Vous avez probablement croisé les expressions «summer body», «objectif bikini» ou «body goal» sur les réseaux sociaux ou dans vos magazines préférés à l’approche de l’été. Même si la société évolue, les injonctions persistent.
En 2015, une campagne publicitaire dans le métro londonien demandait : «Are you beach body ready?». Bien entendu, il n’était pas question de posséder un maillot de bain, ce que l’on pourrait penser la seule condition plus ou moins nécessaire pour se rendre à la plage, mais bien d’être suffisamment svelte.
Quand on parle de «summer body», il est évident que l’on parle de minceur. La grossophobie est omniprésente. Les personnes en surpoids se retrouvent stigmatisées, renvoyées à l’idée qu’elles manquent de volonté.
Mais ce n’est pas tout. Les normes estivales excluent aussi les personnes âgées et celles en situation de handicap, dont les corps sont considérés comme indésirables – tare ultime dans une société obsédée par la jeunesse et la performance.
Cette exclusion souligne l’âgisme et le capacitisme, des formes de discrimination qui jugent les individus uniquement sur leur apparence et leur conformité à des standards irréalistes.
En conséquence, ces personnes sont souvent marginalisées et invisibilisées, ce qui renforce leur sentiment d’inadéquation et de rejet dans des espaces censés être inclusifs et accessibles à tous et toutes.
Patriarcat et capitalisme
Les injonctions sur le «summer body» s’inscrivent dans une volonté plus large du patriarcat de maintenir les femmes dans une position d’objet. En imposant des standards de beauté inatteignables et en critiquant constamment leur apparence, la société perpétue un contrôle sur ces dernières.
Les normes esthétiques servent à détourner l’attention des femmes de leurs ambitions personnelles et professionnelles, les maintenant focalisées sur leur apparence physique.
La société préfère les femmes préoccupées par leur poids plutôt que par leurs droits
Mais il y a une autre force à l’œuvre : le capitalisme. Ce système économique encourage constamment à consommer plus, en exploitant nos insécurités. Les industries de la mode, des cosmétiques et de la nutrition prospèrent en vendant des produits et des régimes censés nous aider à atteindre ce «summer body» idéalisé.
L’objectif? Nous faire dépenser toujours plus, tout en maintenant une pression constante pour améliorer notre apparence. Cette pression de la consommation perpétue ainsi le cycle de l’insatisfaction et de l’achat compulsif.
Paradoxalement, les femmes ne sont pas seulement jugées pour montrer leur corps, mais aussi pour se couvrir. Les critiques s’abattent sur celles qui choisissent de porter des vêtements couvrants à la plage, souvent perçues comme déviant des normes de liberté corporelle attendue en été.
Une amie qui préfère porter des tenues modestes pour des raisons personnelles a souvent fait face à des remarques désobligeantes. Elle m’a dit un jour : «Je ne suis jamais assez. Si je montre trop, je suis jugée. Si je ne montre pas assez, je suis aussi jugée.»
Rejetons les normes imposées et les modèles irréalistes. Toutes les formes sont belles.
Une plage pour tout le monde
Le «summer body» est une construction sociale oppressive. Plutôt que de céder à cette tyrannie, acceptons la diversité des corps et rejetons les normes imposées. La plage est là pour tout le monde, que l’on porte des tailles petites ou X, que l’on ait des vergetures, de la cellulite, un fauteuil roulant ou des cicatrices.
Cet été, au lieu de préparer nos corps pour la plage, préparons nos cerveaux et nos cœurs pour la révolte, l’amour et la bienveillance. Et mettons quelques grains de sable dans les rouages du patriarcat!
L’imaginaire du progrès nous aide à nous cacher les répercussions de nos modes de production et de consommation actuels. À tout problème existerait une solution technologique.
Mais même les voitures électriques et l’énergie solaire ou éolienne causent des problèmes environnementaux. Même si ces technologies sont plus durables et beaucoup moins destructrices que celles qui dépendent des énergies fossiles, leur durabilité demeure aussi limitée et leur impact environnemental n’est pas négligeable.
À lire : Le progrès, contre une meilleure vie?
Nous devons ainsi reconnaitre que les activités économiques humaines ont leurs limites, qu’elles dépendent de ce que la planète offre ou de la destruction qu’elle peut endurer.
