité.
Pochette de l’album L’Osstidtour de DTrack.
Si vous cherchez un hip-hop où le F Word se retrouve tous les trois mots, vous êtes sur la mauvaise piste. D-Track a bâti son art avec un souci du verbe. Il travaille autant ses textes que ses hooks. Ces dernières sont très souvent des échantillonnages des musiques souls, R&B des années 1970 et 1980.
Cela crée des ambiances moins violentes, mais tout aussi puissantes. D-Track s’impose un travail ardu afin d’éviter les rimes faciles et pour offrir une poésie urbaine franche, authentique et très puissante.
Plus de vie, plus de musique dresse bien l’ambiance de l’album. Sur une accroche jazzy à la 1970, L’Osstidtour à condo dresse le désarroi de D-Track sur la perte du cachet de son quartier d’enfance à cause de condos plus modernes.
Chez l’opto est un autre excellent morceau aux influences jazz. Les deux bombes de cet opus sont La peine, un duo extrêmement puissant avec Koriass, et Post-its à soi-même, un texte révélateur sur le moi intérieur, une autoévaluation de sa propre personnalité.
La jeune autrice-compositrice-interprète Céleste Lévis, originaire de Timmins en Ontario, nous offrait un 4e opus en octobre 2021. Celle qui a su grandir à chaque étape de sa carrière proposait Si tu veux tout savoir, un album infusé d’une maturité évidente.
Pochette de l’album Si tu veux tout savoir de Céleste Lévis.
Dès les premières notes de Case départ, c’est évident que nous aurons droit à des mélodies rocks bien peaufinées qui marquent une nouvelle étape dans la musique de Céleste Lévis.
Les textes aussi nous emmènent ailleurs avec un propos plus mature et des émotions à fleur de peau, qui collent bien à la voix de la jeune artiste. Cette voix prend de plus en plus d’assurance et offre des harmonies vocales fort bien contrôlées.
Les pièces maitresses de cet opus sont entre autres C’est flou, un pop solide. Fragile nous dévoile une certaine tendresse, autant dans la mélodie que dans l’interprétation. Jamais seule est une mélodie puissante à la Fleetwood Mac, accompagnée d’une voix en plein contrôle. Il s’agit de l’un des meilleurs textes de l’album grâce à des propos remplis d’émotions.
Le tout se termine en beauté avec À quoi ça sert. Céleste Lévis nous offre un cri d’amour profond sur une guitare blues planante.
Ce 4e opus, empreint de maturité, offre des textes bien peaufinés. Céleste Lévis nous captive avec une voix puissante, accompagnée par des mélodies rocks solides. Elle démontre qu’elle n’est pas seulement là pour quelques succès éphémères.
Marc Lalonde, dit Lalonde des ondes, est chroniqueur musical depuis plus de 25 ans au sein de la francophonie musicale canadienne et animateur de l’émission radiophonique Can-Rock. Il se fait un malin plaisir de partager cette richesse dans 16 stations de radio à travers le pays chaque semaine.
Avec la mise en place des programmes de police communautaire, les forces policières ont ajouté à leur mandat une opération de relations publiques qui vise à faire accepter leur présence. Elles désirent créer une confiance, un sentiment de sécurité, et une collaboration pour la prévention et la lutte contre la criminalité.
L’approche de police communautaire suppose que les citoyens et citoyennes connaissent les membres des forces de l’ordre et que des interactions avec la police ont aussi lieu hors des interventions.
La présence dans les milieux scolaires fait partie de cette approche. Elle peut inclure une visite ponctuelle pour parler d’un problème plus large, comme le taxage ou les gangs de rue; la participation à des foires de carrière; ou encore le fait d’appeler la police pour régler les conflits entre élèves ou entre élèves et personnel enseignant.
Plusieurs conseils scolaires ont également créé des partenariats avec les forces policières locales pour mettre en place des programmes d’agents et d’agentes de liaison scolaire.
Ces personnes se concentrent ainsi sur les relations avec les élèves et elles assurent une présence plus fréquente dans certaines écoles où les risques et la criminalité sont perçus comme étant supérieurs.
