le Jeudi 13 novembre 2025

Une part importante des nouvelles dépenses de 13,4 milliards de dollars sur six ans annoncées dans l’énoncé économique du 21 novembre servira à financer la construction de nouveaux logements locatifs.

L’offre insuffisante de logements sur le marché explique en bonne partie l’envolée des prix qu’on observe au pays. Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement, il faudrait construire 3,5 millions de logements de plus que ce qui est prévu d’ici 2030 seulement pour retrouver l’équilibre sur le marché immobilier.

Pour s’attaquer à ce problème, le gouvernement bonifie de 15 milliards de dollars l’enveloppe du Programme de prêts pour la construction d’appartements. Le programme est maintenant doté d’une enveloppe de 40 milliards de dollars qui permet d’offrir un financement avantageux aux promoteurs immobiliers prêts à construire des logements locatifs.

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D’autres mesures bonifient des programmes qui financent l’établissement de coopératives d’habitation ou de logements abordables.

Le gouvernement a choisi une façon originale de s’attaquer au problème des logements locatifs à court terme (de type Airbnb ou Vrbo, par exemple). Les propriétaires de ces logements qui refusent de s’enregistrer ou qui font de la location dans des secteurs interdits par les municipalités ne pourront plus déduire leurs dépenses liées au logement.

En s’attaquant au portefeuille des propriétaires, le gouvernement espère voir ces logements retourner dans le parc locatif à long terme.

L’énoncé économique a aussi permis d’apprendre que le cout estimé du remboursement de la TPS aux promoteurs qui construisent des logements locatifs s’élèvera à 4,5 milliards de dollars sur six ans. Cette mesure annoncée en septembre est un des piliers du projet de loi C-56 que les libéraux souhaitaient faire adopter avant la fin de la session parlementaire.

Ces mesures sont certainement un pas dans la bonne direction. Le gouvernement prévoit qu’elles permettront d’ajouter des dizaines de milliers de logements dans le marché d’ici la fin de la décennie.

Cependant, vu l’ampleur du problème, elles apparaissent encore insuffisantes. Il s’est construit 270 000 logements au pays en 2022. Au rythme où croit la population, il faudrait en construire le double à chaque année.

La marge de manœuvre financière se rétrécit

Même si le gouvernement souhaitait en faire davantage pour s’attaquer à la pénurie de logements, sa marge de manœuvre financière ne le lui permettrait probablement pas.

Sans surprise, la hausse rapide des taux d’intérêt augmente aussi les charges de la dette fédérale. Lors de la présentation du budget en mars, le gouvernement prévoyait que les intérêts sur la dette en 2024-2025 s’élèveraient à 46 milliards de dollars.

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Dans l’énoncé économique de l’automne, ce montant est passé à 52,4 milliards. Ce sont plus de 6 milliards de dollars supplémentaires qui devront ainsi être absorbés par le gouvernement en intérêts par rapport à ce qui était prévu il y a seulement six mois!

Malgré un fort ralentissement économique causé par la hausse des taux d’intérêt, la situation financière du Canada est loin d’être catastrophique. Le pays devrait éviter la récession en 2024.

Le ratio de la dette par rapport au produit intérieur brut oscille autour de 40 % et devrait diminuer au cours des prochaines années, même si ce sera moins rapidement que prévu. C’est une situation enviable par rapport à la plupart des autres économies occidentales.

Mais il est peu probable que les conservateurs voient les choses d’un tel œil. La hausse des couts de la dette combinée aux nouvelles dépenses a fait perdre toute perspective de retour à l’équilibre budgétaire.

Cette nouvelle donne économique limite les capacités du gouvernement à intervenir et l’expose aux attaques de ses adversaires au moment où il apparait vulnérable.

Qu’adviendra-t-il de l’entente avec le NPD?

Il n’y a pas un mot dans l’énoncé économique sur le programme national d’assurance-médicaments souhaité par le Nouveau Parti démocratique (NPD). Ce dernier avait fait du financement de cette mesure une condition à son appui au gouvernement de Justin Trudeau.

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a esquivé les questions à ce sujet et a plutôt mis l’accent sur la prudence fiscale du gouvernement et sur l’efficacité des autres mesures mises en place dans le cadre de son accord avec le NPD, comme le régime d’assurance dentaire ou le programme national de garderies.

Selon le directeur parlementaire du budget, un programme national d’assurance-médicaments couterait annuellement de 12 à 13 milliards de dollars. Dans l’état actuel des finances publiques, il est presque acquis que ce programme ne verra pas le jour.

Dans ce contexte, il sera intéressant d’observer la réaction du chef du NPD, Jagmeet Singh, à l’énoncé économique. Le NPD pourrait-il renverser le gouvernement Trudeau sur une question de principe?

Cela apparait peu probable à court terme, mais l’illusion que le gouvernement pourra maintenir sa promesse de concrétiser le programme national d’assurance-médicaments ne pourra pas toujours tenir.

David Dagenais est journaliste économique indépendant et entrepreneur. Auparavant, il a été journaliste à Radio-Canada après avoir mené des études supérieures en économie politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université d’Ottawa.

Avec des informations de David Dagenais

Le Plan d’action pour le logement présenté dans l’Énoncé économique du 21 novembre présente de nouveaux investissements.

«Nous débloquons des milliards de dollars de nouveaux fonds, qui serviront à soutenir la construction de nouveaux logements pour les Canadiennes et les Canadiens», a soutenu Chrystia Freeland dans son discours devant les parlementaires.

Construire rapidement

Chrystia Freeland a déposé l’énoncé économique d’automne le 21 novembre. 

Photo : Ministère des Finances

À compter de 2025-2026, le gouvernement fédéral prévoit investir 1 milliard de dollars dans le Fonds pour le logement abordable, afin de permettre à des entreprises sans but lucratif, les coopératives et les logements publics à construire 7 000 nouveaux logements d’ici 2028. Ce nombre s’ajoute aux 31 500 nouveaux logements déjà prévus dans ce plan.

Le Programme de prêts pour la construction d’appartements a reçu une bonification de 15 milliards de dollars pour être mené à une enveloppe totale de 40 milliards.

«Cet investissement appuiera la construction de plus de 30 000 nouveaux logements à l’échelle du Canada, ce qui portera la contribution totale du programme à plus de 101 000 nouveaux logements financés d’ici 2031-2032», détaille l’énoncé économique 2023.

