Après le projet Une langue, des histoires, un livre numérique qui recueille des témoignages de personnes de la communauté, l’Association Francophone de Kamloops (AFK) a décidé de lancer un balado avec la même thématique : FrancoLoops.
Dans chaque épisode, Jamie Shinkewski, chargé du développement communautaire et des communications à l’AFK, invite une personne de la communauté à raconter son lien avec le français. L’animateur compte produire 20 épisodes de 20 minutes.
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Avec ce projet, Jamie Shinkewski espère renforcer «le sentiment d’appartenance et de fierté d’être francophone».
L’actualité sur le déclin du français et la détérioration des relations entre les communautés après la pandémie ont accentué son désir de renouer avec la culture francophone.
Selon Statistique Canada, à Kamloops, 5,4 % de personnes ont une connaissance du français, et seulement 0,9 % ont comme première langue officielle parlée le français.
Le français d’un point de vue personnel
Jamie Shinkewski, espère avec ce balado briser les préjugés et montrer les particularités des différentes
«C’est important qu’on commence ici à se développer une mémoire collective, une mémoire communautaire», commente dans le premier épisode Gilles Viaud, vice-président de l’AFK.
Pour lui, collecter les vécus et les récits des personnes de la communauté permet d’inscrire à jamais leur implication. «En disant leur histoire, on raconte l’histoire de la communauté», déclare-t-il en entrevue avec Francopresse.
Créer un balado permet de rendre l’information accessible à tout le monde et ainsi de briser certains préjugés, estime de son côté Jamie Shinkewski.
«Mes amis anglophones pensent souvent juste au Québec quand on parle de la francophonie», raconte-t-il.
Pourtant, l’expérience de la francophonie varie d’une province à l’autre, rappelle l’animateur de FrancoLoops. C’est pourquoi il veut en «apprendre sur le lien personnel de chaque personne [avec le français] à travers chaque épisode».
«Une langue est différente selon la perspective individuelle», ajoute-t-il.
Première école francophone
Gilles Viaud est originaire du Québec. Il a vécu en Saskatchewan puis s’est installé avec sa famille à Kamloops en 1998.
À leur arrivée dans la région, lui et ses proches constatent qu’il n’y a qu’une école d’immersion en français, mais «rien d’autre», se souvient le père de famille dans le balado.
Après avoir inscrit sa petite dernière en maternelle à cette école d’immersion, il observe une diminution de la qualité de son français oral.
Selon lui, le système «n’était pas adapté pour enseigner une langue première mais fait beaucoup d’efforts pour enseigner une langue seconde».
Face à cet enjeu, et encouragé par son attachement à sa culture francophone, Gilles Viaud décide de s’impliquer dans la communauté pour tenter de fonder une école francophone.
Selon Gilles Viaud, il est nécessaire de développer des archives digitales pour inscrire dans la mémoire l’implication des personnes de la communauté qui ont travaillé pour protéger la culture francophone.
Après une longue bataille, en 2001, la première école francophone de Kamloops voit le jour, aujourd’hui nommée l’école Collines-d’or.
«Je voulais avoir ces institutions-là pour que ça bénéficie à ma famille, mais évidemment, en faisant ça, c’était d’autres familles qui allaient en bénéficier, pas juste pour nos enfants qui étaient à l’école, mais pour les générations suivantes», souligne-t-il.
Promouvoir la fierté francophone
Le projet de lancer un balado aussi intime est aussi lié à l’histoire personnelle de l’animateur Jamie Shinkewski et de son parcours unique avec sa culture francophone.
Jamie Shinkewski faisait partie de la première cohorte de la première école francophone de Kamloops en 2001. «Moi et ma sœur, on était parmi les 12 premiers élèves.»
Plus jeune, il voyait sa situation d’élève francophone comme une différence : «Je ne voyais pas [cela] comme un avantage.»
Arrivé à l’âge adulte, l’animateur se rend compte de l’importance d’avoir une culture et un héritage francophones.
Le français a été perdu dans notre famille pour quelques générations et c’était ma mère qui était vraiment passionnée à le reprendre.
En prenant conscience de tous ces facteurs, «comme adulte, tu te sens unique et ça devient une fierté», exprime aujourd’hui Jamie Shinkewski.
Pour l’instant, la communauté de Kamloops continue de travailler «à essayer de rejoindre le plus possible les gens dans la communauté, qu’ils soient francophones ou francophiles. Maintenant nous on est sur une bonne lancée», assure Gilles Viaud.
En ce mercredi 20 septembre 2023, au parc du Centenaire, à Moncton, au Nouveau-Brunswick, la tension monte.
Des groupes d’extrême droite et des groupes d’intégristes religieux, autant chrétiens que musulmans, rassemblés sous la bannière «1 Million March 4 Children», ont encerclé les personnes moins nombreuses issues des communautés 2ELGBTQIA+ et leurs alliés et alliées qui contremanifestaient.
Un enfant est encouragé à les invectiver tandis que des drapeaux trans sont arrachés et déchirés. La violence, tant symbolique que physique, est insoutenable, et plusieurs personnes quittent la manifestation en état de choc.
Il ne s’agit pas d’un acte isolé ou d’un «dérapage».
Partout au pays, la scène se reproduit et on assiste au même schéma, avec des enfants placés en première ligne des affrontements et des communautés culturelles minoritaires instrumentalisées par une droite conservatrice avide d’étendre son pouvoir.
Un véritable bouleversement pour de nombreuses personnes venues contremanifester, peu préparées à se défendre contre un tel déferlement de haine de la part de personnes marginalisées elles aussi. Mais également la preuve, si besoin en était, du niveau de préparation et des efforts fournis sur le plan de l’organisation et de la coordination par l’extrême droite pour parvenir à ses fins.
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Polarisation des débats
Voici plusieurs années que l’on observe, un peu partout dans le monde, une augmentation des attaques contre les personnes 2ELGBTQIA+ et une recrudescence des mouvements contre les droits de ces personnes.
Citons par exemple les manifestations contre les lectures de contes aux enfants par des dragqueens ou les pétitions lancées contre des livres jeunesse sur la sexualité jugés trop explicites.
