le Vendredi 14 novembre 2025

L’arbre des rues ne fait plus pester parce que les feuilles bouchent les gouttières ou rend les trottoirs glissants. Il est celui qui sauvera les villes de la pollution et du réchauffement climatique. Les élus en réclament, les architectes en font pousser sur le moindre bout de béton.

En 2007, Montréal a lancé un programme participatif de verdissement des voies publiques. Les habitants s’occupent eux-mêmes de la végétalisation une fois le bitume retiré des chaussées. 

Photo : Wikipedia Takes Montreal

L’heure est à la plantation massive. Au vu de l’urgence climatique, les propriétaires privés et les organisations non gouvernementales sont appelés en renfort. En 2007, Montréal a lancé un programme participatif de verdissement des voies publiques. Les habitants s’occupent eux-mêmes de la végétalisation une fois le bitume retiré des chaussées.

La ville de Québec fait figure de championne au pays avec un indice de canopée urbaine de 32 %. Autrement dit, près du tiers de son territoire est à l’ombre, couvert par le feuillage des arbres.

Sur l’ile de Montréal, ce fameux indice est passé de 20 % en 2007 à plus de 25 % aujourd’hui. De son côté, Toronto a planté près d’un million d’arbres entre 2008 et 2018, portant son indice à plus de 28 %.

Moins de verdure dans les quartiers pauvres

«L’indice de canopée des grandes métropoles canadiennes se situe en moyenne entre 20 et 30 % et toutes veulent atteindre 40 %», rapporte Janani Sivarajah, professeure adjointe à la Faculté de foresterie de l’Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche sur l’arbre urbain et son milieu.

Calgary est l’un des centres les moins arborés du Canada, avec un indice de canopée de seulement 8 %. 

Photo : Wikimedia Commons

Le couvert végétal varie fortement d’un quartier à l’autre. Les zones les plus défavorisées sont souvent les plus minéralisées. D’après un rapport de Nature Canada, paru en septembre 2022, le boisement diminue considérablement dans les secteurs à faible revenu de Toronto et Vancouver, où la présence de communautés autochtones, noires et de couleur augmente. Il y a également de profondes disparités entre les municipalités. Calgary, en Alberta, est l’un des centres les moins arborés du Canada, avec un indice de canopée de seulement 8 %.

«Il n’y a pas de cadre législatif contraignant et de financement pérenne, que ce soit au niveau fédéral ou provincial. Tout dépend de la volonté politique locale», relève Janani Sivarajah.

«Nous avons justement créé la stratégie canadienne sur la forêt urbaine pour faire avancer le dossier auprès des gouvernements», renchérit Michael Petryk, directeur des opérations d’Arbres Canada.

Milieu hostile

Les petites villes pâtissent, elles, d’un manque de ressources humaines et financières.

«Contrairement aux grandes métropoles qui ont des équipes entières dédiées à la foresterie urbaine, les petites localités n’ont pas de budget spécifique et de personnel doté de l’expertise nécessaire, constate Michael Petryk. Elles doivent faire appel à des associations, car elles n’ont pas les moyens de planter seules à grande échelle.»

Michael Petryk est directeur des opérations d’Arbres Canada. 

Photo : Courtoisie

Entre 2021 et 2022, l’organisation Arbres Canada a ainsi financé la mise en terre de 900 000 arbres dans 183 communautés. Le programme fédéral 2 milliards d’arbres alloue également des fonds.

À lire aussi : Deux-milliards d’arbres pour faire face au changement climatique

Face à l’actuelle frénésie arboricole, Janani Sivarajah rappelle que la croissance des semis en ville représente un défi, en particulier le long des rues et des axes de circulation.

«C’est un milieu hostile. Les arbres ont du mal à croitre, car le sol n’est pas fertile, il est très pauvre en matière organique, explique la chercheuse. De plus, le volume de terre est souvent insuffisant pour assurer un développement correct des racines.»

«À cause de la densification urbaine, les arbres manquent de place. Ils sont plus que jamais sous pression», poursuit Michael Petryk.

Une saison en forêt

Découvrez les secrets de la forêt canadienne

Les arbres plantés survivent-ils à leurs premières années? 

«L’entretien des arbres s’est amélioré, ce qui contribue à allonger leur durée de vie, observe Michael Petryk, directeur des opérations d’Arbres Canada. Les taux de mortalité vont dépendre des zones où ils sont enracinés. Leurs chances de survie sont plus grandes dans les parcs.»

«Mais au Canada, nous n’avons pas de cartographie ou de suivi. C’est difficile de mesurer le nombre d’arbres perdus», regrette Danijela Puric-Mladenovic, professeure adjointe à la Faculté de foresterie de l’Université de Toronto.

Pour y remédier, Arbres Canada s’affaire à mettre sur pied un outil de suivi cartographique. L’Institut forestier du Canada a également reçu des fonds fédéraux pour compiler les données géospatiales relatives à la foresterie urbaine des municipalités dont la population est supérieure à 50 000 habitants.

Aux yeux des spécialistes, les villes ne peuvent pas faire l’impasse sur la question des essences et planter n’importe quoi.

Janani Sivarajah est professeure adjointe à la Faculté de foresterie de l’Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche sur l’arbre urbain et son milieu.

Photo : Courtoisie 

«Il faut tendre vers plus de diversité. Ça permettra aux arbres d’être plus résilients face aux maladies et aux invasions d’insectes qui se développent avec le réchauffement climatique», considère Janani Sivarajah.

Une autre question majeure se pose : les villes doivent-elles privilégier des espèces locales ou anticiper les modifications du climat avec des températures plus élevées en plantant des essences venues d’ailleurs?

«On manque d’études sur le sujet, mais il y a un équilibre à trouver. Il ne suffit pas de changer d’espèces, il faut aussi avoir les conditions suffisantes pour que les plants survivent dès aujourd’hui», estime Danijela Puric-Mladenovic, professeure adjointe à la Faculté de foresterie de l’Université de Toronto.

Le béton reprend du terrain

En réalité, cette poussée des villes-forêts cache un manque de planification stratégique. Les chercheuses interrogées dénoncent une tendance des municipalités à planter n’importe où et n’importe comment.

«Les planificateurs pensent aux arbres en dernier, jamais en amont, au moment de l’élaboration des projets ; ils ne prennent pas le temps de réfléchir à où les installer. Les mentalités doivent changer», insiste Janani Sivarajah.

Danijela Puric-Mladenovic est professeure adjointe à la Faculté de foresterie de l’Université de Toronto. 

Photo : Courtoisie 

«Les villes ont une approche fragmentaire, les forêts urbaines ne sont pas assez intégrées à l’aménagement du territoire, renchérit Danijela Puric-Mladenovic. De nouveaux bâtiments sortent de terre, et les planificateurs se disent après coup, “oh il n’y a pas de parcs, il faudrait peut-être planter des arbres”.»

Dans certaines villes, le béton reprend carrément du terrain. À Charlottetown, l’indice de canopée urbaine était de 20,91 % en 2020, soit une baisse de 1,29 point de pourcentage par rapport à 2014.

«Nous observons un déclin de la canopée dans plusieurs municipalités à travers le pays», confirme Michael Petryk.

Danijela Puric-Mladenovic analyse ce déclin à la lumière de la crise du logement qui frappe le pays : «La priorité est de construire plus, plus vite. Cette pression du développement foncier est extrêmement brutale, il n’y a aucune stratégie pour préserver le sol et la forêt.»

Les bénéfices des arbres 

Les forêts urbaines sont une arme efficace pour lutter contre les effets du changement climatique. Elles rafraichissent l’air des villes tout en réduisant leur pollution. 

