le Vendredi 23 mai 2025

L’art de raconter des histoires

Cette année, les Franco-Manitobains ont eu plus que la fête du Canada à célébrer. Leur amie Hélène Perreault leur a offert un beau cadeau. Le 1er juillet, l’auteure-compositrice-interprète franco-manitobaine a lancé numériquement son deuxième opus; Nuit sans sommeil.

Illustration de l’album Nuit sans sommeil

Photo : musiquelnpmusic.ca

Dès la première plage «Rebelles», elle nous offre un bouquet de mélodies, allant de la chanson française au jazz en passant par le blues et le folk. Des changements de tempos et d’orchestrations remarquables nous démontrent une belle évolution dans l’écriture musicale de la Franco-Manitobaine, originaire de Montréal.

Sa plume n’est pas en reste. Elle nous interpelle sur la fierté, les prétentieux ou encore les amours compliqués. Un moment fort du disque est la reprise de la chanson de Gérard Jean, «Histoire d’antan». Hélène Perrault en fait une version sobre, mais tout de même accrocheuse.

D’autres bonnes pièces de ce disque sont le folk Ici, sur la fierté du territoire, l’excellent air latino «Jet Lag», sur les joies du jetset, ou encore la country folk «Poussière verbale». Cette dernière chanson est l’un des meilleurs textes de l’album et porte sur les ouï-dire et les rien-dire. J’aime bien également l’air pop «Minuit moins toi», la musique est signée Hélène Perreault sur un texte magnifique du grand Claude Gauthier.

L’artiste franco-manitobaine nous offre une belle variété au niveau des arrangements et de magnifiques textes qui nous interpellent sur de nombreux sujets. Bref, il s’agit d’un nouveau rendez-vous réussi pour Hélène Perreault.

Rebelles
Album : Nuit sans sommeil

L’assurance et la maturité au bout des doigts

Quel plaisir de vous présenter le 2e EP d’une artiste exceptionnelle de l’est de l’Ontario. Tout ça pour moi d’Héloïse Yelle est un petit bijou très captivant lancé à la fin mai.

Illustration de l’album  Tout ça pour moi

Photo : heloiseyelle.com

La jeune artiste, qui baigne dans la musique depuis sa tendre enfance, possède déjà un curriculum artistique bien rempli. Avec ce microalbum, elle nous invite dans son univers de soul, de blues et de ballade.

Dès la première plage «Demande-moi pas de faire semblant», nous sommes séduits par des arrangements de cuivres solides, qui mettent en évidence la voix unique de la chanteuse. Héloïse Yelle démontre toute la puissance et la profondeur de sa voix grâce à deux pièces piano-voix remplies de tendresse.  

La jeune interprète franco-ontarienne propose un à-côté plus intimiste avec les chansons «Poète du vent» et «Nos âmes tristes». Ce dernier titre est gage du talent d’une grande chanteuse. L’album se termine sur une version francophone d’un classique du chanteur R&B Bobby Hebb, «Sunny».

Tout ça pour moi est une carte de visite qui met en évidence le grand talent et la profondeur de la voix d’Héloïse Yelle : une voix énergique et puissante par moment et douce et réconfortante à d’autres.

Poète du vent
Album : Tout ça pour moi

Retour sur un Voyage intérieur d’une âme manouche

Christine Tassan que nous avons connue comme guitariste de jazz manouche avec Les Imposteures,, nous a invités en 2020 à un Voyage intérieur avec son quintette. Il s’agissait d’un album avec de nouvelles compositions captivantes.

Illustration de l’album Voyage intérieur

Photo : christinetassan.com

La première chanson, «Going to NYC», dans un univers plus cool jazz, met la table pour cet opus. Ça rappelle les sons de John Coltrane, Dave Brubeck et Thelonious Monk : un univers où se côtoie, énergie, nostalgie et mélancolie.

Nous avons droit à de nombreux échanges entre le piano, le saxophone et la guitare, et chacun y va de merveilleux solos de temps à autre. L’album s’écoute du début jusqu’à la fin sans effort tellement la complicité des cinq musiciens est enivrante.

La pièce la plus forte est «Frisson d’avril», un tango sur fond de mélancolie tout en douceur. «Gypsy Funk» sonne plus moderne et offre un groove des plus irrésistibles. La pièce titre, «Voyage intérieur», est exceptionnelle avec son univers profond, paisible et nostalgique. Dans le même créneau, «Pleine lune» se charge de terminer cet album tout en beauté.

Après nous avoir séduits avec son groupe Les Imposteures et cinq albums de jazz manouche, voilà que Christine Tassan dévoile une nouvelle carte. Voyage intérieur est un incontournable pour ceux qui sont à la recherche d’une oasis à la vie stressante. Tout au long du disque, nous nous laissons promener par des mélodies exceptionnellement bien fignolées.

Gypsy Funk
Album : Voyage intérieur

Marc Lalonde, dit Lalonde des ondes, est chroniqueur musical depuis plus de 25 ans au sein de la francophonie musicale canadienne et animateur de l’émission radiophonique Can-Rock. Il se fait un malin plaisir de partager cette richesse dans 16 stations de radio à travers le pays chaque semaine.

Ironiquement, les médias de langue minoritaire sont peut-être mieux servis par la décision de Google d’utiliser l’exemption à la Loi sur les nouvelles en ligne. Parce que c’est le seul endroit dans la Loi où les parlementaires ont pensé aux médias des minorités linguistiques.

La Loi sur les nouvelles en ligne prévoit en effet la demande d’une exemption. L’article 11 donne le droit à un «intermédiaire de nouvelles numériques» – comme un moteur de recherche ou un réseau social – de demander une exemption à la Loi s’il respecte certaines conditions.

L’une de ces conditions stipule qu’il doit avoir conclu des accords qui «assurent qu’une partie importante des médias d’information des communautés de langue officielle en situation minoritaire en bénéficie et [que les accords] contribuent à [la] viabilité [de ces médias]». Très gentil… à moitié.

Loi sur les nouvelles en lignes

Le projet de loi C-18, devenu la Loi sur les nouvelles en ligne, contraint les entreprises qui servent d’intermédiaire entre les producteurs de contenu en ligne – comme les médias – et les lecteurs ou auditeurs à négocier des compensations financières avec les producteurs.

