le Lundi 28 avril 2025

Le Parti libéral du Canada, qui se dirigeait tout droit vers une cuisante défaite, a fait une remontée spectaculaire dans les intentions de vote en un temps record. Ce retournement de situation s’explique par un ensemble de facteurs : un nouveau chef, un nouvel enjeu de campagne et des leadeurs d’autres partis qui sous-performent.

Un autre élément exceptionnel dans cette campagne électorale est la prodigalité manifestée par tous les partis. Le message que l’on entend depuis le premier jour de la campagne est le suivant : le Canada fait face à une crise existentielle qui ne pourra se résoudre que si on dépense. Que si on dépense beaucoup, devrait-on préciser.

Combien? C’est peut-être la question à 100 milliards de dollars…

Car on n’a aucune idée du cout de l’ensemble des promesses faites jusqu’à maintenant par chacun des partis.

— Geneviève Tellier

Certes, certaines estimations ont été présentées. Mais c’est plus l’exception que la règle.

Par exemple, les libéraux promettent de créer un programme d’aide à l’industrie automobile qui sera doté d’une enveloppe de 2 milliards de dollars.

Les conservateurs s’engagent à mettre en place un programme de prêts pour les entreprises frappées par les tarifs douaniers américains d’une valeur de 3 milliards de dollars.

Les néodémocrates proposent d’offrir des subventions et des prêts à faibles taux d’intérêt pour encourager la rénovation énergétique résidentielle à hauteur de 1,8 milliard de dollars par année pendant 10 ans.

Sur les 41 engagements faits par les trois principaux partis qui ont été recensés par le Toronto Star à ce jour, il y en a seulement 9 pour lesquels les partis ont jugé bon de fournir eux-mêmes une estimation de couts : 5 par le Parti libéral, 2 par le Parti conservateur et 2 par le Nouveau Parti démocratique.

Pourtant, les promesses faites jusqu’à présent vont couter cher : réductions d’impôt, programmes d’aide aux entreprises, projets d’infrastructure, etc. On parle de dizaines de milliards de dollars pour chacun des partis.

Sans compter la perte de revenus qui risque de se produire si une récession se produit. Ce qui semble de plus en plus probable.

À lire : Feuilleton d’élection fédérale : les premières promesses

Les chefs des trois plus grands partis font beaucoup de promesses sans préciser le cout de celles-ci. 

Photos : Inès Lombardo et Marianne Dépelteau – Francopresse

Une élection différente

Ce peu d’informations tranche avec les élections passées.

En 2021, chacun des trois principaux partis avait présenté une plateforme chiffrée détaillée. Le cout de toutes les promesses était présenté.

Ainsi, on savait que la valeur totale des promesses libérales s’élevait en moyenne à 16 milliards de dollars par année pour les cinq prochaines années, celle des conservateurs à 10 milliards et celles des néodémocrates à 43 milliards.

La même chose s’était produite à l’élection de 2019. Tous les partis avaient présenté une plateforme présentant l’ensemble de leurs promesses accompagnées d’un cadre financier détaillé.

À vrai dire, il semblait désormais acquis que le dévoilement de cadres financiers était devenu incontournable en campagne électorale.

Il y a de bonnes raisons pour cela. En chiffrant chacune de leurs promesses, les partis politiques peuvent ainsi convaincre les électeurs qu’ils ont un plan réfléchi et réaliste. Ils montrent aussi qu’ils ont bien fait leurs devoirs et qu’ils acceptent de se soumettre à la critique. On pourra examiner, commenter, critiquer leurs propositions.

Bref, les partis qui présentent un cadre financier font preuve à la fois de sérieux et de transparence.

À lire : Élection fédérale : le retour de l’homme fort (chronique)

De nouvelles règles depuis 2017

Les parlementaires ont même voulu aider les partis politiques à entreprendre cet exercice en leur offrant des ressources supplémentaires.

En 2017, la Loi sur le Parlement a été modifiée afin de permettre au directeur parlementaire du budget d’évaluer les promesses électorales. Tout parti qui le voulait pouvait lui demander d’entreprendre une évaluation indépendante du cout financier de ses promesses.

Chaque parti était libre de choisir quelles promesses il voulait soumettre à l’analyse du directeur parlementaire du budget et quelles promesses chiffrées il voulait rendre publiques.

L’élection générale de 2019 a été la première à se tenir avec ces nouvelles dispositions. Ce fut un succès. Le directeur parlementaire avait publié sur son site Web le cout de 115 promesses électorales.

En 2021, le nombre de promesses évaluées par le directeur parlementaire avait été plus faible, soit 72. Il faut dire que l’élection avait été déclenchée deux ans avant la date prévue par la loi. Les partis politiques n’ont peut-être pas pu se préparer adéquatement pour élaborer un ensemble de propositions.

Cette fois-ci, en 2025, la situation est complètement différente. Aucune estimation n’a encore été publiée par le directeur parlementaire du budget. C’est comme s’il n’existait plus.

Par ailleurs, seul le Bloc québécois a présenté une plateforme jusqu’à maintenant. Nous sommes pourtant dans la troisième semaine de campagne. Il commence à se faire tard.

Y aura-t-il des plateformes chiffrées?

En fait, il ne serait même pas surprenant que les autres partis dévoilent leur plateforme et leur cadre financier pendant la dernière semaine de campagne seulement, soit après les débats des chefs. Certains partis pourraient même décider tout simplement de ne pas présenter de cadre financier.

Est-ce un point de vue trop cynique? Peut-être pas, puisque c’est exactement ce qui s’est produit il y a quelques semaines en Ontario lors de l’élection provinciale.

Les partis ontariens ont promis des milliards de dollars supplémentaires en raison de la crise commerciale qui se dessinait avec les Américains, mais n’ont pas jugé nécessaire de fournir des données financières détaillées (à l’exception du Parti vert).

Le déficit mystère

Le directeur parlementaire du budget a quand même profité de la campagne électorale pour mettre à jour les perspectives financières du gouvernement fédéral. Il estime que le déficit pourrait atteindre entre 42 et 47 milliards de dollars cette année, sans tenir compte du cout des promesses électorales.

En incluant ces dernières, nous dirigeons-nous plutôt vers un déficit de 60 milliards? 80 milliards? 100 milliards?

Ces chiffres ne sont pas si farfelus. Rappelons que le déficit avait été de 140 milliards de dollars en 2021 en raison d’une autre crise : celle de la COVID-19.

C’est peut-être celle-là, la question à 100 milliards de dollars…

À lire : Économie : un déficit de 62 milliards et silence sur les langues officielles

Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.

Le phénomène est directement relié, selon René Arseneault, au fait que les programmes provinciaux et ceux du gouvernement fédéral sont souvent conçus pour favoriser le développement urbain.

À lire aussi : Les villes à l’avant-poste de la lutte linguistique

Plus difficile d’obtenir des programmes d’aide en milieu rural

René Arseneault était député d’une circonscription rurale, celle de Madawaska–Restigouche dans le Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick, lors du déclenchement de l’élection fédérale.

Après dix ans à représenter cette région sous les trois gouvernements de Justin Trudeau (élu en 2015, 2019 et 2021), l’Acadien assure qu’il est bien plus «difficile» d’obtenir des programmes de services ou d’aides en région rurale qu’en milieu urbain.

René Arseneault est désormais l’ex-député libéral de la circonscription du Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick. 

Photo : Courtoisie

«Lorsqu’une petite municipalité de 3000 habitants veut faire une demande d’aide pour du logement abordable, comme le ferait Toronto, Montréal, Vancouver ou Moncton, celle-ci ne répond pas aux critères», affirme-t-il.

René Arseneault observe qu’il «faut attendre» que les ministères «viennent faire des petites modifications». «Si bien qu’on a perdu du temps, il est trop tard et il ne reste plus de fonds. C’est souvent, trop souvent comme ça.»

