Dans son roman Le baiser de Nanabush, traduction de Motorcycles & Sweetgrass publiée chez Prise de parole, Drew Hayden Taylor promet d’emblée qu’il nous racontera toute une histoire. Et il tient merveilleusement parole.
Drew Hayden Taylor est un auteur prolifique avec des racines ojibwées; il a écrit autant de la fiction que des chroniques et des essais. Avec Le baiser de Nanabush, qui a d’ailleurs représenté la littérature autochtone au Combat des livres de Radio-Canada en 2023, il se hisse au niveau des grands conteurs.
Dans le premier chapitre, on découvre une jeune Anishinabe de la réserve de Lac-aux-Loutres qui nage avec un copain. On sent tout de suite une grande attirance entre les deux, mais on sent aussi que ce copain n’est pas un être ordinaire. Et il y a un problème. La jeune femme a décidé de poursuivre ses études dans un pensionnat autochtone.
Au pensionnat, on l’affublera d’un nouveau nom chrétien, Liliane, et pendant les deux ans qu’elle passera dans cet établissement, elle sera témoin des maltraitances subies par ses copensionnaires. Toute sa vie, elle restera cependant la dévote Liliane qui mêle ses croyances chrétiennes et autochtones.
L’intrigue commence vraiment 80 ans plus tard. Sur son lit de mort, Liliane convoque son ancien copain. Il réapparait sous les traits d’un beau jeune motocycliste qui sèmera la pagaille dans sa famille et dans la réserve. Surtout auprès des femmes.
La fille de Liliane, Maggie, est cheffe de la Nation de Lac-aux-Loutres. Elle tente de régler un différend territorial avec la communauté blanche avoisinante, a un fils qui aime faire l’école buissonnière, un frère ermite qui vit sur une ile et un conjoint décédé depuis quelques années.
Maggie est stressée. L’arrivée de John chamboulera sa vie et celle de sa famille.
Au fil de l’intrigue, on apprendra qui est vraiment celui qui se fait appeler John, mais dont le nom de famille change en fonction de chaque interlocuteur.
Dans ce livre, Drew Hayden Taylor réussit à faire se côtoyer la vie moderne dans une réserve autochtone et les traditions et la mythologie de ses habitants. Tout ça dans un roman haletant qui mêle surnaturel, séduction, amour, chicane territoriale, combat épique et même une bataille avec des ratons laveurs.
Du plaisir pour tous!
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Les deux prochains livres sortent de la plume de Tomson Highway, un Cri du nord du Manitoba qui a connu une carrière internationale de pianiste ainsi que de dramaturge et de romancier renommé.
Le premier livre, Le baiser de la Reine blanche (trad. de Kiss of the Fur Queen), est un roman et le deuxième, Éternel émerveillement : Grandir au pays de la neige et du ciel infini (trad. de Permanent Astonishment: Growing Up Cree in the Land of Snow and Sky), une autobiographie.
Les deux ouvrages racontent la vie de deux jeunes garçons cris qui grandissent pendant cinq ans au sein de leur famille de chasseurs/pêcheurs avant d’être envoyés dans un pensionnat autochtone.
Dans Le baiser de la Reine blanche, l’auteur se permet plus de fantaisie. D’ailleurs, il écrit : «l’histoire […] au fil des années, devenait de plus en plus incroyable, exagérée, selon la manière des Cris de raconter des histoires, de fabriquer des mythes.»
Le roman commence par une scène emblématique du Grand Nord : une course de traineau à chiens. Après trois jours et 150 miles (240 km), Abraham Okimasis et ses chiens sont complètement épuisés. Un mile avant l’arrivée, il a la vision d’une Dame blanche qui le soutiendra et lui fera gagner la course.
Au fil d’arrivée, Abraham, complètement dans les vapes, verra même un fœtus surgir du diadème de la Dame blanche. La femme d’Abraham accouchera de son fils ce même jour.