Citons également les récentes politiques adoptées en Saskatchewan et au Nouveau-Brunswick obligeant le personnel éducatif à informer les parents lorsque leur enfant demande à être identifié par un autre prénom ou pronom. Ces politiques ont donné lieu aux manifestations transphobes du 20 septembre.
Ce phénomène s’explique notamment par la montée des organismes et des partis d’extrême droite et par la radicalisation d’une portion de la droite traditionnelle. Ces groupes récupèrent les enjeux 2ELGBTQIA+ afin d’attirer des membres en diffusant des discours simplistes de haine et de division.
Le «wokisme» et les «idéologies de gauche» sont pointés par ces groupes comme autant d’épouvantails visant à canaliser la peur et l’ignorance d’une partie de la population qui se sent abandonnée par le système – souvent les mêmes personnes qui ont participé au Convoi de la liberté, mais pas seulement – et qui peut se sentir attaquée par les mouvements progressistes et par ce qui est perçu comme «la gauche intellectuelle», tels que les médias et l’université, qui ne les représentent pas.
Ces groupes extrémistes ont pour stratégie d’entretenir les préjugés présents dans les segments de la population qu’ils cherchent à séduire et de simplifier à outrance certains enjeux sur lesquels ils polarisent les débats afin de justifier la création d’un environnement qui encourage l’intolérance envers les minorités.
«Le contre-mouvement fonctionne comme une porte d’entrée vers l’extrémisme et comme un moyen pour celui-ci de croitre et de gagner en puissance», explique le Conseil des femmes du Nouveau-Brunswick dans un rapport plus que pertinent.
Dans le cas de la politique 713 au Nouveau-Brunswick, par exemple, il ne s’agit absolument pas de protéger les jeunes, mais bien d’une tentative désespérée de la part d’un premier ministre critiqué de toutes parts de se maintenir au pouvoir.
Le temps d’agir
Rappelons que 1 personne sur 300 de 15 ans et plus au Canada est transgenre ou non binaire et que les jeunes 2ELGBTQIA+ risquent davantage de souffrir de problèmes de santé mentale, d’entretenir des idées suicidaires et de faire des tentatives de suicide que les autres.
Porter atteinte à leur autonomie et à leurs droits, au moyen de politiques scolaires restrictives notamment, les expose à de nombreux dangers.
Des jeunes trans et non binaires pourraient, si leur identité de genre est révélée contre leur gré, être victimes de violence de la part des adultes qui les entourent.
Des jeunes pourraient renoncer à affirmer leur genre par peur de représailles, ce qui pourrait avoir de sérieuses répercussions sur leur santé mentale, sur leur image corporelle et leur anxiété, entre autres.
Plus que jamais, il nous faut aujourd’hui faire preuve de vigilance. Ce ne sont pas des évènements isolés, mais bien le symbole d’un mal plus profond qui gangrène nos sociétés. À l’image de ce qui se passe aux États-Unis, nous risquons d’aller vers des violences de plus en plus graves et des reculs de plus en plus importants de nos droits si nous n’y prenons pas garde.
Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, voici près de quinze ans qu’elle travaille dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.
Ils courent depuis toujours dans les plaines d’Amérique du Nord. Selon Parcs Canada, la première apparition des bisons sur le continent remonte à l’ère glaciaire, il y a entre 130 000 ans et 75 000 ans.
La longévité de l’animal sur le sol canadien a favorisé son adaptation au climat ardu. «Les bisons ne sont pas vulnérables à l’environnement ici, puisqu’ils ont évolué et coévolué ensemble», observe Marie-Ève Marchand, la directrice de l’Institut international des relations avec le bison.
Différentes études prouvent la contribution du bison à «l’augmentation de la biodiversité végétale», souligne Daniel Fortin, professeur au département de biologie de l’Université Laval à Québec.
Selon une étude menée par la Kansas State University, la biodiversité végétale a doublé dans les prairies d’herbes hautes habitées pendant 30 ans par des bisons, à la station biologique de Konza Prairie, aux États-Unis.
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Une nourriture variée et utile
La physionomie des bisons leur permet notamment d’aller «chercher la végétation qui peut être profondément [enfouie] sous le couvert de la neige», en creusant tout simplement avec leur tête, remarque Daniel Fortin.
Selon Daniel Fortin, professeur au département de biologie de l’Université Laval, il est préférable pour le bison de rester libre.
Durant la saison hivernale, la vache ne peut pas s’alimenter à l’extérieur en raison de sa difficulté d’adaptation aux températures froides, ajoute l’expert.
Au gré de leurs déplacements, les bisons consomment à la fois des plantes indigènes et non indigènes. Ils se nourrissent de végétations vivantes et de plantes mortes. Grâce à ce régime alimentaire diversifié, la défécation du bison est utile pour faire «recirculer la végétation», explique le professeur.
Le processus de broutage du bison favorise par ailleurs la continuité de la pousse de la végétation, puisque l’animal ne retire pas la racine au complet, contrairement aux vaches qui arrachent les racines, complète Marie-Ève Marchand.
Les activités du bison favorisent ainsi l’absorption du carbone dans le sol, qui a pour effet d’enrichir et générer la terre, rapporte-t-elle.
«Il faudra avoir plus de bisons, insiste la spécialiste. Les bisons sont beaucoup plus faciles à élever dans un certain sens que les vaches parce qu’ils demandent beaucoup moins de travail.»
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Espèce menacée
Depuis 19 ans, le bison détient le statut d’espèce menacée.
Selon le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), de 2004 à 2013, la population des bisons a augmenté de 36 %. Néanmoins, le pourcentage ne permet pas à l’animal de sortir de sa condition menacée en raison du manque d’espace adapté pour sa survie.
Patauger pour régénérer la biodiversité
L’aspect le plus distinctif du bison, c’est le wallow, ou quand la bête se vautre sur le sol. Ce comportement a un impact direct et positif sur la qualité de la terre.
«Le bison va être debout, se rouler sur le côté, se lever, brasser la tête, se rouler sur l’autre côté et il forme ce qu’on appelle des espèces de wallow», détaille Daniel Fortin.
Cette action lui permet de disperser l’eau qui va par la suite de régénérer la biodiversité, informe Marie-Ève Marchand.