Afin de ne pas être assujetti à cette Loi et de ne pas devoir indemniser les médias d’information pour leur contenu, Meta bloque depuis aout 2023 les nouvelles sur Facebook et Instagram au Canada.

Pour éviter de négocier des accords d’indemnisation avec des dizaines d’entités, Google demande une exemption à la Loi et, en échange, l’entreprise remettra 100 millions de dollars à un seul groupe, qui sera ensuite responsable de redistribuer cette somme aux médias.

Labyrinthe juridique

Le critère de protection des médias de langue minoritaire figure dans le processus d’exemption qu’invoque Google – et certainement créé à la demande de l’entreprise –, mais nulle part ailleurs dans le texte de la Loi.

Puisqu’ils ne sont pas expressément mentionnés dans les critères d’admissibilité de la Loi elle-même, très peu de médias de langue minoritaire auront la possibilité de négocier une entente avec les plateformes en ligne, notamment parce qu’ils doivent répondre à un autre critère, soit celui d’employer au moins deux journalistes.

La plupart des journaux et radios communautaires en milieu minoritaire ne comptent pas deux journalistes.

Selon le Consortium des médias communautaires de langues officielles en situation minoritaire, à l’heure actuelle, 96 % des médias qu’il représente ne sont pas admissibles à une indemnisation selon la Loi. Cette proportion pourrait peut-être descendre à 85 % si l’on compte les journalistes recrutés à l’aide de l’Initiative de journalisme local (IJL).

À lire : Entente Google : les médias de langues minoritaires sur leurs gardes

Pourtant, les médias autochtones sont mentionnés explicitement dans la section sur l’admissibilité de la Loi. Ils ne sont pas tenus d’avoir deux journalistes.

Pourquoi des médias qui produisent du «contenu de nouvelles d’intérêt public qui est axé principalement sur des questions d’intérêt général et qui rend compte d’évènements actuels, y compris la couverture des institutions et processus démocratiques» dans une langue officielle en situation minoritaire n’ont-ils pas droit au même statut distinct?

Sont-ils protégés par la Loi sur les langues officielles? Le temps que la question fasse l’objet d’un débat, il sera trop tard.

En d’autres mots, si Google n’avait pas demandé d’exemption, la Loi ne forcerait pas le géant américain à discuter avec les médias francophones en milieu minoritaire, ou les entités qui les représentent, s’ils ne respectent pas tous les autres critères d’admissibilité.

Il fait noir dans le tunnel

Malgré la précision dans le processus d’exemption, les médias de langue minoritaire ne savent pas encore s’ils seront inclus dans la distribution des 100 millions de dollars de Google en raison des critères d’admissibilité.

Les médias communautaires de langue minoritaire attendent de voir s’ils auront une place au sein du Collectif canadien de journalisme (CCJ), l’organisation choisie par Google pour distribuer l’argent. 

Le CCJ sera fort probablement sympathique à ces médias, puisqu’il a été créé par des petits médias et des médias communautaires.

L’admissibilité des médias de langue minoritaire à la somme promise par Google reste tout de même un mystère. Est-ce que l’obligation d’avoir deux journalistes s’applique ou non à l’exemption? C’est une exemption à la Loi après tout! Sinon, est-ce que le CCJ sera plus souple dans l’interprétation de la Loi?

Il est certain que l’argent de Google ne règlera pas tous les problèmes des médias. De fait, Patrimoine canadien s’attend à ce que les petits médias reçoivent environ 17 000 $ par journaliste. C’est loin de couvrir un salaire.

De plus, si aucun éclaircissement n’est fait dans la loi ou le règlement, les mêmes questions pourraient revenir dans cinq ans, lorsque l’entente entre Google et le CCJ viendra à échéance.

À lire : Les angles morts de l’Entente Google

Impossible aussi de savoir quels autres défis pendent au bout du nez des médias canadiens.

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications poursuit ses audiences publiques pour la création du cadre règlementaire de l’application de la Loi.

Il doit encore déterminer quels autres «intermédiaires de nouvelles numériques» pourraient être assujettis à la Loi. Est-ce que ces derniers demanderont une exemption comme Google ou est-ce qu’ils couperont l’accès aux médias d’information au Canada, comme l’a fait Meta?

En attente de réponses, les médias de langue minoritaire retiennent leur souffle.

Ils suffoquent.

Roland-Garros, le premier évènement sportif d’envergure internationale de 2024 en sol français, venait de se terminer sur le sacre de la nouvelle vedette espagnole Carlos Alcaraz.Le coup d’envoi de l’Euro de soccer, pour lequel l’équipe de France fait partie des favoris, était sur le point d’être donné.

Arnaud Assoumani refuserait de serrer la main de Jordan Bardella s’il venait à être élu. 

Photo : Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0

Un peu plus tard, ce devait être au Tour de France d’être sous le feu des projecteurs, pour un mois de juillet placé sous le signe de la liesse populaire dans la France rurale. Avant, évidemment, l’apothéose attendue des Jeux olympiques de Paris, à compter du 26 juillet.

Autant d’occasions pour les Français de faire la fête, l’esprit léger. La mairesse de Paris, Anne Hidalgo, et le président de la République, Emmanuel Macron, devaient même se baigner dans la Seine, pour ouvrir la voie d’un été décomplexé. Si la fête est encore au programme, les esprits seront, eux, sans doute beaucoup plus occupés.

Château de cartes à la française

Le coup de massue est tombé le dimanche 9 juin. Après les résultats catastrophiques de son parti Renaissance aux élections européennes, Emmanuel Macron décide de dissoudre l’Assemblée nationale, une première depuis 1997 et la présidence de Jacques Chirac, appelant les Français aux urnes les 30 juin et 7 juillet.

Depuis cette annonce, les médias français tournent en boucle sur les différents rebondissements – dignes de la série télévisée Château de cartes (House of Cards), il faut bien l’avouer – qui accompagnent cette campagne électorale improvisée. Les JO, eux, sont relégués au second plan.