Au-delà du dérèglement climatique, l’activité humaine amène de grands changements à l’équilibre des environnements où elle a lieu. Plusieurs de ces changements sont irréversibles. Évidemment, il s’agit de déséquilibres, et l’on peut s’attendre à ce qu’après un certain temps, nos environnements arrivent à de nouveaux équilibres.
Toutefois, ces nouveaux équilibres amèneront des environnements qui ne permettront plus les mêmes genres de vie humaine et qui, dans les cas de désertification ou de submersion des terres, pourraient ne plus permettre la vie humaine.
Et tandis que les personnes les mieux nanties dans le monde pourront se déplacer pour tenter de maintenir leur niveau de vie, il y a déjà de plus en plus de réfugiés climatiques qui ont tout perdu.
L’idée des limites planétaires nous aide à penser à de telles transformations à grande échelle des processus naturels qui ont rendu possible la vie ainsi que les existences humaines telles que nous les connaissons.
Le changement climatique n’est que l’une des neuf limites planétaires, selon le nombre établi par différentes sources. Les autres sont :
Or, la plupart des neuf limites planétaires ont été atteintes.
La température a déjà augmenté considérablement. La diversité de la flore et de la faune décroit chaque année. Les coupes de forêts affaiblissent la part que peut jouer la végétation dans tous les autres processus. Les microplastiques et les produits chimiques ont transformé les océans et donc les environnements des espèces marines, ainsi que tout ce qui peut servir de nourriture. Et nombre de sols ont été asséchés ou inondés.
Différents rapports avancent que six ou sept des limites ont été dépassées. Peu importe le nombre exact de limites, il règne toutefois un consensus : il existe des limites, et ces limites sont dépassées ou en voie de dépassement.
Cela signifie que la Terre, prise comme un système, est en déséquilibre et que les conditions pour toutes les formes de vie ne sont plus les mêmes. Autrement dit, la catastrophe a déjà lieu, et la vie dans toutes ses formes n’est plus la même.
Les mesures prises pour protéger la couche d’ozone montrent qu’une concertation internationale et un engagement citoyen peuvent avoir un effet positif sur certaines des conséquences de notre régime actuel de production et de consommation.
Même si le temps presse pour agir, il faut cependant noter qu’il est déjà trop tard pour deux des processus, qui ont maintenant atteint un stade irréversible.
Toutefois, ce n’est pas la présence humaine en elle-même qui pose problème, mais bien les activités polluantes et destructrices qui accompagnent nos manières actuelles de vivre et d’établir un rapport à ce que nous nommons les «ressources naturelles».
Le constat est le même si l’on parle en termes économiques plutôt qu’écologiques.
Parler des limites à la croissance, c’est se concentrer sur les activités humaines qui causent de telles transformations aux environnements : l’industrialisation (et la manière dont elle a lieu); la production alimentaire (et ses effets directs sur l’environnement); l’utilisation des ressources naturelles (et la perspective de leur épuisement); ainsi que la pollution (vue comme un choix délibéré).
Chacune de ces dynamiques a une influence sur les autres.
Ces idées proviennent du rapport du Club de Rome, qui a désormais plus de 50 ans, mais qui a récemment été mis à jour. Il existe de nombreuses critiques sur son approche, dont plusieurs sont fondées.
Toutefois, le constat demeure le même aujourd’hui : il faut arrêter la croissance. Même l’idée d’une croissance dite «verte» est à rejeter, étant donné l’impact des nouvelles technologies sur les mêmes processus.
Arrêter la croissance à l’échelle planétaire, cela n’implique pas d’arrêter l’amélioration de la qualité de la vie humaine. C’est plutôt rééquilibrer la production et la consommation pour arrêter les excès ici et permettre une amélioration ailleurs.
À lire : L’écocide, au-delà du crime
Les personnes qui s’y connaissent auront remarqué que je n’ai pas inclus la croissance démographique parmi les limites à la croissance. Cette décision découle d’un problème central du Rapport du Club de Rome, qui, par son racisme, voit la croissance démographique comme un problème… en Afrique et en Asie.
La limite démographique suppose ainsi une perspective eugéniste et antidémocratique, où des chercheurs et politiciens des pays du Nord décideraient de la population du reste du monde.
Notons toutefois que d’autres aspects du rapport fonctionnent contre ce racisme en proposant un rééquilibre de la consommation et de la production, et en éliminant les inégalités.
Vivre avec des limites suppose de tenir compte de notre incidence immédiate sur ce qui nous permet de vivre, mais aussi sur la vie des autres. Pour cela, nous avons besoin de deux formes complémentaires de démocratie et plus largement de participation.
