Avec des informations de Julien Cayouette
Discours du Trône : Les 26 et 27 mai, Ottawa accueillera le roi Charles III d’Angleterre et la reine consort Camilla. Le souverain lira le discours du Trône mardi, au Sénat, ouvrant ainsi la 45e législature du Parlement canadien.
Le premier ministre Mark Carney a été assermenté comme député de Nepean, jeudi.
Retour du Parlement : La première tâche des députés sera d’élire la présidence de la Chambre des Communes. Seuls les députés assermentés pourront voter. Jeudi, le premier ministre Mark Carney a été assermenté comme député de Nepean (dans la banlieue d’Ottawa). Il a prêté serment devant près d’une quarantaine de personnes. À l’heure d’écrire ces lignes, environ la moitié des 343 députés de la Chambre ont été assermentés.
Un minibudget ou pas? Lors d’une réunion technique sur la prochaine législature, jeudi, le greffier du parlement a expliqué que pour l’instant, c’est la gouverneure générale Mary Simon qui autorise les dépenses du gouvernement. «On s’attend à une ou plusieurs mesures budgétaires avant l’été. Le gouvernement a besoin de cet ordre permanent de crédits.» De son côté, le Bloc québécois a réaffirmé cette semaine qu’un budget devait être déposé rapidement. Mark Carney, pour sa part, a indiqué que celui-ci ne serait présenté qu’à l’automne.
Ce qui change pour le NPD : Le Nouveau Parti démocratique (NPD) – qui n’a plus le statut de parti officiel après sa défaite à l’élection fédérale fin avril, en passant de 26 députés à 7 – ne prendra plus part aux discussions entre les partis d’opposition pour la période des questions. Les partis doivent s’entendre sur une motion pour donner aux députés du NPD une voix dans les comités, mais ils ne sont pas obligés de le faire.
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Le Parti conservateur du Canada a fait connaitre les membres de son cabinet fantôme mercredi. Il présente 62 ministres et ministres associés pour donner la réplique aux 38 ministres et secrétaires d’État du gouvernement de Mark Carney.
Le nombre plus élevé de ministres fantômes s’explique par l’ajout de titres qui n’ont pas d’équivalent du côté du gouvernement, comme le ministre du cabinet fantôme responsable de la Réduction des formalités administratives ou celui de la Lutte contre les dépendances.
Le cabinet fantôme est en quelque sorte le cabinet des ministres de l’opposition officielle. Des députés ont la tâche de suivre un dossier particulier afin que l’opposition soit aussi bien informée que le gouvernement sur les dossiers prioritaires. Leur but est aussi de trouver les failles dans les politiques et les projets de loi qui concerne leur dossier. Ce titre ne donne pas de pouvoir en lien avec le gouvernement ou le parlement.
Poids lourds : Deux députés conservateurs se divisent les tâches qui reviennent à Steven Guilbeault, ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes et responsable des Langues officielles. Rachael Thomas, députée de Lethbridge en Alberta, sera ministre pour l’Identité canadienne et de la Culture tandis que Joël Godin, député québécois, hérite du dossier des langues officielles.
Le député d’Acadie–Annapolis en Nouvelle-Écosse, Chris d’Entremont, sera ministre du cabinet fantôme responsable de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA). De son côté, le nouvel élu francophone dans Kapuskasing–Timmins–Mushkegowuk en Ontario, Gaétan Malette, sera ministre associé du cabinet fantôme responsable des Ressources naturelles (mines et forêts).
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Postes Canada a reçu des préavis de grève du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) pour les unités de négociation urbaine et des FFRS (factrices et facteurs ruraux et suburbains). Les avis indiquaient que le STTP a l’intention de déclencher une grève le vendredi 23 mai à minuit, heure de l’Est.
Finalement, en fin de soirée jeudi, le STTP a publié un communiqué demandant à ses membres de ne pas faire d’heures supplémentaires. «Pour l’instant, le Syndicat a décidé d’interdire les heures supplémentaires en guise de geste de bonne foi afin de minimiser les perturbations pour la population et les pertes de salaire pour nos membres», indique le syndicat dans son communiqué.
Une «incidence durable» : C’est ce qu’a signifié Postes Canada dans un communiqué lundi, si une grève est déclenchée.
Le syndicat représentant environ 55 000 employés de Postes Canada avait avancé, jeudi matin, que les dernières offres du service postal étaient insuffisantes.
Les conditions de travail sont au cœur des négociations de la nouvelle convention qui prenait fin le 22 mai. Le syndicat avait demandé à la base une augmentation salariale cumulative de 24 % sur quatre ans, mais Postes Canada, déjà dans le rouge financièrement, a refusé.
Le mécontentement vient aussi du dernier rapport de la Commission d’enquête sur les relations de Postes Canada, qui recommande d’arrêter les livraisons quotidiennes à la porte. Le syndicat indique que d’autres moyens de pression pourraient être utilisés si l’employeur modifie les conditions de travail.
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Mercredi, le ministère des Affaires étrangères du Canada a confirmé que quatre Canadiens en visite diplomatique en Cisjordanie auraient été la cible de tirs «de prévention» israéliens, ce que le premier ministre Mark Carney a qualifié «d’inacceptable».
À la suite de cet incident, la ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, a convoqué l’ambassadeur d’Israël.
Cet évènement survient au lendemain d’un communiqué conjoint du Canada, de l’Allemagne et de la France, dans lequel les trois pays préviennent qu’ils prendront des «mesures concrètes» si le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, ne laissait pas rentrer davantage d’aide humanitaire dans Gaza.
Cette semaine, 100 camions ont pu rentrer dans l’enclave palestinienne, un chiffre jugé «insuffisant» par plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), alors que la population fait face à une famine depuis que le gouvernement israélien bloque l’aide humanitaire, début mars.
En réaction à cette déclaration, le premier ministre israélien a affirmé que les trois pays faisaient «un énorme cadeau» au Hamas, mais a ouvert la porte à un cessez-le-feu temporaire.
En outre, à Washington mercredi, un couple de diplomates israéliens a été assassiné par un homme de 30 ans, qui aurait crié de «libérer la Palestine».
«Dôme d’Or» et cie : La veille, Mark Carney a indiqué lors d’une conférence de presse qu’il était intéressé à ce que le Canada participe au «Dôme d’Or», un système de défense antimissile annoncé par le président des États-Unis. Donald Trump avait déjà indiqué lundi qu’ils étaient prêts à travailler avec le Canada sur ce point.
Les ministres des Finances des pays du G7 se sont réunis deux jours cette semaine à Banff, en Alberta, pour discuter à huis clos sur des enjeux pressants, dont l’économie mondiale et la guerre en Ukraine.
Cette réunion survient après l’imposition de droits de douane par les États-Unis en avril, suscitant des tensions commerciales. Le ministre des Finances du Canada, François-Philippe Champagne, s’est dit optimiste malgré l’incertitude sur un éventuel accord. Il a évoqué des progrès, notamment sur la reconstruction de l’Ukraine, saluant l’unité du G7 sur ce dossier.