L’auteur nous fait vivre la naissance de ce fils ainsi que de son jeune frère trois ans plus tard. Le roman décrit le parcours des deux petits garçons qui accompagnent leur famille à la chasse et la pêche dans le Grand Nord. Jusqu’à leur départ au pensionnat.
Ils reviendront au village pendant les vacances d’été, mais leur vie ne sera plus jamais pareille.
Dans cette école, on tente de leur interdire leur langue, on leur inculque la chrétienté à coups de règles sur les doigts et on les agresse sexuellement. Mais la Reine blanche veille sur eux, et ils s’en sortiront grâce à la musique. L’ainé des garçons deviendra pianiste et le cadet, danseur.
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En lisant Éternel émerveillement, ouvrage publié 15 ans après la version originale du Baiser de la Reine blanche, on comprend que tout ce que Tomson Highway avait décrit dans son roman était fondé sur sa réalité.
Dans cette autobiographie, il délaisse le surnaturel et nous raconte sa naissance dans un banc de neige, la vie familiale dans un village autochtone près de la frontière du Manitoba et des Territoires du Nord-Ouest (aujourd’hui le Nunavut) et, bien sûr, ses années dans un pensionnat autochtone.
À tous égards, la vie dans ce livre est difficile, mais ce qui en ressort, c’est justement l’éternel émerveillement de Tomson Highway devant la vie.
Il nous raconte la vie du village avec humour, il nous amène dans des parties de pêche et de chasse trépidantes, et il passe rapidement sur les exactions subies au pensionnat. Il nous fait plutôt vivre son amour de sa famille, sa fierté envers son peuple et, surtout, sa passion pour la musique.
Ces deux livres racontent en somme la même histoire, mais il est intéressant de les lire tous les deux pour comprendre la relation entre la réalité et le romanesque.
Réjean Grenier a travaillé dans les médias pendant 47 ans, comme journaliste, rédacteur principal à Radio-Canada/CBC, éditeur et propriétaire d’un journal et d’un magazine, et éditorialiste. Il a présenté une chronique littéraire sur les ondes de Radio-Canada pendant cinq saisons. Il est un avide lecteur depuis l’âge de 12 ans. Il a grandi dans un petit village du Nord de l’Ontario où il n’y avait pas de librairie, mais il a rapidement appris où commander des livres. Son type d’ouvrage préféré est le roman puisqu’«on ne trouve la vérité que dans l’imaginaire».
Depuis que ces initiatives ont été annoncées, les commentaires négatifs fusent de toutes parts. On dénonce une manœuvre électoraliste indécente, injuste et improvisée qui ne cible pas les bonnes personnes.
Les personnes qui n’ont pas travaillé en 2023, comme les personnes retraitées, et celles qui n’achèteront pas de produits visés par le congé de taxe ne bénéficieront pas de la «pause de la TPS» (taxe sur les produits et services), qui sera en vigueur du 14 décembre 2024 au 15 février 2025.
Par contre, les personnes qui gagnent un bon revenu profiteront de cette pause et recevront aussi, pour la plupart, le chèque promis.
Plusieurs se demandent s’il est pertinent d’envoyer un chèque à des personnes bien nanties. Le montant maximal de 150 000 $ – après impôts – fait sourciller bien des gens. Pourquoi n’est-il pas de 100 000 $ par exemple?
Environ 1,6 million de personnes ayant un emploi gagnent entre 100 000 et 150 000 $ par année au Canada. Le gouvernement économiserait ainsi un demi-milliard de dollars.
Enfin, cette décision est annoncée tardivement, alors que le temps des Fêtes est à nos portes. Les entreprises auront-elles le temps de s’ajuster d’ici l’entrée en vigueur du congé de TPS? Les personnes qui aiment les décorations de Noël pourront-elles attendre jusqu’au 14 décembre pour acheter leur sapin?
Malgré tous ces reproches, on ne sent pas une révolte de fond au sein de la population.
Le temps des fêtes est toujours une des périodes de l’année difficile financièrement pour plusieurs personnes.