Il faut d’abord des mécanismes pour permettre aux populations du monde entier de participer aux décisions liées à la production et à la consommation.
Ces décisions sont pour l’instant la chasse gardée des entreprises privées dites multinationales, mais leurs profits reviennent à des classes situées dans les endroits les moins affectés par les changements climatiques.
Il faut ensuite une participation politique accrue des populations des pays où la plus grande partie des décisions sont prises. Le fait d’adopter un mode de vie plus sobre ne suffit plus à éviter les grandes transformations à l’échelle de la planète.
Les changements au style de vie quotidien ne pèsent pas beaucoup par rapport aux conséquences des projets d’extraction de ressources naturelles qui n’amèneront des profits qu’après des dizaines d’années.
Produire et consommer selon des limites ne sera possible qu’avec des luttes sociales et une imposition de limites là où le profit et les intérêts empêcheront tout ralentissement ou changement d’orientation.
Jérôme Melançon est professeur en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).
Cette année, les Franco-Manitobains ont eu plus que la fête du Canada à célébrer. Leur amie Hélène Perreault leur a offert un beau cadeau. Le 1er juillet, l’auteure-compositrice-interprète franco-manitobaine a lancé numériquement son deuxième opus; Nuit sans sommeil.
Illustration de l’album Nuit sans sommeil.
Dès la première plage «Rebelles», elle nous offre un bouquet de mélodies, allant de la chanson française au jazz en passant par le blues et le folk. Des changements de tempos et d’orchestrations remarquables nous démontrent une belle évolution dans l’écriture musicale de la Franco-Manitobaine, originaire de Montréal.
Sa plume n’est pas en reste. Elle nous interpelle sur la fierté, les prétentieux ou encore les amours compliqués. Un moment fort du disque est la reprise de la chanson de Gérard Jean, «Histoire d’antan». Hélène Perrault en fait une version sobre, mais tout de même accrocheuse.
D’autres bonnes pièces de ce disque sont le folk Ici, sur la fierté du territoire, l’excellent air latino «Jet Lag», sur les joies du jetset, ou encore la country folk «Poussière verbale». Cette dernière chanson est l’un des meilleurs textes de l’album et porte sur les ouï-dire et les rien-dire. J’aime bien également l’air pop «Minuit moins toi», la musique est signée Hélène Perreault sur un texte magnifique du grand Claude Gauthier.
L’artiste franco-manitobaine nous offre une belle variété au niveau des arrangements et de magnifiques textes qui nous interpellent sur de nombreux sujets. Bref, il s’agit d’un nouveau rendez-vous réussi pour Hélène Perreault.
Quel plaisir de vous présenter le 2e EP d’une artiste exceptionnelle de l’est de l’Ontario. Tout ça pour moi d’Héloïse Yelle est un petit bijou très captivant lancé à la fin mai.
Illustration de l’album Tout ça pour moi.
La jeune artiste, qui baigne dans la musique depuis sa tendre enfance, possède déjà un curriculum artistique bien rempli. Avec ce microalbum, elle nous invite dans son univers de soul, de blues et de ballade.
Dès la première plage «Demande-moi pas de faire semblant», nous sommes séduits par des arrangements de cuivres solides, qui mettent en évidence la voix unique de la chanteuse. Héloïse Yelle démontre toute la puissance et la profondeur de sa voix grâce à deux pièces piano-voix remplies de tendresse.
La jeune interprète franco-ontarienne propose un à-côté plus intimiste avec les chansons «Poète du vent» et «Nos âmes tristes». Ce dernier titre est gage du talent d’une grande chanteuse. L’album se termine sur une version francophone d’un classique du chanteur R&B Bobby Hebb, «Sunny».
Tout ça pour moi est une carte de visite qui met en évidence le grand talent et la profondeur de la voix d’Héloïse Yelle : une voix énergique et puissante par moment et douce et réconfortante à d’autres.
Christine Tassan que nous avons connue comme guitariste de jazz manouche avec Les Imposteures,, nous a invités en 2020 à un Voyage intérieur avec son quintette. Il s’agissait d’un album avec de nouvelles compositions captivantes.
Illustration de l’album Voyage intérieur.
La première chanson, «Going to NYC», dans un univers plus cool jazz, met la table pour cet opus. Ça rappelle les sons de John Coltrane, Dave Brubeck et Thelonious Monk : un univers où se côtoie, énergie, nostalgie et mélancolie.