«Après huit ans à la retraite, je m’ennuyais un peu de ma communauté. Je voulais bâtir de nouveaux réseaux et je ne voulais plus vivre en retrait», raconte le consultant Jean-Paul Arsenault, résident de l’Île-du-Prince-Édouard.
À l’Île-du-Prince-Édouard, l’Acadien Jean-Paul Arsenault assure que les «gens apprécient l’expérience d’une vieille tête grise».
À 72 ans, l’Acadien a repris du service auprès de diverses organisations de la province. Après 38 ans et demi de carrière, l’insulaire a d’abord profité de ses premières années d’inactivité pour voyager avec son épouse.
Mais, en 2021, il décroche un premier contrat en vue d’établir un service de ressources humaines pour les organismes communautaires francophones. Depuis, il n’a jamais arrêté.
«Ça me fait constamment réfléchir, ça m’oblige à apprendre de nouvelles technologies, ce sont des défis intéressants. Ça me donne beaucoup de satisfaction», confie-t-il.
Jean-Paul Arsenault est loin d’être le seul ainé francophone, officiellement à la retraite, qui exerce une activité professionnelle. «Le pourcentage des revenus des retraités provenant du marché du travail a augmenté au cours des dernières décennies», confirme le professeur d’économie à l’Université de Moncton, Pierre-Marcel Desjardins.
Selon les données du recensement de 2016, le taux d’emploi des francophones de l’extérieur du Québec est autour de 10 %, plus faible que celui des anglophones, qui se hisse à près de 16 %.
«Malgré l’avantage du bilinguisme, les ainés francophones en situation minoritaire vivent souvent dans des régions rurales, où les opportunités professionnelles sont plus rares. Ça peut les désavantager dans leur recherche d’emplois», analyse l’économiste Pierre-Marcel Desjardins.
Avec l’allongement de l’espérance de vie, les gens entre 60 et 65 ans, qui approchent de l’âge traditionnel de la retraite, sont également «en très bonne santé et ne souhaitent pas nécessairement arrêter leur activité», explique Pierre-Marcel Desjardins.
L’économiste constate ainsi que l’âge moyen de la retraite, qui avait tendance à diminuer depuis une vingtaine d’années, recommence à augmenter. En 2024, il a atteint (hommes et femmes confondus) près des 65 ans, alors que dix ans plus tôt, il s’approchait plus des 60 ans.
L’envie d’arrondir ses fins de mois motive une grande partie des salariés aux tempes argentées, en particulier «avec la récente flambée de l’inflation», avance Pierre-Marcel Desjardins.
Cependant, pour la professeure titulaire au Département de communication de la Faculté des arts de l’Université d’Ottawa, Martine Lagacé, il ne s’agit pas d’un «facteur contraignant». «C’est un moyen vers une fin. Je travaille parce que ça me permet de garder un certain standing de vie, parce que ça me permet de voyager.»
Il y a toujours des ainés en situation de précarité, mais la pauvreté a globalement diminué depuis la mise en place du régime de pension du Canada et de la sécurité de vieillesse.
Aux yeux de Martine Lagacé, auteure d’une étude menée auprès de 450 femmes francophones âgées de 45 à 72 ans encore sur le marché de l’emploi, la volonté de «transmettre son expertise et sa longue expérience» est également au centre des préoccupations des ainés actifs.
«On est sorti d’un mode de pensée retraite en mode loisir. Il y a un facteur de réalisation personnelle qui joue. Ils veulent se réaliser au travail, sentir qu’ils peuvent apporter quelque chose à leur communauté», observe-t-elle.
La chercheuse évoque enfin l’importance de l’aspect «socialisation pour briser l’isolement», que ce soient les relations avec les collègues ou l’interaction avec les clients.
Quelles que soient leurs motivations, les salariés âgés recherchent avant tout de la flexibilité et acceptent volontiers des temps partiels.
Ce sont des gens qui veulent garder du temps pour faire autre chose, voyager, s’occuper des petits-enfants. Les employeurs doivent s’adapter et modifier leur modèle traditionnel; 35 heures par semaine, deux semaines de vacances par an, pour tenir compte de cette nouvelle réalité.
Martine Lagacé appelle de son côté les entreprises à «changer de regard» et à «voir les ainés comme un plus, une mémoire à garder et non comme un poids lourd à gérer».
«Le vent tourne tout doucement, mais les ainés sont encore victimes de stéréotypes en raison de leur âge, déplore-t-elle. Il faut sortir du discours qui voit le vieillissement sur un mode déclin et valoriser leur contribution.»
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Sur le terrain, Martine Lagacé regrette le manque de mentorats : «Il faudrait que ça aille dans les deux sens, que les ainés transmettent leurs connaissances aux plus jeunes et inversement.»
«En plus de combler des postes, les ainés disposent d’un bagage d’expérience et de connaissances profitables aux entreprises. C’est bon pour l’économie», insiste le professeur Pierre-Marcel Desjardins.
«Il ne faut pas nourrir les clashs entre les générations, ajoute-t-elle. Le travail des ainés n’entre pas en compétition avec celui des jeunes, il y a une certaine complémentarité, ils ne sont pas à la recherche du même type d’emploi.»
Au-delà des préjugés, les retraités sont «financièrement découragés» de reprendre une activité, estime Pierre-Marcel Desjardins. «S’ils gagnent de petites sommes en travaillant, ils peuvent perdre de l’argent par ailleurs, se faire amputer certains revenus gouvernementaux.»
En pleine pénurie de personnel, les ainés qui persistent à travailler sont pourtant essentiels au dynamisme de l’économie, insistent les chercheurs.
«Nonobstant la situation immédiate où beaucoup d’employeurs hésitent à embaucher à cause du contexte international, la pénurie s’accentuera dans les dix prochaines années et les ainés représentent une solution», considère Pierre-Marcel Desjardins.
À l’Île-du-Prince-Édouard, Jean-Paul Arsenault compte poursuivre son activité «encore quelques années» : «Ça dépendra de ma santé, mais j’aime vraiment ça, je n’ai pas l’intention d’arrêter à court terme.»
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«Tous les ainés veulent vieillir chez eux quelle que soit leur langue, mais c’est d’autant plus important pour les francophones. Loin de chez eux, ils se retrouvent souvent dans des foyers de soins anglophones», affirme la directrice du Centre d’études du vieillissement de l’Université de Moncton et professeure titulaire à l’École de science infirmière, Suzanne Dupuis-Blanchard.
«Le maintien à domicile des ainés permet de désengorger les foyers de soins saturés et coute moins cher. Ce sont des arguments supplémentaires pour y investir», déclare Antoine Désilets de la SSF.
La chercheuse explique les nombreux avantages que représente le maintien à domicile : «Les ainés restent dans la communauté linguistique et culturelle où ils ont toujours vécu, ils peuvent continuer à s’engager. C’est bon pour leur santé physique et mentale.»