Si la question du cout de la vie est réellement préoccupante pour bien des gens, ce que les sondages semblent indiquer, l’annonce serait le coup de pouce financier tant attendu de la part de ce gouvernement.
En octobre, le premier ministre conservateur de l’Ontario, Doug Ford, annonçait qu’il prolongeait la réduction de la taxe provinciale sur l’essence et qu’il enverrait un chèque de 200 $ à tous les Ontariens et Ontariennes, peu importe leur âge, leur situation d’emploi et leurs revenus.
Si vous voulez profiter du congé de TPS pour acheter votre sapin de Noël, il faudra attendre jusqu’au 14 décembre.
Le premier ministre du Québec, François Legault, relativement centriste, a lui aussi remis des chèques de 200 $ (ou 275 $ pour les personnes seules), comme il l’avait promis en 2021. En Saskatchewan, le premier ministre Scott Moe a envoyé des chèques de 500 $ en 2022. Les deux premiers ministres seront éventuellement réélus. Notons aussi la réduction de la taxe sur les carburants en Alberta et au Manitoba.
Est-il surprenant de voir des gouvernements d’idéologie différente proposer des mesures fiscales similaires? À première vue, oui.
Les partis de droite préfèrent des États qui n’interviennent pas beaucoup dans la vie de tous les jours et, donc, qui taxent peu. En revanche, les partis plus à gauche mettent l’accent sur des services publics généreux, ce qui requiert de percevoir plus de revenus auprès des contribuables.
De voir des chefs conservateurs, comme Pierre Poilievre ou Doug Ford, vouloir réduire les taxes et impôts n’est donc pas surprenant. Ce qui l’est plus, c’est d’observer un comportement similaire de la part de Justin Trudeau et de Jagmeet Singh.
Effectivement, étant minoritaires à la Chambre des Communes, les libéraux ont besoin du soutien d’au moins un autre parti pour que leurs initiatives puissent être adoptées. Le Nouveau Parti démocratique semble plus qu’heureux d’appuyer les deux mesures fiscales que viennent d’annoncer les libéraux.
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Si nous avions atteint un seuil d’imposition trop élevé, nous comprendrions pourquoi les partis politiques, peu importe leur idéologie, appuient l’idée de réduire la charge fiscale des contribuables canadiens.
Mais les données nous montrent que ce n’est pas le cas. La population canadienne n’est ni la plus taxée ni la moins taxée de la planète.
Si on compare le Canada à l’ensemble des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) par exemple, on constate que notre fardeau fiscal correspond à la moyenne de celui des contribuables des autres pays.
Par contre, il existe très certainement une méfiance envers les impôts et les taxes depuis très longtemps au pays. À un point tel que même le Parti libéral du Canada a refusé la plupart du temps d’augmenter les impôts lorsqu’il était au pouvoir. Même s’il créait de nouveaux programmes sociaux.
Toutefois, cette méfiance envers les impôts et les taxes a été remise en question par Justin Trudeau lui-même. Lors de la campagne électorale de 2015, il promettait de baisser les impôts de la classe moyenne, mais d’augmenter ceux des mieux nantis. Une promesse qu’il a rapidement concrétisée.
Cette décision a été importante, car elle a attiré l’attention sur la question de la redistribution du fardeau fiscal. En d’autres termes, il faut se demander qui doit financer les services publics. À l’époque, le premier ministre laissait entendre que si on veut s’offrir des programmes publics, il faut réfléchir à leur financement.
Malheureusement, ce message n’a été que de très courte durée. Par la suite, surtout depuis le départ de son ministre des Finances Bill Morneau, le gouvernement libéral s’est lancé dans la création de grands programmes (soins dentaires, assurance médicaments, construction de logements sociaux, etc.) sans aborder la question de leur financement.
Il y a bien eu quelques tentatives timides, comme l’augmentation du taux d’imposition sur le gain de capital, annoncée dans le dernier budget libéral, mais le gouvernement fédéral ne les présente jamais avec grandes convictions.