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Autrement dit, les bisons favorisent l’infiltration de l’eau dans le sol. De fait, ils rendent les plantes plus résistantes aux sècheresses, ce qui aide les Prairies à être plus solides face aux changements climatiques.
En se vautrant sur la terre, le bison perturbe également la végétation plus ancienne. Il permet ainsi à la végétation plus jeune de se développer. «À d’autres endroits où la végétation peut-être de trois, quatre pieds de haut, les plus petites plantes ont davantage de difficultés à croitre», relève Daniel Fortin.
En liberté
Selon Marie-Ève Marchand, la directrice de l’Institut international des relations avec le bison, la longévité de cet animal sur le sol canadien a favorisé son adaptation au climat ardu.
Ces caractéristiques permettent au bison de vivre à la fois dans une ferme ou dans le milieu sauvage. Toutefois, Daniel Fortin considère qu’il est préférable pour l’animal de rester dans un espace assez large. «On ne veut pas mettre une clôture autour du parc, on veut qu’ils soient libres de se promener où ils veulent.»
En 2018, le parc national Banff en Alberta a réintroduit 31 bisons dans une zone de 1200 km2, en toute liberté, après plus d’un siècle d’absence dans la région.
Selon Parcs Canada, l’animal participe au développement de l’écosystème : «Les surfaces broutées par le bison et les dépressions creusées lorsqu’il se roule dans la poussière créent un habitat pour toutes sortes d’animaux, comme le wapiti, les écureuils terrestres et le blaireau.»
La réintroduction du bison à Banff revêt aussi une importance culturelle pour les peuples autochtones, indique l’agence.
La fête continue
Pochette de l’album À boire deboutte.
Le troisième disque de Salebarbes nous invite À boire deboutte. George Belliveau, Jean-François Breau, Kevin McIntyre et les frères Jonathan et Éloi Painchaud sont prêts à réchauffer le party avec leur énergie contagieuse.
Le quintette d’auteurs-compositeurs-interprètes acadiens nous charme à nouveau avec des airs cajuns, country et blues. Dès les premiers accords, le son est accrocheur. Les solos de guitares, d’harmonicas et de violons sont particulièrement travaillés.
Des titres comme Tricher au solitaire, Stirer la roux et Appelle-moi pas par son nom racontent des histoires de solitude et d’amours brisés.
La rivière est une autre pièce extrêmement forte. Elle nous offre de belles harmonies vocales sur une trame de guitare puissante.
Jonathan Painchaud nous livre Y a l’bon Dieu qui l’attend, un petit gospel avec toute l’énergie qu’on lui connait. Il y a aussi Ces oiseaux-là, un rock’n’roll à la Beatles, encore là très réussi.
Il s’agit d’une formule gagnante pour Salebarbes. Avec ce nouvel opus, les Acadiens nous offrent un album solide, entrainant et captivant.
Un deuxième album sous le signe de la sobriété
Allons du côté de l’Île-du-Prince-Édouard, où le duo acadien Sirène et Matelot nous propose Un monde de dissonances.
Pour ce deuxième disque, les auteurs-compositeurs-interprètes Patricia Richard et Lennie Gallant nous partagent un univers folk sobre, parsemé de couleurs country et pop. Sous la réalisation de Davy Gallant, le duo nous captive avec des musiques profondes et des textes qui nous racontent la vie dans toutes ses nuances.
Pochette de l’album Un monde de dissonances.
Ce nouvel opus jouit d’une fraicheur mélodique fort agréable et renferme quelques petits bijoux comme Allo Printemps, Un monde de dissonances et Tourne, tourne.
Une de mes pièces préférées est Les chevaux de l’Île de sable pour son très beau texte, inspiré par la déportation des Acadiens.
Autre belle inspiration, Les demoiselles d’Avignon, qui prend pour toile de fond le tableau du même nom de Pablo Picasso. Patricia Richard et Lennie Gallant rendent également hommage au roi du rock’n’roll français, Johnny Hallyday.
Sur le Minnehaha est une autre belle chanson en l’honneur de la navigatrice Kirsten Neuschäfer, qui a remporté une course en solitaire autour du monde, la Golden Globe Race, sur son voilier le Minnehaha.
Souvenir d’une première rencontre
En souvenir d’un beau chemin parcouru, je vous présente une autrice-compositrice-interprète franco-ontarienne, Reney Ray, native de Kapuskasing, dans le nord-ouest de l’Ontario. L’artiste lancera bientôt un nouvel opus en français.
Pochette de l’album Reney Ray.
Mais tout a commencé en novembre 2018. Elle nous partage alors ses premières émotions avec l’album éponyme Reney Ray et ses onze chansons accrocheuses. Ce produit très intimiste vient nous bouleverser dans le bon sens du terme. L’univers folk roots, avec des arrangements musicaux fluides et des textes magnifiques, est irrésistible.
En plus de ses deux premiers succès radio, Online et Le monde est con, Reney Ray nous livre le fruit d’une plume profonde sur les relations humaines, la sincérité et l’intégrité. On y retrouve aussi un superbe duo avec Denis Coulombe, Protège-moi de l’ombre, qui flirte un peu avec le blues, ce qui ajoute au magnétisme de l’album.
L’héritage, qui parle d’intégrité, est la chanson la plus profonde du disque, une ballade folk piano-voix empreinte de sérénité et de tendresse.
Avec cet album éponyme, Reney Ray nous invite dans un univers intimiste et rassurant. Les mélodies et les textes puissants nous captivent dès les premiers accords sans faiblesses ni longueurs. Un tête-à-tête avec une artiste vraie qui connait aujourd’hui une très belle synergie avec son public.
Marc Lalonde, dit Lalonde des ondes, est chroniqueur musical depuis plus de 25 ans au sein de la francophonie musicale canadienne et animateur de l’émission radiophonique Can-Rock. Il se fait un malin plaisir de partager cette richesse dans 16 stations de radio à travers le pays chaque semaine.
La cible de 4,4 % d’immigration francophone hors Québec établie en 2003 a été, comme le rappelle Marc Miller, «difficilement atteinte» en 2022.
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Marc Miller souhaite mettre en place des «objectifs réalisables».