Les établissements de soins de longue durée dans la langue de la majorité contribuent, au contraire, à leur «isolement social», estime le directeur général de la Société Santé en français (SSF), Antoine Désilets.
«Ils sont déracinés, n’arrivent pas à communiquer, car ils ont vécu toute leur vie en français et sont contraints de vivre leurs derniers moments en anglais. Ça a un cout sur leur mieux-être», poursuit le responsable.
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Pouvoir rester chez soi n’écarte pas pour autant le risque d’isolement. Suzanne Dupuis-Blanchard rapporte que 35 % des ainés francophones vivant dans leur logement éprouvent un sentiment de solitude.
Jean-Luc Racine de la FAAFC rappelle que le Canada consacre seulement 4 % de son budget de soins de longue durée aux soins et services à domicile; en France, c’est 50 %, au Danemark, 75 %. Par ailleurs, environ 8 % des 65 ans et plus au Canada sont dans des foyers de soins.
«Ce niveau assez élevé est inquiétant. Des études démontrent l’impact négatif de l’isolement sur la santé physique, y compris sur les maladies cardiovasculaires, avertit-elle. Il ne faut pas vieillir chez soi à tout prix, mais avec une bonne qualité de vie.»
Suzanne Dupuis-Blanchard insiste sur la nécessité de planifier son maintien à domicile, qu’il s’agisse de repenser l’accessibilité de son logement ou de réfléchir au soutien social et familial à proximité ainsi qu’aux transports accessibles.
À cet égard, le directeur général de la Fédération des ainées et ainés francophones du Canada (FAAFC), Jean-Luc Racine, réclame davantage d’habitations de «type logement communautaire adapté aux besoins des plus âgés.»
D’après une étude réalisée par la FAAFC en 2023, la moitié des ainés demeurent dans des maisons familiales inadaptées et seront amenés à déménager dans les dix prochaines années.
Ils veulent continuer à vivre en français, mais souvent dans les communautés rurales où ils habitent, il n’y a pas d’options intermédiaires entre les grandes maisons et les foyers de soins. Ils sont alors obligés de partir.
Quelles que soient les stratégies mises en place par les ainés, ils se heurtent systématiquement au manque de services et de soins à domicile en français.
«Ils sont à peu près inexistants ou très précaires. Un jour vous l’avez, le lendemain c’est en anglais, confirme Jean-Luc Racine. Quand vous introduisez quelqu’un dans votre intimité, le français est pourtant essentiel pour faciliter le lien de confiance et garantir la qualité de la prestation de soins.»
Antoine Désilets rappelle pour sa part que les francophones perdent leur langue acquise avec l’âge : «Si les soins à domicile sont en anglais, ils ont besoin de leurs proches pour communiquer. Ça veut dire se reposer davantage sur des proches aidants, qui eux-mêmes n’ont pas d’appui.»
À l’automne 2024, Suzanne Dupuis-Blanchard a mené une recherche au Nouveau-Brunswick qui révèle la grande «anxiété» des ainés francophones sur le sujet.
Ils savent qu’ils devront accepter des services en anglais. Pour nettoyer la cour, le déneigement ou l’entretien de la maison c’est correct, mais ils ne sont pas prêts à l’accepter pour des soins personnels. Ça doit être absolument en français.
Pour changer la situation et disposer de plus de personnel bilingue, l’experte appelle à «mieux planifier les ressources humaines». Pour elle, «il faut absolument parler du vieillissement de la population dans nos écoles, encourager les jeunes à faire carrière dans ce secteur».
«Le bilinguisme doit être reconnu comme une compétence professionnelle, renchérit Antoine Désilets. Après, il faudra faire concorder la capacité linguistique des professionnels et des usagers, et là-dessus on doit encore améliorer la collecte de données.»
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Même lorsqu’il y a de rares services en français, les francophones, «installés dans des régions rurales éloignées ou [des secteurs] invisibles en milieu urbain», sont en effet «plus difficiles à rejoindre», déplore Jean-Luc Racine.
La FAAFC lancera ainsi en juillet un projet d’éclaireur de proximité. Des personnes recevront une formation pour repérer les signes de vulnérabilité chez les ainés et les ainées (problème de mobilité, démence, désorganisation, etc.) en vue de les adresser à un service de soutien approprié.
La chercheuse Suzanne Dupuis-Blanchard insiste sur l’importance «des activités sociales et physiques» pour la santé des ainés.
Depuis deux ans, la FAAFC propose aussi des services de soutien à domicile bénévoles dans neuf provinces et territoires. Transport, visites amicales, ménage, déneigement, l’éventail de services est large.
Au Nouveau-Brunswick, Suzanne Dupuis-Blanchard est, elle, à l’origine de l’initiative Foyer de soins sans mur. Le programme permet à des personnes âgées de recevoir une panoplie de services à domicile. Adopté par près de 30 établissements néobrunswickois, il sera nationalisé à la fin de l’année.
Aux yeux de la chercheuse, les villes doivent aussi s’adapter aux enjeux du vieillissement. Elle incite notamment les communautés à devenir des collectivités-amies des ainés, un concept mis au point en 2006 par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Repenser les politiques de transports, d’habitat, d’emploi, de soutien communautaire et de services de santé… au total l’OMS cible huit domaines dans lesquels les collectivités peuvent améliorer leur accessibilité.
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Une étude de Santé Canada publiée en début d’année met en évidence un déficit actuel de près de 23 000 médecins de famille pour répondre aux besoins dans toutes les régions du pays.
Selon la présidente du Collège des médecins de famille du Canada (CMFC), la Dre Carrie Bernard, cette situation est encore plus critique pour les francophones en milieu minoritaire.
L’un des principaux défis réside dans la dispersion de ces communautés, souvent établies en milieu rural ou dans des régions éloignées. «Si vous êtes francophone et que vous vivez dans ces zones, les difficultés d’accès aux soins sont multipliées», souligne la médecin.
Un constat partagé par le directeur général de la Société Santé en français (SSF), Antoine Désilets : «Un francophone a nettement moins de chances de trouver un médecin qui parle sa langue qu’un anglophone. Ce jumelage repose plus sur la chance que sur une véritable organisation des services de santé.»
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Cette difficulté d’accès à des soins dans sa langue a des répercussions directes sur leur qualité. Selon la Dre Carrie Bernard, des recherches menées par des chercheurs de l’Université Laurentienne de Sudbury, en Ontario, montrent que les résultats médicaux sont moins efficaces lorsque la langue du patient et celle du médecin ne correspondent pas.
Antoine Désilets note que de tomber sur un professionnel de la santé francophone relève plus de la chance que d’une planification.
«Une mauvaise communication peut entrainer des erreurs de diagnostic et des traitements inappropriés», explique-t-elle.
Au-delà des risques médicaux, l’absence d’un médecin parlant la langue du patient nuit à la relation de confiance, essentielle pour un suivi efficace. «Quand un patient ne peut pas s’exprimer dans sa langue maternelle avec son médecin, il est plus difficile d’établir une relation de confiance», ajoute la médecin.