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L’annonce du congé de TPS et l’envoi de chèques offrent une réponse. C’est tout simplement parce que les gens préfèrent les baisses d’impôts et les congés de taxes plutôt que d’amorcer une véritable discussion collective sur le financement des services publics.
Je ne vois pas d’autres raisons qui expliqueraient l’unanimité des différents partis à applaudir les cadeaux fiscaux, même si cela met à mal la viabilité financière de nos services publics.
Ainsi, avant de reprocher aux gouvernements leurs comportements électoralistes, demandons-nous pourquoi ils pensent que cette stratégie est payante politiquement.
Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.
La Cour suprême du Canada refuse de traduire des milliers de jugements.
Elle a rendu près de 6000 jugements dans une seule langue avant 1970, soit avant l’entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles. On peut raisonnablement supposer que la très grande majorité de ces documents ont uniquement été rédigés en anglais.
La Loi sur les langues officielles stipule que les tribunaux ainsi que tous les autres organismes judiciaires ou quasi judiciaires créés par le Parlement canadien ont l’obligation de rendre leurs jugements simultanément dans les deux langues officielles.
La seule exception à cette règle est si la production des documents dans les deux langues officielles entrainait des délais préjudiciables à l’intérêt public. Les documents traduits devront cependant être fournis dans des délais raisonnables.
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Ce n’est pourtant pas l’urgence de la situation ni le délai requis (le commissaire aux langues officielles a demandé que ces documents soient traduits en 18 mois) qui sont invoqués par le juge en chef de la Cour suprême pour son refus.
Le juge Richard Wagner affirme plutôt que la Cour ne dispose tout simplement pas des ressources – financières et humaines – nécessaires pour se lancer dans ce long travail de traduction.
Pourtant, l’argument financier a été écarté du revers de la main par la même Cour suprême dans la célèbre cause concernant la constitutionnalité linguistique des lois manitobaines.
Rappelons qu’en 1985, la Cour suprême a déclaré que toutes les lois du Manitoba adoptées entre 1890 et 1979 étaient inconstitutionnelles, car elles avaient été rédigées en anglais seulement. La Cour donnait 18 mois à la province pour faire la traduction de toutes ses lois.
La province y est arrivée et, aujourd’hui, toutes les lois du Manitoba sont dans les deux langues officielles et ont la même valeur juridique.
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Dans le cas qui concerne la traduction des décisions de la Cour suprême, c’est le commissaire aux langues officielles du Canada qui a statué que la Cour contrevient à la Loi sur les langues officielles en ne publiant pas tous ses jugements en français et en anglais sur son site Internet.
Vous aurez peut-être relevé une subtilité dans les propos du commissaire. Ce dernier n’exige pas que tous les jugements soient traduits, mais bien que tous les documents affichés dans le site Internet de la Cour suprême le soient dans les deux langues officielles.
Si les documents ne sont pas mis à la disposition du public, alors il n’est pas nécessaire de les avoir dans les deux langues officielles.
La Cour a bien saisi cette nuance et a agi en conséquence. Ainsi, depuis le vendredi 8 novembre, les jugements d’avant 1970 ne sont plus affichés dans le site Web de la Cour suprême.
Dans un communiqué, le Bureau du registraire de la Cour suprême du Canada promet cependant de faire la traduction des jugements les plus importants et de les publier dans le site Internet de la Cour. Ce ne sera donc pas tous les jugements qui reviendront en ligne.
La Cour prend aussi bien soin d’indiquer que les versions traduites n’auront pas un «caractère officiel», puisque les juges qui ont rendu ces jugements ne sont plus là pour valider l’exactitude de la traduction.
Premièrement, on voit bien que le commissaire aux langues officielles a encore des pouvoirs limités. Ainsi, il ne peut pas exiger la production de tous les documents de la Cour suprême dans les deux langues officielles. Il peut seulement viser les documents mis à la disposition du public, par l’entremise d’un site Internet, par exemple.