Le président du Comité international olympique, Thomas Bach, a beau assurer que les Jeux ne seront «pas perturbés» par le scrutin, force est de constater qu’à un peu plus d’un mois de la cérémonie d’ouverture, la France est dans le brouillard. Elle ne sait pas qui sera à la tête de son gouvernement lorsque le pays accueillera le monde.

Emmanuel Macron fait un pari risqué juste avant les Jeux olympiques de Paris. 

Photo : Quirinale.it

Alors qu’un statuquo, à savoir une majorité présidentielle et Gabriel Attal au poste de premier ministre, semble exclu par les sondages, il y a trois options possibles :

Le premier scénario est le plus redouté par une large partie de la classe politique. Jamais sous le régime de la Ve République l’extrême droite n’a été aussi proche d’accéder au pouvoir.

Les soutiens d’Emmanuel Macron utilisent même la représentation aux JO comme argument de campagne. «Il y a une question à se poser, c’est quelle image veut-on projeter dans le monde? Les Français sont conduits à se demander qui ils veulent pour diriger le pays et ils sont également conduits à se demander qui ils veulent pour accueillir le monde», a lancé, dès le mardi 11 juin, la ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques de France, Amélie Oudéa-Castéra.

Des sportifs partent en campagne

Autre crainte : celle de manifestations d’envergure en cas de victoire de l’extrême droite.

Le monde a eu un premier aperçu de cette mobilisation le samedi 15 juin, avec 250 000 personnes qui sont descendues dans la rue.

Avec ses forces policières déjà fortement mobilisées pour encadrer les compétitions, la France pourrait-elle assurer le bon déroulement de ces mouvements sociaux? Y aurait-il un risque de paralysie au plus mauvais des moments?

Kylian Mbappé est l’un des joueurs de soccer qui s’est prononcé au sujet du climat politique français. 

Photo : Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0

Signe de la gravité de la situation, les sportifs, généralement très prudents sur les sujets politiques et de société, s’engagent publiquement. L’athlète paralympique français Arnaud Assoumani a ainsi déclaré le lundi 17 juin qu’il «refuserai[t] de serrer la main de Jordan Bardella» si ce dernier est nommé premier ministre.

«Il y a une vraie incompatibilité entre ce que le RN [Rassemblement national] véhicule comme valeurs et le sport tel qu’il est. Les valeurs d’union, de partage, de fair-play, de solidarité et de justice sociale», justifie-t-il.

Certains joueurs de l’équipe de soccer de France sont aussi montés au créneau, comme Marcus Thuram, Ousmane Dembélé et, surtout, le plus célèbre d’entre eux, Kylian Mbappé.

Devant la presse, ce dernier a déclaré : «Je pense qu’on est dans un moment crucial de l’histoire de notre pays. […] J’appelle les jeunes à aller voter, on voit que les extrêmes sont aux portes du pouvoir. On a l’opportunité de choisir l’avenir de notre pays.»

Sa prise de parole peut avoir son importance. Même s’il semble mettre dos à dos le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire – ou du moins une partie – sous le même descriptif d’«extrême», ce qui est très contestable de l’aveu même du Conseil d’État et ce qui lui a été reproché par certains.

Kylian Mbappé est une figure populaire auprès de la jeunesse, qui est la population qui statistiquement s’abstient le plus (70 % des moins de 35 ans n’avaient pas voté aux élections législatives de 2022). Une forte mobilisation de la jeunesse devrait favoriser la gauche et pourrait bloquer l’accession au pouvoir de l’extrême droite. Au grand soulagement du monde du sport.

Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.

L’image de l’homme en maitre du gril, bière à la main, est solidement ancrée dans l’imaginaire collectif. Une représentation renforcée par les médias, les publicités et les pratiques familiales et sociales, qui perpétuent l’idée que la cuisine en plein air est un domaine masculin par excellence, tout en assignant aux femmes des rôles de soutien en périphérie de cette activité.

Les hommes sont considérés comme les «maitres» du barbecue et de la cuisson extérieure depuis très longtemps. 

Photo : Annie Spratt - Unsplash

Cette association entre la viande et la masculinité trouve son origine dans des temps anciens où les hommes chassaient pour nourrir la tribu, une tâche exigeant force et courage.

De nos jours, même si la chasse a été remplacée par l’élevage et la commercialisation de la viande, ces symboles persistent. Une enquête récente de l’Ifop révèle ainsi que 78 % des hommes en couple s’occupent plus souvent du barbecue que leur conjointe, dont 41 % de façon exclusive, soulignant ce quasi-monopole masculin.

Dans de nombreuses cultures, la consommation de viande, surtout de viande rouge, est considérée comme un signe de puissance et de masculinité. Cette idée est renforcée par des publicités et des médias qui dépeignent souvent des hommes forts consommant des steaks saignants.

En revanche, les femmes sont souvent associées à des régimes alimentaires plus «légers» ou «sains», comme les salades ou les plats à base de légumes, perpétuant ainsi l’idée que les femmes doivent surveiller leur alimentation et leur silhouette.

Le sexisme passe à table

Plus généralement, les stéréotypes de genre influencent la consommation de viande. Plusieurs études montrent que les hommes ont tendance à consommer plus de viande que les femmes, souvent pour affirmer leur masculinité.

Cette surconsommation peut entrainer des conséquences néfastes sur leur santé, augmentant les risques de maladies cardiovasculaires, de cancer colorectal et d’autres problèmes de santé liés à un régime alimentaire trop riche en viande rouge et transformée.

En outre, le régime alimentaire des hommes émet 41 % plus de gaz à effet de serre que celui des femmes, principalement en raison de leur consommation importante de viande. La réduction de la consommation de viande est donc également cruciale pour limiter les dérèglements climatiques.

Les femmes, quant à elles, subissent une pression constante pour maintenir une alimentation équilibrée et contrôler leur poids. Cette pression est exacerbée par des standards de beauté irréalistes qui valorisent la minceur.

Ainsi, lorsqu’une femme choisit de consommer de la viande, surtout en grande quantité, elle peut être perçue comme transgressant des normes sociales. Cette transgression peut entrainer des jugements et des commentaires, soulignant une fois de plus la manière dont les choix alimentaires sont genrés.

Quoiqu’il est souhaitable d’enseigner toutes sortes d’habiletés à ses enfants, il ne faut pas hésiter à penser aux valeurs que nos actions transmettent au même moment. 