«Je sais la façon dont on a procédé pour s’assurer qu’il y ait cette immigration au Canada, que ce soit dans les volets économiques, rapprochement familial, ou dans le cas des demandeurs d’asile et des réfugiés, ajoute-t-il. Il n’y a jamais eu une vraie emphase sur la langue.»
Lors d’une réunion du Comité permanent des langues officielles, le 4 octobre, le ministre a annoncé qu’il envisageait une prochaine cible de 6 %.
Marc Miller se donne un an pour voir ce qui est possible de faire et mettre les mécanismes nécessaires en place. Atteindre 6 %, «ça va être difficile», prévient-il. «Je ne suis pas confiant qu’on va pouvoir l’atteindre pour l’instant.»
Un poids démographique à la baisse
Au cours de l’été, les francophones en situation minoritaire ont appris que leur poids démographique était en chute libre partout au pays.
D’après une étude de Sociopol, pour maintenir le poids démographique actuel des francophones hors Québec d’ici 2036, il faudrait fixer la cible d’immigration francophone dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) à au moins 8 %.
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La présidente de la FCFA, Liane Roy, insiste sur un minimum de 8 % d’immigration francophone hors Québec.
«Ni suffisante, ni acceptable»
Mais cette nouvelle cible ne représente que la moitié des 12 % que demande la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA). Un objectif avec lequel Marc Miller dit être en accord, mais qui n’est pas réalisable actuellement selon lui.
«Les propos du ministre Miller sur ses intentions en termes de nouvelles cibles en immigration francophone ne rassurent pas la FCFA», a déclaré Liane Roy par communiqué.
Pour la présidente de la FCFA, «une cible de 6 % en matière d’immigration francophone ne serait ni suffisante, ni acceptable».
«Il n’y a pas de système mécanique qui puisse me donner l’assurance que je puisse répéter [l’atteinte de la cible], quitte à vouloir l’augmenter à 6 %, 7 %, 8 %, ce que je veux bien», s’est défendu Marc Miller en entrevue.
Manque de mécanismes
Selon lui, IRCC manque de mécanismes nécessaires pour atteindre des cibles plus ambitieuses, notamment pour attirer plus de francophones d’Afrique, d’Haïti, de la Belgique ou de la France.
Le ministre n’a pas été plus précis sur les mécanismes manquants, mais assure vouloir fixer des objectifs plus ambitieux dès que possible.
«On a beaucoup de talent au sein du ministère. Pour moi, il s’agit […] de leur donner la capacité de pouvoir me présenter des options qui vont être réalisables pour ce seuil.»
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Le ministre souhaite donc accorder la prochaine année aux fonctionnaires d’IRCC pour leur permettre d’atteindre les cibles de la francophonie canadienne. «Les politiciens font des promesses et n’ont pas nécessairement le talent de les remplir, admet-il. Le talent se situe à l’intérieur de la fonction publique.»
«Ayant eu l’expérience d’un ministère qui s’était fixé des objectifs très ambitieux dans les enjeux autochtones surtout, je connais l’impact que ça peut avoir de rater des objectifs», poursuit l’ancien ministre des Relations Couronne-Autochtones.
En vertu de la loi
Comme l’a rappelé Liane Roy en entrevue avec Francopresse, la Loi sur les langues officielles (LLO) reconnait l’importance du rétablissement du poids démographique des minorités francophones au niveau auquel il était lors du recensement de la population de 1971, à savoir 6,1 % de la population à l’extérieur du Québec.
La nouvelle loi reconnait l’importance de l’immigration francophone pour atteindre cet objectif et comprend une politique en la matière.
C’est pour cette raison que Liane Roy insiste sur un minimum de 8 % pour la prochaine cible : «Il faut absolument qu’il y ait un 8 % quelque part dans la vision du ministre pour nous démontrer qu’il est sérieux et qu’il est conséquent avec la nouvelle Loi sur les langues officielles.»
Plus sur la francophonie
Inauguré en 2022, le centre d’innovation en immigration francophone de Dieppe (Nouveau-Brunswick) devait compter de 30 à 40 employés. Or, à peine six personnes y travaillent, a rapporté Radio-Canada mercredi.
Le centre a notamment pour but de rendre plus accessibles les programmes d’immigration, de faire des études de cas et d’appuyer la promotion à l’international pour recruter des candidats d’expression française ; le tout pour favoriser l’immigration francophone.
Questionné sur la situation en point de presse mercredi, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller, n’a pas voulu commenter directement la baisse du nombre d’employés, mais a assuré que le fédéral continuerait de financer le centre.
«Il n’y a que six personnes qui y travaillent en ce moment, mais c’est clair que leur objectif sera de nous aider à réformer un système où on n’a jamais vraiment bien exercé notre juridiction, c’est-à-dire en faisant la promotion des francophones, du fait français, en dehors du Québec, a lancé le ministre. C’est clair qu’il reste beaucoup de travail à faire.»
Alors que la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) demande une cible en immigration francophone hors Québec de 12 % dès 2024, Marc Miller a confirmé, sans donner d’échéancier, que son ministère travaille actuellement sur une nouvelle cible.
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Le député bloquiste Mario Beaulieu souhaite en savoir plus sur le plan de la GRC en matière de langues officielles.
Plusieurs hauts gradés au quartier général de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) occupent des postes bilingues, sans toutefois parler français, a révélé mardi Radio-Canada.
Ces officiers ne suivent pas non plus de cours de langue en ce moment, ce qui ne permet pas de garantir d’amélioration de leur français à court terme, précise le diffuseur public dans son article.
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Ces dernières années, la GRC a déjà fait l’objet de critiques en lien avec l’utilisation du français, notamment par l’entremise de plaintes soumises au Commissariat aux langues officielles.
Lors d’une réunion du Comité permanent des langues officielles mercredi, le député bloquiste Mario Beaulieu a déposé une motion pour que le comité reçoive au plus tard le 18 octobre le commissaire de la GRC, Mike Duheme, afin de «discuter du plan de la GRC pour se conformer à la Loi sur les langues officielles et respecter le français».
La motion devrait être traitée à la prochaine réunion du comité.
Élections aux Communes et au Manitoba
Greg Fergus est la première personne noire à devenir président de la Chambre des communes.