De nombreuses études scientifiques montrent que les arbres absorbent le CO2 et filtrent les particules et bien d’autres polluants contenus dans l’atmosphère. Elles révèlent aussi que l’ombre qu’ils projettent et la transpiration végétale produite lors de la photosynthèse contribuent à faire baisser la température de l’air.

Les arbres jouent par ailleurs un rôle clé dans la prévention des inondations, grâce à leur système racinaire qui absorbe l’eau dans le sol. Ils limitent enfin les éboulements des terrains et hébergent une riche biodiversité.

«C’est aussi un plaisir esthétique. C’est bon pour la santé mentale et physique des résidents, ça les encourage à sortir se promener», détaille Janani Sivarajah, professeure adjointe à la Faculté de foresterie de l’Université Laval.

«Une de mes recherches a montré que la présence d’arbres dans une cour d’école d’un quartier défavorisé contribuait à améliorer les résultats scolaires des élèves de 3e et 6e années en lecture, écriture et en mathématiques.»

Feux de forêt, sècheresse, tempêtes historiques… les catastrophes naturelles n’ont pas fini d’alimenter les nouvelles. Avec le concours «1.5 ALIVE : Sois la voix du changement», l’organisme à but non lucratif d’éducation à l’environnement EcoNova veut sensibiliser la jeune génération.

Le nom de l’évènement fait référence à l’Accord de Paris issu de la COP 21 de 2015, qui visait à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.

Le concours invite les jeunes à écrire une chanson et à enregistrer un clip vidéo en français ou en anglais, mais «10 % de la chanson peut être dans une autre langue, autochtone ou étrangère», indique Caroline Malczuk, éducatrice à l’environnement chez EcoNova.

À noter que l’organisme met à disposition des tutoriels vidéos pour composer une chanson ou encore réaliser un clip digne de ce nom.

À lire aussi : Un concours lie bande dessinée et écologie

L’année dernière, les candidats devaient s’essayer au rap. Pour la présente édition, ils ont l’embarras du choix. Que ce soit sur des airs de country ou avec des accents pop, le but est d’«appeler à l’action climatique», souligne l’animatrice.

Action climatique

«On attend des jeunes qu’ils abordent le sujet des changements climatiques dans les chansons et que cela les inspire à agir. Ce n’est pas seulement faire un constat, ce qui peut être déprimant, angoissant, mais c’est aussi aller chercher des solutions et des pistes d’action pour agir sur ce climat qui change», poursuit-elle.

Les critères d’évaluation tiendront bien évidemment compte de l’originalité, mais au niveau technique, «on n’attend pas forcément des résultats professionnels», rassure l’éducatrice.

Ainsi, la forme ne doit pas prendre le pas sur le fond. «Il y a un critère sur les données qui sont mobilisées et le message transmis pour appeler à l’action», précise Caroline Malczuk.

Notre Terre est si belle, chanson gagnante du concours de 2022

«Ce qui nous intéresse dans la chanson, encore plus que les qualités de chanteur des uns et des autres, c’est le message qui passe par le texte, complète Aloïs Gallet, cofondateur d’EcoNova. On demande qu’ils nous fournissent le transcript de la chanson, car les paroles sont importantes.»

Musicalité, rimes, rythme, chorégraphie, le jury sera également sensible à toutes les propositions créatives, ajoute-t-il.

Culture environnementale

Ce concours est aussi l’occasion de mettre en évidence l’importance de l’art par rapport à la question du climat, remarque Caroline Malczuk. «C’est important qu’au Canada, il y ait une culture environnementale.»

Pour Aloïs Gallet, cofondateur d’EcoNova, l’art est un moyen d’éduquer les jeunes, mais aussi de leur permettre d’exprimer leurs émotions, notamment l’écoanxiété. 

Photo : Courtoisie

Elle explique que «pour la développer, ça passe forcément par l’art et ce qui est communiqué à travers la chanson ou l’art en général. Ce sont des choses qui vont rester à l’esprit, qui vont infuser dans la société, et si en plus ce sont les jeunes qui sont derrière ce message-là, c’est encore plus fort».

«On voulait aussi permettre que l’art soit une manière pour eux de communiquer leurs émotions», poursuit Aloïs Gallet. Notamment leur écoanxiété. Selon une étude menée auprès de jeunes au Canada, au moins 56 % d’entre eux se disent effrayés, tristes, angoissés et impuissants face au changement climatique, rapporte EcoNova.

«C’est sûr que la situation cette année, avec des feux historiques, ça n’a pas du tout arrangé les choses», admet Caroline Malczuk.

Écoanxiété

«L’écoanxiété est particulièrement présente chez les adolescents, avec des émotions telles que la colère, la tristesse, la frustration», précise-t-elle.

À lire aussi : Écoanxiété : regards sur le phénomène (L’Aurore boréale)

Mais selon elle, cette écoanxiété peut mener à l’action. «Loin d’être une maladie, c’est une sensibilité saine à un monde qui est en train d’être bouleversé, raisonne-t-elle. La question c’est : qu’est-ce qu’on en fait? […] Une des premières solutions à l’écoanxiété, c’est d’agir, et finalement créer une chanson, c’est une forme d’action.»

Selon Caroline Malczuk, éducatrice à l’environnement chez EcoNova, l’écoanxiété peut aussi mener à l’action.

Photo : Courtoisie

Ce concours est aussi un moyen pour EcoNova de documenter ces inquiétudes et d’essayer de les comprendre, indique Aloïs Gallet.

Grâce aux ateliers offerts par l’organisme, les animateurs et les enseignants perçoivent ces sentiments au sein des classes : «Cette année, on a récolté plus de commentaires qui pouvaient témoigner d’une écoanxiété.

À notre niveau, on voit que c’est quelque chose qui est plus présent et qui se développe», constate Caroline Malczuk.

EcoNova propose d’ailleurs des formations aux enseignants pour pouvoir répondre aux questionnements des élèves.

À lire aussi : L’école n’a pas la main verte

Affiche concours – EcoNova Education 

Photo : Courtoisie – EcoNova Education

Comment participer au concours?

Tout jeune de 12 à 21 ans vivant au Canada peut écrire et enregistrer une chanson avec un clip vidéo. Les participants ont jusqu’au 30 septembre 2023 pour soumettre leur vidéo.

Toutes les règles du concours se trouvent ici.

Pour s’inscrire : https://econova.ca/concours-15alive-2023-formulaire/

À gagner : l’équivalent de 250 dollars de matériel technique d’enregistrement, un enregistrement professionnel de la chanson sélectionnée, ainsi qu’une production et un montage professionnel de la vidéo.

À noter que les participants peuvent s’inscrire individuellement ou en groupe de deux à quatre personnes. Les enseignants peuvent également concourir avec leur classe entière, avec à la clé des prix spéciaux.

Plus sur la francophonie

Le Cabinet de ministres de Justin Trudeau a changé de visage mercredi, avec sept têtes tombées et sept nouvelles recrues.

Randy Boissonnault est le nouveau ministre des Langues officielles et de l’Emploi et du Développement de la main-d’œuvre. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Au total, 23 des 39 ministres ont changé de portefeuille. La majorité des élus issus de communautés francophones en situation minoritaire restent au Cabinet.

Le député franco-albertain Randy Boissonnault devient le nouveau ministre des Langues officielles. Il récupère aussi l’Emploi et le Développement de la main-d’œuvre, alors que sa prédécesseuse Ginette Petitpas Taylor n’avait que celui des Langues officielles à gérer.

Les Franco-Ontariens perdent Mona Fortier, écartée de ses fonctions de présidente du Conseil du Trésor. Elle a toutefois confirmé sur Twitter qu’elle se représentera dans la circonscription d’Ottawa—Vanier aux prochaines élections.