Dans le même ordre d’idée, le programme de développement de coopératives d’habitations, qui avait été annoncé dans le budget 2022, sera lancé en 2024 et recevra une bonification de 309,3 millions de dollars.

Au début de l’automne, le gouvernement avait annoncé l’élimination de la taxe sur les produits et services (TPS) pour les nouveaux projets de construction à des fins de location. Dorénavant, cette mesure s’appliquera aussi à la construction des coopératives d’habitations.

Charte hypothécaire canadienne

Pour aider les titulaires d’hypothèque à affronter la montée des taux d’intérêt, le gouvernement établit la charte hypothécaire canadienne. Elle vient énoncer les obligations des prêteurs quand leurs clients éprouvent des difficultés financières.

Par exemple, les banques devront prolonger la période d’amortissement de l’hypothèque si l’emprunteur n’est plus en mesure de la payer après son renouvèlement. La charte vient aussi limiter la capacité des banques à imposer certains frais ou pénalités.

La plupart des institutions financières offrent déjà ces possibilités à leurs clients en difficulté, mais le gouvernement espère qu’en les inscrivant dans une charte, elles deviennent systématiques. 

La charte hypothécaire canadienne

 Les Canadiennes et les Canadiens peuvent s’attendre à ce que les institutions financières :

Sévir contre la location à court terme

Ottawa prévoit débloquer un fonds de 50 millions sur trois ans, pour soutenir les municipalités qui «sévissent contre les locations à court terme non conformes», soutient le document.

À partir du 1er janvier 2024, Ottawa refusera les déductions fiscales sur toutes les dépenses reçues pour des locations à court terme.

«Ces entreprises empêchent un trop grand nombre de logements d’être disponible pour nos communautés et les villes de l’ensemble du pays», a annoncé la ministre des Finances.

Soutien aux établissements postsecondaires

Le gouvernement fédéral veut protéger les établissements postsecondaires dans les cas d’insolvabilité pour éviter qu’une crise financière comme celle de l’Université Laurentienne ne se répète.  

Après s’être placé sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers en 2021, l’établissement bilingue du Nord de l’Ontario a aboli 70 programmes, dont 29 en français, et mis une centaine de professeurs à pied.

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Le gouvernement fédéral va modifier les lois sur l’insolvabilité, soit la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi sur la faillite et l’insolvabilité pour que les établissements postsecondaires ne fassent pas l’objet de poursuite en cas de restructuration.

Mesures pour le journalisme

L’énoncé économique 2023 prévoit un investissement de 129 millions de dollars sur cinq ans en appui au journalisme et 10 millions de dollars pour chaque année subséquente.

Le plafond annuel des salaires admissibles passera de 55 000 $ à 85 000 $ par année et le crédit d’impôt sur les salaires passera de 25 % à 35 % pour une période de quatre ans à compter de 2024.

«La mesure […] profitera à la main-d’œuvre du secteur canadien de l’information, ainsi qu’aux personnes dans les communautés où les médias d’information locaux sont menacés, comme les communautés francophones et rurales, en aidant à assurer l’accès continu à des nouvelles locales fiables», peut-on lire dans l’énoncé économique.

Malgré ces nouvelles annonces, le gouvernement se garde de procéder à de grandes dépenses et prévoit maintenir le déficit à 40,1 milliards de dollars, comme annoncé dans le budget fédéral du printemps dernier.

Même si les perspectives économiques se sont assombries depuis la présentation du budget il y a six mois, le cout du financement de la dette a augmenté avec la hausse des taux d’intérêt et la marge de manœuvre financière du gouvernement s’en trouve réduite.

Le 7 novembre dernier, la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a soutenu que les négociations avec le géant Google étaient toujours sur la table. «Je n’ai rien de nouveau à dire, mais on continue de travailler. La loi va entrer en vigueur le 19 décembre, donc ça avance bien», a-t-elle déclaré en mêlée de presse.

Celle-ci obligerait les géants du Web comme Meta (société mère de Facebook et Instagram) et Google à indemniser les médias canadiens pour l’utilisation de leurs contenus sur leurs plateformes.

Meta a déjà bloqué le partage de contenus journalistiques sur ses réseaux. Google menace de faire de même si aucune entente n’est conclue avec le fédéral.

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«Réparer C-18»

Pour Jean Hugues Roy, il faut que le gouvernement serre les vis avec les géants d’Internet. 

Photo : Courtoisie

«Les gouvernements, leur objectif c’est de veiller au bienêtre de la population et un des critères de ce bienêtre, c’est d’être informé des affaires de la cité, de ce qui se passe auprès des pouvoirs publics, etc. Et qui fait ça? Ce sont les entreprises de presse, les journalistes», souligne Jean-Hugues Roy, professeur de journalisme à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Pour lui, il faudrait commencer par revoir la loi afin de protéger le secteur des médias des géants du Web.

«Il faut tout de suite commencer à penser un après C-18, à comment réparer C-18 pour qu’ils [les gouvernements] atteignent vraiment leur objectif; c’est-à-dire de contribuer au financement de l’information au Canada», poursuit-il.

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Une des solutions qu’il propose serait d’adopter une nouvelle loi pour amender C-18, afin d’obliger les plateformes comme Meta et Google à partager les contenus de nouvelles sur leurs plateformes.

«Le gouvernement canadien a été très conciliant avec les plateformes, lâche-t-il. Ça a été d’abord très long avant que C-18 soit adopté et on l’avait aménagé d’une telle façon qu’il y avait une porte de sortie pour les géants du Web. Il y a un des deux [Meta] qui l’a empruntée. Alors là, il faudrait boucher ces sorties-là.»

Fonds monétaire

La loi adoptée en juin oblige les géants du numérique à négocier les redevances avec chaque média.

Cependant, Jean-Hugues Roy est plutôt d’avis de créer un fonds monétaire où Google mettrait un certain montant d’argent que les médias se partageraient ensuite, par exemple par l’intermédiaire du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

Plus tôt cette année, Google a proposé de créer un fonds pour soutenir les médias canadiens, auquel le géant du Web contribuerait.

Bien que la ministre Pascale St-Onge se soit dite ouverte à cette idée, elle souhaite tout de même garder la date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi au 19 décembre prochain.