Photo : RDNE Stock project

Dans son livre «Faiminisme, quand le sexisme passe à table», la journaliste française Nora Bouazzouni explore comment l’alimentation et les comportements alimentaires sont traversés par des rapports de pouvoir et des stéréotypes sexistes.

Elle montre comment la table devient un lieu où se rejouent les inégalités de genre. Bouazzouni explique que la société impose aux femmes un contrôle de leur alimentation non seulement pour correspondre à des idéaux de beauté, mais aussi pour perpétuer des dynamiques de domination masculine.

Pour briser ces stéréotypes, il est essentiel de promouvoir une vision égalitaire de l’alimentation.

Cela passe par l’éducation et la sensibilisation aux rôles genrés et à leurs incidences. Encourager les hommes à s’investir dans la préparation de repas variés, et non seulement au barbecue, et soutenir les femmes dans leurs choix alimentaires sans jugement sont des étapes cruciales.

De plus, valoriser les régimes alimentaires variés et équilibrés pour tous, indépendamment du genre, peut aider à déconstruire ces stéréotypes.

Cet été, réinventons le barbecue. Faisons de cet espace un lieu de partage et d’égalité, où chacun, sans égard à son genre, peut s’exprimer et participer librement.

En remettant en question les stéréotypes de genre liés à la consommation de viande, nous pouvons créer des dynamiques plus équilibrées et inclusives, non seulement autour du gril, mais dans tous les aspects de notre vie quotidienne.

Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, voici près de quinze ans qu’elle travaille dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.

Le progrès est en quelque sorte une matrice pour les autres idées qui encadrent notre vie politique. Il sert à comparer les politiques et les idées, à comprendre les transformations des droits de la personne en termes d’avancées ou de reculs, ou encore à rêver à ce que l’innovation technologique pourrait amener…

Le progrès sert aussi à justifier des inventions qui ont au moins autant de conséquences néfastes que positives.

L’influence de l’idée de progrès est telle que nous pouvons aisément nous réconforter en y faisant appel. Nous pouvons ainsi nous dire qu’«au moins, les choses avancent» ou encore : «Mais quand même, les choses se sont améliorées!»

Le progrès sert donc à pacifier, à relativiser la situation : tant que les choses vont mieux, pourquoi nous efforcerions-nous de les transformer?

Il reste toutefois à penser ce «mieux» et tout ce qu’il sous-entend. Car le «mieux» et le «plus» qu’amènerait le progrès demeurent indéterminés, jusqu’à ce que l’on attache un sens plus précis au progrès.

La croissance économique contre le progrès

Dans la sphère économique, le recours à l’idée de progrès tend à confondre deux réalités pourtant fort différentes. La première est l’augmentation du bienêtre (devenu «mieux-être», peut-être parce que nous serions déjà si bien?).

La seconde est l’augmentation de la productivité et donc du profit.

On tend à croire que la croissance économique amènerait automatiquement un progrès dans le reste de la vie humaine. L’augmentation des profits serait simplement une récompense pour les personnes qui prennent le risque d’investir leur argent.

On peut toutefois aisément voir que le progrès se mesure malgré tout par les profits. Lorsque les profits augmentent, mais plus lentement ou de manière insuffisante, on voit des compressions et des mises à pied (comme dans le domaine des médias actuellement).

Et tandis que les efforts de développement international pourraient permettre d’éliminer la pauvreté, les sommes déployées sous la forme d’une aide, et souvent de prêts, bénéficient davantage aux pays qui fournissent des investissements qu’aux pays qui les reçoivent.

Ici, il n’en résulte ni mieux-être ni bienêtre pour les personnes et pays qui en ont le plus grand besoin.

Et il n’est pas clair que la situation de la grande majorité de la population du monde s’améliore, malgré une croissance du PIB mondial qui continue d’année en année.

La faute n’en est pas qu’à la croissance qui ralentit : le développement visé n’est toujours pas durable, parce qu’il n’est ni mené par les groupes dont la vie économique a été restreinte par le colonialisme, ni orienté par leurs besoins, mais l’est toujours par le poids de la dette nationale.

L’innovation technologique, quelle avancée?

Au vu de l’incidence des nouvelles technologies, on voudrait presque déplorer qu’«on n’arrête pas le progrès».

Les innovations technologiques présentées comme des progrès ont un poids énorme au-delà des profits et des autres bénéfices visés. Nos téléphones nous rendent la vie plus facile et divertissante. Les panneaux solaires permettent de capter une énergie renouvelable.

Mais ces deux technologies dépendent au moins en partie de minéraux que des enfants extraient, et ce, dans des conditions dangereuses pour leur santé, souvent dans des zones de conflit.

Il en va de même des voitures électriques, dont la fabrication pollue davantage que celle des voitures à carburant.

Le fait que ces voitures demeurent préférables puisqu’elles ne produisent presque pas d’émissions n’empêche pas que le problème essentiel se trouve dans l’utilisation à outrance de la voiture comme mode de transport et principe d’aménagement urbain.

Au bout de nos doigts, ce qu’on appelle l’intelligence artificielle requiert une quantité étourdissante d’énergie pour fonctionner et d’eau pour refroidir les complexes. Ses conséquences climatiques et environnementales sont déjà énormes.

Et elle nuit à la créativité humaine en détournant les utilisateurs et utilisatrices des sites où se trouvent les textes ou œuvres d’art imitées pour produire une approximation de réponse à la question posée, permettant aux entreprises qui développent ces modèles d’encaisser les revenus à la place des auteurs·trices originaux.

Cette innovation est encore loin de fournir quelque résultat intellectuel ou créatif fiable… mais a déjà des conséquences lourdes sur l’environnement et entraine un gaspillage d’eau dans des régions touchées par la sècheresse.

À lire aussi : Climat : l’IA sous un ciel variable

Quelle mesure pour le progrès?

Le problème n’est pas seulement que le progrès ne peut pas être infini et que des limites se dressent contre son avancée; c’est aussi que tout progrès ne peut être mesuré qu’en relation à une valeur qui est choisie d’avance.