Le remaniement ministériel a eu lieu mercredi 26 juillet, à Rideau Hall, à Ottawa. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

À lire aussi : Remaniement ministériel : les francophones ont le vent en poupe

La ministre des Femmes et de l’Égalité des genres et de la Jeunesse, Marci Ien, a annoncé mardi la signature d’une entente bilatérale pour le Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe avec la Saskatchewan. Le Manitoba est la première province à avoir signé à ce jour et des négociations sont en cours avec la Nouvelle-Écosse.

Marci Ien, ministre des Femmes et de l’Égalité des genres et de la Jeunesse, est l’une des seules élues à avoir gardé le même portefeuille dans le remaniement. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Dans un courriel envoyé à Francopresse, Femmes et Égalité des genres Canada assure que «tous les accords bilatéraux contiennent une clause sur les langues officielles». L’une des priorités du Plan est de joindre les populations qui ne reçoivent pas de services et celles qui sont à risque.

«Les provinces et les territoires peuvent déterminer les communautés de langue française en situation de minorité comme faisant partie des populations qui ne reçoivent pas de services et de celles qui sont à risque dans leur plan de mise en œuvre», complète le ministère.

La ministre ontarienne des Affaires francophones Caroline Mulroney a annoncé mardi en point de presse que le gouvernement allait «continuer à parler avec l’Université de Sudbury concernant leur demande».

Caroline Mulroney, ministre des Affaires francophones au gouvernement de l’Ontario, assure qu’une conversation avec l’Université de Sudbury est en cours. 

Photo : Patrick Woodbury – Le Droit

L’établissement nord-ontarien s’était vu refuser le financement du gouvernement ontarien il y a quelques semaines. Selon l’attachée de presse au ministère des Collèges et des Universités (MCU) Liz Tuomi, la proposition de l’Université de Sudbury «ne reflète pas la demande actuelle ni les tendances en matière d’inscription», rapporte le quotidien Le Droit.

En entrevue pour l’émission «Le matin du Nord» de Radio-Canada, le chef de l’opposition Pierre Poilievre a affirmé être en faveur de la demande de financement de l’Université de Sudbury.

L’Université de Sudbury, en Ontario, ne sera pas financée par le gouvernement de Doug Ford. 

Photo : Facebook de l’Université de Sudbury

Le conservateur Shuvaloy Majumdar a remporté la circonscription du sud de l’Alberta avec 65 % des voix. Les candidats libéral et néodémocrate étaient loin derrière, avec 14 % chacun. Le taux de participation a à peine dépassé les 28 %.

Le député a été conseiller politique de l’ancien premier ministre Stephen Harper et de l’ex-ministre des Affaires étrangères, John Baird. Il comble désormais le siège laissé vacant depuis la démission du conservateur Bob Benzen.

Élection partielle, remboursements compliqués et tournée carbonée

L’Association de l’industrie touristique du Canada (AITC), accompagnée de 250 associations d’affaires et signataires, appelle d’urgence la ministre des Finances Chrystia Freeland à retarder la date limite de remboursement pour le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC).

La ministre des Finances a confirmé, il y a quelques semaines, qu’environ 20% des entreprises canadiennes avaient remboursé leur prêt d’urgence.

Photo : Marianne Dépelteau - Francopresse

Les signataires d’une lettre adressée à la ministre affirment que plusieurs entreprises n’ont toujours pas retrouvé leurs revenus d’avant la pandémie de COVID-19.

Environ 49 milliards de dollars ont déjà été accordés à des centaines de milliers d’entreprises. Il y a quelques semaines, Chrystia Freeland a déclaré que 21 % d’entre elles avaient remboursé leur prêt au 31 mai. La date limite a déjà été reportée au 31 décembre 2023.

Pierre Poilievre a amené son mouvement «Abolir la taxe» cette semaine dans le nord de l’Ontario, à Thunder Bay, Timmins, Sault Ste. Marie, en passant par Sudbury et North Bay.

Pierre Poilievre effectue une tournée au pays pour mettre de l’avant sa position contre la taxe carbone. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Le chef du Parti conservateur a remis de l’avant sa position contre la taxe carbone, l’un de ses sujets phares lors de la session parlementaire. Pour lui, celle-ci reste un échec du gouvernement libéral, pour qui cette taxe est une manière de lutter contre le réchauffement climatique.

Avant la fin de la session, Pierre Poilievre avait martelé qu’il exigeait du gouvernement libéral l’annulation de toute augmentation future de la taxe sur le carbone, pour lutter contre l’inflation.

Sénateurs et ministres lui ont répété que le projet de loi C-13 sur les langues officielles n’était «pas le bon véhicule» pour reconnaitre les droits liés aux langues autochtones au Canada. Le sénateur francophone du Nouveau-Brunswick, René Cormier, défendait en comité le 12 juin dernier que la Loi sur les langues autochtones «permettrait de faire un travail pour approfondir la question».

«Il ne faut pas me renvoyer à la Loi sur les langues autochtones, qui n’a pas les mêmes poignées juridiques que la Loi sur les langues officielles. Je le dis avec beaucoup d’amour», déclare Michèle Audette.

«C’était la seule rencontre avec le Comité permanent des langues officielles du Sénat sur les langues autochtones», note la sénatrice, évoquant ce même 12 juin.

À lire aussi : Refonte des langues officielles : «pas le véhicule» pour les langues autochtones

Responsabiliser le fédéral

Michèle Audette avait tenté, sans succès, de faire reconnaitre dans C-13 la conformité et l’application de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, notamment son article 13, afin que les Autochtones puissent conserver leurs droits et langues.

La sénatrice innue et québécoise Michèle Audette a tenté de faire reconnaitre les langues autochtones au sein de la Loi sur les langues officielles.

Photo : Courtoisie

Selon elle, la mention de la Charte de la langue française dans la Loi sur les langues officielles est «légitime». «Mais pourquoi ça marche pour le Québec et pas pour moi?» questionne-t-elle.

La sénatrice précise qu’elle ne demande pas que tous les services soient en innu-aimun. «La question est plutôt : comment va-t-on responsabiliser un gouvernement fédéral qui finance des entités fédérales, mais qui ferme les yeux sur langue française? Des Nations qui ont le français comme deuxième langue n’ont aucun service au Commissariat des langues autochtones!»

En comité, elle déplorait également le fait que Patrimoine canadien «refuse de traduire les communiqués de presse dans les langues autochtones» et que le commissaire aux langues autochtones rejette la responsabilité sur le Commissariat aux langues officielles.

Pressée par la crainte que le projet de loi C-13 ne meure au feuilleton comme le projet de loi C-32 en cas de prorogation ou d’élections, Michèle Audette déplore ne pas avoir pu exposer son point de vue comme elle l’entendait en comité, quelques jours avant l’adoption de la Loi sur les langues officielles.

Créer des «vases communicants»

Avec du recul, la sénatrice estime que le fédéral a «manqué le bateau», puisqu’il ne crée pas de «vases communicants» entre les entités qu’il finance, comme le commissaire aux langues autochtones et le Commissariat aux langues officielles.

La ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, a garanti que sa Loi n’était pas la bonne place pour évoquer la question des langues autochtones.

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Selon elle, l’étude aurait notamment été plus profonde si la Chambre des Communes avait porté attention à l’enjeu des langues autochtones.

«J’ai toujours senti la ministre Ginette Petitpas Taylor de bonne foi, mais elle a un agenda politique. Moi, je voulais savoir si C-13 passait le test de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et le respect des droits autochtones. Je trouvais que non.»

«Nous nous sommes assurés que le projet de loi C-13 n’était pas un obstacle à la promotion des langues autochtones. Mais je reconnais qu’on a encore beaucoup de travail à faire», lançait la ministre des Langues officielles, peu après l’obtention de la sanction royale, le 19 juin dernier.