Il explique que l’exode rural vers les villes «embourbe» ces dernières depuis les années 1960, ce qui conduit à la «multiplication des programmes politiques et des infrastructures». Plus le choix de «répondre à ce surplus dans les régions urbaines».

C’est là que les villes deviennent plus avantageuses : «Il y a plus d’infrastructures, du transport en commun, du logement.»

À lire aussi : Le repreneuriat, «un outil pour faire vivre les communautés francophones»

Un point de vue à nuancer?

Un point de vue largement nuancé par le professeur émérite à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa, François Rocher.

Selon François Rocher, les très grandes villes au Canada ne sont pas nombreuses, le clivage entre les municipalités plus petites et les grands centres urbains au niveau politique est à nuancer. 

Photo : Courtoisie

«Le clivage rural-urbain est de moins en moins vrai aujourd’hui, dans la mesure où on parle de zones périurbaines», qui comprennent des gens qui ne sont pas si loin d’un centre urbain, mais qui ne sont pas non plus dans de très petites communes.

«C’est plus complexe que juste une différence entre le rural et l’urbain», analyse-t-il.

Pour lui, les très grandes villes au Canada ne sont pas si nombreuses et certains enjeux «traversent tous les territoires, comme l’inflation par exemple».

Le professeur concède toutefois des différences dans les activités liées au territoire. Il donne l’exemple de l’extraction des ressources naturelles, que l’on trouve surtout dans les régions «plus en périphérie» et qui lie ce type d’activité aux intérêts immédiats des électeurs.

«S’ils travaillent dans ces domaines, évidemment ils vont accorder plus d’importance à ce que les partis politiques vont favoriser sur leurs activités ou non. (…) Donc il y a une diversité sociale qui fait en sorte que les choix politiques ne sont pas les mêmes.»

Plus de territoires, moins de députés ruraux

En plus de la différence d’aide entre les régions urbaines et rurales, René Arseneault déplore le fait que l’exode qui touche les petites communautés canadiennes débouche sur des territoires de circonscriptions agrandis.

En effet, selon la Loi électorale du Canada, les circonscriptions fédérales doivent en général représenter un nombre minimum de personnes, pour mieux représenter la croissance de la population notamment.

La carte électorale fédérale est mise à jour tous les dix ans pour refléter la variation de la population. Par exemple, en Ontario, le redécoupage de 2023 a mené à une circonscription de moins dans le Nord de l’Ontario et une de plus dans la région de Toronto.

Des circonscriptions de plus en plus populeuses

Les circonscriptions sont réexaminées tous les dix ans.

Dans sa version datant de 2009, la procédure de la Chambre des Communes du Canada reconnait : «Étant donné que les problèmes d’accessibilité, de transport et de communication constituent souvent des obstacles à une représentation efficace et au démarchage électoral, les commissions font généralement en sorte qu’il y ait moins d’électeurs dans les circonscriptions rurales que dans les circonscriptions urbaines.»

Statistique Canada rappelle de son côté que si 30 nouveaux sièges ont dû être créés après le recensement de 2011, aucun n’a été ajouté après le plus récent, en 2021.

Toutefois, «la taille moyenne de la population d’une circonscription au sein des provinces passera de 116 116 habitants à 121 891, pour refléter l’accroissement de la population au cours de la décennie», peut-on lire sur le site de l’agence.

«Nos territoires ruraux s’agrandissent, ils sont immenses. D’ailleurs pour l’élection qui s’en vient fin avril, mon territoire s’agrandit davantage pour le candidat qui me remplace. C’est une mission impossible de voir tout le monde, être partout», remarque le député sortant.

Selon ses observations, de moins en moins de ministres et de députés sont issus des régions rurales, contrairement à ceux provenant des milieux urbains. Et les voix de ministres pèsent parfois plus lourd, en fonction de la problématique mise sur la table.

Pour les grandes villes, René Arseneault affirme qu’il faut «créer des circonscriptions à l’intérieur même des villes».

L’ancien élu n’impute pas le déséquilibre entre les régions rurales et les villes à un gouvernement libéral ou conservateur en particulier, mais à ceux qui se sont succédé depuis les années 1960.

Deux poids, deux mesures

René Arseneault utilise l’accès au signal cellulaire en ville et région pour illustrer le déséquilibre dont il a été témoin.

J’ai assisté à un décès dans un centre communautaire, on était incapable d’appeler le 911, il n’y avait pas de réseau cellulaire. Je comprends que ce n’est pas un problème 100 % du gouvernement, ce sont les fournisseurs de services qui sont un peu réticents à venir où il y a peu de population, je comprends ça. Mais ça vous donne une image.

— René Arseneault

Et l’Acadien de poursuivre : «On a la téléphonie cellulaire à l’intérieur du métro de Toronto alors qu’en région rurale dans le Canada, on n’est pas capable d’appeler le 911 dans une situation d’urgence parce qu’il n’y a pas de signal.»

Pour lui, la solution réside dans l’équilibre économique de l’offre et la demande.

«Quand on déborde de monde à Vancouver ou à Toronto et que les loyers commencent à friser les 2500-3000 $ par mois, il y a très peu de logements, beaucoup de demandes. Si on laissait les règles économiques naturelles régler le prix, automatiquement il y a des gens qui quitteraient le centre de ville à 20, 30 minutes. Ça créerait des régions suburbaines qui créeraient leur propre économie.»

À lire : Le service de téléphonie cellulaire coute cher au Canada (Chronique)

C’était le 7 avril 1987. L’Accord du lac Meech, qui a pour but de formellement réintégrer le Québec dans le giron constitutionnel canadien, est à la veille d’être signé. Une nouvelle ère de collaboration entre les «deux peuples fondateurs», comme on appelait alors francophones et anglophones (en oubliant les Autochtones), s’annonce possible.

C’est dans cette enceinte que Léo Piquette a «osé» poser une question en français en avril 1987. 

Photo : Wikimedia Commons, attribution 2,0 générique

Ce jour-là, à l’Assemblée législative de l’Alberta, le député néodémocrate de la circonscription francophone d’Athabasca–Lac La Biche, Léo Piquette, se lève pour poser une question à la ministre de l’Éducation, Nancy Betkowski, au sujet de la place du français dans la refonte de la School Act, ainsi que de l’application de l’article 23 de la Charte des droits et libertés portant sur le droit des minorités linguistiques à l’éducation dans leur langue.

«Les Franco-Albertains attendent impatiemment depuis 1982…» Ne lui laissant pas le temps de poursuivre, le président de la Chambre, David Carter, l’interrompt : «Order Honourable member. Order please

Le président, indiquant qu’il se lève «avec hésitation», rappelle au député Piquette qu’il a eu avec lui une discussion l’année précédente quant à l’usage du français à l’Assemblée et que la permission de le faire lui avait été accordée, mais pas lors des périodes de questions. Et il conclut, en français : «En anglais s’il vous plait.»

Le français chevillé au corps

Né à Plamondon, village fondé par des Canadiens français, notamment par son ancêtre Joe Plamondon, Léo Piquette a été élu en 1986, mais il avait derrière lui une longue carrière d’enseignant et de directeur d’école. Il avait la langue française tatouée sur le cœur.

Léo Piquette récidive, en indiquant au président de la Chambre qu’en prenant la parole dans sa langue maternelle l’année précédente, il avait affirmé son droit de parler français en Chambre. «Je ne crois pas que ce droit a été aboli par votre déclaration, dit-il en anglais, avant de poursuivre en français. Les Franco-Albertains attendent impatiemment depuis…»

Le président lui coupe à nouveau la parole : «Order please.» David Carter avertit le député que s’il ne pose pas ses questions en anglais, il devra renoncer à son droit de parole. Et le président insiste à nouveau, en français : «En anglais s’il vous plait.»