Le progrès compris comme croissance économique et technologique s’oppose dans ses conséquences matérielles et réelles à un progrès des conditions de vie, qui n’est que supposé ou promis. Tandis qu’on associe la croissance à un effet de retour sur le bienêtre matériel de la population, rien ne permet d’établir un tel lien.

Certes, le progrès technologique peut avoir des effets positifs d’une grande valeur, et la croissance de la productivité peut éliminer la misère et apporter un plus grand confort. Tout dépend de la fin à laquelle il est appliqué et de notre capacité à surmonter l’imaginaire du progrès.

Des valeurs pour remplacer le progrès, une question ouverte

La compréhension du progrès comme croissance n’est pas viable et la croissance n’amène souvent pas de progrès. Un virage vers la notion de durabilité semble donc suggérer l’abandon du progrès.

À partir de ce constat, une série de questions émergent. Quels modes de vie sont durables? Quels modes de vie sont justes et permettraient de réduire, voire d’éliminer les grandes inégalités? Quels modes de vie pourraient être étendus à l’ensemble de la planète? Quel rapport aux ressources, à l’environnement et à la terre pourrait les sous-tendre?

Et d’abord et avant tout, puisque l’initiative individuelle ne pourra pas renverser la tendance et les décisions prises à l’échelle de pays et de corporations multinationales en concurrence, quelle distribution des ressources et quelles structures décisionnelles pourraient assurer la création de tels modes de vie?

Une âme qui passe l’épreuve du temps

Pour ses vingt ans de carrière solo, Joseph Edgar nous propose un 15e opus éponyme. Au cours de ces deux dernières décennies, l’auteur-compositeur-interprète acadien n’a cessé de nous séduire à chaque album, avec une plume personnelle et un accent chaleureux.

Pochette de l’album Joseph Edgar. Photo : josephedgar.ca 

Pochette de l’album Joseph Edgar. Photo : josephedgar.ca

Cette fois, il nous présente un album aux accents folks modernes, coréalisé avec Benoit Bouchard. Le duo nous offre des orchestrations solides et profondes tout au long du disque.

Les prestations vocales de Joseph Edgar sont justes et attendrissantes, créant parfois des moments d’intimité très touchants.

Certaines chansons me rappellent l’univers d’un certain Chris Isaak. «Année après année», un crescendo qui nous berce tendrement, est suivi de «Hang On (Rester là)», un folk pop accrocheur accompagné de l’un des plus beaux textes de l’album. «Les Golden Hours» est un autre succès potentiel.

Un autre extrait radio à surveiller est «Le Heavy Side of Love». Le texte de l’album nous est livré dans les deux langues officielles du pays. C’est le genre de chanson que l’on écoute en boucle. «Juste comme ça» est une autre pièce qui se démarque bien, avec un excellent texte et une voix en plein contrôle.

Joseph Edgar revient avec des textes magnifiques, chantés d’une voix intense. L’artiste acadien a su prendre le temps nécessaire pour livrer un produit magnifique, qui rend justice à son talent.

«Le Heavy Side Of Love»
Album : Joseph Edgar

Un album plus personnel pour Reney Ray

À la fin du mois d’avril, Reney Ray, autrice-compositrice-interprète de Kapuskasing en Ontario, nous présentait Temporaire, son 4e opus. Cet album, dont elle signe la réalisation, est un effort plus personnel que ses premiers disques.

Pochette de l’album Temporaire

Photo : reneyray.ca

Dès les premières notes d’«Adam», elle nous propose une trame blues, qui trace la ligne narratrice de cette création. L’artiste franco-ontarienne nous livre ses blessures les plus profondes et sa quête de spiritualité et de paix intérieure. Avec «Cobaye» et «J’t’aime pareil», elle nous dévoile son besoin de tendresse et son mal d’amour.

Elle nous surprend également avec la pièce «Backstab», un duo au style inattendu avec l’artiste David Jalbert. La prière «Oh My Lord» est un autre duo surprenant avec Day Vee. Dans la même veine, on trouve également «Powerful».

Reney Ray termine ce 4e album avec la chanson la plus profonde de toute sa carrière. Dans «T’as grandi», l’artiste se livre dans toute sa vulnérabilité et sa fierté. La trame piano-voix rend cette pièce extrêmement intense et saura venir toucher le cœur des parents.

Ce nouvel opus offre des trames profondes et une certaine recherche de spiritualité au niveau des textes. La Franco-Ontarienne réussit à nous interpeler tout au long du disque avec sa voix un peu rauque et réconfortante.

«Cobaye»
Album : Temporaire

Cette voix que l’on n’oublie pas

À l’automne 2019, une belle voix chaude du passé nous revenait, comme celle d’un bon vieux chum. Une voix chaleureuse qui avait bercé notre jeunesse et qui, encore une fois, venait nous séduire avec des mélodies captivantes. Avec Comme un engin, Michel Lalonde, ex-Garolou, revenait nous partager le fruit de ses dernières créations.

Pochette de l’album Comme un engin

Photo : michellalonde.ca

Dès les deux premières pièces, on y retrouve cette chaleur humaine, cette tendresse qui nous berce avec «J’suis fait comme ça» et «Tout ce qu’on avait». Cette dernière est une adaptation francophone d’une chanson de John Prine, qui met en scène la voix de Patricia Richard au niveau des chœurs.

«Marilou» est une autre excellente pièce country folk où la charmante voix de Caroline Bernard vient appuyer celle de Michel Lalonde.

Deux de mes titres préférés me rappellent des univers folks americana classique. «Cap sur l’amour», sur une trame à la Gordon Lightfoot, est le plus beau texte de l’album. Une partition de violon nous dresse une toile de fond nostalgique, alors que le texte respire la tendresse.

«C’est toujours toi» est une autre belle mélodie folk à la Eagles, avec une touche de nostalgie qui vient doucement nous bercer.

Sur cet opus, Michel Lalonde nous offre aussi un p’tit clin d’œil à son époque Garolou avec une belle version de «Joli cœur de rosier».

Je termine par une mention spéciale pour la pièce-titre, «Comme un engin», une road song au texte engagé, très puissante et actuelle.