Mais ce n’est pas assez pour Michèle Audette, pour qui la mise à l’écart d’experts autochtones en langues ou en droit lors de l’étude en comité à la Chambre des Communes surtout, a achevé de révéler le manque de responsabilité du gouvernement sur la question des langues autochtones.

Un «déchirement»

Lors de son plaidoyer en comité sénatorial, la sénatrice a tout de même senti un «déchirement» de ses collègues allochtones en comité sénatorial : «Ils me comprenaient, et je les comprenais aussi. Si j’étais eux, j’aurais peut-être agi de la même manière [l’adoption de C-13, NDLR].»

À la fin, je leur ai donné du foin d’odeur [car] ce projet de loi a été très émotif pour eux et pour moi. J’ai perdu ma langue innue à cause des langues officielles.

Le foin d’odeur est considéré comme une plante sacrée pour les peuples autochtones d’Amérique du Nord. En donner est «une offrande», explique la sénatrice Audette. «Il y en a pour qui c’est une poignée de main ou un câlin.»

Depuis que la Loi sur les langues officielles a été modernisée en juin dernier, c’est le projet de loi S-13, porté par le sénateur Marc Gold, qui devient un outil législatif important pour les langues autochtones.

Actuellement en deuxième lecture au Sénat, le projet de loi prévoit que les lois fédérales maintiennent les droits des peuples autochtones tels que reconnus dans l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Michèle Audette assure que pour les Canadiens, un tel projet de loi s’inscrirait dans la continuité du «changement» et de la «relève» qu’elle observe chez les allochtones par rapport aux Autochtones. Et pas uniquement sur le terrain des langues.

«Les gens tentent de faire leurs recherches universitaires différemment et se demandent comment être un meilleur juge. C’est pour ça que je me dis qu’il faut que le changement soit aussi dans les lois, dans le curriculum, mais aussi chez le journaliste ou l’entrepreneur.»

Ex-ministre du Tourisme, Randy Boissonnault reprend les Langues officielles, ainsi que l’Emploi et le Développement de la main-d’œuvre.

Photo : Marianne Dépelteau - Francopresse

Comme annoncé dans les jours précédents le remaniement, sept têtes importantes ont été coupées au sein de la nouvelle équipe ce 26 juillet. Sept nouvelles les remplacent, dont plusieurs élus torontois. Sur 39 ministres, 23 changent de portefeuille.

Les francophones en situation minoritaire auront su en majorité rester au Cabinet. C’est le Franco-Albertain Randy Boissonnault qui reprend non seulement les Langues officielles, mais aussi l’Emploi et le Développement de la main-d’œuvre.

Cela indique que le portefeuille des Langues officielles, qui a détaché d’autres portefeuilles uniquement sous le mandat de Ginette Petitpas Taylor, devient moins conséquent après l’adoption de la Loi sur les langues officielles en juin dernier. L’Acadienne hérite quant à elle des Anciens combattants et est promue comme associée à la Défense nationale.

À lire aussi : La Loi sur les langues officielles modernisée

Dominic Leblanc conserve le portefeuille des Affaires intergouvernementales et Institutions démocratiques et hérite d’un nouveau : la Sécurité publique.

Marianne Dépelteau – Francopresse

Un autre francophone de l’Atlantique reprend un portefeuille décisif : Dominic LeBlanc s’occupera désormais de la Sécurité publique, en plus des Affaires intergouvernementales et des Institutions démocratiques.

Dans un communiqué, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) a offert sa «collaboration» aux ministres Randy Boissonneault et Anita Anand, qui reprend le Conseil du Trésor : «Maintenant que la nouvelle Loi a reçu la sanction royale, il faut penser aux décrets et à la prise de règlements pour la mise en œuvre.»

En revanche, la Franco-Ontarienne Mona Fortier sort du Cabinet. Nommée en 2021, celle qui était à la tête du Conseil du Trésor laisse sa place après une gestion compliquée de la grève des fonctionnaires, ce printemps. L’ancienne ministre a précisé le 26 juillet dans un gazouillis qu’elle se représenterait aux prochaines élections, dans sa circonscription d’Ottawa—Vanier.

Au Québec, plusieurs élus prennent du galon, à l’instar de Pablo Rodriguez. Après avoir tenu tête aux géants du web à Patrimoine canadien (PCH), il devra désormais le faire avec les grandes compagnies de transports.

Il laisse ainsi le Patrimoine à Pascale St-Onge, anciennement responsable des Sports. La députée québécoise s’était fait remarquer dans sa gestion des scandales qui ont éclaté dans le sport canadien, en particulier à Hockey Canada.

Changements majeurs

En Atlantique, le Néoécossais Sean Fraser laisse le portefeuille de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté Canada (IRCC) pour reprendre celui du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités, perdu par Ahmed Hussen. Son mandat a notamment été marqué par l’atteinte de la cible d’immigration francophone hors Québec.

Marc Miller, ancien ministre des Relations Couronnes-Autochtones, reprend l’Immigration.

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Juste après sa nomination, Sean Fraser a assuré que sa politique de catégories spécifiques menée le mois dernier permettra d’attirer des immigrants qui ont «des compétences en construction», pour répondre à la crise du logement qui sévit au pays.

C’est son collègue anglo-québécois, Marc Miller, qui récupère IRCC. Le Congrès des Peuples autochtones du Canada (CPA) avait demandé sa démission en tant que ministre des Relations Couronne-Autochtones, l’accusant d’avoir ignoré et exclu les Métis et Inuits du sud du Labrador pendant des années.

«Nous avons également hâte de travailler avec le ministre Miller pour une politique en immigration francophone assortie de cibles ambitieuses pour rétablir et faire croitre le poids démographique de la francophonie», a déclaré le vice-président de la FCFA, Yves-Gérard Méhou-Loko.

Dossiers chauds à venir

Nouvelle venue au Cabinet des ministres, Jenna Sudds reprendra le ministère Famille, Enfants et Développement social, anciennement dirigé par Karina Gould, qui devient leader du gouvernement à la Chambre des Communes.

Marianne Dépelteau – Francopresse

Quant au dossier chaud de l’entente sur les garderies, qui ne garantit pas un minimum de places pour les francophones en situation minoritaire, ou de manière inégale au pays, ce sera désormais à la nouvelle venue Jenna Sudds, nommée à la tête du ministère Famille, Enfants et Développement social, de s’en charger.

À lire aussi : Petite enfance, grande pénurie de services en français

La Santé est reprise par l’ancien leadeur du gouvernement à la Chambre, Mark Holland, à la place du Québécois Jean-Yves Duclos, qui lui hérite de Services et Approvisionnements. Ce dernier devra notamment gérer le souci des blessures et du manque d’effectif au sein des interprètes de la Colline.

À lire aussi : La santé des interprètes toujours en jeu sur la Colline

L’ex-ministre de la Justice, David Lametti, tire sa révérence et quitte le Cabinet, emboitant le pas à Mona Fortier, Joyce Murray (Pêches et Océans), Helena Jaczek (Services Publics et Approvisionnements), Carolyn Bennett (Santé mentale et Dépendances) et Marco Mendicino (Sécurité publique).

Dans un français truffé de fautes, ce dernier a déclaré sur Twitter : «Je suis fier du travail que j’ai accompli en tant que ministre de l’immigration et de la sécurité publique. […] Je suis très reconnaissante envers les gens de mon compté, que j’ai bien l’intention de continuer à servir jusqu’à la fin de ce mandat, me présenter aux prochaines élections et au-delà.»

Marco Mendicino avait multiplié les faux pas, entre autres sa gestion de la Loi sur les armes à feu et le transfert du criminel Paul Bernardo.