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La ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a assuré continuer de travailler pour «retrouver une pérennité du secteur des médias qui est essentielle pour la démocratie». 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

La menace de Google plane toujours

Si Google décide de suivre Meta et de bloquer toutes les nouvelles sur ses plateformes au Canada, «ça va être terrible pour l’information au pays», lance Jean-Hugues Roy d’un ton inquiet.

«S’il n’y a plus d’informations journalistiques, d’informations validées sur les réseaux sociaux, c’est un problème. Ça contrevient au bienêtre de la population, ça favorise la désinformation et le gouvernement du Canada aurait un argument à mon avis pour forcer les plateformes de réseaux sociaux d’avoir de l’information.»

Toutefois, le professeur ne croit pas que Google mettrait sa menace à exécution parce qu’il en ressortirait perdant. Selon lui, ce dernier est une plateforme utilisée principalement pour faire de la recherche.

«[Google] va appauvrir ses résultats de recherche pour ses utilisateurs au Canada, je ne suis pas certain que ce soit à leur bénéfice.»

Des pistes de solutions proposées

Selon la ministre du Patrimoine canadien, plusieurs programmes sont mis en place afin de soutenir les médias canadiens. «On regarde ce qu’on peut faire pour les soutenir davantage dans cette période de transition», a assuré Pascale St-Onge le 7 novembre.

«Ce qui est important, c’est de continuer d’avancer avec la modernisation de nos lois», a-t-elle soutenu.

Francopresse : Quelques semaines avant l’annonce des cibles en immigration, vous disiez ne pas être confiant de pouvoir atteindre 6 % en 2024, qu’est-ce qui a changé?

J’ai plus confiance aujourd’hui que j’avais il y a [quelques] semaines, parce que j’ai pu parler avec mon ministère davantage sur les différentes pistes où on pourrait aller chercher dans les bassins de francophones hors du Québec, afin de s’assurer qu’on travaille davantage pour solliciter ces gens, de les attirer au Canada et remplir nos cibles.

Ce que j’ai dit très clairement aussi, c’est que j’aime mieux rater la cible avec les mécanismes en place pour une certaine pérennité [francophone] que d’atteindre la cible avec peine et misère, comme quand on a atteint le 4 % et quelques miettes, parce que ce n’est pas quelque chose qui peut durer de cette façon.

Ce sont des cibles qu’on n’avait jamais, jamais, mais jamais atteint auparavant, alors c’est nouveau et avec tout ce qu’il y a de nouveau, je pense qu’il faut être aux aguets et s’assurer qu’il y a quelqu’un qui fait du monitoring [gestion], qu’on soit sur la bonne voie et ne pas attendre à la toute fin, quitte à présenter des excuses pour des cibles qui sont ratées.

C’est un objectif personnel de ma part, professionnel aussi. Je veux m’assurer qu’on va pouvoir atteindre ces cibles puis même les dépasser.

J’ai aussi dit lors d’une entrevue que dans un an, je serais même prêt à réviser les cibles plus agressivement si jamais j’avais l’assurance qu’on pouvait le faire.

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Cela a pris au gouvernement fédéral près de 20 ans pour atteindre la cible d’immigration francophone de 4,4 %. Maintenant, vous visez 6 % en 2024, 7 % en 2025 et 8 % en 2026, comment en êtes-vous arrivé à ces chiffres?

Premièrement, on a consulté une panoplie d’organisations dans le contexte des cibles pour les francophones hors Québec.

Deuxièmement, on a regardé nos ressources à l’interne pour voir comment on avait atteint le 4,4 %, si c’était un modèle qui pouvait se reproduire du jour au lendemain, et voir comment durant l’année à suivre on pourrait mettre en place des mécanismes pour faciliter l’augmentation et respecter la nouvelle Loi sur les langues officielles.

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[Je veux aussi] respecter le désir de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) et des autres institutions francophones d’avoir l’immigration comme canal très important pour travailler et revitaliser les communautés francophones hors Québec.

Ce que j’ai demandé à la fonction publique, c’est de dépasser leur façon de penser et d’aller piger dans l’inventaire des gens qui sont francophones et voir comment on pourrait de façon réaliste augmenter les cibles d’année en année.

Il y a eu beaucoup de discussions, évidemment avec des gens qui sont passionnés par la langue française, dans mon ministère et ailleurs, pour voir comment on pourrait faire ça, mais de façon réaliste.

J’ai trop de respect pour la FCFA pour l’induire en erreur.

Mon équipe a donné le coup de barre à mon ministère pour demander de faire un effort supplémentaire, mais surtout de le faire de la bonne façon. C’est-à-dire d’avoir les mécanismes en place pour, un, pouvoir assurer la pérennité de cet «inventaire», mais aussi d’avoir des pistes de solutions, ce qu’on ne faisait pas auparavant, pour devenir des résidents au Canada.

Vous avez mentionné à plusieurs reprises mettre en place «des mécanismes» pour atteindre votre objectif. Quels sont-ils et quand seront-ils effectifs?

Des mécanismes pour s’assurer qu’on ait la cible ne sont pas encore en place. Je ne peux pas vous donner de date fixe pour le moment.

Il va falloir faire plusieurs nouvelles politiques publiques pour s’assurer qu’il y ait, par exemple, un chemin plus ambitieux pour les étudiants qui parlent français vers la résidence permanente; qu’on aille puiser dans des bassins à l’extérieur, en Europe, mais aussi à l’extérieur de l’Europe, en Afrique de l’Ouest et d’autres régions qui ont des sources de francophones.

[Il faut] qu’on continue d’enrayer le racisme systémique qui est [un problème] pour l’acceptation de certaines personnes de ces régions.

Il va falloir les mettre en place rapidement, ça dépendra évidemment de la complexité et mon équipe est en train de travailler dessus.

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Dans moins de deux ans, les Canadiens seront appelés aux urnes, alors que les conservateurs sont nettement en avance dans les derniers sondages. Est-ce que cela vous inquiète par rapport aux cibles?

C’était justement parce que je ne voulais pas être électoraliste que je voulais être réaliste avec les gens. Il n’y a rien de pire qu’un politicien qui fait de fausses promesses quitte à devoir présenter des excuses l’année après pour avoir déçu tout le monde.