Il est vrai que la modernisation de la Loi sur les langues officielles, adoptée en 2023, a donné plus de pouvoirs au commissaire, mais on constate que ces pouvoirs sont encore limités dans bien des cas. Ce n’est qu’en invoquant une disposition relative à «l’accès du public aux documents» que le commissaire peut rappeler la Cour à l’ordre.
Pourtant, n’est-il pas dans l’intérêt public que tous les jugements de la Cour soient accessibles dans les deux langues officielles, qu’ils soient ou non affichés en ligne? Les droits d’une communauté linguistique sont-ils moindres que ceux de l’autre? Pensons aussi aux juristes, aux chercheurs, aux étudiants qui doivent travailler avec ces documents.
Deuxièmement, la décision de la Cour de ne pas vouloir entreprendre le travail nécessaire pour que les jugements produits dans les deux langues soient d’égale valeur juridique ne se justifie tout simplement pas.
Encore une fois, rappelons le cas du Manitoba : les versions anglaise et française de toutes ses lois ont la même valeur. Pourquoi cela ne serait-il pas possible pour les jugements fédéraux?
Dans le même ordre d’idée, faut-il encore rappeler que la Constitution canadienne n’a toujours pas de version française officielle? Faut-il donc conclure sur la base des récentes déclarations de la Cour qu’il sera impossible d’en avoir une? Bien sûr que non.
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Troisièmement, l’attitude plus que nonchalante de la Cour suprême à l’égard du français n’est malheureusement pas un cas isolé.
Tant la Commission sur l’ingérence étrangère présidée par la juge Marie-Josée Hogue que la Commission sur l’état d’urgence présidée par le juge Paul Rouleau en 2023 ont été rappelées à l’ordre par le commissaire aux langues officielles pour les mêmes motifs.
Dans les deux cas, la décision de ne pas traduire tous les documents publiés par les commissions a été justifiée par le manque de ressources financières.
Par leur décision, la Cour suprême et les deux commissions d’enquête appuient le sentiment que le bilinguisme coute trop cher. Ce n’est certainement pas avec une telle attitude que l’on peut se présenter comme défenseur des droits linguistiques des groupes minoritaires.
Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.
Matt Boudreau est l’une des voix de plus en plus familières de l’Acadie. Membre de la formation Baie, musicien pour plusieurs artistes, l’auteur-compositeur-interprète, natif de Petit-Rocher comme Denis Richard, nous proposait à la fin septembre son 4e disque solo : Yellow Mellow.
Pochette de l’album Yellow Mellow.
Toujours avec ce son pop-rock qui démarque le musicien, l’album nous captive par une fraicheur hors du commun. Les arrangements sont des moments magiques, qui nous séduisent chaque seconde. Le tout compose un mélange fluide de claviers et de guitares qui donne ce son si particulier, propre à l’artiste, dont le timbre de voix reste enveloppant, texte après texte.
Tout au long de l’album, l’Acadien nous parle d’amour, d’évasion et de prendre le temps de vivre. On découvre de vrais petits bijoux. Dès Supernova la séduction opère. Sur les plages Chérie, Tes dents sont belles et Cerf-volant les chœurs de Maude Sonier ajoutent un peu de tendresse.
Parlant de tendresse, Matt Boudreau termine l’album avec une prestation guitare-voix sur la belle petite chanson Lou.
L’auteur-compositeur-interprète Brian St-Pierre nous présentait à la fin septembre un 7e opus solo, Malgré tout, où l’on retrouve encore toute la magie de l’artiste. Il y a une trentaine d’années, le Franco-Ontarien épatait la galerie avec ses compositions pour le groupe Vice-Versa.
Pochette de l’album Malgré tout.
Du pop rock accrocheur à la ballade folk profonde, nous sommes à nouveau séduits par la puissance des mélodies. Chaque texte est accompagné d’un univers musical juste, qui interpelle sur des sujets aussi bien légers que profonds.
Avec toi je vole et Je te vois sont deux superbes textes sur la source de son inspiration. Te souviens-tu de moi et Coule le temps abordent la question du temps et des souvenirs.