À lire aussi : Feuilleton de la Colline – Semaine du 12 juin 2023

Sept nouveaux venus

Le Cabinet compte sept nouveaux ministres, dont la majorité est issue du Grand Toronto, un bastion libéral : Gary Anandasangaree (Relations Couronne-Autochtones), Arif Virani (Justice et procureur général du Canada), Ya’ara Saks (Santé mentale) et Rechie Valdez (Petite Entreprise).

Justin Trudeau a également nommé l’Ottavienne Jenna Sudds, à la tête de Famille, Enfants et Développement social, l’élu britanno-colombien Terry Beech au nouveau portefeuille de Services aux citoyens, et la montréalaise Soraya Martinez Ferrada, qui prend la tête du ministère du Tourisme. Elle devient aussi responsable de l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec.

Cette question est légitime, car pour les propriétaires qui ont une hypothèque, l’incidence de ces hausses de taux est loin d’être négligeable. Par exemple, si le taux passe de 2,5 % à 7 % sur un prêt hypothécaire de 400 000 $, il faut prévoir environ 1 000 $ de plus par mois, seulement pour couvrir les nouveaux intérêts.

Pour la banque centrale, l’idée est aussi simple que l’outil du taux directeur. Quand le cout des intérêts augmente, vous payez plus cher pour financer l’achat de votre voiture ou de votre maison. Vous devez donc réduire vos dépenses ailleurs. Il y a moins d’activité économique. L’inflation baisse.

Cependant, si vous êtes propriétaire et que vous remboursez une hypothèque sur un logement acheté dans un marché en surchauffe, vous êtes en droit de vous questionner sur cette stratégie. Après tout, votre seule faute aura été de vouloir vous loger.

La Banque du Canada et les gouvernements possèdent d’autres leviers pour limiter l’inflation, mais il n’y a pas de solution miracle.

Agir sur l’offre plutôt que sur la demande

L’ajustement du taux directeur se fait sentir sur la demande, la capacité des gens à dépenser, mais les raisons pour lesquelles le Canada et la plupart des pays du monde ont connu une poussée d’inflation ont moins à voir avec la demande excédentaire qu’avec l’offre qui a été bouleversée par la pandémie et la guerre en Ukraine.

Cependant, il est difficile d’augmenter l’offre de produits à court terme ou de manière efficace. Si tout le monde est confiné à la maison et décide de se lancer dans des rénovations en même temps parce qu’il n’est plus possible de voyager ou d’aller au restaurant, les prix du bois vont monter parce que la demande excède l’offre.

Mais tous les biens ne sont pas ou ne devrait peut-être pas être affectés de la même manière par le libre marché.

Par exemple, le Canada a choisi un modèle de développement de l’habitation où le gouvernement intervient très peu dans le marché. Résultat, les ménages canadiens sont les plus endettés des pays du G7. La majorité de cet endettement provient de leurs dettes hypothécaires.

L’offre de logements est insuffisante au Canada depuis plusieurs années, ce qui est un facteur déterminant dans l’augmentation des prix de l’habitation aux quatre coins du pays.

D’autres pays ont choisi une voie différente. À Singapour par exemple, le logement abordable est un droit. Le gouvernement choisit d’y investir massivement. C’est un choix de société qui a un cout, mais qui comporte aussi de nombreux avantages, dont le fait que les ménages dépensent une part moins grande de leurs revenus pour se loger.

D’autres pays plus comparables au nôtre, comme la Suède ou la Finlande, déploient des stratégies de développement de l’habitation multiples pour tenter d’endiguer leur propre crise du logement.

Des initiatives semblables de la part des gouvernements au Canada ne règleraient pas le problème de l’inflation à court terme, mais elles pourraient aider à réduire l’inflation à long terme en s’attaquant au problème de l’abordabilité du logement tout en réduisant les inégalités.

Agir sur la demande autrement

Le gouvernement canadien laisse le soin à la Banque du Canada de juguler l’inflation en bonne partie parce que c’est une institution indépendante. Ses dirigeants peuvent prendre des décisions impopulaires ou qui se répercutent sur le portefeuille des ménages sans se soucier de devoir être réélus aux quatre ans.

Mais les gouvernements peuvent aider la banque dans sa mission de réduire la capacité de dépenser des ménages en ajustant la fiscalité.

Par exemple, ils pourraient temporairement augmenter certains impôts, de manière ciblée. Ils pourraient aussi éliminer certains crédits d’impôt. Ce serait certainement impopulaire, mais si l’objectif est de réduire la demande, pourquoi envoyer votre argent sous forme d’intérêt sur vos prêts à votre institution financière plutôt qu’aux gouvernements?

Une fois l’inflation affaiblie et stabilisée, les gouvernements pourraient utiliser la marge de manœuvre financière ainsi acquise pour s’attaquer à certains problèmes structuraux comme l’offre insuffisante de logements abordables ou pour lutter contre les changements climatiques qui plomberont la croissance à long terme de l’économie.

Faut-il conserver la cible des 2 % d’inflation?

En juin, l’inflation s’est établie à 2,8 % au pays. Mais la Banque du Canada pense que l’inflation se maintiendra au-delà de sa cible de 2 % parce qu’il y a beaucoup d’épargne dans le système financier et que l’économie est résiliente dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre.

Pourquoi alors s’entêter à maintenir cet objectif de 2 % si l’outil de la banque centrale pour y parvenir, le taux directeur, a peu d’effet sur les causes sous-jacentes de l’inflation? Après tout, cet objectif n’a rien de scientifique. C’est plutôt une convention que les principales banques centrales occidentales ont adoptée dans les années 1990.

On sait qu’une inflation élevée et récurrente est nuisible à l’économie. Une hausse des prix de 10 %, 15 % ou 20 %, année après année, crée des attentes inflationnistes et risque d’entrainer une spirale inflationniste.

Mais 3 ou 4 % plutôt que 2 %? Rien n’indique que cela ait le même effet.

La Banque du Canada devrait-elle garder les taux d’intérêt élevés pendant plusieurs années pour abaisser le taux d’inflation de 3 % à 2 %, quitte à provoquer au passage des faillites personnelles par millier, des difficultés généralisées pour les ménages et une éventuelle récession?

David Dagenais est journaliste économique indépendant et entrepreneur. Auparavant, il a été journaliste à Radio-Canada après avoir achevé des études supérieures en économie politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université d’Ottawa.

Des spécialistes de l’ingénierie, de la conservation, de l’architecture et de l’environnement ont été mobilisés pour travailler sur ce qui est qualifié du plus grand chantier de restauration entrepris au Canada.

Les changements prévus à l’édifice du Centre permettront de «réduire les gaz à effet de serre de 93 % comparativement au bâtiment préexistant», déclare Martin Sing, chef d’équipe chargé du développement durable et des questions énergétiques au sein de Centrus, l’équipe d’experts-conseils responsable des travaux de réhabilitation.

«Plein de choses vont changer dans l’édifice, mais ce qui va rester pareil, c’est le côté patrimonial. On essaye de faire le minimum d’interventions, de garder les choses telles quelles, toutes les façades», insiste Asha Boucher, directrice du projet pour Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC).

Protection sismique

L’édifice du Centre sera notamment surélevé et mis sur des isolateurs de base qui lui permettront de résister à d’éventuelles secousses sismiques.

Expositions et théâtre multimédia

Bonne nouvelle pour les touristes et les personnes intéressées par la politique canadienne ou l’architecture : l’édifice du Centre aura «la capacité d’accueillir deux fois plus de visiteurs», promet la gestionnaire des services aux visiteurs à la Bibliothèque du Parlement, Kali Prostebby.

Le centre des visiteurs occupera deux étages. Son étendue permettra de relier l’édifice du Centre à ceux de l’Ouest et de l’Est.