Nous avons droit à de nombreux échanges entre le piano, le saxophone et la guitare, et chacun y va de merveilleux solos de temps à autre. L’album s’écoute du début jusqu’à la fin sans effort tellement la complicité des cinq musiciens est enivrante.
La pièce la plus forte est «Frisson d’avril», un tango sur fond de mélancolie tout en douceur. «Gypsy Funk» sonne plus moderne et offre un groove des plus irrésistibles. La pièce titre, «Voyage intérieur», est exceptionnelle avec son univers profond, paisible et nostalgique. Dans le même créneau, «Pleine lune» se charge de terminer cet album tout en beauté.
Après nous avoir séduits avec son groupe Les Imposteures et cinq albums de jazz manouche, voilà que Christine Tassan dévoile une nouvelle carte. Voyage intérieur est un incontournable pour ceux qui sont à la recherche d’une oasis à la vie stressante. Tout au long du disque, nous nous laissons promener par des mélodies exceptionnellement bien fignolées.
Marc Lalonde, dit Lalonde des ondes, est chroniqueur musical depuis plus de 25 ans au sein de la francophonie musicale canadienne et animateur de l’émission radiophonique Can-Rock. Il se fait un malin plaisir de partager cette richesse dans 16 stations de radio à travers le pays chaque semaine.
Ironiquement, les médias de langue minoritaire sont peut-être mieux servis par la décision de Google d’utiliser l’exemption à la Loi sur les nouvelles en ligne. Parce que c’est le seul endroit dans la Loi où les parlementaires ont pensé aux médias des minorités linguistiques.
La Loi sur les nouvelles en ligne prévoit en effet la demande d’une exemption. L’article 11 donne le droit à un «intermédiaire de nouvelles numériques» – comme un moteur de recherche ou un réseau social – de demander une exemption à la Loi s’il respecte certaines conditions.
L’une de ces conditions stipule qu’il doit avoir conclu des accords qui «assurent qu’une partie importante des médias d’information des communautés de langue officielle en situation minoritaire en bénéficie et [que les accords] contribuent à [la] viabilité [de ces médias]». Très gentil… à moitié.
Loi sur les nouvelles en lignes
Le projet de loi C-18, devenu la Loi sur les nouvelles en ligne, contraint les entreprises qui servent d’intermédiaire entre les producteurs de contenu en ligne – comme les médias – et les lecteurs ou auditeurs à négocier des compensations financières avec les producteurs.
Afin de ne pas être assujetti à cette Loi et de ne pas devoir indemniser les médias d’information pour leur contenu, Meta bloque depuis aout 2023 les nouvelles sur Facebook et Instagram au Canada.
Pour éviter de négocier des accords d’indemnisation avec des dizaines d’entités, Google demande une exemption à la Loi et, en échange, l’entreprise remettra 100 millions de dollars à un seul groupe, qui sera ensuite responsable de redistribuer cette somme aux médias.
Labyrinthe juridique
Le critère de protection des médias de langue minoritaire figure dans le processus d’exemption qu’invoque Google – et certainement créé à la demande de l’entreprise –, mais nulle part ailleurs dans le texte de la Loi.
Puisqu’ils ne sont pas expressément mentionnés dans les critères d’admissibilité de la Loi elle-même, très peu de médias de langue minoritaire auront la possibilité de négocier une entente avec les plateformes en ligne, notamment parce qu’ils doivent répondre à un autre critère, soit celui d’employer au moins deux journalistes.
La plupart des journaux et radios communautaires en milieu minoritaire ne comptent pas deux journalistes.
Selon le Consortium des médias communautaires de langues officielles en situation minoritaire, à l’heure actuelle, 96 % des médias qu’il représente ne sont pas admissibles à une indemnisation selon la Loi. Cette proportion pourrait peut-être descendre à 85 % si l’on compte les journalistes recrutés à l’aide de l’Initiative de journalisme local (IJL).
À lire : Entente Google : les médias de langues minoritaires sur leurs gardes
Pourtant, les médias autochtones sont mentionnés explicitement dans la section sur l’admissibilité de la Loi. Ils ne sont pas tenus d’avoir deux journalistes.
Pourquoi des médias qui produisent du «contenu de nouvelles d’intérêt public qui est axé principalement sur des questions d’intérêt général et qui rend compte d’évènements actuels, y compris la couverture des institutions et processus démocratiques» dans une langue officielle en situation minoritaire n’ont-ils pas droit au même statut distinct?