Le député libéral de Hull–Aylmer, Greg Fergus, a été élu mardi président de la Chambre des communes.
Le Québécois succède au député franco-ontarien Anthony Rota, qui a démissionné la semaine après avoir rendu hommage à un vétéran ukrainien ayant combattu avec les nazis.
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Après avoir remercié la Chambre, Greg Fergus a annoncé qu’il allait «remettre les pendules à l’heure» : «Il faut qu’on suive les règles de la Chambre des communes et quand on va suivre ça, on va avoir un débat fructueux.»
Le premier ministre, Justin Trudeau, a ensuite pris la parole pour féliciter et remercier les autres candidats. «Monsieur le président, aujourd’hui, vous êtes le premier Canadien noir à devenir président de cette Chambre. Ça devrait être inspirant pour tous les Canadiens, surtout les plus jeunes qui veulent s’impliquer en politique.»
Greg Fergus est bilingue et membre de la Section canadienne de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (CAPF).
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Après avoir récolté 33 sièges et 44 % du vote, le Nouveau Parti démocratique (NPD) a remporté l’élection provinciale au Manitoba mardi. Son chef, Wab Kinew, est le premier premier ministre membre d’une Première Nation.
Les progressistes-conservateurs de l’ex-première ministre Heather Stefanson ont remporté 23 sièges et 42 % des suffrages, ne laissant qu’un seul siège et 12 % pour les libéraux.
Lors de sa campagne électorale, Wab Kinew s’est engagé à rétablir un poste de sous-ministre adjoint au Bureau de l’éducation française et à embaucher plus de personnel dans le département. En entrevue avec Radio-Canada, il a aussi promis de rétablir une cible d’immigration francophone.
Dans sa campagne axée sur les soins de santé, le NPD a promis de fouiller le dépotoir de Prairie Green s’il était élu. Les potentiels restes humains de deux femmes autochtones victimes d’un tueur en série présumé s’y trouvent peut-être.
L’ancienne première ministre, Heather Stefanson, avait refusé de financer la fouille, qui pourrait couter jusqu’à 184 millions de dollars.
Mises à jour sur C-18 et sur l’Inde
Pascale St-Onge, la ministre du Patrimoine canadien, affirme qu’elle continue de communiquer avec Google dans le cadre de la Loi sur les nouvelles en ligne.
Google demeure insatisfait de la règlementation proposée par Ottawa dans le cadre de sa Loi sur les nouvelles en ligne (C-18).
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La loi, qui doit entrer en vigueur dans son intégralité le 19 décembre, vise à forcer les géants numériques comme Google et Meta à indemniser les médias pour partager leurs contenus.
En réaction à C-18, Meta a bloqué l’accès aux nouvelles sur ses plateformes Facebook et Instagram, mais Google ne lui a pas encore emboité le pas sur son moteur de recherche.
La ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, reste confiante et croit toujours que le gouvernement pourra s’entendre avec Google. «Les canaux de communication sont ouverts», a-t-elle déclaré devant les journalistes mercredi.
L’entreprise a en outre adopté «une attitude vraiment différente de celle de Facebook», a-t-elle souligné.
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La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, n’a pas voulu commenter le mot d’ordre du gouvernement indien.
Le gouvernement indien exige le départ de 41 diplomates canadiens, a rapporté mardi le quotidien britannique Financial Times. Ces derniers devront quitter l’Inde d’ici le 10 octobre.
Au moins 61 diplomates canadiens sont actuellement en poste dans ce pays.
En mêlée de presse mardi, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a refusé de commenter la situation autrement que pour dire que les conversations diplomatiques devraient demeurer privées.
Elle n’a donc pas confirmé l’existence de ce mot d’ordre ni donné son avis sur le sujet.
Sylvia Martin-Laforge, directrice générale de Québec Community Group Network (QCGN), un organisme de représentation des intérêts des anglophones du Québec, est particulièrement intéressée de suivre le processus de règlementation de la nouvelle Loi sur les langues officielles (LLO).
Selon Sylvia Martin-Laforge, les anglophones vivent «des moments difficiles au Québec».
Elle portera une attention particulière aux affaires intergouvernementales de la règlementation.
«Comment transfèrent-ils l’argent à la province compte tenu des relations de la communauté d’expression anglaise avec le gouvernement de la province? Est-ce que la communauté d’expression anglaise va avoir accès, au même titre [que la communauté francophone], à des fonds du gouvernement fédéral?»
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Hugh Maynard, président de Qu’anglo Communications & Consulting, travaille avec des organismes anglophones un peu partout au Québec. Pour lui, l’incompréhension de la réalité des communautés anglophones du Québec punit injustement celles situées à l’extérieur de Montréal.
«Ils ont mis en place [les lois 101 et 96] parce que la situation à Montréal demande quelque chose, dit-il. Mais la communauté anglophone des Îles-de-la-Madeleine, par exemple, n’est pas une menace pour la langue française.»
Une forte proportion des anglophones du Québec se trouvent à Montréal.
Asymétrie : du concept à la réalité
Dans les moments menant à l’adoption de la nouvelle loi, QCGN a manifesté ses appréhensions face au principe d’asymétrie entre le français et l’anglais le jugeant menaçant pour les anglophones du Québec.
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«Le gouvernement nous a dit : “inquiétez-vous pas, il n’y aura pas de conséquences sur la communauté d’expression anglaise”. Ok good, allons-y. Faites en sorte qu’il n’y en ait pas», concède Sylvia Martin-Laforge, qui s’inquiète toutefois de l’application du concept d’asymétrie pour sa communauté par rapport aux francophones du Québec.
«Nous, au Québec, maintenant, on est 1,3 million. Par tête de pipe, on ne fait pas le poids au niveau du financement. Mais ça, c’est là depuis des années.»
Elle se questionne notamment sur l’application de l’asymétrie dans le processus de consultation de la communauté d’expression anglaise du Québec.
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La source du problème pourrait être ailleurs
Hugh Maynard craint les effets de l’américanisation.
Hugh Maynard rappelle que des communautés anglophones existent au Québec depuis des siècles et doute de leur culpabilité dans le déclin du français.
«Je suis d’accord avec la promotion du français, [mais] l’autre aspect est que l’anglais est la langue internationale. Il y a CNN partout, Netflix, il faut avoir une perspective différente. La communauté rurale d’expression anglaise, ce n’est pas la même chose que Netflix.»