Il rabrouait, mais au moins, il était poli. Ironiquement, le président a sommé Léo Piquette de parler en anglais, en disant quelques mots en français…

Léo Piquette persiste et parle

Le francophone albertain a payé le prix de son audace. Dans un court film de Jacques Thivierge sur cette affaire, l’ancien député raconte comment son geste a été reçu :

«Je savais que c’était peut-être la fin de ma carrière politique parce qu’il y a eu une réaction très négative des politiciens et même de nos francophones. […] Quand j’ai sorti le soir, j’étais poursuivi par tout le monde. J’avais eu peut-être 40 appels sur mon téléphone de gens qui voulaient me tuer si j’allais sur leur terre, sur leur ferme. […] Il y en avait qui voulait que je recule, mais j’ai dit non.»

Montage effectué par Jacques Thivierge dans le cadre de la production de son film, En anglais s’il vous plaît

Photo : Courtoisie Jacques Thivierge

Une semaine après l’incident, une pancarte est placée devant l’édifice législatif d’Edmonton, enjoignant le député à «retourner» au Québec s’il veut parler français.

Le président transmet l’affaire à un comité de la Chambre, qui statue que l’utilisation du français à l’Assemblée est un privilège qui doit être autorisé au préalable par le président et à condition qu’une traduction soit fournie.

Le comité conclut que le député Piquette doit présenter des excuses pour avoir manqué de respect envers le président de l’Assemblée. Le politicien francophone refuse de le faire.

Du rejet et des appuis

D’un bout à l’autre du pays, Léo Piquette reçoit des appuis, notamment de la part de certains commentateurs dans des journaux anglophones. Le Globe and Mail dénonce même l’affaire en éditorial.

La revue Langue et société, publiée par le Commissariat aux langues officielles de 1979 à 1994, a parlé de l’affaire Piquette dans son numéro de l’automne 1987. 

Image : Avec la permission du Commissariat aux langues officielles

Comme on l’a dit, cette histoire survient alors que le pays tente de se réconcilier avec le Québec, exclu de l’entente constitutionnelle de 1982.

Le gouvernement fédéral s’active au même moment pour mener la première grande refonte de la Loi sur les langues officielles de 1969.

À la Chambre des communes, le député libéral fédéral franco-ontarien Jean-Robert Gauthier, grand défenseur des droits des minorités francophones, interpelle le premier ministre Brian Mulroney sur cette affaire. Qualifiant l’incident «d’insulte envers tous les francophones du pays», le député Gauthier lui demande d’intervenir auprès de son homologue albertain.

Dans sa réponse, Brian Mulroney souligne que l’Accord du lac Meech part du principe selon lequel «les gens et les leadeurs de ce pays feront preuve de générosité et d’ouverture d’esprit en ce qui a trait à la mise en œuvre toute mesure linguistique».

Il demande aux députés de l’Assemblée législative albertaine de trouver une «solution honorable» à cette affaire, tout en précisant que les «minorités doivent être protégées et respectées».

Ce plaidoyer aura finalement peu d’écho en Alberta, alors dirigé par le conservateur Don Getty, farouchement opposé au bilinguisme législatif.

À lire aussi : Langues officielles : les institutions fédérales doivent prévenir plutôt que guérir

Une reconnaissance momentanée

Quelques mois plus tard, les francophones de l’Alberta et de la Saskatchewan obtiendront néanmoins une reconnaissance momentanée de leurs droits avec le jugement rendu par la Cour suprême dans l’affaire Mercure.

Photo de Léo Piquette lors de la campagne électorale en Alberta en 1986 lors de laquelle il a été élu. 

Photo : Wikimedia

Le père André Mercure, curé en Saskatchewan, avait contesté devant les tribunaux une contravention reçue pour excès de vitesse qui avait été rédigée en anglais seulement. Son affaire s’est rendue en Cour suprême du Canada, qui a statué en février 1988 que les lois de l’Alberta et de la Saskatchewan étaient invalides parce qu’elles avaient été adoptées uniquement en anglais.

La Cour offrait cependant une solution aux deux provinces : adopter une loi (bilingue) validant toutes les anciennes lois rétroactivement. Ce que se sont empressées de faire les deux provinces. Ironiquement, en officialisant son unilinguisme législatif, l’Alberta a du même souffle permis l’usage du français dans son Assemblée.

À lire aussi : Quand l’Alberta et la Saskatchewan étaient bilingues…

Dans un communiqué soulignant la Journée internationale de la Francophonie, en 2023, l’Assemblée législative de l’Alberta rappelait que le français avait été la première langue européenne parlée dans la province.

Pour le président de la Chambre albertaine, Nathan Cooper, «la langue française a fait partie intégrante du développement de notre province et demeure aujourd’hui l’une des langues les plus importantes et courantes en Alberta».

Des remarques que Léo Piquette n’aurait peut-être jamais cru pouvoir entendre à l’époque où il s’est fait mettre au pas, le 7 avril 1987.

Après son passage en politique, le Franco-Albertain est resté très actif au sein des organismes scolaires et économiques.

En 2015, son fils Colin s’est fait élire pour le même parti et dans la même région que lui, l’emportant sur un ministre conservateur, lors de l’élection historique qui a porté le Nouveau Parti démocratique au pouvoir après 44 années de règne conservateur en Alberta. Colin Piquette ne s’est pas représenté au scrutin de 2019.

Un patrimoine francophone mis en valeur

Le duo Prairie Comeau tente de partager une bride du riche patrimoine musical francophone d’Amérique du Nord avec son album L’emprunt(e) Anique Granger (Saskatchewan) et Benoît Archambault (Québec) unissent leurs deux univers pour rendre hommage à la bonne chanson.

Pochette de l’album L’emprunt(e)

Photo : ciedunord.com

Avec douceur et justesse, Prairie Comeau nous invite à nous laisser bercer au son des guitares et autres instruments acoustiques. Des arrangements très épurés donnent toute la place aux voix remplies de sobriété. On a rapidement l’impression d’être témoin d’un rendez-vous privé, d’une rencontre exceptionnelle qui révèle la richesse de la musique francophone d’Amérique du Nord.

Du superbe duo Tout passe à Je sais bien quelque chose, Anique Granger et Benoît Archambault livrent des interprétations magistrales. La chanteuse fransaskoise poursuit avec une version remplie de mélancolie de Partons la mer. Un autre moment fort est Comment veux-tu, chanson sur laquelle on retrouve la voix de Michel Lalonde du légendaire groupe Garolou.

Les amants malheureux est l’empreinte d’un autre duo magique. On poursuit avec La chère maison, une interprétation a cappella incroyable, le point culminant de l’album. Pour celles et ceux qui sont passionnés d’improvisation, Benoît Archambault offre La feuille d’érable, l’hymne national de la Ligne nationale de l’improvisation (LNI).

Prairie Comeau offre une œuvre de douze chansons tirées d’un répertoire de bonnes chansons en français. Avec beaucoup de justesse et de respect pour les extraits choisis, le duo propose un moment très intimiste. 

Prairie Comeau : Partons la mer
Album : L’emprunt(e)

Vieillir en chansons 

Pour le renouveau, celle qui nous invitait chez elle en 2020 nous revient avec le bouquet de nostalgie Les Échos. Le 2e opus de l’autrice-compositrice-interprète Jeannine Guyot fait du bien à l’âme. L’artiste de Fannystelle, au Manitoba, réussit à nous transporter dans ses souvenirs les plus profonds.

Jeannine Guyot. 

Photo : jeannineguyot.com

Elle nous interpelle sur les moments intimes, les départs et les absences. En toile de fond, les mélodies de Jeannine Guyot sont remplies de nostalgie et le piano guide les harmonies. Parfois tout en douceur, parfois plus rythmée, elle livre des textes touchants sur les étapes du vieillissement.

Entre Prélude et Réflexion, les deux pièces instrumentales, l’auditeur a droit à de petites perles. La pièce-titre Les Échos témoigne des traces de la vie de sa grand-mère. La chanson L’important nous invite à vivre le moment présent et, finalement, Les yeux de Heidi est un instant de tendresse entre Jeannine et sa mémé.