Sont-ils protégés par la Loi sur les langues officielles? Le temps que la question fasse l’objet d’un débat, il sera trop tard.
En d’autres mots, si Google n’avait pas demandé d’exemption, la Loi ne forcerait pas le géant américain à discuter avec les médias francophones en milieu minoritaire, ou les entités qui les représentent, s’ils ne respectent pas tous les autres critères d’admissibilité.
Il fait noir dans le tunnel
Malgré la précision dans le processus d’exemption, les médias de langue minoritaire ne savent pas encore s’ils seront inclus dans la distribution des 100 millions de dollars de Google en raison des critères d’admissibilité.
Les médias communautaires de langue minoritaire attendent de voir s’ils auront une place au sein du Collectif canadien de journalisme (CCJ), l’organisation choisie par Google pour distribuer l’argent.
Le CCJ sera fort probablement sympathique à ces médias, puisqu’il a été créé par des petits médias et des médias communautaires.
L’admissibilité des médias de langue minoritaire à la somme promise par Google reste tout de même un mystère. Est-ce que l’obligation d’avoir deux journalistes s’applique ou non à l’exemption? C’est une exemption à la Loi après tout! Sinon, est-ce que le CCJ sera plus souple dans l’interprétation de la Loi?
Il est certain que l’argent de Google ne règlera pas tous les problèmes des médias. De fait, Patrimoine canadien s’attend à ce que les petits médias reçoivent environ 17 000 $ par journaliste. C’est loin de couvrir un salaire.
De plus, si aucun éclaircissement n’est fait dans la loi ou le règlement, les mêmes questions pourraient revenir dans cinq ans, lorsque l’entente entre Google et le CCJ viendra à échéance.
À lire : Les angles morts de l’Entente Google
Impossible aussi de savoir quels autres défis pendent au bout du nez des médias canadiens.
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications poursuit ses audiences publiques pour la création du cadre règlementaire de l’application de la Loi.
Il doit encore déterminer quels autres «intermédiaires de nouvelles numériques» pourraient être assujettis à la Loi. Est-ce que ces derniers demanderont une exemption comme Google ou est-ce qu’ils couperont l’accès aux médias d’information au Canada, comme l’a fait Meta?
En attente de réponses, les médias de langue minoritaire retiennent leur souffle.
Ils suffoquent.
Roland-Garros, le premier évènement sportif d’envergure internationale de 2024 en sol français, venait de se terminer sur le sacre de la nouvelle vedette espagnole Carlos Alcaraz.Le coup d’envoi de l’Euro de soccer, pour lequel l’équipe de France fait partie des favoris, était sur le point d’être donné.
Arnaud Assoumani refuserait de serrer la main de Jordan Bardella s’il venait à être élu.
Un peu plus tard, ce devait être au Tour de France d’être sous le feu des projecteurs, pour un mois de juillet placé sous le signe de la liesse populaire dans la France rurale. Avant, évidemment, l’apothéose attendue des Jeux olympiques de Paris, à compter du 26 juillet.
Autant d’occasions pour les Français de faire la fête, l’esprit léger. La mairesse de Paris, Anne Hidalgo, et le président de la République, Emmanuel Macron, devaient même se baigner dans la Seine, pour ouvrir la voie d’un été décomplexé. Si la fête est encore au programme, les esprits seront, eux, sans doute beaucoup plus occupés.
Le coup de massue est tombé le dimanche 9 juin. Après les résultats catastrophiques de son parti Renaissance aux élections européennes, Emmanuel Macron décide de dissoudre l’Assemblée nationale, une première depuis 1997 et la présidence de Jacques Chirac, appelant les Français aux urnes les 30 juin et 7 juillet.
Depuis cette annonce, les médias français tournent en boucle sur les différents rebondissements – dignes de la série télévisée Château de cartes (House of Cards), il faut bien l’avouer – qui accompagnent cette campagne électorale improvisée. Les JO, eux, sont relégués au second plan.
Le président du Comité international olympique, Thomas Bach, a beau assurer que les Jeux ne seront «pas perturbés» par le scrutin, force est de constater qu’à un peu plus d’un mois de la cérémonie d’ouverture, la France est dans le brouillard. Elle ne sait pas qui sera à la tête de son gouvernement lorsque le pays accueillera le monde.