Des matériaux utilisés pour restaurer des détails des façades. 

Photo : Eya Ben Nejm – Francopresse

«On va inclure des espaces de programmation pour le grand public, des espaces d’exposition, un théâtre multimédia, des salles de classe pour des programmes éducatifs offerts sur place», décrit-elle.

Un toit en verre recouvrira les cours intérieures, ce qui permettra de tirer parti d’espaces inutilisés auparavant.

Les sièges, les toilettes et les moyens technologiques seront adaptés pour les personnes à mobilité réduite ou en situation de handicap.

Le quatrième étage accueillera les rencontres informelles et une salle sera dédiée aux traditions autochtones, comme les cérémonies de purification.

«On a aussi des prières d’accueil. Donc, si un parlementaire reçoit un invité ou un membre du public, ils peuvent aller faire la prière ensemble avant de comparaitre en comité. C’est vraiment un endroit qu’on peut utiliser à cette fin», explique Josée Labelle, conseillère principale, planification et projets d’aménagement des locaux au Sénat.

Technologie de pointe

Les deux antichambres qui encadrent la Chambre des communes – une pour les membres du gouvernement et une pour les membres des partis d’opposition – seront agrandies pour donner plus d’espace de travail aux parlementaires.

Certains éléments décoratifs sont nettoyés au laser. 

Photo : Eya Ben Nejm – Francopresse

De nouveaux fauteuils seront installés dans la Chambre des communes pour accueillir davantage de députés.

En revanche, aucun nouveau fauteuil ne sera ajouté dans la Chambre du Sénat, mais l’espace réservé au public y sera élargi. La salle adoptera aussi une technologie de pointe. «On va équiper la Chambre du Sénat avec de la télédiffusion, et ça, c’est un gros changement», se réjouit Asha Boucher.

Seulement, «côté patrimoine, le plafond est très spécifique. On ne veut pas nuire aux autres éléments patrimoniaux et décoratifs de la pièce, mais on veut faire sûr que la technologie pourrait être capable de faire de la radiodiffusion. C’est vraiment là l’enjeu», ajoute-t-elle.

Conserver le patrimoine

Tous les éléments retirés sont gardés, protégés et numérotés pour qu’il soit possible «de tout remettre exactement là où on l’a trouvé», assure Asha Boucher.

«Quand les gens vont rentrer dans l’édifice, ils vont se retrouver parce qu’il y a plein de choses qui vont avoir l’air d’être pareilles, mais l’édifice tel quel va être amélioré», précise-t-elle.

À gauche se trouve la copie d’une sculpture détériorée et à droite son moule. 

Photo : Eya Ben Nejm - Francopresse

Les plafonds en toile de lin dans la Chambre des communes ont été retirés temporairement pour les travaux. Il a fallu procéder avec prudence, informe le chef de l’équipe spécialisée en patrimoine de Centrus, Pascal Létourneau.

«Le tissu, avec le temps, devient fragile, surtout avec les couches de peinture. Il acquiert une rigidité. […] Tout ça est enlevé très délicatement et entreposé pour une restauration future.»

La poussière des éléments décoratifs de tout l’édifice du Centre sera nettoyée pour leur redonner leur apparence d’origine, complète-t-il.

Le plafond peint à la feuille d’or du Sénat ne sera toutefois pas retiré. Puisqu’il est en assez bon état, il sera seulement nettoyé. De toute façon, «tout ça est vraiment très solidement ancré à la structure du plancher», confie Pascal Létourneau.

Un travail de reconstitution

Selon John-Phillipe Smith, sculpteur du Dominion du Canada, il peut falloir entre une journée et quatre mois pour restaurer une sculpture, selon la somme de détails et la taille. 

Photo : Eya Ben Nejm – Francopresse

Les sculptures de l’édifice du Centre ont été analysées pour déterminer celles qui avaient besoin d’être restaurées. Les œuvres qui se sont détériorées ou brisées au fil du temps sont soumises à de minutieux travaux de restauration.

La restauration d’une sculpture peut prendre entre une journée et quatre mois, selon la somme de détails, indique le sculpteur du Dominion du Canada, John-Philippe Smith.

Un laser est employé pour nettoyer les sculptures et les murs noircis au fil du temps. Dans le cas où cette technique ne fonctionne pas, les professionnels reviennent à la méthode traditionnelle : celle du chiffon et de l’eau.

«La situation des diocèses est vraiment le reflet de la société. L’Église est en crise», lâche l’abbé François Kibwenge, vicaire épiscopal de l’archidiocèse d’Ottawa-Cornwall, dans l’Est ontarien.

«Il n’y a rien de surprenant [au manque de prêtres] dans la mesure où ça obéit à la tendance générale qu’on observe partout en Occident», renchérit Christian Dionne, professeur de théologie à l’Université Saint-Paul à Ottawa.

«Plusieurs lieux de formation de prêtres ici au Canada ont fermé, même ce qui était de grandes institutions à Montréal, à Québec, à Toronto, à Vancouver. Soit ils sont fermés ou soit ils sont devenus des institutions très réduites», observe le spécialiste.

Lieux de culte menacés

En 2020, la Fiducie nationale du Canada estimait que 9000 édifices religieux étaient menacés de fermer définitivement leurs portes d’ici à 2030.

Absence de relève

«Les paroisses sont tenues par des gens d’un certain âge. D’ici cinq ans, ils ne pourront plus être en charge. On est face à une crise générationnelle», remarque, lucide, l’abbé François Kibwenge.

Selon lui, les jeunes veulent expérimenter de nouvelles choses : «La religion avec la prêtrise vient un peu restreindre cette liberté. Donc ce n’est pas un âge où on est à l’aise pour une vocation qui demande beaucoup de discipline.»

Selon abbé François Kibwenge, l’Église fait face à une crise générationnelle. 

Photo : Eya Ben Nejm – Francopresse

Pour Christian Dionne, c’est l’Église qui ne prend pas suffisamment en compte l’expérience des personnes qui s’engagent dans un cheminement vers la prêtrise : «Les quelques jeunes rentrent plus tard, dans la trentaine, la quarantaine. Ça veut dire qu’ils sont porteurs de tout un bagage de vie et nous [l’Église], on les accueille comme des enfants», souligne Christian Dionne.

«Les milieux où les jeunes sont condamnées à la passivité, c’est terminé, ça ne marche plus. Il faut que ces milieux un peu plus revitalisés trouvent le moyen d’impliquer, d’engager les jeunes», poursuit le professeur de théologie.

«On tenait pour acquis que le fait que les gens venaient à l’église ça suffisait. Maintenant, on réalise qu’il faut aller dehors. Il faut aller vers les gens. On ne peut plus se contenter de rester dans nos églises», reconnait François Kibwenge.

Le rôle du diacre

Le diacre est un membre du clergé qui apporte son soutien au prêtre lors des célébrations liturgiques. Il peut aussi célébrer quelques sacrements, comme le baptême et le mariage, et prêcher. Il ne peut toutefois pas célébrer la messe ni confesser les fidèles, par exemple.

Un avenir sans curé?

Un nombre croissant de paroisses catholiques se retrouvent aujourd’hui sans curé, faute de vocations.

Josiane Édith Beaudry déplore le départ d’un prêtre dans la communauté francophone où elle vivait en Ontario. 

Photo : Julie-Eve Carrier

«Quand j’habitais à Barrie, en Ontario, à la fin, on n’avait plus [de] curé. C’est vraiment triste. Après la pandémie, le curé a décidé de ne plus revenir», témoigne Josiane Édith Beaudry. Après avoir vécu pendant 15 ans en Ontario, cette catholique originaire du Québec a depuis peu déménagé à Vancouver, en Colombie-Britannique.