Les États-Unis, pour lui, font bien plus de dégâts au français que les anglophones du Québec.
«[Ils] sont nos voisins, c’est impossible d’ignorer ça, dit-il. Mais la bataille avec la langue anglaise est plus, selon moi, internationale. Comment régler ça avec les besoins d’immigration et en même temps la communauté d’expression anglaise historique?»
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L’éducation : un dossier chaud
Comme les francophones en situation minoritaire, les anglophones du Québec font aussi face à des défis en matière d’éducation postsecondaire.
Hugh Maynard remarque la difficulté d’étudier en anglais pour ceux qui ne vivent pas à Montréal : «Pour la majorité, il faut sortir de la région pour avoir une éducation postsecondaire.»
«[À Montréal], il y a McGill, Concordia, trois-quatre cégeps, une concentration des services de santé et sociaux. Ce ne sont pas deux communautés séparées, mais le ratio entre les deux est très différent.»
D’après lui, même l’Université McGill, dont la réputation est reconnue à l’échelle internationale, «n’est pas une institution de la communauté [anglophone]. C’est une université internationale en anglais».
Lors de son discours prononcé à l’occasion de la visite du président Volodymyr Zelensky à la Chambre des communes le 22 septembre, le premier ministre Trudeau a réitéré avec force la volonté de son gouvernement de soutenir l’Ukraine «aussi longtemps qu’il le faudra».
Le premier ministre a même mentionné au passage que l’aide militaire du Canada à l’Ukraine avait maintenant atteint 9 milliards de dollars depuis le début du conflit en 2022.
Tout au long de son discours, M. Trudeau s’en est pris directement au président Vladimir Poutine, le traitant notamment de «despote», soulignant «ses délires impériaux» et l’accusant de gouverner «par la tromperie, la violence et la répression».
M. Trudeau a raison sur le fond, mais ce qui étonne dans son discours est la position maintenant entièrement assumée du Canada : le pays prend ouvertement parti dans un conflit armé se déroulant loin du territoire canadien. Le Canada appuie sans réserve l’Ukraine dans son combat face à son agresseur russe.
Ce changement est notable, car jusqu’à tout récemment le Canada faisait preuve de prudence dans les conflits impliquant d’autres pays.
Étant un très petit joueur sur la scène internationale, il ne peut tout simplement pas s’engager dans une aventure militaire qu’il sait qu’il ne peut pas gagner à lui seul.
Rappelons que les dépenses militaires du Canada sont infimes. En 2022, elles se chiffraient à 28 milliards de dollars US, soit 2,3 % des dépenses militaires de l’ensemble des pays membres de l’OTAN.
Un défenseur de la paix dans le monde?
Pendant longtemps, le Canada a élaboré sa politique étrangère en se faisant le gardien de la paix dans le monde. En écoutant le premier ministre Trudeau récemment, on peine à trouver des traces de cette stratégie.
Pourtant, à une certaine époque, le maintien de la paix faisait la fierté des Canadiens. On appuyait les missions de paix de l’ONU et on célébrait la contribution du premier ministre Pearson à la création des Casques bleus, cette force internationale onusienne chargée de veiller au maintien de la paix en zone de conflit.
Depuis les années 1990, cependant, la participation du Canada aux opérations de maintien de la paix a chuté considérablement. Alors que près de 4000 Canadiens contribuaient aux missions de paix de l’ONU en 1993, on en recensait seulement 58 en 2021.
On ne considère plus le Canada comme un médiateur influent sur la scène internationale. Si son opposition à la guerre en Irak en 2003 pouvait encore passer pour un refus de s’engager directement dans un conflit armé, son appui à la guerre au Kosovo et surtout à la guerre en Afghanistan marque un tournant.
Dans ces deux cas, toutefois, la stratégie canadienne consistait essentiellement à suivre l’exemple de ses alliés et tout particulièrement celui de son principal partenaire et protecteur, les États-Unis.
Ce qui est différent dans le cas de l’Ukraine, c’est que le Canada prend l’initiative.
Alors que plusieurs pays favorables à la cause ukrainienne hésitent quant à la marche à suivre, le Canada est on ne peut plus clair : il faut appuyer sans réserve l’Ukraine et combattre ce «despote» qu’est Vladimir Poutine.
Le problème de cette stratégie c’est que nous n’avons pas les moyens de nos ambitions. Nous ne possédons pas suffisamment de ressources militaires pour affronter un géant comme la Russie.
En fait, nous n’avons jamais eu de telles ressources. Pour cette raison, nous avons toujours privilégié le rôle de médiateur dans les conflits armés.
En changeant radicalement de stratégie, le premier ministre Trudeau ne nous entraine-t-il pas sur une voie dangereuse, semée d’incertitudes?
Et les autres conflits?
Outre le pari risqué que représente l’appui à l’Ukraine, on peut aussi se demander si les ressources consacrées à ce conflit n’auraient pas pu être mieux utilisées ailleurs.
Cette question semble prendre tout son sens lorsque l’on observe la situation actuelle à Haïti. Ce pays est plongé dans une crise sans précédent. Les institutions de l’État haïtien ont presque complètement disparu. Ce sont les gangs de rue qui contrôlent maintenant le pays avec une violence d’une rare intensité.
Le Canada aurait très certainement de bonnes raisons de participer activement au rétablissement de la sécurité à Haïti. Pourtant, il ne propose que de timides initiatives, souvent maladroites et surtout sans réelles retombées positives pour les Haïtiens jusqu’à maintenant.
Il serait très certainement légitime pour le Canada d’envoyer une force d’intervention de rétablissement de la paix à Haïti.
On pourrait aussi présenter des arguments similaires pour d’autres conflits armés actuels. Pensons au Mali, au Congo, par exemple. Ce serait certainement moins risqué que la présence canadienne en Ukraine, laquelle est susceptible de provoquer une réaction de la Russie à tout moment.
De plus, ces interventions seraient à la mesure de nos moyens. Nous avons les ressources et l’expertise pour les mener. Enfin, elles nous permettraient de retrouver une certaine légitimité sur la scène internationale, qui nous a toujours été utile par le passé.