Elle constate que face à cette situation, de nombreux patients sont laissés à eux-mêmes pour trouver des réponses à leurs questions.
«Environ 6,5 millions de Canadiens n’ont pas de prestataires de soins primaires et se tournent vers Internet pour trouver des solutions à leurs problèmes de santé», rappelle la présidente de l’Association médicale canadienne (AMC), Dre Joss Reimer. Ils risquent ainsi d’être exposés à des informations trompeuses ou erronées.
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D’après le rapport sur l’effectif en santé au Canada, le pays ne forme qu’environ 1500 nouveaux médecins par an. Un nombre bien inférieur aux besoins pour combler le manque rapidement.
Et pour les francophones encore, l’accès à une formation en médecine est plus limité.
Actuellement, peu d’institutions offrent un programme de médecine entièrement en français hors Québec. Seulement l’Université d’Ottawa et le Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick – un campus de l’Université de Sherbrooke à Moncton – en ont un.
Santé Canada confirme à Francopresse qu’un plan de formation mis en place en 2023 prévoit, sur 5 ans, 25 nouvelles places en médecine au Nouveau-Brunswick, 10 en Nouvelle-Écosse et 40 à l’Université d’Ottawa, dans le cadre d’une initiative de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC)-Consortium national de formation en santé (CNFS).
«Ces places en médecine s’ajoutent à celles déjà financées par les provinces en question et ces médecins sont, pour la plupart, bilingues (français et anglais)», précise Santé Canada.
Dre Carrie Bernard rappelle que les finissants en médecines ont tendance à s’installer près de leur lieu d’étude.
Cependant, ces initiatives restent insuffisantes pour combler les besoins. «Ce manque de diversité géographique est problématique, car les médecins s’installent souvent là où ils ont étudié. Il est crucial que d’autres provinces développent des formations en médecine francophone», commente Dre Carrie Bernard.
Elle souligne également que l’École de médecine du Nord de l’Ontario (NOSM), à Sudbury, tente de répondre à ce défi en offrant, depuis 2022, un programme de 4 ans spécifiquement dédié aux francophones, avec une priorité d’admission et un apprentissage progressif en français.
«Toutefois, des défis persistent. L’école possède deux campus. À Sudbury, où la communauté francophone est bien implantée. À Thunder Bay, où les francophones sont moins nombreux, une immersion dans un environnement médical francophone est plus difficile», décrit-elle.
Par ailleurs, le système de santé n’est pas adapté aux besoins des francophones et pénalise aussi les professionnels.
«Dans certaines cliniques, un seul médecin francophone prend en charge tous les patients parlant français. Il doit aussi rédiger ses dossiers en anglais pour que ses collègues puissent les consulter. Cela alourdit considérablement leur charge de travail et génère une grande frustration», déplore la Dre Carrie Bernard.
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Certaines autorités médicales, comme les collèges des médecins et chirurgiens de l’Alberta, de la Nouvelle-Écosse et de l’Ontario, proposent des outils de recherche en ligne permettant d’identifier les médecins qui parlent français. Cependant, cette solution reste imparfaite.
«L’exactitude de ces informations n’est pas toujours vérifiée. Certains médecins indiquent parler français, mais ne maitrisent que quelques mots», nuance la Dre Carrie Bernard.
Dans un rapport, Statistique Canada fait écho aux propos de la présidente de la CMFC. «Environ 60 % des omnipraticiens/omnipraticiennes et médecins en médecine familiale et des travailleurs sociaux/travailleuses sociales [du Nouveau-Brunswick] connaissaient le français. Cependant, une connaissance de la langue suffisante pour soutenir une conversation n’est pas équivalente à l’aisance requise pour prodiguer des services professionnels dans cette langue.»
Pour ce qui est de la proportion des médecins francophones, selon les données du recensement de 2021 de Statistique Canada, il y avait 1720 omnipraticiens/omnipraticiennes et médecins en médecine familiale «ayant le français comme première langue officielle parlée» dans l’ensemble du Canada, sans le Québec. Soit 200 de plus qu’en 2016.
La grande majorité se trouve en Ontario (825) et au Nouveau-Brunswick (490). Les autres provinces et territoires en partagent 385.
Le dernier pape français a été élu à une époque très perturbée de l’Église catholique, lors de laquelle deux papautés se disputaient la légitimité de la succession de saint Pierre.
Cette période a été nommée le «grand schisme d’Occident», en référence à une autre rupture, permanente celle-là, soit celle du «grand schisme d’Orient», en 1054, qui a vu la séparation de l’Église catholique romaine et de l’Église orthodoxe grecque.
Pour bien comprendre le schisme d’Occident, il faut explorer la période qui l’a précédée, soit la papauté d’Avignon, une autre période très particulière de l’Église, lors de laquelle les papes étaient français et le siège du pouvoir pontifical n’était plus à Rome, mais dans le sud de la France.
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Sept papes français vont se succéder entre 1305 et 1378. Le premier de cette lignée, Clément V, arrive après des années de conflits acerbes entre le roi de France Philippe le Bel et le pape Boniface VIII.
Clément VII, premier des antipapes d’Avignon.
Clément V refuse de gagner Rome, où règne le chaos. Il tient une cour itinérante dans le sud de la France pendant tout son pontificat. Son successeur, Jean XXII, est celui qui installe le siège de la papauté à Avignon.
Les sept prélats français qui se succèderont à Avignon sont des papes légitimes, mais qui dirigent l’Église catholique depuis la France au lieu de Rome. Au fil des pontificats, un véritable palais sera érigé, agrandi et fortifié à Avignon.
Le sixième de ces papes, Urbain V, décide de ramener la papauté à Rome, mais une reprise des conflits avec la France le pousse à revenir à Avignon.
Son successeur, Grégoire XI, dernier pape français, choisit lui aussi de retourner à la Ville éternelle pour diriger l’Église catholique, malgré l’opposition du roi de France et de la majorité des cardinaux. Mais ce retour ne sera pas heureux, et Grégoire XI prendra la décision de regagner Avignon. Il mourra cependant avant même de quitter la Ville éternelle.
À sa mort, en 1378, l’élection d’un premier pape italien depuis 75 ans, Urbain VI, irrite au plus haut point les cardinaux français, qui ont grandi en nombre et en influence pendant la papauté d’Avignon. Ils élisent la même année un autre pape, le Français Clément VII.
Le schisme d’Occident débute. Pendant les 40 années qui suivent, il y aura donc deux papes à la fois – un à Avignon et un à Rome –, qui s’excommunieront mutuellement.
Grégoire XI, né Pierre Roger de Beaufort, couronné par l’archevêque de Lyon, Guy de Boulogne. C’est le dernier Français à avoir été pape.
Les papes siégeant à Avignon pendant cette période seront considérés par l’Église comme des «antipapes».
À cette rupture au sein de l’Église catholique s’ajoute une division de toute l’Europe de l’Ouest. Dans le camp d’Avignon se trouvent évidemment la France et le royaume de Naples, soit le sud de l’Italie actuelle, sur lequel règnent des Français, ainsi que la Castille, l’Écosse, la Lorraine, l’Autriche et le Luxembourg.