Cependant, elle salue l’effort de la communauté pour assurer la survie de la foi. Après la pandémie, elle explique que ce sont des paroissiens responsables de la catéchèse qui tentaient de réunir les pratiquants.

«Ce qu’on faisait, c’était des rassemblements sans communion, puis on lisait ensemble.»

Un élan communautaire qui, pour Josiane Édith Beaudry, pourrait constituer l’avenir des paroisses. «Je pense que, ce qui s’en vient, c’est beaucoup de mouvements communautaires, avec ou sans curé. Je pense que c’est l’avenir et la seule façon de garder la religion vivante.»

Accueillir des prêtres étrangers

Pour lutter contre la pénurie, des prêtres étrangers sont parfois invités à venir s’installer au pays. À leur arrivée, ils se dirigent vers la paroisse à laquelle l’évêque les a affectés et dans laquelle ils sont initiés par le curé à la culture canadienne.

«Malheureusement, le temps d’accueil, d’adaptation, d’acclimatation n’est pas suffisant», déplore Christian Dionne. Le professeur cite l’exemple de l’Université Saint-Paul : «On n’a pas à l’heure actuelle un programme à la Faculté de théologie qui semble être un programme d’accueil de ces prêtres.»

Selon le professeur de théologie Christian Dionne, l’Église ne prend pas suffisamment en compte actuellement l’expérience des plus jeunes intéressés par la prêtrise. 

Photo : Courtoisie

Venu de la République démocratique du Congo en 1997 pour étudier dans cette université, l’abbé François Kibwenge intègre l’archidiocèse d’Ottawa en 1999 et il devient prêtre en 2014. Durant ses premières années, il découvre une culture religieuse différente, à laquelle il a dû s’adapter.

«Par exemple, pendant un chant où l’on glorifie, comme le Gloire à Dieu, les gens avaient les bras croisés. Dans ma culture, c’est une opposition, une contradiction. Ce n’est pas la position de quelqu’un qui remercie. Ce n’est pas la position de quelqu’un qui louange.»

«Avec le temps, j’ai commencé à comprendre que ce sont des gens qui s’expriment avec leur cœur, mais pas nécessairement avec leur corps, alors je devais m’adapter à ça, je n’avais pas le choix. J’ai commencé à accepter cette façon d’être qui était différente», confie l’abbé François Kibwenge.

Pour réussir à s’adapter à cette nouvelle culture, les prêtres étrangers étaient guidés par un père, ajoute-t-il. «Il nous parlait de la culture d’ici : comment faut-il s’habiller? Comment faut-il se tenir avec les gens? Comment faut-il parler avec les gens? Beaucoup de choses qui concernaient le savoir-vivre, l’aspect culturel.»

«Moi personnellement, c’est quelque chose qui m’a beaucoup aidé à m’intégrer», avoue-t-il.

Selon lui, inviter des prêtres étrangers pour contrer l’enjeu du manque des prêtres francophones est une bonne idée.

«Il faut accueillir l’immigration des gens qui pratiquent notre religion, il faut les accueillir dans nos communautés, sinon la réalité va nous rattraper. Il y a des communautés qui vont mourir.»

Selon le Commissariat aux langues officielles, le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, François-Philippe Champagne, aurait dû communiquer davantage en français dans ses discours prononcés au Canada.

Inès Lombardo – Francopresse

Plus sur la francophonie

Dans un rapport préliminaire obtenu par le quotidien Le Droit en début de semaine, le commissaire pointe du doigt le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, François-Philippe Champagne, pour avoir prononcé neuf discours hors Québec, avec seulement quelques mots en français.

Mais c’est surtout son ministère qui est visé, puisque ce dernier est assujetti à la Loi sur les langues officielles, contrairement à la personne du ministre lui-même. Selon le commissaire Raymond Théberge, le ministère a en effet le devoir de fournir au ministre des discours dans les deux langues officielles, rapporte l’article du Droit.

Le ministère s’est engagé à ce qu’«au moins 30 % du contenu de tous les discours» soient fournis au cabinet du ministre.

Des logements pour les réfugiés, une grève et des pesticides

Le ministre de l’Immigration Sean Fraser a annoncer une aide de 97 millions de dollars pour que la Ville de Toronto loge provisoirement les demandeurs d’asile et les réfugiés. 

Inès Lombardo – Francopresse

Le ministre de l’Immigration Sean Fraser a annoncé l’injection de 212 millions de dollars dans le Programme d’aide au logement provisoire (PALP), qui sera prolongé jusqu’au 31 mars 2024.

97 millions doivent aller à la Ville de Toronto, où des dizaines de demandeurs d’asile dorment dehors. La métropole demandait toutefois 157 millions.

La mairesse Olivia Chow qualifie l’investissement fédéral d’insuffisant, mais estime que c’est un «pas dans la bonne direction».

Selon les informations d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), 700 millions de dollars avaient déjà été versés dans le cadre du programme, dont plus de 215 millions pour la Ville Reine.

Le Syndicat qui représente les débardeurs en grève affirmait jeudi soir avoir conclu une nouvelle entente de principe avec l’Association des employeurs maritimes de la Colombie-Britannique (BCMEA), dans le cadre d’une grève qui touche les ports de la province.

L’entente fait désormais l’objet de discussions pour savoir si elle sera soumise au vote des membres, ce qui n’a pas été le cas de la première entente rejetée mardi par le syndicat.

Plus tôt jeudi, le syndicat avait annulé un préavis de grève de 72 heures soumis mercredi, ce qui laissait penser que la grève ne serait pas reconduite samedi matin.

Mercredi, le premier ministre Justin Trudeau a convoqué le Groupe d’intervention en cas d’incident, en pressant pour que les affaires portuaires reprennent, car des «milliards de dollars de marchandises» ont déjà été perdus, rapporte le bureau du premier ministre.

Nommé l’an dernier conseiller pour Santé Canada en matière de pesticides, le chercheur en santé environnementale des enfants, Bruce Lanphear a annoncé sa démission le 27 juin dernier, évoquant un manque de transparence du gouvernement fédéral à l’égard de la sécurité de pesticides.

Selon un reportage de Radio-Canada, ses demandes pour examiner les données de deux pesticides controversés utilisés au pays, l’herbicide glyphosate et l’insecticide chlorpyrifos, ont été refusées.

Dans sa lettre de démission, il partage ses inquiétudes quant à l’influence de l’industrie agrochimique et aux failles du système d’autorisation des pesticides.

C’est la décision tirée jeudi par Anne Kelly, commissaire de Service correctionnel Canada (SCC), et le comité d’examen mis sur pied pour juger si le transfert du tueur en série était conforme à la Loi.

La reclassification de Bernardo au niveau de sécurité moyenne et son transfert étaient «judicieuses et conformes à toutes les lois et les politiques applicables», précise-t-elle dans un communiqué.

Hormis la décision, deux recommandations ont émané du comité : la communication de l’examen aux victimes avant les médias et le public – ce que la commissaire a fait – et la mise en place d’un autre comité pour renforcer la communication avec les victimes.

Dans cette optique, le ministre de la Sécurité publique Marco Mendicino a émis dans la foulée de l’examen de Kelly une directive ministérielle à l’intention du Service correctionnel du Canada, pour renforcer la communication du SCC aux victimes et au gouvernement.

David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada, veut faire adopter le projet de loi C-48 qui modifie le Code criminel dès cet automne.

Inès Lombardo – Francopresse

En réponse au dépôt du projet de loi C-48, qui modifierait le Code criminel, la Fédération de la police nationale (FNP) demande un meilleur échange des données du système de justice pénale entre Ottawa et les provinces. L’idée est de rendre le système de mise en liberté sous caution plus sécuritaire.