L’autrice-compositrice-interprète franco-manitobaine livre un moment de tendresse et d’amour. Avec beaucoup de nostalgie dans la voix, elle rend un brillant hommage à sa grand-mère qu’elle aimait tant.

Jeannine Guyot : Les yeux de Heidi
Album : Les Échos

Souvenir dun paysage intérieur 

En terminant, je reviens vers une artiste de la Baie Georgienne en Ontario. L’autrice-compositrice-interprète franco-ontarienne Joëlle Roy nous offrait en 2018 son album Paysage intérieur.

Dès la première plage, Identité épaillée, on est interpelé par des arrangements sur lesquels on se laisse bercer. Les textes font beaucoup référence aux contacts humains, aux sentiments envers les autres et à l’intégrité.

Pochette de l’album Paysage intérieur

Photo : joelleroy.ca

Il y a de beaux petits bijoux sur ce disque, dont Ça me fait chier de t’oublier, un country folk à la Harvest Moon de Neil Young. Plus jamais de détour est un petit univers Dixieland jazz des plus accrocheurs et charmants. Insatiablement est la pièce la plus rock de cet opus avec un beau changement d’humeur dans le bridge avec les enfants.

La pièce-titre Paysage intérieur et la belle reprise, J’entre – qu’elle a écrite en début de carrière – nous amènent dans un niveau d’émotion plus profond. Autant la force des mélodies, que la puissance des textes nous interpellent avec des sentiments de quiétude et de sérénité qui nous touchent au plus profond. L’album se termine en beauté sur une belle reprise du classique de CANO, Dimanche après-midi.

Paysage intérieur de Joëlle Roy est une invitation à arrêter le temps. L’autrice-compositrice-interprète nous interpelle avec des mélodies parfois zydeco, parfois country folks, mais toujours agréables.

Je terminerai en vous disant qu’elle vient de lancer sur YouTube un excellent vidéoclip pour une nouvelle chanson : Dans mes bras.

Joëlle Roy : Ça me fait chier de t’oublier
Album : Paysage intérieur

Marc Lalonde, dit Lalonde des ondes, est chroniqueur musical depuis plus de 25 ans au sein de la francophonie musicale canadienne et animateur de l’émission radiophonique Can-Rock. Il se fait un malin plaisir de partager cette richesse dans 16 stations de radio à travers le pays chaque semaine.

Avec des informations de Julien Cayouette et Marianne Dépelteau

FRANCOPHONIE

La loi 96 sur la langue française est une réforme de la Charte de la langue française du Québec. Son but est de consolider le statut du français en tant que langue officielle et commune de la province.

Si le chef libéral Mark Carney a assuré cette semaine aux journalistes qu’il n’avait «pas de problème» avec cette loi, il a expliqué en avoir un avec l’utilisation de la disposition de dérogation, aussi appelée clause nonobstant ou clause dérogatoire.

La disposition dérogatoire

La disposition dérogatoire fait partie de la Charte canadienne des droits et libertés et permet aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux d’adopter des lois qui s’appliquent même si elles contreviennent à certaines dispositions de la Charte. Le Québec l’a utilisé à quelques reprises pour protéger la langue française.

Le gouvernement de François Legault, premier ministre du Québec, a utilisé cette clause pour protéger la loi 96 de façon préventive. Historiquement, la disposition a été utilisée seulement après qu’un tribunal a conclu qu’une loi ne respectait pas la Charte ou la Constitution.

À lire aussi : Feuilleton de la Colline : loi sur la laïcité et course à la chefferie libérale

ÉCONOMIE

Le président des États-Unis, Donald Trump, s’est une fois de plus invité dans la campagne électorale canadienne. Il a annoncé une longue liste de tarifs douaniers sur les importations de près de 180 pays, mercredi, mais n’a pas ajouté de droits de douane supplémentaires pour le Canada et le Mexique.

Ce qui reste : Les importateurs doivent tout de même payer un tarif douanier de 25 % sur tous les produits exportés aux États-Unis et qui ne font pas partie de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) ou qui ne le respectent pas; 10 % sur tous les produits pétroliers, 10 % sur la potasse (engrais), 25 % sur l’acier, l’aluminium et les pièces automobiles.

En réponse, Mark Carney a annoncé jeudi un droit de douane de 25 % sur les véhicules importés des États-Unis qui ne sont pas conformes à l’ACEUM.

À lire aussi : L’économie franco-canadienne doit se tourner vers l’est et l’ouest

PROMESSES-PHARES

Le premier ministre Mark Carney, qui a pris la succession de Justin Trudeau, n’est pas encore élu au Parlement et a lancé sa candidature à Nepean, en banlieue d’Ottawa, cette semaine.

Mark Carney est candidat dans la circonscription de Nepean, à Ottawa. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Commerce canadien : Le candidat libéral promet d’investir 5 milliards de dollars dans un nouveau Fonds pour la diversification de corridors commerciaux, pour construire ou rénover les ports, les chemins de fer, les autoroutes… Le gouvernement libéral poussera les ports à coopérer et la sécurité serait aussi renforcée pour endiguer l’entrée des drogues et des armes au pays.

Logement : Mark Carney propose de doubler le taux de construction résidentielle pour atteindre 500 000 logements par an. Son gouvernement promet de créer un projet, «Maisons Canada», pour créer des résidences à couts abordables. Ce dernier agirait comme promoteur immobilier, notamment sur des terrains publics.

Cout de la vie : La taxe fédérale sur le carbone imposée aux consommateurs a pris fin mardi partout au pays, suite à la décision du premier ministre, réduisant le prix de l’essence presque partout au Canada. Ce dernier a rappelé la baisse d’impôts dévoilée la semaine dernière et l’élargissement de la couverture dentaire aux Canadiens de 18 à 64 ans.

Agriculture : Le candidat libéral s’est engagé, entre autres, à protéger la gestion de l’offre, notamment en augmentant la protection des revenus pour les agriculteurs, de 3 à 6 millions de dollars par ferme, en cas de baisse importante des revenus due à l’impact du commerce international, de la météo ou autres facteurs.

Secteur automobile : Jeudi, Pierre Poilievre a affirmé qu’il abolira la TPS sur la vente de voitures neuves fabriquées au Canada, afin de protéger le secteur automobile. Il a assuré que son parti créera aussi un «Fonds pour la protection des emplois canadiens», un programme de prêts et de crédits ciblés et temporaires destiné aux entreprises directement touchées par les tarifs douaniers de l’administration Trump.

Pierre Poilievre a fait pression sur les libéraux pour que la candidature de Paul Chiang soit retirée. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Taxe de gains en capital : Le PCC propose que «toute personne ou entreprise qui vend un actif ne paiera pas de taxe sur les gains en capital lorsqu’elle réinvestira le produit au Canada».

Création d’un «corridor énergétique» : Le PCC veut autoriser rapidement la construction de lignes de transmission, de chemins de fer et de pipelines pour transporter les ressources naturelles canadiennes à l’intérieur du pays.

À lire aussi : Élection fédérale : promesses de corridors énergétiques

Équité fiscale pour les travailleurs de la route : Samedi, Pierre Poilievre a annoncé qu’il modifiera la Loi de l’impôt sur le revenu pour mettre fin aux déductions pour les jets d’affaires de luxe. Les entreprises pourront déduire l’équivalent d’un vol commercial.

En outre, les camionneurs pourront déduire la totalité des frais de nourriture, de transport et d’hébergement.

Réduction de la taxe sur l’alcool : Pierre Poilievre a annoncé, mardi, que s’il est élu, il coupera l’augmentation annuelle de la taxe sur l’alcool.

Jagmeet Singh a dévoilé une première partie de la plateforme environnementale du NPD. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Environnement : Jagmeet Singh a annoncé, lundi, que le NPD mettrait fin à la taxe carbone pour les consommateurs, mais maintiendrait celle pour les industries et le plafond sur les émissions de gaz à effet de serre (GES). Il mettrait aussi fin aux subventions aux entreprises pétrolières et gazières. Selon lui, cette dernière mesure permettrait de récolter 1,8 milliard de dollars par an.