Il y avait des gens qui me disaient en catimini : «Mettons donc les objectifs à 10-15 %, même si on ne va pas les rencontrer, parce que ça va nous donner un certain crédit auprès de certaines gens, surtout de la francophonie hors Québec.» J’ai horreur de ce genre de politique.

C’est la raison pour laquelle je ne voulais pas coute que coute mettre des cibles qui n’étaient pas réalisables et c’est la raison pour laquelle, peut-être, je suis quelque peu critique quant à l’ambition de ces cibles. Mais je les estime réalistes et ambitieuses en même temps.

Donc c’est quelque chose je pense qu’on devrait célébrer, mais ce n’est pas la fin de la discussion en même temps.

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En conclusion, êtes-vous confiant d’arriver à vos objectifs?

Je suis confiant de l’équipe que j’ai pour pouvoir être à la hauteur des attentes que j’ai. On se reparlera dans un an.

À l’école, Joe Tamko a appris «quelques lignes» sur la colonisation. «Si mes parents n’avaient pas été là pour m’expliquer, je n’aurais pas été en mesure d’être fier de qui je suis et d’où je viens», confie-t-il.

Aujourd’hui établi à Toronto, il constate que malgré l’abondance d’information, le récit demeure eurocentriste et que cette information a une importante incidence sur les jeunes afrodescendants et la manière dont ils se perçoivent.

Ce qu’il faut se demander, en fait, c’est qui contrôle le storytelling [le récit]. De nos jours, il est très clair que ce n’est pas la communauté afrodescendante qui parle d’elle-même.

— Joe Tamko

Pour lui, le CICA fait partie de la solution. Pour cette raison, il a choisi de se joindre à son conseil d’administration.

Connaitre son histoire

Sandra Adjou a fondé le CICA en 2018. Depuis, l’organisme présente régulièrement des ateliers publics pour stimuler la fierté identitaire chez les jeunes afrodescendants et faire connaitre les cultures. Et le constat revient : les jeunes connaissent très peu leurs racines.

En 2020, une idée a muri : créer des bandes dessinées qui s’articulent autour de personnages afrodescendants (qui seront Keïta, Agodjier, Montou et Mfumu) pour raconter l’histoire de l’Afrique d’avant le XVIIe siècle, avec ses grands empires et ses royaumes. Le projet est devenu réalité en juin 2023.

Aujourd’hui, les ouvrages L’Afrique avant l’esclavage et la colonisation et Nos héros afro-descendants servent de tremplin à une douzaine d’ateliers qui sont présentés cet automne dans des écoles de Toronto – mais qui seront un jour offerts d’un océan à l’autre, espère Sandra Adjou.

En juin, Sandra Adjou et le CICA lançaient deux bandes dessinées pour raconter les grandeurs de l’Afrique précoloniale. 

Photo : Andréanne Joly

Des bandes dessinées qui répondent à un besoin

Une première bande dessinée narre l’histoire de deux royaumes et d’un empire avant l’esclavage et la colonisation : le royaume Kongo, l’empire du Mali et le royaume du Danhomê. La deuxième présente des personnages comme la princesse Yennega (un modèle d’inspiration extraordinaire, de courage, de leadeurship, selon Sandra Adjou), James Douglas ou Luiza Mahin.

Amadou Ba, historien et auteur établi dans le Nord ontarien, a été approché pour écrire les récits. Accepter le mandat allait de soi pour lui.

Dans son travail d’auteur, il a remarqué que le besoin pour ce genre de récit est de plus en plus criant : «[Les gens] veulent savoir ce qui s’est passé de bien, quelles sont les grandes figures historiques.»

Bref, «le contexte est favorable, les moyens de communication sont favorables, la visibilité est là, donc ce qui donne plus de possibilités», estime l’auteur.

«Il y a tellement de batailles»

Sandra Adjou, Torontoise d’origine béninoise, tient à un discours de construction identitaire positif «parce que tu as besoin de t’identifier en tant que jeune». «Les jeunes apprennent par l’exemple. Donc, tu apprends quelqu’un qui a un bon parcours, tu es motivé à avoir un bon parcours», remarque-t-elle.

La demande est généralisée, a observé Amadou Ba – dans la diaspora, chez l’Autre, même chez les Africains de l’intérieur.

Je crois que les gens réalisent que chaque peuple, chaque société, chaque civilisation a son passé, ses périodes de gloire. Les gens sont à la quête de personnes de valeur à qui ils peuvent s’identifier pour donner un sens à la vie d’aujourd’hui.

— Amadou Ba

Dans les ateliers, le message est aussi transmis aux enfants d’origine autre qu’afrodescendante. Ce contact et cette connaissance de l’histoire de l’Autre contribueront à renverser les préjugés et les barrières, espère Sandra Adjou.

«Tu vois, parce que quand tu veux chercher un logement et qu’on ne t’appelle pas, qu’on ne t’appelle pas à cause de ton nom… il y a des familles qui vivent ces réalités-là.»

«On ne prétend pas pouvoir tout changer, mais on veut s’axer sur cette jeunesse-là», ajoute-t-elle.

Amadou Ba, historien et auteur établi dans le Nord ontarien, a participé à l’écriture des récits. 

Photo : Courtoisie CICA

Une ouverture

Le livre Nos héros afro-descendants porte la mention «tome 1». C’est dire que Sandra Adjou espère poursuivre le travail au-delà de ces deux bandes dessinées et des ateliers.

«Il serait intéressant de raconter comment tous ces royaumes ont commencé. On parle de l’organisation politique, économique, sociale. On parle du déclin aussi. On parle de grands personnages qui ont existé et qui ont fait la différence», résume-t-elle.

Et Joe Tamko pourra présenter ces histoires à sa petite fille, pour qu’elle connaisse aussi, dès l’enfance, ses racines.

Alors que les Directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heures recommandent de faire en moyenne 60 minutes d’activité physique d’intensité moyenne à élevée par jour, on est loin du compte.

Selon le Bulletin de l’activité physique de 2022 chez les enfants et les jeunes de ParticipACTION, seuls 28 % des enfants âgés de 5 à 17 ans respectent cette préconisation. Un score en baisse de 11 % par rapport au précédent Bulletin de l’organisme.