Il fut une époque où quand le Canada prenait la parole sur les tribunes internationales, on l’écoutait. Ceci semble être de moins en moins le cas de nos jours. Le premier ministre Trudeau devrait y réfléchir.
Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.
Le 3 octobre, les députés fédéraux éliront la personne qui succèdera à Anthony Rota, qui a démissionné de la présidence des Communes le 26 septembre.
Même si le président n’est pas obligé de maitriser les deux langues officielles, la vice-présidence doit nécessairement maitriser parfaitement la langue officielle qui n’est pas celle du président, selon l’article 7 du Règlement de la Chambre des communes.
Roger Ouellette, professeur en sciences politiques, soutient que le président de la Chambre doit avoir de bonnes relations avec tous les députés, quel que soit leur parti politique.
Selon Roger Ouellette, professeur en sciences politiques à l’Université de Moncton, ce sont les relations interpersonnelles qu’entreprend le candidat qui seront prises en considération lors du vote.
«Est-ce que c’est quelqu’un qui est aimable, est-ce que c’est quelqu’un avec qui on peut travailler facilement? Est-ce que c’est quelqu’un qui est perçu, même si c’est une allégeance politique, vraiment quelqu’un qui peut faire ce travail de manière honnête, pas tomber dans la partisanerie ; c’est tous ces éléments-là qui rentrent en ligne de compte», soutient-il.
Impartialité nécessaire
Le président élu dans la Chambre a la responsabilité de maintenir le décorum lors des débats. «[Il] maintient l’ordre durant les délibérations et protège les droits et les privilèges de la Chambre», peut-on lire sur le site de la Chambre.
«C’est peu l’arbitre de la Chambre», explique Roger Ouellette.
Même si le président provient d’un parti politique distinct, il doit se montrer impartial dans ses décisions. Et dans cette optique, il ne participe jamais au débat, et ne vote qu’en cas d’égalité des voix.
Le 27 septembre dernier, le député bloquiste Louis Plamondon est devenu le président intérimaire de la Chambre des communes du Canada à la suite de la démission d’Anthony Rota.
Les députés en lice
Tous les députés qui ne font pas partie du cabinet ministériel ou qui ne sont pas chefs d’un parti officiel sont automatiquement en lice pour présider la Chambre.
Les députés qui ne souhaitent pas occuper le rôle de la présidence doivent le signaler au greffier pour être retirés de la liste des candidats à la présidence avant le vote préférentiel.
Liste des candidats :
Seuls Chris d’Entremont et Carol Hughes représentent la francophonie hors Québec.
Se démarquer en tant que minorité
Roger Ouellette est ravi de voir des candidatures diverses à la présidence de la Chambre des communes.
«C’est intéressant d’avoir des députés provenant des minorités francophones qui réussissent à s’illustrer et puis avoir la confiance dans l’ensemble des députés de la Chambre.»
«Avoir une femme présidente de la Chambre, ce n’est pas juste symbolique, on envoie un message que les femmes occupent une place et elles sont reconnues», poursuit-il.
Chris d’Entremont, le Néoécossais
Acadien de la Nouvelle-Écosse, Chris d’Entremont est élu pour la première fois en 2019, et est devenu vice-président dans la Chambre des communes en 2021. Il a occupé la présidence occasionnellement en remplacement d’Anthony Rota.
Il souhaite créer une harmonie au sein des députés.
«[En tant qu’]Acadien de la Nouvelle-Écosse, on a une bonne façon de travailler avec les autres parce que notre existence dans la situation minoritaire dans les derniers 200 ans, 250 ans, on avait besoin de vraiment trouver une façon de travailler avec les autres […] donc c’est culturel, je dirais c’est presque génétique.»
Carole Hughes, la Franco-Ontarienne
Carole Hughes est vice-présidente adjointe à la Chambre des communes depuis la 43e législature.
Députée néodémocrate de la circonscription Algoma–Manitoulin–Kapuskasing en Ontario depuis 2008, Carole Hughes est fière de ses origines franco-ontariennes.
Si elle est élue présidente, elle deviendrait la première femme à occuper ce poste depuis la députée Jeanne Sauvé, en 1980.
«Je pense que ce serait bon pour la Chambre des communes d’avoir une femme [à la présidence]», avoue-t-elle.
Tout comme Chris d’Entremont, elle souhaite pouvoir créer un climat coopératif au sein des députés de la Chambre.
Il y a trente ans, le 10 novembre 1993, l’Assemblée législative de l’Alberta adopte la loi 8. Le texte établit notamment les sept régions scolaires francophones. Autrement dit, les Franco-Albertains obtiennent le droit de gérer eux-mêmes leurs écoles.
Claudette Roy est une enseignante à la retraite, figure de proue du mouvement en faveur des écoles en français en Alberta.
Cette loi est l’aboutissement d’une longue bataille qui commence en 1982. Cette année-là, la Charte canadienne des droits et libertés est adoptée. Son article 23 garantit aux minorités francophones et anglophones l’éducation dans la langue de leur choix.
C’est le déclic. Des citoyens s’organisent et des pétitions circulent pour demander l’ouverture d’écoles en français. En 1983, un groupe de parents crée l’Association Bugnet afin d’encourager l’éducation en français en dehors du système d’immersion.
«C’est inefficace, ce sont des écoles d’assimilation», renchérit le cofondateur de l’Association Bugnet, Paul Dubé, dont le fils fréquentait une classe d’immersion française au début des années 1980.
«Beaucoup s’estimaient déjà chanceux d’avoir l’immersion. Ils pensaient que ça suffisait, témoigne Claudette Roy. Mais l’immersion ne répond pas aux besoins pédagogiques et identitaires des enfants dont le français est la langue maternelle.»
«Il a fallu faire un énorme travail de sensibilisation au niveau politique, auprès des décideurs, du ministère de l’Éducation. Ça a pris beaucoup de lobbying et de réunions», se souvient Claudette Roy, ancienne enseignante et figure de proue du combat.
À l’époque, l’idée divise au sein même de la communauté. Les militants doivent convaincre de nombreux parents francophones de l’intérêt de l’éducation dans leur langue maternelle.