L’argent serait redirigé vers un plan de rénovation pour 3,3 millions d’habitations, dont  des rénovations gratuites pour 2,3 millions de ménages à faibles revenus.

S’ajouterait à cela un montant de 1,5 milliard pour «financer des améliorations de l’efficacité énergétique entièrement gratuites pour les ménages à faibles revenus».

Emprunts d’épargnes non imposables : Le NPD propose les «emprunts de la Victoire du Canada»; des obligations d’épargne libre d’impôts à taux avantageux. L’argent récolté serait utilisé pour stimuler l’économie canadienne et reconstruire les infrastructures.

Accès à un premier logement : Jagmeet Singh veut réorienter le mandat de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) vers l’aide aux personnes qui souhaitent acheter une première maison et réduire les taux d’intérêt d’un prêt hypothécaire typique.

Le Bloc québécois est le premier parti à avoir rendu publique sa plateforme électorale. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Le Bloc québécois a été le premier parti à dévoiler sa plateforme électorale, samedi dernier.

Protection de l’agriculture : Comme Mark Carney et Pierre Poilievre, le chef du Bloc québécois a affirmé que la gestion de l’offre sera le premier projet de loi proposé par le parti dès le retour de la Chambre, au plus tard en juin 2025.

Hausse de pension des retraités du Québec : Le Bloc Québécois déposera de nouveau un projet de loi pour hausser les pensions, notamment en augmentant le seuil permettant aux personnes touchant le Supplément de revenu garanti de travailler davantage sans pénalité dans leurs prestations.

Soutien aux universités : Yves-François Blanchet propose un soutien aux universités situées hors des grands centres, en réinvestissant dans la recherche et le développement. Il veut aussi rééquilibrer le financement de la recherche au profit des régions et accroitre le soutien à la recherche en français et aux publications scientifiques en français.

Pêche : Enfin, le Bloc veut rapatrier «un maximum de pouvoirs» au Québec en matière de pêcheries, via une réforme.

Création d’un «Corps national de défense civile» : Ce dernier compterait 120 000 membres. Son but serait d’être prêt en cas d’urgences pour répondre notamment à des catastrophes climatiques, protéger les infrastructures et la sécurité nationale.

Investissement dans l’économie canadienne : Les Verts proposent d’imposer aux fonds de pension d’investir dans l’économie canadienne, de créer des emplois au Canada et de promouvoir l’innovation locale, avec l’aide du gouvernement fédéral.

Ils suggèrent aussi la création de réserves stratégiques gérées par des sociétés d’État «pour acquérir et gérer des ressources naturelles clés».

Le Parti conservateur du Canada (PCC) et le Parti libéral (PLC) ont tous deux dû dire au revoir à respectivement quatre et un candidats.

Pourquoi? Dans le cas du PCC, il s’agit de Mark McKenzie dans Windsor–Tecumseh–Lakeshore, dans le sud de l’Ontario, Stefan Marquis dans la circonscription montréalaise de Laurier–Sainte-Marie, Lourence Singh dans New Westminster–Burnaby–Maillardville, en Colombie-Britannique, et Don Patel dans Etobicoke–Nord.

Les deux premiers ont eu des propos controversés dans un balado ou des publications sur X. Aucune explication n’a été livrée de la part du PCC pour le retrait du troisième candidat. Don Patel aurait aimé des publications sur les réseaux sociaux en faveur de déportations en Inde et aurait des liens avec le parti de l’actuel premier ministre de l’Inde, Narendra Modi.

Du côté libéral, si Mark Carney a tenté de défendre le député Paul Chiang, il a fini par accepter sa démission lundi soir. Les propos du député de Markham–Unionville invitaient à livrer le candidat conservateur de Don Valley North, Joe Tay, au consulat de Chine à Toronto.

Please see my statement below. pic.twitter.com/12P50tir4X

— Paul Chiang (@PaulChiangMU) April 1, 2025

En déplacement à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, le lundi 31 mars, le chef du Parti conservateur du Canada (PCC) s’est engagé à créer un «corridor énergétique national» afin d’accélérer les projets de chemins de fer, d’oléoducs et d’autres infrastructures commerciales. 

«Transporter de l’énergie de l’ouest vers l’est pour l’exporter, c’est vraiment urgent vu la situation avec les États-Unis. On est prêts à rentrer dans le projet», affirme Terry Richardson. 

Photo : Courtoisie

Ce corridor permettrait de transporter les ressources naturelles canadiennes à l’intérieur du pays et «ailleurs dans le monde», tout en «contournant le marché américain», a expliqué Pierre Poilievre.

«Un nouveau gouvernement conservateur […] va donner le feu vert aux projets énergétiques et acheminer nos produits à travers notre pays est-ouest, y compris en Europe. C’est comme ça que nous allons déclarer notre indépendance des Américains», a-t-il souligné.

La proposition conservatrice rejoint celle du chef du Parti libéral du Canada (PLC), Mark Carney. Juste avant le début de la campagne électorale, le premier ministre sortant s’était entendu avec ses homologues provinciaux pour créer un corridor national.

Là aussi, l’objectif est de faciliter le transport et l’exportation du pétrole, du gaz, des produits agricoles, de l’électricité et des minéraux critiques.

À lire : Les limites du commerce interprovincial au Canada

Le chef de la Première Nation Pabineau au Nouveau-Brunswick, Terry Richardson, accueille favorablement de telles propositions : «Si les Premières Nations sont associées dès le début, c’est une bonne façon de faire pour éviter notre voisin du Sud. Nous sommes prêts à nous impliquer.» 

Le chercheur Yann Fournis note un «repositionnement politique» des libéraux qui «mordent sur la cour des conservateurs», en ce qui concerne leur stratégie de croissance économique. 

Photo : Courtoisie

Le doyen de la faculté de sciences sociales et d’administration de l’Université Mount Allison au Nouveau-Brunswick, Yves Bourgeois, parle de «gros morceaux pour l’économie canadienne» et de leviers qui permettraient de générer «des retombées économiques importantes» et de créer des milliers d’emplois pendant la phase de construction.

Pierre Poilievre propose que les projets d’infrastructures soient regroupés le long d’un tracé qui serait évalué et approuvé à l’avance. Les Premières Nations seraient également impliquées et leur approbation serait obtenue avant toute dépense pour garantir qu’elles en tirent des avantages économiques.

Lors d’une conférence de presse organisée à St. John’s, à Terre-Neuve, le mardi 1er avril, le chef conservateur a promis de fixer un délai maximal de six mois pour l’approbation des demandes de «projets de ressources». Il s’engage par ailleurs à ce que des recherches sur les impacts environnementaux soient menées.

Cependant, il veut abroger le projet de loi C-69, devenu la Loi sur l’évaluation d’impact. Celle-ci exige des autorités fédérales qu’elles limitent les impacts négatifs potentiels sur l’environnement et les communautés autour des projets de ressources et d’infrastructures.

Le chef libéral Mark Carney souhaite lui aussi alléger les procédures d’évaluation environnementale. Il veut notamment éviter que l’évaluation fédérale s’ajoute à la procédure d’examen pouvant exister dans les provinces.

À lire : Ottawa achète l’oléoduc Trans Mountain : ligne de vie ou baril de poudre?

«Risque de dérapage» en l’absence de «consentement social»

«En redonnant le pouvoir aux provinces, Mark Carney veut rapprocher la prise de décisions des citoyens afin de susciter plus facilement un consensus, analyse le professeur de science politique à l’Université du Québec à Rimouski, Yann Fournis. Mais dans certaines provinces, je ne suis pas sûr que la population se laissera convaincre que c’est la bonne chose à faire.»