Les yeux pleins d’eau est l’une des deux pièces maitresses du disque. Il s’agit d’une ballade aux sonorités des années 1950, qui rend un superbe hommage à une personne chère.
Il y a enfin la pièce-titre Malgré tout, un puissant arrangement piano-voix, supporté par un quatuor à corde qui saura vous soutirer une larme.
Malgré les années, malgré la pop moderne, l’artiste franco-ontarien sort du lot et nous offre de magnifiques mélodies, accompagnées de textes remplis de vérité. Cette voix réconfortante demeure une inspiration pour toute la communauté francophone de l’Ontario.
Vincent Bishop, natif de Vancouver mais franco-ontarien d’adoption, nous proposait, en 2022, un premier album francophone au tempo endiablé : L’amour serait bienvenu, un bouquet de mélodies accrocheuses aux rythmes folkloriques.
Se basant sur des structures de musiques folkloriques et chansons à répondre, Vincent Bishop propose des trames accrocheuses bien construites, accompagnées d’excellents textes, livrés avec une énergie contagieuse.
Pochette de l’album L’amour serait bienvenu.
Les thèmes de prédilection de l’auteur sont l’amour, les relations humaines et le courage. Il laisse souvent transparaitre une charmante touche d’humour.
Tout au long de son 3e opus, Vincent Bishop nous offre plusieurs vers d’oreille irrésistibles. Le premier en tête de liste est Dans l’air pur et clair. L’une des versions de cet extrait est presque à capella, avec seulement une petite trame de percussion.
Dansons la corona est un petit velours humoristique qui nous fait du bien, tout comme La vision 20/20. Je dois dire bravo à Vincent Bishop pour une autre version tellement rafraichissante de Mille après mille.
La pièce maitresse de l’album est selon moi Plus que tout. Elle se démarque non seulement par son style musical, mais aussi par la profondeur du texte et de la mélodie.
Il s’agit donc d’un opus francophone rafraichissant fort réussi, livré avec une énergie contagieuse. Vincent Bishop se permet quelques à-côtés qui viennent démontrer une facette plus profonde de l’auteur-compositeur-interprète.
Rappelons que cette élection partielle avait été provoquée par le départ de Carolyn Bennett en décembre 2023. Ministre du gouvernement Trudeau depuis l’élection de 2015, députée de la circonscription depuis 1997, elle avait perdu son portefeuille lors du remaniement ministériel d’aout 2023 après avoir annoncé qu’elle ne se représenterait pas aux prochaines élections.
Carolyn Bennett n’a jamais eu de grandes difficultés à se faire élire dans sa circonscription, obtenant plus de 50 % des voix à chaque élection, sauf en 2021 où elle a récolté… 49 % des voix.
Au lendemain de la surprenante victoire du candidat conservateur dans Toronto–St. Paul’s cet été, plusieurs députés, surtout de la région de Toronto, ont demandé à Justin Trudeau de convoquer une réunion d’urgence.
On venait tout juste d’ajourner les travaux de la Chambre des communes pour l’été et tous les députés s’en retournaient dans leur circonscription pour plusieurs semaines.
Pour bon nombre de députés libéraux, il était néanmoins important d’analyser cette défaite, voire de préparer une nouvelle stratégie pour convaincre les électeurs d’appuyer le Parti libéral.
Une lettre signée par neuf députés sera même envoyée à Justin Trudeau demandant une telle rencontre. Mais le premier ministre jugera plus utile de discuter de la défaite dans Toronto–St. Paul’s avec ses ministres plutôt qu’avec ses députés.
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Les résultats dans Toronto–St. Paul’s étaient-ils vraiment une surprise?
Depuis des mois, les sondages indiquaient, les uns après les autres, que le gouvernement libéral était en chute libre dans les intentions de vote. Mais on ne pensait pas vraiment, du moins chez les libéraux, que cette baisse pourrait toucher des circonscriptions facilement gagnées par les candidats libéraux dans le passé.
Les résultats de l’élection partielle de Toronto–St. Paul’s en ont donc surpris plusieurs : les comtés jugés impossibles à perdre pour les libéraux, notamment dans les milieux urbains, ne le sont plus.