«Comme un engin»
Album : Comme un engin

Marc Lalonde, dit Lalonde des ondes, est chroniqueur musical depuis plus de 25 ans au sein de la francophonie musicale canadienne et animateur de l’émission radiophonique Can-Rock. Il se fait un malin plaisir de partager cette richesse dans 16 stations de radio à travers le pays chaque semaine.

Les électeurs touchés par les inégalités intergénérationnelles sont très courtisés à la fois par les libéraux et par leurs adversaires. Si les libéraux n’ont pas la faveur des électeurs âgés de 30 ans et plus, quelques électeurs âgés de 18-29 ans semblent ouverts à leur message. 

Justin Trudeau tente notamment de rebâtir son image pour regagner les appuis des plus jeunes électeurs de plus en plus nombreux – surtout les locataires âgés de 18-29 ans. Il est trop tôt pour savoir si ses efforts porteront fruit.  

Les Canadiens sont plutôt divisés sur l’augmentation du taux d’imposition sur le gain en capital – une mesure phare du budget fédéral de 2024. D’un côté, des sondages de la firme Abacus suggèrent que les libéraux regagnent des appuis chez les jeunes de moins de 30 ans, et un autre souligne que plus de jeunes – comparé aux autres groupes d’âge – disent que le budget a amélioré leur perception du gouvernement. D’un autre côté, un sondage réalisé par la firme Léger suggère que les libéraux sont au troisième rang avec seulement 14 % des intentions de vote chez les électeurs de 18-34 ans. 

Chez les électeurs dans la trentaine et la quarantaine, les conservateurs de Pierre Poilievre conservent tout de même une longueur d’avance encore très importante selon ces mêmes sondages.

Comme solution à la crise du logement et à la question de l’abordabilité du cout de la vie, le premier ministre tente de taxer davantage ceux qu’il considère être «les riches» pour financer (indirectement) la construction de logements abordables pour les jeunes et les familles de la classe moyenne.

La crise du logement au Canada n’a pas été causé par un seul évènement ou un seul facteur.

Photo : Rivage - Unsplash

Rappelons que la crise du logement au Canada est causée par plusieurs facteurs. Il y a entre autres la planification urbaine, les taux d’intérêt à leur plus bas jusqu’en 2022, la pénurie de main-d’œuvre spécialisée dans la construction, et les politiques de Justin Trudeau, telles que l’augmentation des niveaux d’immigration permanente et temporaire. 

Cette dernière politique a rapidement fait augmenter le nombre de nouveaux arrivants, rendant ainsi la vie peu abordable pour bon nombre d’immigrants eux-mêmes ainsi que pour bien d’autres Canadiens.

Une portée difficile à cerner

Justin Trudeau propose de faire passer le taux d’inclusion de l’impôt sur les gains en capital de 50 % à 66,67 % pour des gains de plus de 250 000 $ réalisés par un particulier dans une même année. 

Pour les entreprises, l’augmentation touchera en principe tous les gains en capital, même ceux qui permettraient de réinvestir dans la création d’emplois. Il va falloir attendre le texte du projet de loi du Parti libéral pour voir s’il y aura des exceptions. 

Justin Trudeau prétend que seulement les contribuables les plus riches seront touchés par la mesure annoncée dans le budget. Il passe sous silence que l’augmentation aura des répercussions sur beaucoup d’ainés qui misaient sur la vente d’un édifice à revenus ou d’actions achetées il y a 30 ans pour financer leur retraite.

Les chiffres qu’il utilise pour faire valoir que peu de contribuables seront affectés sont réfutés par des économistes. Les données du gouvernement soulignent aussi que 300 000 entreprises qui déclarent des gains en capital qui seront touchées par cette nouvelle mesure. Les entrepreneurs auront moins intérêt à investir dans de nouveaux projets et moins de capitaux pour le faire.

Le gouvernement offre un «nouvel incitatif aux entrepreneurs canadiens» pour limiter l’incidence sur les plus petits entrepreneurs. Cependant, les statistiques citées par le gouvernement sont celles des impôts d’une seule année. Ils ne prennent pas en compte les gains en capital qui n’ont pas encore été réalisés par les particuliers et les entreprises et qui seraient assujettis au taux d’inclusion supérieur quand les actifs imposables seront éventuellement vendus.

À lire : Budget 2024 : les riches paieront les nouvelles dépenses d’Ottawa

Les conservateurs coincés?

Plusieurs regroupements de gens d’affaires et des analystes économiques critiquent l’augmentation du taux d’imposition du gain en capital.

En temps normal, on pourrait croire que les conservateurs se porteraient plus à la défense des ainés et des créateurs de richesse. En 1999, nul autre que Pierre Poilievre disait favoriser l’abolition de l’impôt sur les gains en capital. Cependant, en tant que chef du parti, il fait appel aux travailleurs et aux jeunes dans ses messages politiques, plus qu’aux investisseurs dans un contexte où les inégalités de richesse augmentent.

Pierre Poilievre tente de maintenir une image de «Robin des Bois», qui est peu compatible avec la défense des «riches» investisseurs. Il s’abstient de commenter définitivement la mesure, mais il devra se prononcer quand le projet de loi sera déposé, si ce n’est pas avant.

Les conservateurs attendent probablement un changement de narratif ou d’opinion dans le débat public avant de s’avancer. Ou encore l’émergence d’autres détails concernant la portée et l’incidence des mesures, le texte du projet de loi ou même les résultats de sondages.

Comme tous les autres partis politiques, ils tentent d’éviter tout ce qui pourrait contredire ce qui est au cœur de l’image de leur chef. L’intégrité de l’image, voire sa simplicité, est valorisée en communication politique.

Prendre position contre la mesure risquerait d’être difficile à expliquer sans ternir l’image des nouveaux conservateurs, qui favorisent les jeunes travailleurs, et rappeler une image moins flatteuse, même mythique, des vieux riches conservateurs d’antan.

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, n’a pas inclus le nouveau taux d’inclusion de l’impôt sur les gains en capital dans le projet de loi budgétaire. 

Photo : Julien Cayouette - Francopresse

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, n’a pas inclus le nouveau taux d’inclusion de l’impôt sur les gains en capital dans le projet de loi budgétaire. Il fera plutôt l’objet d’un autre projet de loi séparé qui sera présenté avant l’été. Cette stratégie protègera les autres mesures budgétaires et assurera leur adoption plus rapide. 