Les papes de Rome peuvent quant à eux compter sur les royaumes de l’Italie du Nord, de Hongrie, de Pologne, d’Angleterre et des Flandres.
Le premier antipape à Avignon, Clément VII, tente en vain de renverser son rival à Rome, Urbain VI. Quand ce dernier meurt en 1389, ses cardinaux élisent un nouveau pape qui siège à Rome.
Cinq ans plus tard, en 1394, c’est au tour de Clément VII de rendre l’âme. Lui succède Pedro de Luna, né au royaume d’Aragon, qui prend le nom de Benoît XIII.
Celui-ci promet de mettre fin au schisme et même de renoncer à la papauté pour y arriver, mais il persiste à rester en poste. Il se met à dos la France et ses alliés. Assiégé, il quitte Avignon en mars 1403 pour regagner sa patrie.
La situation en reste là jusqu’à ce qu’un important groupe de cardinaux, souhaitant ramener la paix dans l’Église, se rencontrent à Pise pour un concile, en 1409.
Après une quarantaine d’années de luttes à l’intérieur de l’Église catholique, l’élection de Martin V en 1417 met fin au grand schisme d’Occident. Portrait présumé de ce pape réunificateur.
Cette assemblée «démet» les papes de Rome et d’Avignon et élit un nouveau pape, Alexandre V. Mais les deux autres pontifes refusent de renoncer à la tiare. On se retrouve donc avec trois papes. Jamais deux sans trois, dit le dicton.
Alexandre V lève des troupes pour s’emparer de Rome et chasser le pape déchu. Il y parvient en 1410, mais préfère s’installer à Bologne, où il meurt.
Il est suivi par Jean XXIII, que l’on soupçonne d’avoir fait empoisonner son prédécesseur. Ces deux pontifes seront appelés «papes de Pise» et seront également considérés comme des antipapes.
Alors que l’Église semble courir à sa perte, l’empereur romain germanique Sigismond 1er prend les choses en main. Il se substitue au Sacré Collège et convoque un concile à Constance, dans l’Allemagne actuelle, qui s’amorce en 1414 et qui durera quatre ans.
Les actions sont cependant rapides et décisives. Proclamant sa supériorité au pape, le concile décide de la destitution du pape de Rome et des deux antipapes d’Avignon et de Pise.
Au printemps 1415, les trois papes en poste vont tous s’écarter. Jean XXIII, pape de Pise, sent arriver la fin forcée de son pontificat et tente de fuir, mais il est arrêté et déposé.
À peu près au même moment, le pape de Rome Grégoire XII est forcé de démissionner.
Sigismond 1er envoie ses troupes en Aragon pour écraser les partisans de Benoît XIII, qui finalement décide de renoncer à son rôle.
À l’automne de 1417, le concile de Constance nomme Oddone Colonna seul pape.
L’arrivée de Martin V met fin au schisme, à une exception près. Les antipapes d’Avignon et de Pise ne figureront pas dans la liste formelle de succession de l’évêque de Rome. D’autres papes adopteront leur nom, comme ce fut le cas de Jean XXIII à la fin des années 1950.
Comme si ces antipapes n’avaient jamais existé…
Daniel Robichaud, secrétaire de la Société Vieille Maison, un groupe sans but lucratif dédié à la protection de ce lieu patrimonial acadien à Meteghan, en Nouvelle-Écosse, rêve que la Maison devienne officiellement un musée, afin de faciliter l’accès au financement. Le pépin : elle ne répond pas encore à tous les critères pour obtenir l’accréditation de l’Association des musées de la Nouvelle-Écosse. «Présentement, il n’y a même pas de toilettes à la bâtisse.»
«La vision pour l’avenir, c’est d’être rendu un musée de l’Association qui recevrait un financement pluriannuel pour des opérations qui nous permettraient au moins d’[embaucher] une, deux ou trois personnes pendant l’été», décrit Daniel Robichaud.
À quelques kilomètres au sud se trouve le Musée des Acadiens des Pubnicos. Sa directrice générale, Bernice d’Entremont, aimerait bien installer un ascenseur ou une chaise montante pour permettre aux visiteurs plus âgés de se rendre au deuxième étage, où repose une mine d’or généalogique : le Centre de Recherche Père Clarence-J. d’Entremont.
«Ça fait dix ans qu’on travaille [ce dossier], mais mettre un ascenseur, c’est très cher, explique la directrice, qui compose avec un budget annuel d’environ 125 000 dollars. On n’a pas encore trouvé une manière de le financer.»
«Il faut certainement faire beaucoup de prélèvements de fonds», dit-elle, en pleine organisation d’un thé de la fête des Mères lors duquel seront vendus des teeshirts. «C’est toujours difficile. C’est ça la vie d’un petit musée.»
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La présidente de la Yukon Historical & Museums Association, Sylvie Binette, décrit un «cercle vicieux» : le manque de financement en contraint plusieurs à fermer l’hiver, diminuant ainsi le revenu annuel. «Il y a besoin de vraiment réévaluer comment on finance les musées. Les musées, c’est l’identité de ton peuple.»
En Nouvelle-Écosse, La Vieille Maison porte bien son nom : c’est l’ainée du genre. Datant de 1796, elle est considérée comme l’exemple le mieux préservé d’une habitation acadienne postexil au Canada. Ouverte au public 20 jours par année, elle a besoin d’amour et, plus concrètement, de prévisibilité.
«Notre plus grosse dépense, pour une maison verrouillée les trois quarts de l’année, ce sont les assurances», explique Daniel Robichaud. Pour des rénovations, La Vieille Maison a obtenu du financement public, mais seulement «par projet». «Il manque un financement stable, [pluriannuel]. Les musées et les bâtiments historiques, ce sont des grosses structures, mais [on reçoit] des bulles de financement.»
Les rénovations ont d’ailleurs été entièrement menées par des bénévoles, souligne M. Robichaud.
La Vieille Maison a déjà été un musée, de 1958 à 2001, avant d’être abandonnée pendant une vingtaine d’années par ses propriétaires américains. «Ça s’est détérioré très rapidement, raconte Daniel Robichaud. Les travaux qu’on a faits étaient pour stabiliser le bâtiment. On commence tout juste à mettre les doigts sur la collection [d’antiquités] qui va à l’intérieur.»
Le Musée des Acadiens des Pubnicos, en Nouvelle-Écosse, s’est doté de panneaux solaires, ce qui permet à l’établissement de faire des économies d’électricité, explique Bernice d’Entremont.
Son abandon était dû à une raison particulière : «l’épuisement des bénévoles», relate M. Robichaud. La maison a éventuellement été sauvée par lui et ses collègues, mais tous les musées n’auront peut-être pas cette chance.