Ce n’est pas la première fois que les libéraux sont surpris. Ils l’ont été lors de l’élection générale de 2019, lorsqu’ils n’ont pas réussi à conserver leur majorité au Parlement. Ils avaient alors fortement sous-estimé la capacité du Bloc à séduire les Québécois.
Ils ont encore été surpris avec les résultats électoraux de 2021, malgré leur gestion de la crise sanitaire qu’avait approuvée une majorité de Canadiens. Mais les électeurs leur ont reproché d’avoir déclenché hâtivement des élections dont personne ne voulait.
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Devant autant d’étonnement de leur part, on peut se demander si les instances du Parti libéral saisissent bien ce qui se passe sur le terrain.
Pour tout parti politique, il existe une tension inévitable entre le premier ministre et les députés.
Dans notre système politique, les gouvernements sont formés sur la base du nombre de députés qu’un parti peut faire élire. Ce sont aussi les députés qui font fonctionner nos institutions démocratiques, qui adoptent les projets de loi, qui posent des questions à la Chambre et qui représentent les intérêts de leur électorat.
Dans les faits cependant, le réel pouvoir se concentre autour du chef de parti. C’est la personnalité de ce chef, ses idées, ses ressources qui mènent ou non à la victoire aux élections.
On le comprend vite, chacun a besoin de l’autre : le premier ministre a besoin de l’appui de ses députés et surtout de leur connaissance du terrain alors que les députés tirent avantage des ressources et de la notoriété de leur chef.
On peut se demander si Justin Trudeau a bien compris l’aide que peuvent lui apporter ses députés.
Et si Justin Trudeau avait accepté de rencontrer ses députés à la fin juin, tout juste après la défaite dans Toronto–St. Paul’s?
S’il avait rencontré son caucus plus tôt, les choses se seraient fort probablement passées autrement. Il n’y aurait pas eu d’appel formel à sa démission quelques mois plus tard, car Justin Trudeau aurait pu rassurer ses députés à propos de la stratégie envisagée par ses conseillers pour remonter dans les sondages.
Le chef libéral aurait pu aussi unir davantage ses troupes en démontrant qu’il partage le même objectif qu’eux, c’est-à-dire gagner les prochaines élections fédérales.
Et il n’aurait certainement pas donné des munitions au chef conservateur Pierre Poilievre, qui clame maintenant haut et fort que les gens ne font plus confiance à Justin Trudeau, même chez ses propres députés.
En examinant comment le premier ministre a géré la défaite dans Toronto–St. Paul’s – qui, au passage, laissait présager la défaite dans LaSalle–Émard–Verdun, au Québec, quelques semaines plus tard –, on ne peut s’empêcher de penser que Justin Trudeau est l’artisan de son propre malheur.
Il aurait dû manifester une plus grande écoute envers les préoccupations légitimes de ses députés.
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La semaine dernière, plusieurs sources indiquaient l’existence d’une lettre signée par 24 députés libéraux qui demandait que le premier ministre prenne quelques jours pour réfléchir sérieusement à son avenir au sein du parti. Des discussions franches ont aussi eu lieu lors de la réunion du caucus.
En moins de 24 heures, le premier ministre a répondu qu’il entendait rester à la tête de son parti.
Plusieurs députés seront très certainement déçus de cette réponse. Pas forcément parce qu’ils espéraient qu’il démissionne, mais parce que le premier ministre n’a même pas daigné prendre les quelques jours qu’on lui offrait pour réfléchir à son avenir et à celui de son parti.
Encore une fois, le premier ministre n’a pas jugé bon de tenir compte des préoccupations de ces députés. Il pourrait éventuellement le regretter, car le temps qu’il doit passer à gérer les crises internes de son parti l’éloigne d’autres dossiers qui sont tous aussi importants et urgents.
Supposons qu’un politicien fasse une déclaration qui, disons, étire la vérité. Une partie de la population se demandera pourquoi personne ne dénonce ce mensonge flagrant. L’autre partie, elle, défendra le politicien.