La tactique permet aussi au gouvernement d’attirer plus d’attention sur la difficile prise de position de M. Poilievre. Si sa réponse semble nuire à son image, les libéraux n’hésiteront pas à prolonger le débat public. 

Est-ce qu’un éventuel gouvernement conservateur renverserait la mesure? Il est assez difficile pour les gouvernements de se priver de revenus qu’ils ont l’habitude de recevoir. La dépendance à ces revenus peut se développer assez rapidement.

Le gouvernement libéral du premier ministre Jean Chrétien a maintenu la TPS du gouvernement progressiste-conservateur précédent, malgré la promesse de l’abolir. 

Chez les conservateurs actuels, plusieurs favorisent une simplification des lois concernant les impôts et les taxes. Dans l’éventualité d’un gouvernement majoritaire, ils pourraient aborder la question dans ce contexte, si la volonté ainsi que les conditions politiques et économiques sont réunies. 

Au cours des prochaines semaines, on verra si la tendance permet aux libéraux de confirmer la sagesse de leur mesure – et à Pierre Poilievre de se prononcer davantage sur le sujet.

Carl Dholandas est conseiller en politiques publiques et en communication stratégique. Avocat-conseil en droit public et en droit des affaires, il a occupé des postes exécutifs aux ministères des Finances, de l’Industrie, de la Justice, de l’Immigration et des Affaires mondiales.

Ce déclin se trouve encore une fois confirmé par la publication d’un «tableau de bord» que vient de mettre en ligne l’agence statistique pour nous permettre de visualiser les tendances linguistiques sur plusieurs décennies.

Il ne s’agit pas de nouvelles données, mais plutôt d’un nouvel outil permettant d’examiner les tendances lourdes caractérisant l’usage des deux langues officielles à partir des données des recensements depuis 1951.

Grâce à ce tableau, on voit clairement que la situation du français se fragilise. Par exemple, on constate que le pourcentage de personnes déclarant avoir le français comme seule langue maternelle est en diminution constante : il est passé de 24,1 % en 1991 à 19,6 % en 2021.

Cette baisse s’observe dans toutes les régions du pays, mais de manière inégale. Les endroits les plus touchés, déjà hautement vulnérables, sont la Saskatchewan et le Manitoba. Les pourcentages ont diminué de moitié ou presque, passant de 2,1 % à 1,1 % en Saskatchewan et de 4,6 % à 2,8 % au Manitoba.

Au Québec, la baisse est moins marquée, mais néanmoins préoccupante : le pourcentage est passé de 81,6 % à 74,8 %.

Si bon nombre d’observateurs tentent de tirer la sonnette d’alarme depuis des années, bien peu de choses ont été faites par nos gouvernements pour renverser ce déclin. Oui, il y a bien eu des victoires linguistiques de temps à autre, grâce surtout à la vigilance des tribunaux, mais les avancées ont été nettement insuffisantes pour freiner la tendance. 

Possible évolution récente 

Le gouvernement fédéral a finalement réussi à faire adopter son projet de loi pour moderniser la Loi sur les langues officielles l’année dernière.

Le Commissariat aux langues officielles aura ainsi plus de pouvoirs, incluant la possibilité d’imposer des sanctions financières aux organismes pris en faute et d’émettre des ordonnances pour forcer une institution fédérale à se conformer aux décisions qu’il rendra.

Le principe de l’asymétrie des défis auxquels sont confrontées les communautés minoritaires francophones et anglophones est enfin reconnu.

Le législateur a aussi décidé de cibler davantage la fonction publique fédérale en exigeant le bilinguisme non seulement pour les juges de la Cour suprême, mais aussi pour la haute fonction publique. Les gestionnaires devront pouvoir communiquer avec leur personnel dans les deux langues officielles.

Le gouvernement devra aussi s’engager activement à faire la promotion de l’égalité réelle des deux langues officielles dans la société canadienne.  

Qui veillera à l’application de la nouvelle loi? 

Cette fonction revient naturellement au Commissariat aux langues officielles. À la lecture de son dernier rapport annuel, déposé au Parlement la semaine dernière, on sent déjà qu’il a hâte de se mettre au travail. C’est déjà fait en partie, comme il le souligne lui-même, à plusieurs reprises, dans son rapport. 

Toutefois, il devra attendre encore un certain temps avant de pouvoir pleinement exercer ses nouvelles responsabilités.

En effet, la mise en œuvre de plusieurs dispositions de la loi doit être précisée par voie de règlement et de décret que doit adopter le gouvernement. Par exemple, quels seront les critères utilisés pour déterminer les postes de gestionnaires bilingues?

De quelle façon le gouvernement mesurera-t-il les progrès accomplis en matière d’égalité d’usage des deux langues et les efforts consentis par les institutions fédérales pour y parvenir?

Quelles entités pourront encourir des amendes en cas de non-respect de la loi et quelles seront les sanctions pécuniaires?

Ces règlements, le commissaire voudrait déjà les avoir. Il doit cependant patienter, car le gouvernement n’a pas encore indiqué quand ceux-ci seront prêts. Dans son rapport, le commissaire prévient que cela pourrait être encore long. Rappelons que la loi est adoptée depuis près d’un an maintenant. 

En fait, ces règlements pourraient bien constituer la pièce maitresse de la nouvelle loi. C’est qu’ils ont aussi bien la capacité de pouvoir renforcer les nouvelles dispositions de la loi que de les amoindrir.

Ils peuvent forcer le gouvernement à agir en présentant des directives claires, contraignantes et ambitieuses ou, à l’opposé, ils peuvent permettre au gouvernement de ne pas assumer pleinement ses responsabilités en établissant des règles vagues, facultatives et sans envergure.

À lire : La fonction publique réticente au bilinguisme, selon le rapport du commissaire

Deux approches possibles

Tous ceux qui ont à cœur la protection du français espèrent que le gouvernement présentera des règlements clairs, contraignants et ambitieux.

Par contre, ce gouvernement, et plusieurs autres avant lui, ont plutôt montré une propension à préférer une voie plus conciliante.