Le gestionnaire principal de la défense des intérêts de l’Association des musées canadiens (AMC), Dnyanesh Kamat, confirme que l’épuisement professionnel prend de l’ampleur dans le monde muséal. Les plus petits musées sont «très dépendants de bénévoles», dit-il. «Ça rend le secteur très vulnérable.»
Plus de 560 musées au Canada dépendent entièrement de bénévoles, selon Statistique Canada. Cela est directement lié à la situation financière de nombreux petits musées, qui n’ont pas les moyens d’embaucher.
À l’Écomusée de Hearst, en Ontario, le financement reste un «défi évident», confirme la présidente, Mélissa Vernier. Une subvention annuelle de la Ville permet de chauffer et d’assurer la maison centenaire. «Mais avec [l’inflation], ces subventions deviennent insuffisantes.»
Grâce à un programme fédéral, le musée peut recruter des étudiants l’été. Le reste de l’année, il dépend entièrement de bénévoles. «On aimerait embaucher quelqu’un, au moins à temps partiel, pour assurer que le musée soit ouvert plus longtemps. On pourrait assurer davantage de visites scolaires, par exemple», explique Mme Vernier.
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«Certains musées et galeries communautaires ont déjà fermé leurs portes ou sont à risque de le faire dans les trois prochaines années», lit-on dans un document signé par une demi-douzaine de représentants de musées et de galeries du Canada (dont l’AMC) et conçu en février dernier. Envoyé au Parti libéral du Canada, à plusieurs acteurs culturels dans le pays et à différents paliers de gouvernement. Francopresse en a obtenu copie.
Selon Dnyanesh Kamat, les gouvernements doivent se rappeler du rôle social et historique que jouent les musées, en particulier les musées communautaires : «Je m’inquiète du fait qu’on ne semble pas être sensibilisés aux petits musées.»
Titré «Le Canada a besoin de musées et de galeries communautaires : maintenant plus que jamais» [traduction libre], on y stipule que «les musées et galeries communautaires ont été négligés bien trop longtemps».
«Avec un modèle de financement modernisé et une politique nationale des musées révisée, ils peuvent devenir plus durables, tout en renforçant l’identité, la culture, la diversité, les valeurs et la souveraineté du Canada», rapportent les représentants du milieu.
«J’espère que l’on n’atteindra pas un point de non-retour», s’inquiète Dnyanesh Kamat de l’AMC. «Il ne s’agit pas seulement de la fermeture d’une institution, ce sont les mémoires collectives.»
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«Un musée n’est jamais rentable. C’est plus un service que tu offres à la population», laisse tomber le seul employé du Musée acadien de Caraquet, au Nouveau-Brunswick, à y être six mois par année, Sylvain Lanteigne.
L’été, l’établissement dépend de divers programmes gouvernementaux pour embaucher des étudiants.
Grâce aux subventions municipales, surtout, le musée réussit à boucler ses fins de mois. C’est aussi grâce à M. Lanteigne : «Je suis directeur, je m’occupe des emplois l’été, du bon fonctionnement du musée, la collection, l’inventaire, cataloguer et numériser, les rapports qu’on envoie à la province. […] C’est un travail qui se fait beaucoup dans l’ombre.»
Sylvain Lanteigne aimerait éventuellement agrandir le musée pour mieux accommoder la collection grandissante d’objets historiques acadiens, un projet impossible pour le moment. «Présentement, j’accepte seulement les petits objets, indique-t-il. Il faut rationaliser pour prendre moins d’espace.»
«Le plus dur» au Yukon, selon Sylvie Binette, c’est le recrutement et la rétention du personnel.
L’Écomusée de Hearst, en Ontario, est installé de façon permanente dans la maison patrimoniale Blais, un don de la Ville. «C’est comme ça qu’on a pu installer une collection plus permanente, avoir des activités un petit peu plus régulières», explique Mélissa Vernier.
«Un directeur exécutif payé 21 dollars de l’heure cinq mois par année, c’est pas évident de trouver quelqu’un qui a des qualifications [et qui veut faire ça]. Parce que les gens sont sous-payés par rapport aux responsabilités qu’ils ont, ça n’attire pas les gens qui ont complété des études dans le domaine muséal, en plus de la question du logement.»
En Nouvelle-Écosse, la pratique du tapis hooké cherche sa relève, et le Musée du tapis hooké aussi.
«On pense à la retraite, et on pense à qui sont les plus jeunes qui vont vouloir travailler dans la généalogie, assurer que notre musée va rester ouvert, répondre aux exigences pour nous assurer que nos archives sont protégées de l’humidité, de la clarté naturelle», raconte la directrice générale de la Société Saint-Pierre de Chéticamp, où se trouve l’établissement, Lisette Aucoin-Bourgeois.
«Il faut être passionné, reconnait-elle. Parfois, on s’inquiète.»
Le ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes, également responsable des Langues officielles, Steven Guilbeault, a moins évoqué les Langues officielles que sa réticence envers la construction d’une nouvelle infrastructure pour transporter le gaz, ce que souhaite toutefois son chef.
Le premier ministre Mark Carney a dévoilé le nom de ses 28 ministres mardi. Steven Guilbeault occupe le poste de ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes et ministre responsable des Langues officielles. Ce dernier titre n’avait pas été attribué lorsque le premier ministre avait créé son premier cabinet en mars, même si les langues officielles faisaient partie de ses responsabilités.
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Calmer le jeu : Cette omission avait été critiquée par les organismes francophones du Canada, qui saluent cette semaine la reconnaissance des Langues officielles.
Sans un communiqué, la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), Liane Roy, dit avoir l’impression que les francophones «ont été entendus», rappelant par la même occasion qu’ils attendent toujours «que le gouvernement définisse les règles d’application de la nouvelle Loi sur les langues officielles, modernisée il y a deux ans à peine».
Le Réseau de développement économique et d’employabilité du Canada (RDÉE) soulève de son côté dans un communiqué que le nouveau gouvernement a «l’opportunité de tracer une voie qui reconnait et intègre pleinement la contribution des communautés francophones et acadienne en situation minoritaire à la vitalité économique du pays».
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Pierre Poilievre a montré de son côté une ouverture à travailler avec le gouvernement Carney, notamment sur les affaires étrangères – et en particulier les États-Unis – et l’industrie.
La Première Nation de Pikangikum poursuit le gouvernement fédéral pour des décennies de négligence concernant ses infrastructures d’eau et d’eaux usées.
Située à plus de 500 km de Thunder Bay, en Ontario, la communauté réclame 2 milliards de dollars en dommages et 200 millions en aide d’urgence pour réparer son usine de traitement de l’eau.
L’enjeu : Elle accuse Ottawa d’avoir violé ses droits constitutionnels, ceux garantis par la Charte canadienne des droits et libertés et par des traités, en ne lui assurant pas un accès adéquat à l’eau potable et aux services essentiels.
En conférence de presse lundi, la cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations, Cindy Woodhouse Nepinak, a demandé que l’accès à l’eau potable pour les Premières Nations soit l’une des priorités du gouvernement canadien.