Cette généralisation est un exemple parfait d’un biais de confirmation. Il s’agit de la tendance qu’a notre cerveau à chercher, à interpréter et à se rappeler les informations qui confirment – et confortent – notre vision du monde tout en rejetant celles qui la contredisent.
Ainsi, un mensonge a beau être irrationnel pour une partie de la population, s’il permet à une autre partie de dire «Ah ah! Je le savais», il sera accepté comme étant une vérité par cette dernière.
Le biais de confirmation n’est pas le seul des biais cognitifs qui nous empêche de naviguer objectivement l’océan d’informations dans lequel baigne le monde moderne. Il est cependant la source de beaucoup de tensions dans les publications sur les réseaux sociaux.
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Pour fonctionner et survivre, l’être humain a dû développer la capacité de prendre des décisions rapidement. Les expériences antérieures et les connaissances acquises sont devenues essentielles à une prise de décision efficace.
Dans un monde stable et cohérent, il n’est pas nécessaire de tout remettre en question lorsque vient le temps de prendre une décision. D’où l’utilité du biais de confirmation. Il permet aussi de garder une certaine cohésion sociale dans des petits groupes.
Par contre, ce monde stable et cohérent n’existe (presque) plus. La vie dans une société composée de millions de personnes n’a rien à voir avec la vie des groupes nomades ou des petites cités-États. Les relations et les interactions entre tous les citoyens sont vertigineusement plus complexes.
Mais le biais de confirmation reste bien implanté. Notre subconscient a pris l’habitude de seulement prendre en compte notre point de vue, nos besoins, notre façon de voir le monde afin de pouvoir réagir rapidement.
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Les réseaux sociaux exploitent majestueusement bien notre biais de confirmation. Les algorithmes sont programmés pour nous présenter des informations de même nature que les précédentes dans le but de nous rendre accros et d’agir sur notre dopamine.
Très rapidement, l’internaute crée une bulle qui laisse entrer très peu ou pas de points de vue divergents au sien.
Celles et ceux qui ne prennent pas l’habitude d’aller voir ailleurs, de mettre leurs croyances à l’épreuve, se creusent une tranchée de plus en plus profonde d’où il peut être difficile de sortir.
Plus nos convictions sont fortes, plus il est ardu d’accepter les faits qui les contredisent.
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Les médias font en ce moment les frais des biais de confirmation.
Les données du Digital News Report 2024 soulignent que seulement 46 % des francophones – et à peine 39 % de l’ensemble de la population canadienne – font encore confiance aux médias. Une baisse importante en quelques années seulement, puisque le taux de confiance général s’élevait à 55 % en 2016.
La lecture des médias traditionnels a été remplacée chez certaines personnes par la consultation de sites Web et de vidéos qui présentent plus d’opinions que de faits. Les bulles se sont souvent construites autour de préjugés, de demi-vérités et de mensonges.
Il faut donc mener une lutte consciente contre notre biais de confirmation. Pour y arriver, il faut commencer par consulter des médias variés qui permettent d’obtenir plusieurs points de vue crédibles sur un enjeu.
Mais ce n’est pas suffisant. Il faut aussi garder un degré de scepticisme équivalent pour toutes les informations que l’on reçoit.
Le scepticisme à géométrie variable est très présent dans les cercles conspirationnistes. Les adeptes remettent en question toutes les déclarations des sources officielles, sans nécessairement chercher à analyser la véracité ou les intentions des sources qui confortent leurs croyances ou des messages à l’origine des théories du complot.
Si vous pensez avoir une intelligence supérieure à la moyenne et ainsi être à l’abri du biais de confirmation, détrompez-vous.
Une recherche a montré que les personnes qui ont une plus grande capacité de raisonnement s’en servent souvent pour dénicher les informations étayant leur conception du monde et pour rationaliser le rejet de tout ce qui ne fonctionne pas à leur avantage.
À vous de montrer que vous n’êtes pas à la merci de vos instincts.