Pire encore, seuls 16,5 % des enfants ne dépassaient pas la durée maximale de deux heures par jour recommandée pour le temps d’écran. Plus de temps d’écran, moins d’activité physique. Il va sans dire que l’équation est mal équilibrée. Et néfaste pour la santé des principaux concernés.

Espérance de vie et santé mentale

Les bienfaits de l’activité sportive chez les jeunes ne sont plus à démontrer : développement des habiletés motrices, meilleure santé osseuse, diminution du risque d’obésité et des risques cardiovasculaires… On ne le répètera jamais assez : pour vivre longtemps et en bonne santé, le sport est essentiel.

On a tous connu la difficulté de se remettre au sport après une longue coupure. Autant donc acquérir les bonnes pratiques dès un jeune âge.

D’autant que nos mauvaises habitudes de vie commencent à avoir des répercussions concrètes. Pour la deuxième année de suite, l’espérance de vie a diminué au Canada. L’une des causes principales de ce recul est attribuée aux maladies du cœur, que la pratique sportive tend pourtant à repousser.

Ce que l’on sait moins, en revanche, c’est que la pratique sportive a d’importants bénéfices sur le développement cognitif des enfants. Ceux qui sont actifs auraient plus de facilité à l’école. Ils dépenseraient leur trop-plein d’énergie pour ensuite être plus concentrés en classe.

Mieux, une récente étude montre que la pratique des sports collectifs améliore la santé mentale des enfants.

«Le contexte social que procurent les sports d’équipe favorise souvent un sentiment intrinsèque chez l’enfant selon lequel le groupe de pairs de l’activité est une partie intégrante de son réseau social, et il contribue même au développement de son identité», écrivent les auteurs de l’étude, Charles-Étienne White-Gosselin et François Poulin.

Avec un sport d’équipe, le jeune développe un sentiment d’appartenance à un groupe, ce qui limite le développement de symptômes dépressifs.

Le rôle de l’école

Mens sana in corpore sano. Cet adage latin (un esprit sain dans un corps sain) nous invite à nous préoccuper autant de notre santé physique que de notre santé mentale. Comment expliquer alors que l’école est bien davantage un temple de l’esprit qu’un temple du corps?

Cette institution incontournable dans le développement de nos enfants ne devrait-elle pas se soucier un peu plus de leur santé physique, comme le demande l’universitaire québécois Normand Baillargeon, spécialiste de l’éducation?

Au Québec, le ministère de l’Éducation recommande aux écoles primaires d’offrir deux heures par semaine d’éducation physique aux enfants. Une cible plutôt modeste, surtout si on la met en perspective avec les 60 minutes quotidiennes recommandées par les Directives canadiennes en matière de mouvement.

Pourtant, s’il est difficile de trouver des données très à jour sur le sujet, près d’un tiers des établissements n’arrivaient pas à assurer ce minimum en 2013, selon une étude de l’Université de Sherbrooke.

Les excuses sont multiples : trop d’élèves, pas assez d’installations sportives, des parents réfractaires…

Toujours est-il qu’au vu de l’importance du sujet, les efforts fournis semblent bien dérisoires. Même si – il est toujours bon de le rappeler – l’activité des enfants ne se borne pas à l’enceinte de l’école et que les parents, ainsi que les clubs extrascolaires, ont leur rôle à jouer.

Le modèle slovène

Peut-être que le Canada pourrait s’inspirer d’un modèle qui a fait ses preuves. En tournant son regard vers un tout petit pays d’Europe, la Slovénie.

Dans cet État de 2,1 millions d’habitants, niché entre l’Italie, l’Autriche, la Croatie et la Hongrie, les élèves du primaire et du secondaire (environ 220 000 enfants) sont évalués annuellement sur la base d’une dizaine de tests d’aptitude sportive. Le but? «Amener toute la population à un haut niveau de développement physique et moteur.»

Par effet de ricochet, la Slovénie sort depuis quelques années un nombre de champions anormalement élevé pour un pays aussi peu peuplé. Signe que cette approche paie. Luka Doncic (basketball), Tadej Pogacar et Primoz Roglic (cyclisme) ou encore Janja Garnbret (escalade) font tous partie des tout meilleurs mondiaux dans leur discipline.

L’ex-triathlète canadien Pierre Lavoie, très sensible au sujet du développement de l’activité sportive, souhaiterait que l’on s’inspire de ce modèle. «Ce que j’aime, c’est que pour eux, les champions sont issus d’un système d’inclusion, pas d’un système d’exclusion», a-t-il ainsi déclaré à La Presse.

Car il ne faut pas oublier que la fabrique des champions est la partie immergée de l’iceberg et n’est pas une fin en soi. Le plus important est de rapprocher de la pratique ceux qui en sont les plus éloignés.

Si le modèle de la Slovénie peut être source d’inspiration, mieux vaut ainsi tourner le dos de celui du voisin américain, qui fait la part belle à l’excellence.

Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.

Taxe carbone et financement de projets autochtones

Le chef du Parti conservateur du Canada (PCC), Pierre Poilievre, a annoncé lundi que son parti allait lancer une campagne pour encourager les sénateurs à voter en faveur du projet de loi C-234.

Pierre Poilievre souhaite étendre l’exemption de la taxe carbone au gaz naturel et au propane pour les agriculteurs. 

Photo : Eya Ben Nejm – Francopresse

Présentement en troisième lecture au Sénat, ce dernier vise à exempter les agriculteurs de la tarification sur le gaz naturel et le propane.

Les premiers ministres de la Saskatchewan, de l’Alberta et de l’Ontario ont envoyé des lettres aux sénateurs pour leur demander de voter en faveur de C-234.

Pour eux, il est question d’alléger les dépenses des agriculteurs, qui utilisent le gaz naturel et le propane, entre autres, pour chauffer les bâtiments agricoles ou faire fonctionner les séchoirs à grains.

La semaine dernière, une motion conservatrice soutenue par les néodémocrates visant à étendre l’exemption de la taxe carbone sur le chauffage au mazout à tous les types de chauffage résidentiel avait été rejetée.

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Les chefs politiques de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l’Ontario, de l’Alberta et de la Saskatchewan jugent que la suspension de la taxe sur le mazout favorise les résidents de l’Atlantique, dont 30 % se chauffent au mazout.

Mardi, selon un sondage d’Abacus Data, 72 % des répondants estiment que l’exemption de la taxe devrait également être élargie, afin d’aider les Canadiens à affronter l’augmentation du cout de la vie.