Le projet de loi, qui a passé l’étape de la première lecture à la Chambre des communes, est fortement appuyé par le ministre de la Justice et procureur général du Canada, David Lametti, qui espère le faire adopter cet automne.

Cette mesure a pris fin le 15 juillet. Le gouvernement n’a pas encore annoncé si un accueil à long terme sera offert aux Ukrainiens qui ont fui la guerre.

Le visa a vu le jour l’année dernière et a été prolongé par le ministre de l’Immigration Sean Fraser en mars dernier. Il a permis à un nombre illimité d’Ukrainiens de travailler et d’étudier au Canada pendant trois ans, évitant ainsi le statut de réfugié pour directement accéder à celui de résident temporaire.

Le sénateur conservateur Michael MacDonald a justifié ses actions lors des convois des camionneurs en assurant qu’il avait bu.

Courtoisie Sénat

Le sénateur conservateur de la Nouvelle-Écosse Michael MacDonald aurait enfreint le code de conduite des sénateurs à six reprises, selon le conseiller sénatorial en éthique, Pierre Legault, dans un rapport publié mardi.

Lors du convoi des camionneurs en janvier 2022, MacDonald a été filmé en train de critiquer vivement et de se moquer des résidents d’Ottawa qui se plaignaient des manifestations. Il avait notamment indiqué qu’ils étaient surpayés et sous-employés.

Neuf sénateurs avaient déposé plainte à l’encontre de leur collègue. Ce dernier s’est excusé et s’est justifié en disant qu’il avait bu au moment de la vidéo.

J’écris sous la fumée. Le soleil est rouge, distant. Il fait bruler les grandes forêts de l’autre côté des montagnes que les nêhiyawak (ou Cris des Plaines) appelaient assinwati.

Mes amis parlent des tornades qui ont dévasté une partie d’Ottawa et de celle qui a touché Mirabel, près de Montréal. Des voitures ont été englouties pendant des chutes de pluies torrentielles à Montréal, comme ça a été le cas ici à Regina il y a quelques semaines à peine.

Des membres de ma famille ont toujours du mal à reprendre leur souffle, plusieurs mois après avoir contracté la COVID. Les grandes entreprises continuent sur le souffle pris en 2020 à bénéficier des urgences et se vantent de profits en croissance.

À Winnipeg, on refuse de fouiller un dépotoir pour retrouver les corps de femmes autochtones dont la présence est probable. Je ne connais pas cette douleur de manière intime, mais je la devine.

Et je ne connais certainement pas la violence des inondations ou d’une chaleur jamais ressentie auparavant dans plusieurs parties du monde, les si nombreux contrecoups de la pandémie, ni les guerres dont tant de pays, classes dirigeantes ou autres grandes entreprises profitent, tandis que d’autres s’accrochent à la vie.

La poésie n’y règlera rien.

Arrêter l’attention

La poésie n’y règlera rien, sauf qu’il faut bien vivre – et que nous voulons une bonne vie. Nous devons bien trouver des moments de réconfort, de beauté et de joie.

La poète québécoise Louise Dupré s’est justement mise à la tâche au fil de la dernière décennie. Elle cherche à durer, à ne pas se laisser abattre. La poésie lui permet de s’exercer à la joie pour continuer à faire face au reste, comme elle écrit en se parlant peut-être à elle-même : «Tu t’inscris dans l’humanité qui résiste sans hurler.»

Elle re-suscite ce qui a déjà pu et dû être dit, re-donne ce qui lui est imposé. Elle se retrouve dans ces moments de retour :

le poème ressuscite

des paroles

assassinées

 

il dépose des œillets

sur le malheur

 

afin de le rendre

supportable

— Louise Dupré, Exercices de joie, Montréal, Éditions du Noroît, 2022

Dire ce qui n’a jamais pu être dit

La poésie ne règlera rien à la catastrophe, sauf que nul·le n’est capable de regarder tant de souffrance en face, ni de vivre dans une distraction sans fin.

Les maux présents nous touchent quotidiennement. Les mots nous manquent pour exprimer cette expérience, pour exprimer et vivre de manière plus consciente nos inquiétudes, nos solidarités.

Nous devons refaire la langue, le langage lui-même, chaque jour ; faire des phrases qui n’ont jamais été dites, dire des phrases toutes faites dans des moments inusités.

La poésie pousse cette nouvelle expression encore plus loin que la vie quotidienne.

Si je n’ai jamais pu vivre un moment comme celui-ci, assis sur un balcon en campagne au sein d’un bourdonnement d’abeilles pendant qu’à l’intérieur la télévision montre des gens dans des bunkers improvisés, ce que je peux en dire n’aura jamais pu être dit auparavant. J’y apporte mon propre vécu, ma propre manière d’aligner les mots.

On voit cette invention dans la poésie expérimentale, bien entendu, mais aussi dans la surprise que crée le mouvement du langage.

Le poète franco-ontarien Robert Dickson nous en donne de grands exemples, notamment en laissant couler la langue pour se rapprocher des moments de bonheur et de beauté, comme lors d’une baignade au lac où nous pouvons sortir de nous-mêmes et nous mêler aux éléments :

dans l’eau touche la peau se meut dans l’eau

caresse la peau fend l’eau accueille

la peau caresse l’eau entoure la peau

à l’aise dans l’eau et dans la peau

l’eau et la peau

— Robert Dickson, Humains paysages en temps de paix relative, Sudbury, Prise de parole, 2002

Quand le passé demeure vivant

La poésie ne règlera rien aux maux et désastres du présent, et pas plus à ceux du passé. Leurs contrecoups nous suivent, tant en diminuant notre capacité à trouver une place dans le monde que par le legs des générations passées.

Le poète et traducteur Dominique Bernier-Cormier n’est certes pas le premier à revenir sur ce grand dérangement que fut la Déportation des Acadien·nes. Mais il a su le faire entièrement à sa manière, en reprenant l’histoire de son ancêtre, Pierrot Cormier, qui s’est évadé du Fort Beauséjour en s’habillant en femme et en traversant une rivière à la nage.

Ces deux manières d’être soi-même pour échapper à la déportation deviennent des symboles que Bernier-Cormier reprend encore et encore, dans des poèmes bilingues et des poèmes en anglais, mais aussi dans des poèmes visuels qui dépassent l’image qu’on se fait d’un poème dans une langue.

En écrivant de manières aussi éclatées, il arrive à assumer le fait de vivre en deux langues, de porter la langue de sa famille tout en travaillant et écrivant dans une autre, par choix. Il décrit «Ma gorge glissée through an X-ray» et rappelle que :

Comme Celan I know

qu’only une lettre sépare word from épée,

 

and I wonder comment écrire

dans une langue soiled by darkness.

— Dominique Bernier-Cormier, Entre Rive and Shore, Fredericton, Icehouse Poetry/Goose Lane Editions, 2023

Il écrit, ou en fait traduit l’histoire originale, «dans une langue qui tresse ensemble // the different threads of myself». Et il le fait d’une manière à faire comprendre sa vie entre deux rives à ceux et celles qui se tiennent de chaque côté.

La violence demeure, la poésie aussi

Robert Dickson décrit bien le recours à la poésie que je tente de communiquer :

la poésie sa carte de droit de cité en poche

est assise sur la roche face à la violence

et face à la paix temporaire du paysage

— Robert Dickson, Humains paysages en temps de paix relative, Sudbury, Prise de parole, 2002

Son action n’est que temporaire, mais elle demeure citoyenne, elle a aussi ses droits. Et Dickson écrivait déjà à la page précédente : «j’extrais plus de poésie du lac de la roche / du souffle de l’amour que de la guerre» – la guerre revient toujours, mais la poésie aussi.

Jérôme Melançon est professeur agrégé en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont «La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie» (Metispresses, 2018).