Emmanuel Macron fait un pari risqué juste avant les Jeux olympiques de Paris.
Alors qu’un statuquo, à savoir une majorité présidentielle et Gabriel Attal au poste de premier ministre, semble exclu par les sondages, il y a trois options possibles :
Le premier scénario est le plus redouté par une large partie de la classe politique. Jamais sous le régime de la Ve République l’extrême droite n’a été aussi proche d’accéder au pouvoir.
Les soutiens d’Emmanuel Macron utilisent même la représentation aux JO comme argument de campagne. «Il y a une question à se poser, c’est quelle image veut-on projeter dans le monde? Les Français sont conduits à se demander qui ils veulent pour diriger le pays et ils sont également conduits à se demander qui ils veulent pour accueillir le monde», a lancé, dès le mardi 11 juin, la ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques de France, Amélie Oudéa-Castéra.
Autre crainte : celle de manifestations d’envergure en cas de victoire de l’extrême droite.
Le monde a eu un premier aperçu de cette mobilisation le samedi 15 juin, avec 250 000 personnes qui sont descendues dans la rue.
Avec ses forces policières déjà fortement mobilisées pour encadrer les compétitions, la France pourrait-elle assurer le bon déroulement de ces mouvements sociaux? Y aurait-il un risque de paralysie au plus mauvais des moments?
Kylian Mbappé est l’un des joueurs de soccer qui s’est prononcé au sujet du climat politique français.
Signe de la gravité de la situation, les sportifs, généralement très prudents sur les sujets politiques et de société, s’engagent publiquement. L’athlète paralympique français Arnaud Assoumani a ainsi déclaré le lundi 17 juin qu’il «refuserai[t] de serrer la main de Jordan Bardella» si ce dernier est nommé premier ministre.
«Il y a une vraie incompatibilité entre ce que le RN [Rassemblement national] véhicule comme valeurs et le sport tel qu’il est. Les valeurs d’union, de partage, de fair-play, de solidarité et de justice sociale», justifie-t-il.
Certains joueurs de l’équipe de soccer de France sont aussi montés au créneau, comme Marcus Thuram, Ousmane Dembélé et, surtout, le plus célèbre d’entre eux, Kylian Mbappé.
Devant la presse, ce dernier a déclaré : «Je pense qu’on est dans un moment crucial de l’histoire de notre pays. […] J’appelle les jeunes à aller voter, on voit que les extrêmes sont aux portes du pouvoir. On a l’opportunité de choisir l’avenir de notre pays.»
Sa prise de parole peut avoir son importance. Même s’il semble mettre dos à dos le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire – ou du moins une partie – sous le même descriptif d’«extrême», ce qui est très contestable de l’aveu même du Conseil d’État et ce qui lui a été reproché par certains.
Kylian Mbappé est une figure populaire auprès de la jeunesse, qui est la population qui statistiquement s’abstient le plus (70 % des moins de 35 ans n’avaient pas voté aux élections législatives de 2022). Une forte mobilisation de la jeunesse devrait favoriser la gauche et pourrait bloquer l’accession au pouvoir de l’extrême droite. Au grand soulagement du monde du sport.
Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.
L’image de l’homme en maitre du gril, bière à la main, est solidement ancrée dans l’imaginaire collectif. Une représentation renforcée par les médias, les publicités et les pratiques familiales et sociales, qui perpétuent l’idée que la cuisine en plein air est un domaine masculin par excellence, tout en assignant aux femmes des rôles de soutien en périphérie de cette activité.
Les hommes sont considérés comme les «maitres» du barbecue et de la cuisson extérieure depuis très longtemps.
Cette association entre la viande et la masculinité trouve son origine dans des temps anciens où les hommes chassaient pour nourrir la tribu, une tâche exigeant force et courage.
De nos jours, même si la chasse a été remplacée par l’élevage et la commercialisation de la viande, ces symboles persistent. Une enquête récente de l’Ifop révèle ainsi que 78 % des hommes en couple s’occupent plus souvent du barbecue que leur conjointe, dont 41 % de façon exclusive, soulignant ce quasi-monopole masculin.
Dans de nombreuses cultures, la consommation de viande, surtout de viande rouge, est considérée comme un signe de puissance et de masculinité. Cette idée est renforcée par des publicités et des médias qui dépeignent souvent des hommes forts consommant des steaks saignants.