Or, depuis une dizaine d’années, plusieurs conseils scolaires (notamment à Toronto, Ottawa et London) ont mis fin à ces programmes de liaison scolaire. D’autres, comme le conseil scolaire de Vancouver et celui de Winnipeg, ont mené des études qui, dans plusieurs cas, ont abouti au remaniement de leur programme.
C’est que la présence policière en milieu scolaire est fortement critiquée et dénoncée.
Une conseillère scolaire de Vancouver a bien résumé le problème : pourquoi cèderait-on à la pression d’organismes – les corps policiers – pour les laisser interagir avec les enfants et adolescents, alors même qu’ils sont souvent accusés de bafouer les droits de la personne?
Le Commissaire aux droits de la personne de la Colombie-Britannique a présenté le problème d’un autre angle : avant d’accepter de maintenir de tels programmes, dont les maux sont bien documentés, il faudrait trouver des études qui montrent qu’ils entrainent des bénéfices.
Et tandis qu’un grand nombre de parents, d’enseignants et d’élèves se disent neutres ou favorables à ces programmes, la situation change complètement lorsqu’on parle aux parents et élèves appartenant à une minorité, surtout celles des communautés autochtones ou noires.
C’est d’abord parce que la discrimination active des forces policières s’étend au traitement des élèves. C’est aussi parce que les relations entre la police et les communautés minorisées dépassent le seuil de l’école et que les élèves craignent le harcèlement, l’intimidation et la discrimination de la part de la police autant à l’école que dans leur vie quotidienne et dans celle de leurs proches.
Comme l’a suggéré Adora Nwofor, de Black Lives Matter YYC à Calgary, la police doit montrer qu’elle est digne de confiance par ses actes au vu de l’ensemble de son mandat, et non chercher à convaincre la population.
La raison essentielle de l’échec de tels programmes tient au fait que les mêmes conflits et les mêmes comportements subsisteront tant que l’on ne s’en prendra pas aux causes de la criminalité et aux lois qui criminalisent des segments minoritaires et pauvres de la société.
Cela dit, d’autres raisons existent qui découlent de la nature de la présence policière dans les écoles.
Les membres des forces policières ne reçoivent qu’une formation limitée pour apprendre à interagir avec des enfants. Leur formation se concentre d’abord et avant tout sur la loi telle qu’elle s’applique aux adultes.
Elle n’inclut pas la pédagogie et les stages qui caractérisent la formation du personnel enseignant, ni l’apprentissage et le mentorat en milieu de travail qui suit inévitablement.
Ainsi, les agents et agentes ne peuvent aucunement prétendre instruire les personnes d’âge mineur.
Un projet de recherche sur les services de liaison scolaire à Edmonton propose une série de mesures mieux adaptées à la réalité scolaire que la présence policière, comme :
Toutes les fonctions visées par les forces policières pourraient ainsi être véritablement remplies, avec davantage de succès, par une équipe professionnelle formée à cette fin.
Le sous-financement de l’éducation est évidemment l’obstacle principal à de telles mesures.
Ce sous-financement est d’autant plus inquiétant que les gouvernements et nombre de conseils scolaires préfèrent augmenter les budgets de la police pour répondre aux comportements créés par les problèmes sociaux que de financer les écoles adéquatement pour éviter ces comportements.
Les appels au définancement de la police visent avant tout à prévenir les problèmes sociaux plutôt qu’à prévenir ou punir les mauvais comportements.
Il s’agit d’abord et avant tout de reconnaitre que la police n’est pas adéquatement formée pour accomplir la plupart des tâches qu’on lui assigne. Un transfert des fonds permettant la présence policière dans les écoles vers les écoles elles-mêmes serait un bon début.
Un financement adéquat des écoles et un élargissement des programmes qui y sont offerts, comme l’accès à la psychothérapie ou au conseil psychologique ainsi qu’à des repas gratuits, permettraient de se défaire de la logique disciplinaire et carcérale pour que les écoles puissent bien accomplir leur mandat.
Mieux encore, les milieux scolaires pourraient alors créer des mécanismes qui enseignent véritablement la coexistence et la responsabilité aux enfants.
Jérôme Melançon est professeur en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).