Pour le chercheur, les corridors annoncés s’apparentent à des «projets omnibus» qui existent déjà dans l’Ouest canadien et en Australie : «Ils rassemblent plusieurs types de marchandises et de ressources pour lesquelles les problématiques et les contestations sont très différentes.»

«Si nous avions une stratégie d’infrastructure énergétique à l’échelle nationale, nous aurions encore plus de retombées économiques positives, car nous avons beaucoup trop délaissé ce secteur ces dernières années», considère Yves Bourgeois. 

Photo : Courtoisie

«Ce nouveau cadre juridique où les évaluations environnementales et les consultations seront menées plus rapidement est piégeux. Il s’expose à des risques de protestations extrêmement vives, prévient-il. Le cout politique peut être très important et la bataille de l’opinion perdue à long terme.»

Yves Bourgeois reconnait le «risque de dérapage» en l’absence de «consentement social». À ses yeux, le régime d’autorisation actuel doit néanmoins être assoupli et les règles allégées.

«Je ne dis pas d’y mettre fin, mais il faut trouver une meilleure façon de procéder. Aujourd’hui, ça peut prendre des années pour qu’un projet soit approuvé, la compétitivité de l’économie canadienne en souffre», estime-t-il.

Il plaide en faveur d’«un cadre plus clair» qui n’oblige pas «à réinventer la roue à chaque fois.»

En attendant, les conservateurs cherchent à ressusciter plusieurs projets énergétiques abandonnés sous les libéraux, dont Énergie Est et GNL Québec, au Saguenay.

À lire aussi : Énergie Est : le projet doléoduc controversé pourrait-il ressortir de terre?

Saint-Jean, ville canadienne la plus vulnérable aux tarifs

La ville de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, serait la ville canadienne la plus durement touchée par l’imposition de droits de douane par les États-Unis, selon une étude de la Chambre de commerce du Canada.

Saint-Jean abrite en effet la plus grande raffinerie de pétrole brut au pays : elle peut traiter plus de 320 000 barils par jour et plus de 80 % de ce pétrole est exporté au sud de la frontière.

En mettant de l’avant un choix entre des leadeurs qu’ils présentent comme forts, les partis politiques font oublier à l’électorat canadien qu’il ne vote pas pour un premier ministre, mais bien pour une représentation locale qui participe à un parti diversifié.

L’image du chef devient alors celle du parti et efface celle des candidats et candidates de chaque circonscription.

Comme cela a d’ailleurs été la norme au fil de l’histoire canadienne, les partis présentent également l’image d’un gouvernement qui tourne autour du premier ministre. Ce dernier est celui qui décide des personnes qui l’appuieront à titre de ministres ou de cadres de son équipe rapprochée.

Un tel fonctionnement tend à limiter la possibilité d’exiger des comptes de la part du premier ministre et à renforcer un gouvernement plus hiérarchique, fondé sur l’autorité. Il devient plus aisé de se défaire de ministres qui remettraient en cause l’orientation du gouvernement.

On passe dès lors de l’idée de solidarité ministérielle liée à des décisions prises en groupe, à l’obéissance de chaque personne à un patron qui peut les ignorer ou les remplacer selon son bon plaisir.

À lire : Justin Trudeau est-il à l’écoute de ses députés? (Chronique)

Après Trudeau et contre Trump

Nous sommes témoins des effets de la personnalisation du leadeurship depuis plusieurs années.

Elle a permis à Justin Trudeau de cultiver un grand espoir, qui l’a mené à la tête du Parti libéral, puis du pays avant de faire place à un mouvement spécifiquement anti-Trudeau qui n’a cessé de croitre et finalement à une mobilisation interne contre le chef au sein de son parti.

Le même effet initial s’est produit avec Mark Carney, quand son nom a commencé à circuler comme successeur de Justin Trudeau : le Parti libéral a rebondi dans les sondages.

Le Parti conservateur aussi a employé cette stratégie. Il a cherché à faire voir son chef autant que possible, tout en changeant son image. Il a accusé Justin Trudeau à répétition d’être la source des problèmes du Canada, et il s’en prend désormais au Parti libéral par le biais de son association avec l’ancien chef.

On voit aussi l’affrontement entre les chefs des partis libéral et conservateur tourner autour du choix de la personne qui sera la mieux placée pour négocier avec le président américain – ou de façon plus réaliste, pour lui tenir tête.

Homme fort contre homme fort, métaphores guerrières, hausse de ton, manifestations d’agressivité contre ses adversaires des deux côtés de la frontière… Chacun cherche à se faire voir.

À lire : Le nouveau défi de Pierre Poilievre (chronique)

La limite de la stratégie de l’homme seul

L’emploi du masculin ici est voulu. Mis à part le Parti vert qui est dirigé conjointement par un homme et une femme et qui demeure fortement associé à la figure d’Elizabeth May, non seulement les autres partis ont-ils choisi des hommes pour les mener, mais ils ont aussi déployé une stratégie qui s’appuie sur des traits traditionnellement masculins.

Autant de traits qui s’opposent au style que Trudeau avait adopté – plus rassembleur et collaboratif, ouvert à la diversité (fut-elle de surface) – mais aussi au parcours réel des deux chefs les plus susceptibles de remporter l’élection fédérale.

Ni Pierre Poilievre, le politicien de carrière, ni Mark Carney, l’économiste, n’ont encore pu gagner leurs lettres de noblesse à la tête d’un parti au pouvoir qui a une autorité politique et qui doit prendre des décisions. Ni l’un ni l’autre n’a manifesté l’ensemble des qualités que les deux croient être requises pour le poste de premier ministre.

L’un a choisi une approche populiste et doit faire croire à une proximité avec la population canadienne moyenne, tandis que l’autre doit se détacher de son expertise pour faire croire à sa capacité de maitriser les codes de la politique. Chacun semble chercher les avantages de l’autre à travers cette figure de l’homme fort.

On sent ici un refroidissement de la politique, un resserrement des rangs, un serrement des poings. Finie la représentation substantielle des groupes qui sont marginalisés en politique et dans la société : la diversité, l’inclusion, les personnes en situation de handicap, les femmes et l’égalité des genres n’ont plus de ministre dédié uniquement à ces dossiers.

Autant de questions qui ne sont pas à l’avant-plan dans la campagne électorale, du moins jusqu’à présent… et dont l’absence risque de se faire sentir après les élections.

À lire : Mark Carney couronné chef du Parti libéral du Canada : et maintenant?

Un risque pour le Canada

Or, c’est justement cette tentative de s’ouvrir à la diversité et de maintenir des services publics d’envergure qui distingue le Canada des États-Unis dans bien des esprits.

Tandis qu’il serait possible de rassembler l’électorat canadien autour de ces valeurs, tant le Parti libéral que le Parti conservateur préfèrent contribuer au patriotisme et à l’antiaméricanisme des boycottages de bonne conscience. De ce fait, l’image de pugilat persiste et il devient très difficile d’entendre ce que les autres partis ont à suggérer.

Surtout, il existe un risque que les moyens mis en œuvre pour obtenir la victoire électorale ne deviennent la norme après celle-ci. Nous continuons de faire face à la montée de l’autoritarisme et du fascisme.

Il est encore temps de le combattre pour ceux et celles qui sont membres des partis, pour les journalistes qui décident des thèmes de leur couverture et qui ont la chance de poser des questions aux chefs… et pour chaque personne qui déposera son bulletin de vote dans l’urne le 28 avril prochain.

Jérôme Melançon est professeur titulaire en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent généralement sur les questions liées à la coexistence, et notamment sur les pensionnats pour enfants autochtones, le colonialisme au Canada et la réconciliation, ainsi que sur l’action et la participation politiques. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).

En conférence de presse le 30 mars dernier, le chef conservateur Pierre Poilievre s’est engagé à «préserver les fonds pour supporter les groupes communautaires francophones, leur permettre d’avoir des activités culturelles et de célébrer les traditions francophones à travers le Canada» s’il est élu premier ministre.