Il faut dire qu’en politique, les électeurs sont plus enclins à blâmer les gouvernements en cas d’échec qu’à les féliciter lorsqu’il y a des succès. Un plan peu ambitieux permet donc de diminuer les attentes des électeurs et ainsi les risques pour les gouvernements. 

Le Commissariat aura donc la responsabilité de talonner le gouvernement pour que ce dernier adopte rapidement des règlements, mais aussi pour que ceux-ci donnent au Commissariat aux langues officielles de vrais pouvoirs d’intervention lui permettant de corriger les situations problématiques. 

Le commissaire a déjà commencé à faire pression sur le gouvernement. Dans son rapport, il conclut, à propos de la modernisation de la Loi, que «le gouvernement doit déployer les moyens d’en faire une œuvre durable, en déclenchant une cascade de responsabilités».

Le gouvernement écoutera-t-il? Nous en saurons certainement un peu plus dans son rapport de l’an prochain. Comme le dit le commissaire, l’année qui vient de se terminer a été une année de transition. Il ne faudrait pas que cela ait été en vain.

En me baladant sur le site du quotidien sportif français L’Équipe, je suis récemment tombé sur un texte long format qui en dit beaucoup sur notre société actuelle. Le titre de cette production: «Everest : la cascade de la mort».

Les environs du camp de base du mont Everest portent les lourdes traces du passage des alpinistes. 

Photo : Ananya Bilimale – Unsplash

Depuis que j’ai vu, il y a quelques années, l’excellent documentaire oscarisé Free Solo, qui retrace l’exploit du grimpeur américain Alex Honnold, tout ce qui a trait au milieu de l’aventure – et plus spécialement en montagne – attise ma curiosité.

Dans «Everest : la cascade de la mort», la journaliste de L’Équipe, Christine Thomas, s’intéresse au premier obstacle qui attend les alpinistes au départ du camp de base de l’ascension, situé à 5364 mètres d’altitude. La cascade de glace du Khumbu a la réputation d’être aussi majestueuse que dangereuse. 

Depuis la première ascension en 1953, 46 personnes y ont perdu la vie, dont 16 il y a dix ans, le 18 avril 2014. Si les photos des bouchons au sommet de la plus haute montagne du monde ont fait le tour de la planète, c’est bien ce passage de glace qui est le plus meurtrier.

En sous-texte, on comprend qu’outre le danger inhérent à la nature même de la montagne, ce sont les pratiques de certains «alpinistes» qui provoquent ces catastrophes.

J’ai été sidéré d’apprendre que des agences proposaient de gravir l’Everest avec une option tout confort : grandes tentes avec plancher en bois et moquette, médecin personnel, chef cuisinier, bouteilles d’oxygène illimitées… tout ça pour la modique somme de 300 000 $ US.

Et tout ça, surtout, au détriment des sherpas, qui doivent trimbaler tout ce surplus sur leur dos. Écœurant.

Dans ces conditions, quelle est la valeur du défi sportif? Je ne peux m’empêcher de penser que beaucoup s’offrent cette ascension pour impressionner, cocher une case dans leur liste de choses à faire. Parce que ça fait «bien». Sans l’aide de bouteilles d’oxygène, combien y parviendraient? Seuls les alpinistes les plus expérimentés. Et ce serait très bien comme ça.

Ne pas viser le sommet dès le départ

Avec l’émergence des réseaux sociaux, nous sommes constamment exposés aux exploits des autres. Il suffit de faire un tour sur Strava, le réseau social des sportifs, pour voir des personnes faire 400 kilomètres de vélo par-ci, 100 kilomètres de course à pied par-là, ou encore des treks d’une longueur extrême dans un cadre enchanteur.

Le tout enrobé d’un commentaire enthousiaste, soulignant à quel point cette épreuve physique a changé leur vie. Ce que je peux bien comprendre et le problème n’est pas là. Le problème, c’est la nécessité de se comparer sans cesse, de vouloir faire pareil, voire mieux, sans savoir si cela nous convient vraiment.

Et je parle en connaissance de cause. Moi aussi j’ai les yeux écarquillés face aux courses d’ultradistance mythiques comme l’Ultra-trail du Mont-Blanc, qui traverse l’Italie, la Suisse et la France, ou la Diagonale des fous à la Réunion. Moi aussi je rêve d’y prendre part un jour, alors que mon corps ne me le permet pas aujourd’hui.

Et c’est justement là où il faut savoir rester mesurés. Peut-être que nous n’arriverons pas à atteindre ces rêves. Pour des raisons physiques, mentales ou encore d’investissement. Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne sommes pas à la hauteur.

La valeur d’un accomplissement ne dépend pas de la hauteur du défi; elle dépend de la hauteur à laquelle nous partons.

Je suis un grand auditeur de balados sur la course à pied. Combien de fois ai-je entendu des néophytes se lancer dans cette pratique en doutant de leurs capacités à boucler ne serait-ce qu’une épreuve de 10 kilomètres? Et combien de fois les ai-je entendus décrire leur profonde émotion une fois la ligne d’arrivée franchie?

Les salles d’entrainement sont souvent plus tranquilles en février. 

Photo : Mike Cox – Unsplash

Parfois, ce petit pas avant leur permet d’en faire un plus grand par la suite. Faire un trop grand pas tout de suite, c’est courir le risque de se bruler et d’abandonner. 

Je pense aussi à ces résolutions de la nouvelle année, parfois démesurées. Sans doute poussés par une semaine des Fêtes excessivement caloriques, certains l’affirment haut et fort : «Cette année je m’inscris au gym!»

L’intention est louable et doit être encouragée, mais la mode du gym (ou du yoga, ou du trail…) est-elle la bonne pour nous? À en juger par les taux de fréquentation des gyms en forte diminution après le mois de février, certainement pas pour tous.

Surtout, il ne faut pas oublier que pour réussir n’importe quel défi, il faut se préparer sérieusement. «L’important, ce n’est pas la destination, c’est le voyage», disait l’écrivain écossais Robert Louis Stevenson.

Le voyage, ici, c’est des mois d’entrainement, de découverte de soi par le sport. Avant de foncer tête baissée vers le sommet de l’Everest, certains feraient mieux de se le rappeler.