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Le gouvernement Carney a déjà mis sur la table sa priorité législative pour le retour du Parlement, prévu le 26 mai : réduire le taux d’imposition de 15 % à 14 % pour la première tranche de revenu des particuliers, à compter du 1er juillet 2025.
Au Canada, le taux d’imposition change en fonction de la tranche des revenus. Le premier palier correspond à des revenus de 57 375 $ ou moins.
Le premier ministre Carney a déjà mis sur la table la première disposition législative qu’il veut faire passer lors de la reprise du Parlement, fin mai : l’allègement du taux d’imposition pour la première tranche de revenus.
Selon le gouvernement libéral, cette mesure se traduirait par des économies d’impôt de plus de 27 milliards de dollars sur 5 ans pour 22 millions de personnes au Canada, dès 2025-2026.
Par contre, Pierre Poilievre a critiqué, en conférence de presse jeudi, la décision des libéraux de ne pas présenter de budget avant l’été et propose une collaboration avec tous les chefs de parti pour établir le budget.
Yves-François Blanchet a partagé cette déception, dénonçant un cadre financier «irréaliste» et un «manque de transparence» sur les dépenses prévues.
Le Bloc québécois veut contester le résultat du vote dans la circonscription de Terrebonne «le plus rapidement possible». Ils déposeront une demande devant la Cour supérieure du Québec.
Prise 2 : Le chef du parti, Yves-François Blanchet, en a fait l’annonce jeudi : «L’institution Élections Canada n’a pas juridiction pour commander eux-mêmes une reprise de l’élection, mais ils ont admis l’erreur évoquée par la citoyenne. À la lumière de quoi, très évidemment, nous allons initier une procédure pour demander à la Cour d’ordonner la reprise du scrutin dans la circonscription de ce tribunal.»
Il n’a pas fermé la porte sur la question de savoir si l’incident dans Terrebonne influençait la position du Bloc sur une réforme du mode de scrutin au Canada : «Je ne veux pas que ce qui s’est passé exacerbe une situation précise, historique et sans précédent pour dire [qu’] il faut révolutionner l’ensemble du système. Je ne dis pas que cette réflexion-là ne doit pas avoir lieu. Je dis que ce n’est pas l’objet de ce que j’annonce aujourd’hui.»
La candidate du Bloc, Nathalie Sinclair Desgagné, avait été donnée gagnante, mais la semaine dernière, son adversaire libérale, Tatiana Auguste, a finalement ravi le siège par un seul vote lors d’un recomptage judiciaire.
Une électrice qui déclare avoir voté pour le Bloc a signalé que son vote par la poste n’a pas été comptabilisé parce que l’enveloppe, fournie par Élections Canada, n’avait pas la bonne adresse. Élections Canada a reconnu «une erreur» par communiqué de presse mercredi.
Très serré : Les libéraux comptent désormais 170 sièges, à deux de la majorité, et les bloquistes 22, au lieu des 23 annoncés le soir de l’élection.
Élections Canada recense trois autres dépouillements judiciaires : deux en Ontario et un à Terre-Neuve-et-Labrador.
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Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, veut contester le vote «irrégulier» dans la circonscription de Terrebonne, où la candidate du parti (à sa droite), Nathalie Sinclair-Desgagné a été déclarée perdante à une voix près.
Mardi, la mêlée de presse précédant le premier conseil des ministres a permis à Steven Guilbeault – ancien ministre de l’Environnement – de rappeler qu’il n’est pas en faveur de la construction de nouveaux pipelines.
«On a déjà une infrastructure existante au Canada, qui n’est même pas utilisée à 50 % de sa capacité. Donc, avant de penser à construire une nouvelle infrastructure, maximisons l’utilisation de celle qu’on a déjà», a indiqué celui qui est désormais ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes et ministre responsable des Langues officielles.
Le hic : Son chef, Mark Carney, a toutefois affirmé pendant la campagne qu’il était en faveur de la construction de nouveaux pipelines, à l’instar du chef conservateur Pierre Poilievre.
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Buckley Bélanger, secrétaire d’État au Développement rural, a renvoyé l’approbation d’un éventuel pipeline aux provinces, tandis que Nathalie Provost, secrétaire d’État à la Nature, a ouvert la porte au sujet, en assurant qu’il fallait penser «à plusieurs aspects».
La nouvelle ministre des Affaires étrangères du Canada, Anita Anand, a durci le ton contre le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, lors du premier conseil des ministres, mardi.
«Nous ne permettrons pas que la nourriture continue d’être utilisée comme un outil politique», a-t-elle fait valoir devant les journalistes parlementaires. «Le premier ministre [Mark Carney NDLR] a été très clair à ce sujet : plus de 50 000 personnes sont mortes à la suite de l’agression contre les Palestiniens […] et l’utilisation de la nourriture comme outil politique est tout simplement inacceptable. Nous devons veiller à ce qu’il y ait une solution à deux États et le Canada continuera à maintenir cette position.»
Manifestation : Le Conseil national des musulmans canadiens était sur la Colline le 15 mai, jour qui marque le jour de l’exode des Palestiniens en 1948, pour proposer au gouvernement le projet de loi surnommé «Nakba», qui vise à faire en sorte que le Canada défende les droits de la personne et à l’autodétermination du peuple palestinien.
Ils demandent que le Canada reconnaisse, entre autres, l’État de Palestine.
«La destruction entrainerait une perte irrémédiable en termes d’histoire. Ce bâtiment a une valeur patrimoniale unique qui dépasse les frontières canadiennes», souligne le président du Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) Canada, Mathieu Dormaels.
L’église Sainte-Marie a été imaginée par l’architecte français Arthur Regnault, connu pour avoir conçu plusieurs châteaux dans la vallée de la Loire, en France, mais aussi l’église Saint-Cœur-de-Marie à Québec.
Il évoque l’«exceptionnalité» du style architectural de l’édifice Sainte-Marie, de sa taille et des matériaux utilisés pour sa construction : «Il n’existe qu’un seul exemplaire de cette dimension au niveau international.»
À la fin de l’automne 2024, l’archidiocèse d’Halifax-Yarmouth a soumis une demande de retrait de l’église de la liste des biens patrimoniaux enregistrés de la Nouvelle-Écosse, afin d’entamer des travaux de démolition. ICOMOS a été averti de la situation par la communauté locale à ce moment-là.
Mathieu Dormaels parle d’un monument acadien emblématique, ayant une «valeur culturelle et sociale» incomparable.
La bataille pour l’église Sainte-Marie ne date pas d’hier. Dès 2013, une première société de préservation voit le jour et cherche à récolter les 8 à 10 millions de dollars nécessaires pour restaurer l’édifice.
En septembre 2023, la société de préservation met finalement fin à ses discussions avec l’archidiocèse d’Halifax-Yarmouth, qui repoussait la démolition en attendant qu’une solution émerge. En février 2024, la mise en vente de l’église n’attire aucun acheteur.
En octobre de la même année, après que les inspecteurs de la municipalité de Clare jugent que l’état de la structure la rend dangereuse, l’archidiocèse décide d’entreprendre des démarches en vue de la démolir.