Il a aussi promis d’élargir les programmes d’immersion qui permettent aux jeunes anglophones d’aller étudier au Québec ou ailleurs dans la francophonie canadienne pour apprendre le français.

«C’est en augmentant le nombre de personnes bilingues à travers le Canada qu’on va pouvoir contribuer à la préservation de la langue et créer une plus grande solidarité entre francophones et anglophones en ce qui concerne la préservation de la langue française», a-t-il déclaré.

À lire aussi : Les faibles taux de rétention, revers de la médaille en immersion

Le bilinguisme des anglophones stagne

La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Liane Roy, voit la promesse de Pierre Poilievre «d’un bon œil». Elle répond en partie à quelques demandes électorales de l’organisme : augmenter les possibilités d’apprendre le français comme langue seconde partout au pays et établir un plan de croissance pour la francophonie.

Liane Roy rappelle qu’il demeure environ 300 000 ayants droit à attirer dans les écoles francophones. 

Photo : Courtoisie FCFA

«Ça permet justement d’assurer qu’il y ait plus de gens qui parlent français et ça, c’est ce qu’on veut parce qu’on veut avoir un accès plus large aux services en français.»

«C’est une excellente nouvelle d’entendre un leadeur politique au Canada parler d’immersion», affirme de son côté le directeur général de Canadian Parents for French (CPF), Derrek Bentley, en entrevue avec Francopresse. CPF milite pour qu’un plus grand nombre de Canadiens connaissent les deux langues officielles du pays.

Au Canada hors Québec, le taux de bilinguisme français-anglais est passé de 10,3 % à 9,5 % entre 2001 et 2021, selon Statistique Canada. Il était en croissance à Terre-Neuve-et-Labrador, à l’Île-du-Prince-Édouard, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest.

Les personnes ayant le français comme langue maternelle au Canada affichaient un taux de bilinguisme plus élevé en 2021 qu’en 2001. Parmi les personnes dont l’anglais est la langue maternelle, ce taux est resté stable en 20 ans, se maintenant à 9,0 %.

Découvrir la francophonie d’ailleurs

Ayant grandi en Alberta où il a eu du mal à vivre en français, Pierre Poilievre a confié en conférence de presse avoir perdu une grande partie de son français. Il a cependant eu l’occasion d’étudier à l’Université du Québec à Chicoutimi et de résider chez une famille du Saguenay.

S’il est élu premier ministre, le chef conservateur souhaite donner des occasions similaires à un plus grand nombre de jeunes anglophones.

Ça leur permet de voyager, de vivre en français dans d’autres milieux et de vivre des «expériences culturelles» francophones, explique Derrek Bentley, le directeur général de Canadian Parents for French (CPF).

Augmenter les transferts d’argent pour l’enseignement du français langue seconde pourrait permettre d’élargir ces occasions, souligne-t-il.

Selon Derrek Bentley, «si on veut plus de gens qui parlent le français au Canada, ça doit passer au moins en partie par ces programmes-là». 

Photo : Canadian Parents for French

«L’argent parle»

D’après Derrek Bentley, l’accès à l’immersion dépend grandement des provinces et des régions. La disponibilité de tels programmes fluctue selon la géographie et la volonté politique.

Un autre enjeu, soulevé par l’Association canadienne des professionnels de l’immersion (ACPI) dans un communiqué en 2021, reste la pénurie de personnel enseignant. Une étude a révélé un manque d’environ 10 000 personnes qualifiées pour enseigner le français langue seconde.

L’éducation est une compétence provinciale, mais comme l’explique Derrek Bentley, «l’argent parle». Le fédéral transfère de l’argent aux provinces pour l’éducation en milieu minoritaire, une «carotte» pour que les provinces investissent en français langue seconde, selon lui.

La question reste à savoir comment le fédéral peut «offrir une plus grande carotte», dit M. Bentley.

À lire ailleurs : Rentrée scolaire et enjeux d’immersion française en C.-B. : un appel aux élus provinciaux (Journal La Source)

Éviter une «bataille»

Si le prochain gouvernement, peu importe l’identité du parti qui le formera, souhaite restreindre les dépenses en général, Derrek Bentley espère que cela n’affectera pas l’éducation en français.

Pour lui, il ne devrait pas y avoir de choix à faire entre prioriser le français langue seconde ou le français langue première : «On ne veut pas que ça devienne une bataille.»

En Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et à Terre-Neuve-et-Labrador, une plus grande part de cet argent a été affectée à l’apprentissage du français comme langue seconde plutôt qu’au soutien du français comme langue première.

«C’est toujours un risque, affirme Liane Roy. Ça sort de la même [enveloppe fédérale].» Pour éviter les problèmes, «c’est à nous de continuer à en discuter et de faire part des besoins et des défis des communautés francophones et acadiennes […] À la FCFA, on travaille avec le fédéral, mais c’est important aussi que nos membres qui sont dans les provinces puissent faire part de leurs besoins et de leurs inquiétudes».

À lire aussi : De l’immersion à la justice en français dans l’Ouest canadien

Élection fédérale 2025

Suivez la campagne électorale 2025
du point de vue de la francophonie canadienne.

Les autres partis

Dans ses plus récents échanges avec les autres partis politiques, la CPF ressent un accord général sur l’importance de l’immersion. Il faudra toutefois attendre de voir leurs plateformes, car «on n’a pas nécessairement de confirmation à ce point-ci de leur positionnement de l’importance du français langue seconde», explique Derrek Bentley.

Dans sa plateforme électorale de 2021, le Parti libéral du Canada s’était engagé à investir 120 millions de dollars pour améliorer l’accès à des programmes d’immersion française.

Dans son Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028, le gouvernement de Justin Trudeau consacre jusqu’à 242,8 millions de dollars sur quatre ans à partir de 2024-2025 pour soutenir l’apprentissage du français langue seconde à tous les niveaux, ce qui inclut les programmes d’immersion française.

Dans sa plateforme de 2021, le Nouveau parti démocratique (NPD) promettait de bonifier le Plan d’action et de collaborer avec les provinces et territoires «pour améliorer l’enseignement dans la langue de la minorité et en attirant davantage de personnes immigrantes francophones dans toutes les collectivités».

L’immersion n’était pas mentionnée, mais la députée Nikki Ashton, porte-parole du NPD en matière de Langues officielles, avait souligné le manque d’enseignants qualifiés en Chambre des communes, lors de l’étude de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, en 2023. Elle évoquait alors le besoin d’investissements ciblés.

Le Parti vert du Canada, alors dirigé par Annamie Paul, proposait en 2021 un financement accru pour les programmes d’immersion en français et de français langue seconde.

Le Bloc québécois ne parle pas d’immersion dans sa plateforme, mais son porte-parole en matière de Langues officielles, Mario Beaulieu, dénonçait en Chambre en 2023 que de larges investissements soient alloués à l’immersion «alors que les écoles par et pour les francophones à l’extérieur du Québec manquent de financement».

Tous les partis fédéraux s’entendent pour dire que le français est en déclin à l’extérieur du Québec et que le poids démographique des francophones en situation minoritaire est en chute libre.

Selon Liane Roy, la francophonie devrait faire partie des plateformes électorales des partis, «parce qu’on se sert de nous». 

Photo : Courtoisie FCFA

Dans la première semaine de la campagne électorale, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) a demandé des engagements pour un plan de croissance de la francophonie canadienne. Une croissance qui «passe désormais presque entièrement par l’immigration», a-t-elle statué dans une vidéo sur YouTube.

L’organisme exige notamment une cible de 12 % d’immigration francophone dès 2026 et «un meilleur appui aux services d’établissement de langue française».

En entrevue avec Francopresse, la présidente de la FCFA, Liane Roy, confirme avoir discuté avec tous les partis politiques avant le déclenchement de l’élection : «On a eu une excellente réception sur le 12 %, mais on ne peut pas dire qu’on a d’engagement clair des différents partis. Les gens nous disent que ça va peut-être sortir dans leurs plateformes.»