Mardi, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, a annoncé le lancement du Fonds de leadership autochtone.

Le programme, élaboré en collaboration avec les Premières Nations, des organisations inuites et des gouvernements métis, fournit jusqu’à 180 millions de dollars pour soutenir des projets d’énergie renouvelable, d’efficacité énergétique et de chauffage à faible émission de carbone détenus et dirigés par ces peuples.

«Nous ne pourrons pas tourner la page de la crise climatique sans les Premières Nations, les Inuits et les Métis à la barre», dit Gary Anandasangaree dans un communiqué.

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

«Les peuples autochtones sont en première ligne de la crise climatique : ils subissent de manière disproportionnée les effets des changements climatiques dans leurs collectivités et prennent des mesures concrètes et ambitieuses pour réduire les émissions et préserver la pureté de l’air», souligne dans un communiqué Gary Anandasangaree, ministre des Relations Couronne-Autochtones.

Du 30 octobre 2023 jusqu’au 31 mars 2027, 73,9 millions soutiendront des projets menés par les Premières Nations dans le cadre d’un processus de demandes de financement continu.

Le montant alloué aux Inuits et aux Métis sera réparti sur six ans, selon un processus dirigé.

Justin Trudeau cumule les reproches

D’une part, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a réprimandé le premier ministre canadien après que ce dernier a exhorté Israël à faire preuve de «la plus grande retenue» dans sa guerre contre le Hamas, afin de protéger les civils de Gaza.

«Ce n’est pas Israël qui vise délibérément les civils, mais le Hamas qui a décapité, brulé et massacré des civils dans les pires horreurs perpétrées contre les Juifs depuis l’Holocauste», a rétorqué Benyamin Nétanyanhou mardi soir sur la plateforme X, en interpelant directement son homologue.

«Israël fournit aux civils de Gaza des couloirs humanitaires et des zones de sécurité, tandis que le Hamas les empêche de partir sous la menace d’une arme», a-t-il écrit.

D’autre part, Justin Trudeau, qui n’appelle pas à un cessez-le-feu, mais plutôt à une «trêve humanitaire» à Gaza, s’est attiré la foudre d’environ 250 manifestants mardi soir, en Colombie-Britannique.

Le premier ministre dinait dans le quartier chinois de Vancouver quand le groupe s’est placé devant le restaurant pour réclamer un cessez-le-feu à Gaza. Quelques affrontements ont eu lieu entre des manifestants et des agents de la police.

En date du 25 novembre, 356 Canadiens ont pu quitter la bande de Gaza, selon Affaires mondiales Canada.

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Des vidéos publiées sur Internet démontrent qu’un autre rassemblement a eu lieu le même soir, cette fois-ci dans un restaurant indien. Des manifestants ont entouré Justin Trudeau qui a dû quitter les lieux. «Vous avez du sang sur les mains», lui ont reproché des manifestants.

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Questionné sur sa décision de ne pas appeler au cessez-le-feu lors d’une conférence de presse plus tôt mardi, le premier ministre a expliqué que «ce n’est pas toujours [une solution magique] définie par un premier ministre canadien qui va soudainement apporter la paix au Moyen-Orient du jour au lendemain».

«Il s’agit de nous rappeler que lorsqu’un enfant a peur d’aller à l’école le matin à cause de sa religion ou de son appartenance ethnique, ce n’est pas seulement la responsabilité du gouvernement, mais celle de chacun d’entre nous de dire que cela s’arrête maintenant», a-t-il poursuivi, en faisant allusion à la montée d’actes antisémites et islamophobes au Canada.

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La ministre Mary Ng était présente à l’APEC cette semaine. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

De mercredi à vendredi, Justin Trudeau a participé à la réunion des dirigeants de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC), à San Francisco, aux États-Unis, où il a rencontré le gouverneur de la Californie, Gavin Newsom.

Celui-ci et Justin Trudeau ont discuté «de possibilités dans le domaine de l’énergie propre, notamment de la résilience des réseaux d’électricité propre, de l’énergie nucléaire de même que du captage, de l’utilisation et du stockage du carbone», peut-on lire dans le communiqué du bureau du premier ministre.

Le principal objectif de l’APEC est de «promouvoir une croissance économique durable et la prospérité dans la région Asie-Pacifique», précise le site du gouvernement canadien.

Le premier ministre était accompagné de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, et de la ministre de la Promotion des exportations, du Commerce international et du Développement économique, Mary Ng.

Francopresse : Vous venez d’être assermentée en tant que juge à la Cour suprême du Canada. Vous êtes une fière Franco-Albertaine qui exerce le droit depuis près de 30 ans, mais qui est la femme derrière la juge Moreau?

Juge Mary T. Moreau : Je suis native de l’Alberta, sixième de huit enfants, un père franco-albertain avec un grand-père qui, lui, a déménagé du Québec aux Prairies et une mère anglophone avec du sang écossais et irlandais. Alors, je suis un produit d’une famille exogame. Les deux langues étaient utilisées à la maison durant ma jeunesse.

Je suis allée aux écoles bilingues, ce qui voulait dire 50 % en français, soit la limite prescrite par la législation provinciale à cette époque.

Par la suite, je me suis inscrite à une faculté francophone, le campus Saint-Jean, de l’Université de l’Alberta, où j’ai suivi des cours en arts ainsi qu’en sciences, parce que je n’avais pas encore décidé ce que je voulais faire comme carrière.

Après quelques années, j’ai poursuivi mes études à l’École de droit de l’Université de l’Alberta.

J’ai été nommée juge à l’âge de 38 ans, alors que les femmes composaient seulement un quart environ de la Cour. À l’époque, des dispositions en vigueur du Code criminel exigeaient d’avoir des juges bilingues pour présider des procès en français. C’est ce qui, je pense, a été valorisé dans ma nomination.

Vingt-trois ans plus tard, j’ai été nommée juge en chef de la Cour du Banc de la Reine, qui est maintenant la Cour du Banc du Roi.

Vous avez un intérêt marqué pour le droit criminel et constitutionnel, mais vous avez aussi cofondé l’Association des juristes d’expression française de l’Alberta (AJEFA). On peut comprendre que la francophonie a une place importante pour vous?

Bien entendu, c’est mon histoire personnelle, la langue et la culture, qui fait partie de moi.