En revanche, les femmes sont souvent associées à des régimes alimentaires plus «légers» ou «sains», comme les salades ou les plats à base de légumes, perpétuant ainsi l’idée que les femmes doivent surveiller leur alimentation et leur silhouette.
Plus généralement, les stéréotypes de genre influencent la consommation de viande. Plusieurs études montrent que les hommes ont tendance à consommer plus de viande que les femmes, souvent pour affirmer leur masculinité.
Cette surconsommation peut entrainer des conséquences néfastes sur leur santé, augmentant les risques de maladies cardiovasculaires, de cancer colorectal et d’autres problèmes de santé liés à un régime alimentaire trop riche en viande rouge et transformée.
En outre, le régime alimentaire des hommes émet 41 % plus de gaz à effet de serre que celui des femmes, principalement en raison de leur consommation importante de viande. La réduction de la consommation de viande est donc également cruciale pour limiter les dérèglements climatiques.
Les femmes, quant à elles, subissent une pression constante pour maintenir une alimentation équilibrée et contrôler leur poids. Cette pression est exacerbée par des standards de beauté irréalistes qui valorisent la minceur.
Ainsi, lorsqu’une femme choisit de consommer de la viande, surtout en grande quantité, elle peut être perçue comme transgressant des normes sociales. Cette transgression peut entrainer des jugements et des commentaires, soulignant une fois de plus la manière dont les choix alimentaires sont genrés.
Quoiqu’il est souhaitable d’enseigner toutes sortes d’habiletés à ses enfants, il ne faut pas hésiter à penser aux valeurs que nos actions transmettent au même moment.
Dans son livre «Faiminisme, quand le sexisme passe à table», la journaliste française Nora Bouazzouni explore comment l’alimentation et les comportements alimentaires sont traversés par des rapports de pouvoir et des stéréotypes sexistes.
Elle montre comment la table devient un lieu où se rejouent les inégalités de genre. Bouazzouni explique que la société impose aux femmes un contrôle de leur alimentation non seulement pour correspondre à des idéaux de beauté, mais aussi pour perpétuer des dynamiques de domination masculine.
Pour briser ces stéréotypes, il est essentiel de promouvoir une vision égalitaire de l’alimentation.
Cela passe par l’éducation et la sensibilisation aux rôles genrés et à leurs incidences. Encourager les hommes à s’investir dans la préparation de repas variés, et non seulement au barbecue, et soutenir les femmes dans leurs choix alimentaires sans jugement sont des étapes cruciales.
De plus, valoriser les régimes alimentaires variés et équilibrés pour tous, indépendamment du genre, peut aider à déconstruire ces stéréotypes.
Cet été, réinventons le barbecue. Faisons de cet espace un lieu de partage et d’égalité, où chacun, sans égard à son genre, peut s’exprimer et participer librement.
En remettant en question les stéréotypes de genre liés à la consommation de viande, nous pouvons créer des dynamiques plus équilibrées et inclusives, non seulement autour du gril, mais dans tous les aspects de notre vie quotidienne.
Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, voici près de quinze ans qu’elle travaille dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.
Le progrès est en quelque sorte une matrice pour les autres idées qui encadrent notre vie politique. Il sert à comparer les politiques et les idées, à comprendre les transformations des droits de la personne en termes d’avancées ou de reculs, ou encore à rêver à ce que l’innovation technologique pourrait amener…
Le progrès sert aussi à justifier des inventions qui ont au moins autant de conséquences néfastes que positives.
L’influence de l’idée de progrès est telle que nous pouvons aisément nous réconforter en y faisant appel. Nous pouvons ainsi nous dire qu’«au moins, les choses avancent» ou encore : «Mais quand même, les choses se sont améliorées!»
Le progrès sert donc à pacifier, à relativiser la situation : tant que les choses vont mieux, pourquoi nous efforcerions-nous de les transformer?
Il reste toutefois à penser ce «mieux» et tout ce qu’il sous-entend. Car le «mieux» et le «plus» qu’amènerait le progrès demeurent indéterminés, jusqu’à ce que l’on attache un sens plus précis au progrès.
Dans la sphère économique, le recours à l’idée de progrès tend à confondre deux réalités pourtant fort différentes. La première est l’augmentation du bienêtre (devenu «mieux-être», peut-être parce que nous serions déjà si bien?).
La seconde est l’augmentation de la productivité et donc du profit.