Première école en 1984
«Beaucoup s’estimaient déjà chanceux d’avoir l’immersion. Ils pensaient que ça suffisait, témoigne Claudette Roy. Mais l’immersion ne répond pas aux besoins pédagogiques et identitaires des enfants dont le français est la langue maternelle.»
«C’est inefficace, ce sont des écoles d’assimilation», renchérit Paul Dubé, dont le fils fréquentait une classe d’immersion française au début des années 1980.
Paul Dubé est l’un des fondateurs du groupe qui a porté l’affaire de la gestion des écoles francophones en Alberta devant la Cour suprême du Canada.
Avec son groupe, Claudette Roy obtient 1000 signatures en faveur de l’ouverture d’un premier établissement scolaire francophone à Edmonton. Ce travail de longue haleine finit par payer.
En septembre 1984, le Conseil scolaire catholique d’Edmonton, qui est anglophone, accepte d’ouvrir la première école francophone financée entièrement par des fonds publics en Alberta, l’École Maurice-Lavallée.
«Un grand nombre de gens était là pour l’inauguration. Nous n’avions pas encore le deuxième cycle et la gestion, mais c’était déjà un tel succès», se remémore Claudette Roy.
L’Association Bugnet décide, quant à elle, de porter la lutte devant les tribunaux. «Nous ne voulions pas que nos écoles soient gérées, même partiellement, par des anglophones, explique Paul Dubé, l’un des cofondateurs. Nous considérions que nous étions les plus aptes à prendre les décisions adaptées à nos réalités.»
En parallèle, le groupe mène une «campagne tapageuse» dans les médias, selon les mots de Paul Dubé, pour contrer les arguments des autorités provinciales, hostiles à une gestion francophone.
«On est entré en lutte avec l’establishment qui s’opposait à nous. On avait une image de têtes brulées, mais on s’était entourés d’avocats. On avait travaillé tous les côtés, financiers, juridiques, statistiques, raconte Paul Dubé. Notre initiative a eu une résonance importante au sein de la société.»
«Une immense étape franchie»
Claudette Roy reconnait que cette bataille judiciaire a contribué à éveiller les consciences. «Mais en ce temps-là, c’était quelque chose de tellement nouveau, beaucoup de parents et d’enseignants n’avaient pas idée de demander immédiatement la gestion. Ils préféraient y aller par étape», confie-t-elle.
En 1985, la Cour du banc de la reine examine le dossier, puis c’est au tour de la Cour d’appel de l’Alberta en 1987.
Entretemps, de nouvelles écoles françaises ouvrent leurs portes et, en 1989, les Franco-Albertains obtiennent la création d’un deuxième cycle.
La Cour suprême du Canada rend finalement sa décision en 1990 dans ce qui est connu comme l’affaire Mahé.
«Le jugement de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Mahé reconnait aux parents appartenant à la minorité linguistique, lorsque le nombre le justifie, le droit de gérer leurs propres établissements d’enseignement», peut-on lire sur le site Internet du Commissariat aux langues officielles du Canada.
Une immense étape venait d’être franchie, mais ce n’était qu’une partie de la bataille.
Le ministère de l’Éducation albertain établit un groupe de travail pour définir plus en détail un modèle de gestion et adopter une règlementation provinciale.
Combien de conseils scolaires francophones doivent être créés? Où faut-il les implanter? Comment financer les nouvelles écoles? Comment recruter les enseignants? Autant de questions auxquelles le comité mettra plus de deux ans à répondre.
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«Sentiment d’unité» au sein de la communauté
«Le gouvernement a accepté la plupart de nos recommandations, rappelle Claudette Roy qui a fait partie de ce comité. Il faut dire qu’avec les écoles existantes, nous avions déjà pas mal d’acquis, un historique d’enseignement et de résultats scolaires.»
Après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi scolaire, les premiers commissaires scolaires francophones sont élus en mars 1994.
Franck McMahon est l’un des premiers commissaires scolaires francophones, élus en mars 1994.
Très vite, les débats se cristallisent autour de la confessionnalité du système scolaire, comme l’explique Frank McMahon, élu au Conseil scolaire Centre-Nord de l’Alberta.
«Les parents pouvaient décider si l’école restait ou non catholique, mais certains auraient préféré que tous les établissements soient non confessionnels», détaille-t-il.
La première école publique, l’École Gabrielle-Roy, est ainsi fondée à Edmonton en 1997.
Aux yeux de Frank McMahon, la gestion francophone a contribué à forger un «sentiment d’unité» au sein d’une communauté isolée, éparpillée aux quatre coins de la province.
«Les écoles sont devenues des lieux de rassemblement, des milieux enrichissants qui encouragent la vitalité de la culture et du tissu communautaire, souligne-t-il. Les familles apprennent plus facilement à se connaitre et interagissent dans leur langue.»
«Gérer nous-mêmes nos écoles nous a aussi permis d’avoir des programmes d’études plus adaptés à nos besoins et d’avoir plus d’établissements, plus rapidement», poursuit Claudette Roy.
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Des écoles encore menacées
Trente ans plus tard, l’inclusion constitue le principal défi selon les trois militants interrogés.
«Notre communauté n’a jamais été aussi diverse. Nous devons rendre nos écoles accueillantes pour que tous les élèves, quelles que soient leurs origines et leurs cultures, se sentent intégrés et respectés», insiste Franck McMahon.
Aujourd’hui, c’est un défi de créer un sentiment d’appartenance. Il faut ouvrir en grand la porte de la francophonie et utiliser l’élément rassembleur que constitue le français pour assurer la pérennité de la communauté.
Si l’Alberta compte aujourd’hui 44 écoles francophones, l’éducation en français reste menacée.
«L’existence de nos conseils scolaires est protégée par la loi. La communauté a des droits garantis, mais nous devons rester vigilants et unis pour conserver nos acquis et des financements équitables», considère Claudette Roy.
«Il y a toujours un conflit avec le gouvernement provincial qui n’est pas convaincu de l’importance du bilinguisme, comme l’a montré l’affaire du financement du Campus Saint-Jean», estime Paul Dubé.
Il appelle la communauté à s’engager davantage : «Tout le monde doit retrouver le feu sacré que nous avions à l’époque pour sauver la langue française.»
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