Quand j’ai commencé à pratiquer à Edmonton, j’avais une clientèle mixte francophone et anglophone.

J’ai fait beaucoup de droit criminel en tant qu’avocate de la défense et c’est là où j’ai rencontré un client qui a voulu subir son procès criminel en français pour trafic de cocaïne.

C’est le début d’un long voyage, un parcours de quatre niveaux de tribunaux jusqu’à la Cour suprême pour établir le droit de cet accusé de subir son procès en français. À l’époque, les dispositions du Code criminel qui permettaient le procès dans l’une ou l’autre ou les deux langues n’avaient pas été proclamées en vigueur en Alberta.

C’était vraiment le lancement d’une carrière en droit constitutionnel ainsi qu’en droit criminel et en litige civil et familial.

Dans ma carrière d’avocate, j’ai aussi participé à l’affaire Mahé sur l’interprétation des droits de l’article 23 de la Charte des droits et libertés qui s’est rendue en Cour suprême. J’étais un des conseillers juridiques pour les appelants.

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Quand j’étais juge de procès, j’ai présidé plusieurs causes et procès en français devant jury, y compris des affaires de droit criminel, et j’ai aussi présidé des procès en français, surtout comme juge suppléant, à la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest et à la Cour suprême du Yukon.

Alors, comme juge en chef, ça m’intéressait de créer plus d’espace pour l’accès à la justice dans les deux langues officielles, vu les dispositions du Code criminel sur l’offre de services en français.

Sous mon administration, on a développé une politique pour les services en français qui incluait les conseils, les avis enregistrés aux accusés à leur première comparution devant notre cour. Ils avaient la possibilité d’avoir un procès en français ou en anglais ou bilingue.

Ce sont des étapes comme ça qui, pour moi, suivaient la rigueur des dispositions du Code criminel.

Je pense qu’à la Cour suprême, les membres de la Cour ont différentes origines ethniques, géographiques, culturelles, et je pense que c’est une bonne chose que la Cour contienne cette diversité pour que les gens puissent se reconnaitre dans sa composition.

Juge Mary Moreau

Votre nomination a une valeur historique, car pour la première fois à la Cour suprême du Canada, il y a plus de femmes juges que d’hommes. Qu’est-ce que cela signifie pour vous?

Pour moi, ça signifie une évolution importante. Les femmes constituaient un quart de ma classe en droit à l’Université de l’Alberta. Maintenant, les femmes représentent facilement la moitié des étudiants dans les classes de droit.

C’est une évolution à ce niveau-là. En matière du choix de carrière que j’ai fait comme avocate, les femmes étaient plutôt rares en droit criminel. On les voyait moins au niveau de la défense.

J’ai vu dans ma carrière, et surtout durant ma carrière de juge, que ça aussi, ça a évolué. Maintenant les femmes participent activement à la défense criminelle. Et comme juge, quand j’ai accepté une nomination à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, en 1994, on était environ un quart de femmes.

Maintenant, on est très très proches de 50 % des femmes à la Cour du Banc du Roi. C’est donc une autre évolution.

Je suis très très contente d’être dans un contexte où les femmes occupent maintenant une place majoritaire à la Cour, ce qui veut dire que l’évolution continue. J’espère qu’il y aura un moment où ça ne sera plus remarquable.

Maintenant que vous êtes à la Cour suprême du Canada, quelle sera votre priorité?

Comme j’ai dit au Comité parlementaire, c’est de rendre justice, d’écouter, de réfléchir dans un contexte qui est nouveau pour moi. J’ai beaucoup à apprendre, mais de rendre justice, je pense que c’est l’aspect le plus important pour que le public soit confiant dans le rôle des tribunaux et de la Cour suprême dans le système de justice.

Avec mon travail à l’international, la primauté du droit est quelque chose à nourrir tout le temps. Il ne faut pas le prendre comme acquis, même dans une démocratie très développée.

Avez-vous pu accéder à une salle de bain propre et sécuritaire aujourd’hui? Si oui, vous avez de la chance : vous faites partie de la moitié de l’humanité qui dispose de ce privilège.

En effet, selon les dernières données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), 3,5 milliards de personnes vivent sans accès à des toilettes salubres et sécuritaires. À l’occasion de la Journée mondiale des toilettes, penchons-nous – ou plutôt, assoyons-nous – sur ce sujet fondamental.

Quoi de plus banal dans nos vies confortables que d’accéder facilement à une salle de bain?

Véritables havres de paix pour certaines personnes, qui s’y enferment des heures durant pour améliorer leurs compétences en sudoku ou fuir l’agitation familiale, et dignes des meilleurs spas pour d’autres, qui y installent douchettes et sièges chauffants, nos toilettes font rarement l’objet de discussions en société.

Elles font partie de ces sujets dont on parle peu, si ce n’est pour quelques blagues en fin de soirée ou pour se plaindre d’un abattant non baissé.

Pourtant, à l’échelle mondiale, le sujet n’a rien de drôle ou de futile. La contamination de l’eau, la déficience des systèmes d’assainissement et le manque d’hygiène sont à l’origine de la mort de quelque 1 000 enfants de moins de 5 ans chaque jour.

Il s’agit donc d’un enjeu majeur de santé publique dont il est important de parler.

Impact disproportionné sur les femmes

Imaginez-vous devoir parcourir chaque jour des kilomètres pour trouver un endroit décent et sécuritaire pour vous soulager.

Ou devoir faire face à des situations dangereuses, comme du harcèlement sexuel, chaque fois que vous vous rendez dans les toilettes partagées de votre village.

Ou encore, risquer de contracter une maladie mortelle telle que le choléra ou des parasites intestinaux à cause d’installations sanitaires défectueuses et inadaptées dans votre lieu de vie.

Ceci est la réalité de nombreuses femmes et jeunes filles de partout dans le monde, touchées de manière disproportionnée par les conséquences d’un manque d’accès aux services d’hygiène. Cette situation peut avoir de graves conséquences sur leur santé, sur leur dignité et sur leurs chances de réussite.

En l’absence de toilettes dans les écoles, par exemple, les filles peuvent être obligées de manquer les cours pendant leurs règles, ce qui peut ainsi compromettre leur accès à l’éducation.