À lire aussi : Des immigrants francophones hors Québec reçoivent de l’aide in English only

Les cibles

Bloquistes, conservateurs, libéraux et néodémocrates ont tous encouragé le gouvernement à atteindre 12 % d’immigration francophone hors Québec en 2024, dans un rapport paru en 2024.

Les francophones devront toutefois attendre les plateformes pour connaitre les cibles proposées.

Dans sa plateforme, Yves-François Blanchet exige que le fédéral consulte les provinces afin d’ajuster ses cibles d’immigration à leur capacité d’accueil. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Le Bloc québécois n’a pas répondu à nos questions envoyées par courriel.

En 2019, le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, s’était prononcé en faveur d’une stimulation de l’immigration francophone hors Québec.

Dans sa plateforme électorale pour 2025, le Bloc ne mentionne pas le sujet, mais exige «que les communautés francophones minoritaires bénéficient des mêmes droits et des mêmes services dans leur langue que ceux dont bénéficient les Québécois d’expression anglaise».

«Nous limiterons la croissance de la population à un niveau inférieur à celui de la disponibilité de santé, d’emploi et de logement», a déclaré Pierre Poilievre en conférence de presse en octobre 2024. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Le PCC n’a pas répondu à nos questions envoyées par courriel.

Pierre Poilievre a déjà reconnu qu’il fallait augmenter la cible d’immigration francophone hors Québec en entrevue avec Francopresse en 2023. «Je peux vous assurer que l’une de mes priorités sur la question de l’immigration, c’est davantage de francophones», avait-il déclaré.

Ne voulant pas faire de promesses sans «livrer la marchandise», il avait indiqué vouloir étudier les cibles pour voir ce qui était faisable.

Pour protéger la langue française au Québec, M. Poilievre s’est engagé le 26 mars dernier à transférer des pouvoirs en immigration temporaire à la province.

Élection fédérale 2025

Suivez la campagne électorale 2025
du point de vue de la francophonie canadienne.

Mark Carney plaide pour des plafonds en immigration. 

Photo : Julien Cayouette – Francopresse

Sur son site Web, le chef libéral Mark Carney promet de «plafonner l’immigration jusqu’à ce qu’elle puisse revenir à sa tendance durable d’avant la pandémie».

«Nous aurons plus à dire sur nos engagements en matière d’immigration francophone dans notre plateforme», indique l’un des porte-paroles du PLC, Guillaume Bertrand, dans une réponse par courriel.

«Mark Carney comprend l’importance de la langue française et du dynamisme des communautés francophones à travers le pays. Il reconnait également le rôle essentiel de l’immigration francophone pour assurer leur croissance et leur vitalité. Nous sommes déterminés à soutenir les communautés francophones en situation minoritaire et à renforcer les initiatives qui favorisent leur développement», écrit-il.

À lire aussi : Dépassement de la cible en immigration francophone : «On veut s’assurer des ressources»

Le NPD n’a pas répondu à nos questions envoyées par courriel.

Dans sa plateforme pour l’élection de 2021, le parti parlait d’attirer «davantage de personnes immigrantes francophones dans toutes les collectivités», sans toutefois préciser de cibles.

«Les objectifs fixés par la FCFA sont à juste titre plus ambitieux que ce que propose le gouvernement. Et le Parti vert soutient leurs objectifs», assure un porte-parole du Parti vert du Canada (PVC), Rod Leggett, dans une réponse par courriel.

Le parti de Jagmeet Singh a accusé le gouvernement libéral de ne pas prendre l’immigration francophone au sérieux, lorsque le dossier était dans les mains du libéral Sean Fraser, en 2022. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

«La francophonie canadienne est en difficulté d’un océan à l’autre. Le poids démographique d’une partie importante de notre histoire et de notre identité en tant que nation est en train de fondre», a déclaré le co-chef du PVC, Jonathan Pedneault, dans une réponse écrite. 

Photo : Grady_Lawlor

Quelques rappels

En 2024, Ottawa a dépassé sa cible d’immigration francophone hors Québec pour la deuxième fois, après avoir mis 20 ans à atteindre la première.

Les cibles en admissions de résidents permanents d’expression française ont été fixées par le gouvernement libéral à 8,5 % en 2025, 9,5 % en 2026 et 10 % en 2027. La FCFA demande toutefois 12 % en 2024, et 20 % pour 2036.

Elle se base sur une étude réalisée par Sociopol qui conclut que ces cibles sont nécessaires pour – au minimum – rétablir le poids démographique des francophones en situation minoritaire.

Entre seuils et pourcentages

Liane Roy rappelle que tous les partis ont voté en faveur de la nouvelle Loi sur les langues officielles (à l’exception du député libéral Anthony Housefather) et que tout le monde était d’accord pour rétablir le poids démographique des francophones en situation minoritaire à 6,1 %, soit celui du recensement de 1971.

Ce projet, inscrit dans la Loi, engage le gouvernement à assurer une immigration francophone à l’extérieur du Québec, peu importe l’identité du parti politique.

Les partis libéral et conservateur parlent tous les deux de réduire l’immigration générale au Canada, et ce, en fonction des capacités d’accueil comme le logement et en santé. Il est toutefois entendu que la proportion des immigrants entrant au pays qui parlent français ne doit pas diminuer.

Cela dit, même si le pourcentage d’immigrants francophones demeure le même, les chiffres baissent avec les seuils.

«Si ça diminue, c’est sûr que les cibles, [le pourcentage d’immigrants francophones,] devront augmenter, prévient Liane Roy. Quand ils ont diminué les seuils il y a quelques mois, le ministre Marc Miller a quand même ajusté les cibles du côté francophone pour pas qu’on soit pénalisés. C’est important de garder ça en tête.»

À lire aussi : Ottawa réduit l’immigration permanente, mais augmente sa cible francophone

Les programmes

Dans les dernières années, le gouvernement libéral de Justin Trudeau a mis sur pied le Programme pilote pour les étudiants dans les communautés francophones en situation minoritaire et le Programme pilote d’immigration dans les communautés francophones.

Le premier facilite l’accès à la résidence permanente pour les étudiants francophones afin d’améliorer les taux de rétention dans les communautés. Le second a un objectif similaire, mais pour les travailleurs dans des régions rurales et éloignées.

Outre le PVC, aucun parti n’a encore dit s’il pérenniserait ou non ces programmes.

«Le Parti vert appuierait certainement les projets pilotes lancés par le gouvernement et leur maintien à long terme», confirme Rod Leggit par courriel. «Le Parti vert pense que le Canada devrait être plus actif pour faciliter l’entrée et l’intégration des candidats francophones qualifiés à l’immigration dans la grande famille canadienne.»

À lire aussi : Ottawa fait sauter son plafond pour des étudiants étrangers francophones

Controverse liée à l’immigration

Mark Carney a été la cible de nombreuses critiques lorsqu’il a invité Mark Wiseman, le cofondateur et président du lobby Initiative du Siècle, à siéger au Conseil sur les relations canado-américaines. Cette information a été rendue publique quelques jours avant le déclenchement de l’élection.

Ce lobby, qui plaide en faveur d’une population canadienne de 100 millions d’habitants d’ici 2100, notamment en augmentant les seuils d’immigration, suscite la controverse. Son plan a d’ailleurs été lourdement critiqué par des fonctionnaires d’IRCC.

En réaction à cette nomination, le porte-parole bloquiste en matière d’immigration, Alexis-Brunelle Duceppe, a rappelé sur X que le plan de l’Initiative du siècle en immigration ne parle pas de français.

Liane Roy affirme en entrevue que la FCFA ne s’est «pas beaucoup penchée» sur ce plan. «On va continuer à demander nos pourcentages, nos cibles à l’intérieur de tout ce qui touche l’immigration, dit-elle. Si on augmente la population en général, l’écart va augmenter si on n’a pas une immigration francophone.»