On tend à croire que la croissance économique amènerait automatiquement un progrès dans le reste de la vie humaine. L’augmentation des profits serait simplement une récompense pour les personnes qui prennent le risque d’investir leur argent.
On peut toutefois aisément voir que le progrès se mesure malgré tout par les profits. Lorsque les profits augmentent, mais plus lentement ou de manière insuffisante, on voit des compressions et des mises à pied (comme dans le domaine des médias actuellement).
Et tandis que les efforts de développement international pourraient permettre d’éliminer la pauvreté, les sommes déployées sous la forme d’une aide, et souvent de prêts, bénéficient davantage aux pays qui fournissent des investissements qu’aux pays qui les reçoivent.
Ici, il n’en résulte ni mieux-être ni bienêtre pour les personnes et pays qui en ont le plus grand besoin.
Et il n’est pas clair que la situation de la grande majorité de la population du monde s’améliore, malgré une croissance du PIB mondial qui continue d’année en année.
La faute n’en est pas qu’à la croissance qui ralentit : le développement visé n’est toujours pas durable, parce qu’il n’est ni mené par les groupes dont la vie économique a été restreinte par le colonialisme, ni orienté par leurs besoins, mais l’est toujours par le poids de la dette nationale.
Au vu de l’incidence des nouvelles technologies, on voudrait presque déplorer qu’«on n’arrête pas le progrès».
Les innovations technologiques présentées comme des progrès ont un poids énorme au-delà des profits et des autres bénéfices visés. Nos téléphones nous rendent la vie plus facile et divertissante. Les panneaux solaires permettent de capter une énergie renouvelable.
Mais ces deux technologies dépendent au moins en partie de minéraux que des enfants extraient, et ce, dans des conditions dangereuses pour leur santé, souvent dans des zones de conflit.
Il en va de même des voitures électriques, dont la fabrication pollue davantage que celle des voitures à carburant.
Le fait que ces voitures demeurent préférables puisqu’elles ne produisent presque pas d’émissions n’empêche pas que le problème essentiel se trouve dans l’utilisation à outrance de la voiture comme mode de transport et principe d’aménagement urbain.
Au bout de nos doigts, ce qu’on appelle l’intelligence artificielle requiert une quantité étourdissante d’énergie pour fonctionner et d’eau pour refroidir les complexes. Ses conséquences climatiques et environnementales sont déjà énormes.
Et elle nuit à la créativité humaine en détournant les utilisateurs et utilisatrices des sites où se trouvent les textes ou œuvres d’art imitées pour produire une approximation de réponse à la question posée, permettant aux entreprises qui développent ces modèles d’encaisser les revenus à la place des auteurs·trices originaux.
Cette innovation est encore loin de fournir quelque résultat intellectuel ou créatif fiable… mais a déjà des conséquences lourdes sur l’environnement et entraine un gaspillage d’eau dans des régions touchées par la sècheresse.
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Le problème n’est pas seulement que le progrès ne peut pas être infini et que des limites se dressent contre son avancée; c’est aussi que tout progrès ne peut être mesuré qu’en relation à une valeur qui est choisie d’avance.
Le progrès compris comme croissance économique et technologique s’oppose dans ses conséquences matérielles et réelles à un progrès des conditions de vie, qui n’est que supposé ou promis. Tandis qu’on associe la croissance à un effet de retour sur le bienêtre matériel de la population, rien ne permet d’établir un tel lien.
Certes, le progrès technologique peut avoir des effets positifs d’une grande valeur, et la croissance de la productivité peut éliminer la misère et apporter un plus grand confort. Tout dépend de la fin à laquelle il est appliqué et de notre capacité à surmonter l’imaginaire du progrès.
La compréhension du progrès comme croissance n’est pas viable et la croissance n’amène souvent pas de progrès. Un virage vers la notion de durabilité semble donc suggérer l’abandon du progrès.
À partir de ce constat, une série de questions émergent. Quels modes de vie sont durables? Quels modes de vie sont justes et permettraient de réduire, voire d’éliminer les grandes inégalités? Quels modes de vie pourraient être étendus à l’ensemble de la planète? Quel rapport aux ressources, à l’environnement et à la terre pourrait les sous-tendre?
Et d’abord et avant tout, puisque l’initiative individuelle ne pourra pas renverser la tendance et les décisions prises à l’échelle de pays et de corporations multinationales en concurrence, quelle distribution des ressources et quelles structures décisionnelles pourraient assurer la création de tels modes de vie?