Aussi, comme le révèlent les chiffres de l’OMS et de l’UNICEF, dans 7 cas sur 10, les foyers sans point d’eau à domicile – une réalité pour 1,8 milliard de personnes dans le monde – s’en remettent aux femmes et aux filles pour la collecte de l’eau.

Celles-ci doivent parcourir des distances importantes pour s’acquitter de leur tâche, ce qui réduit le temps qu’elles peuvent consacrer à l’éducation, au travail ou aux loisirs, et perpétue le cycle de la pauvreté. Elles s’exposent également à de nombreux dangers lors de leurs déplacements.

Une question de dignité

Même chez nous, au Canada, l’accès à des toilettes propres et sécuritaires peut s’avérer un défi. Pensons notamment aux femmes sans-abris, qui doivent faire face à des obstacles uniques en matière d’hygiène et de dignité, ou aux personnes porteuses d’un handicap.

En mettant l’accent sur l’amélioration de l’accès à des installations sanitaires adéquates pour tout le monde, et en particulier pour les femmes et les filles, la Journée mondiale des toilettes contribue à sensibiliser à ces questions et à promouvoir des solutions inclusives.

Il s’agit d’une question de dignité, d’égalité des genres et de respect fondamental.

Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, elle travaille depuis près de quinze ans dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.

Début octobre, Radio-Canada révélait que plusieurs hauts gradés de la GRC occupent des postes bilingues alors qu’ils ne maitrisent pas le français. Une information qui ne surprend pas du tout Jean-François Savard.

«Il n’y a rien de surprenant, a lancé le professeur en entrevue avec Francopresse. Je ne vois pas en quoi c’est une nouvelle même. C’est simplement un reflet [de la société] que l’on trouve aussi dans la fonction publique fédérale en général.»

Projet pilote

Quelques semaines après la publication de l’article, le commissaire de la GRC, Michael Duheme, était convoqué devant le Comité permanent des langues officielles.

Lors de son témoignage, le 30 octobre, il a affirmé que l’organisme étatique mettrait en place une nouvelle stratégie afin de se conformer à la Loi sur les langues officielles.

Le commissaire de la GRC Michael Duheme a été convoqué le 30 octobre devant le Comité permanent des langues officielles. 

Photo : X Mike Duheme

«Nous identifierons les lacunes et les obstacles comme matière de conformité», a lancé le commissaire en séance parlementaire.

Michael Duheme a en outre présenté les quatre axes prioritaires de cette stratégie : «Renforcer le leadeurship en matière de langues officielles, promouvoir la conformité législative avec la Loi sur les langues officielles, créer une culture d’inclusion et assurer la responsabilité, la transparence et l’évaluation des progrès», a-t-il énuméré.

À défaut de répondre favorablement à une demande d’entrevue, la GRC a envoyé un courriel à Francopresse où elle affirme avoir récemment lancé un projet pilote qui consiste à embaucher des enseignants de langues secondes pour offrir des formations à l’interne aux employés.

Pour Jean-François Savard, c’est un projet comme un autre. «Penser qu’un projet pilote pourrait améliorer une situation comme celle-là, non je n’y crois pas vraiment, dit-il avec un ton pessimiste. Ça fait trop partie de la culture canadienne.»

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«C’est un problème de culture»

«Ce n’est pas un problème de projet pilote, c’est pas un problème de programme. Le problème, c’est un problème de culture. Dans la culture canadienne, il y a très peu d’intérêt pour le bilinguisme», se désole le professeur.

Quant aux lacunes francophones au sein de la GRC, «on est pas dans une situation où, par exemple, il y a une mauvaise gestion des effectifs en région, où on n’est pas capable de trouver à ce moment-là une solution […]. On parle ici de la volonté des gens d’apprendre une autre langue», insiste Jean-François Savard.

Il faut vouloir la pratiquer [la langue française]. Donc tant que cette volonté-là n’existera pas, il n’y a pas de programme qui va permettre de changer cette situation-là.

— Jean-François Savard

En plus de constater que la maitrise du français est «généralement très mauvaise» au sein des institutions fédérales, le professeur soutient que les francophones semblent être souvent défavorisés lorsqu’il s’agit de grimper les échelons.

Selon lui, très peu d’entre eux arrivent à atteindre des niveaux de cadres supérieurs dans l’administration fédérale.

Tout cela représente, d’après lui, un ensemble de caractéristiques de la société canadienne hors du Québec.

Pour Jean-François Savard, il est nécessaire d’apporter des changements au sein de la société canadienne afin de créer une meilleure compréhension du fait français au Canada. 

Photo : Courtoisie

«On entend des gens comme le premier ministre Blaine Higgs au Nouveau-Brunswick qui disent à tout le monde publiquement que lui, en tant qu’anglophone, il se sent menacé, il se sent bafoué dans ses droits d’avoir à parler français […], illustre Jean-François Savard. À l’exception de la Nouvelle-Écosse, c’est un mouvement qu’on retrouve partout au Canada [anglais].»

Dans un courriel envoyé à Francopresse, la GRC assure qu’elle veille à ce que les personnes d’expression française et celles d’expression anglaise aient des chances égales d’emploi et d’avancement dans l’institution.

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L’éducation et des politiques ciblées

Pour Jean-François Savard, le changement de culture doit passer d’abord et avant tout par l’éducation, primaire et secondaire.

Selon lui, il serait important d’améliorer la qualité du français enseigné partout au Canada, «avec des programmes qui sont plus enrichis, qui donnent une meilleure immersion dans la langue seconde. C’est ça qui va faire que les gens vont comprendre une culture».

À partir du moment où ils sont capables de s’immerger dans cette culture-là […], ils arrivent à mieux comprendre la réalité des francophones et ils ne sont plus menacés par le fait français.

— Jean-François Savard

Dans un deuxième temps, la mise en place de politiques publiques en faveur de la langue française et de sensibilisation aux questions linguistiques serait une étape importante pour soutenir les francophones hors Québec, soutient le professeur en administration publique.

Même si la Loi sur les langues officielles garantit l’offre de services bilingues, il n’existe pas selon lui de politiques ayant pour but d’assurer la francophonie ou le bilinguisme.

Dans cette optique, le spécialiste soutient que des politiques fédérales pourraient amener à sensibiliser la population sur le fait français et aussi uniformiser l’enseignement de langue seconde partout au pays.