En janvier 2025, un groupe de citoyens décide de créer l’Association Sainte-Marie héritage et développement pour éviter le pire.
La coinstigatrice et coprésidente de l’Association Sainte-Marie héritage et développement, Stéphanie St-Pierre, salue la décision d’ICOMOS, qu’elle qualifie de «très bonne nouvelle, réfléchie et étudiée» : «Ça attire l’attention, ça met de la pression sur nos décideurs publics, sur nos gouvernements.»
C’est un positionnement assez fort, de dernier recours. Mais il ne s’agit pas de désigner un coupable. L’objectif est de favoriser une prise de conscience des acteurs locaux, nationaux et internationaux, toujours sous l’angle de la collaboration.
Aux yeux de Stéphanie St-Pierre, l’église Sainte-Marie constitue un cas unique de mélange architectural. Pensé initialement par l’architecte français Arthur Regnault pour une structure en pierres, son plan a été revu pour répondre aux exigences d’un édifice en bois, la spécialité des Acadiens.
ICOMOS, qu’est-ce que c’est?
ICOMOS, le Conseil international des monuments et des sites, est une organisation non gouvernementale qui œuvre à la conservation et à la protection des sites du patrimoine culturel dans le monde entier. Il regroupe plus de 12 000 experts à travers la planète et 175 au Canada. Son secrétariat général est basé à Paris.
«Cette conversion-là […] a mené à plusieurs aspects super ingénieux à l’intérieur de l’édifice, explique Stéphanie St-Pierre. Il y a des architectes et des gens qui enseignent le design dans les universités qui l’utilisent comme un cas d’espèce d’une méthode hybride pour la transformation d’un plan architectural.»
«On espère que ça va nous permettre d’aller chercher un appui de la part des décideurs publics et des différents paliers gouvernementaux», partage Stéphanie St-Pierre à propos de l’alerte patrimoniale déclenchée par ICOMOS pour l’église Sainte-Marie.
Selon les recherches de l’Association, il s’agit également de la plus grande structure en bois d’Amérique du Nord.
«Ce monument se distingue non seulement par sa structure imposante, mais aussi par son incarnation de l’identité, de la résilience et du savoir-faire acadiens, ajoute l’architecte conservatrice et membre de l’Association, Rosa Milito. Il fusionne les traditions de conception ecclésiastique françaises avec l’artisanat local enraciné dans l’héritage de la construction navale.»
Elle estime également que la «reconnaissance internationale» d’ICOMOS apporte à l’église «une visibilité et une crédibilité mondiale». «Ça montre sa valeur culturelle universelle. Ça nous permet d’intensifier les conversations avec les bailleurs de fonds et ouvre la voie à de nouveaux partenariats.»
Dans le cadre de l’alerte internationale, ICOMOS a d’ores et déjà envoyé des lettres à l’ensemble des acteurs impliqués. L’organisation leur a soumis des propositions et offert son expertise sur la manière de préserver et rénover le bien.
«On reste là pour les accompagner dans la gestion de l’après, trouver des solutions et donner un nouvel usage à l’église qui couvrira les frais d’entretien et de réparation», assure Mathieu Dormaels.
L’Association a aussi lancé une pétition pour demander aux gouvernements d’investir dans la protection de l’édifice.
Du côté de l’Association, si l’objectif premier est de rendre la démolition de l’église «quasi impossible», la réflexion pour sa remise en valeur a déjà commencé, rapporte Stéphanie St-Pierre.
On veut que ça puisse devenir un point de rassemblement important pour l’Acadie de la Nouvelle-Écosse. On y voit un potentiel énorme […] On parle souvent de musée, mais nous, on voit aussi ça comme étant une destination patrimoniale où les gens vont pouvoir en apprendre davantage sur les Acadiens qui sont revenus en Nouvelle-Écosse après la déportation.
L’architecte Rosa Milito souhaite que l’église Sainte-Marie soit incluse dans la Liste indicative des sites du patrimoine mondial au Canada en vue d’être désignée un jour au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Que l’église devienne un lieu culturel, un centre d’interprétation ou un espace communautaire, Rosa Milito y voit avant tout «un catalyseur pour le tourisme durable, l’éducation au patrimoine et la revitalisation régionale, tout en honorant les racines historiques acadiennes».
Pour l’heure, en dépit des discussions, Stéphanie St-Pierre ne sait pas où en sont les démarches de l’archidiocèse sur le statut de l’église.
«Le discours a un peu changé. Au lieu de dire : “La démolition va avoir lieu cet été”, c’est devenu : “La démolition va avoir lieu aussi tôt que possible.” Donc ça peut vouloir dire qu’ils attendent de voir si on a du succès.»
La personne responsable du dossier au sein de l’archidiocèse n’étant pas disponible pour une entrevue avant publication, une porte-parole a simplement confirmé que des discussions avec l’Association sont en cours, dans l’attente d’étudier leurs plans.
Stéphanie St-Pierre confirme que l’Association espère pouvoir présenter ses plans au début du mois de juin, mais qu’une rencontre publique aura lieu avant.
Justin Labelle est doctorant en anthropologie linguistique à l’Université de Montréal. Il s’intéresse aux vestiges des tensions entre, d’une part, les francophones en situation minoritaire de l’Ouest canadien et de l’Ontario et, de l’autre, les francophones du Québec. Un ressentiment qui trouve ses origines dans l’histoire.
Pendant les États généraux du Canada français tenus entre 1966 et 1969, dans les Accords de Charlottetown et du lac Meech, et lors des référendums sur la souveraineté du Québec, entre autres, «les autres francophones ont été cachés, mis dans les marges, encore plus qu’ils ne l’étaient déjà», explique Justin Labelle, en entrevue avec Francopresse.
Des sentiments de rejet et d’abandon ont ainsi nourri une expression bien connue : le «maudit Québécois».
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Justin Labelle : C’est basé sur un stéréotype. Une personne hyper centrée sur elle-même qui ne veut pas entendre parler des autres, qui n’a même pas conscience que les autres existent. Je présente parfois dans mes résultats trois types du «maudit Québécois».
Le premier, c’est celui qui reste au Québec, super nationaliste, qui ne veut même pas entendre qu’il y a d’autres francophones ailleurs. […] Le deuxième est un peu plus ouvert. Il va aller sur les lieux, quitte le Québec et visite le Canada, [mais ne comprend pas pourquoi il y a des francophones là-bas].
J’ai une anecdote pour le type deux : j’étais au Café postal à Winnipeg, où ça se déroule en français. Une Québécoise est entrée et a dit «bonjour» pour tenter sa chance. Le barista a répondu «bonjour», et la cliente a répondu «tu parles en français? Comment ça? T’es au Manitoba. Tu fais quoi ici?» Il a répondu qu’il est né là et que sa vie se passe en français, ce à quoi la cliente a répondu «tes parents viennent d’où alors?» C’est un manque de compréhension.
Le troisième, ben c’est Denise Bombardier. C’est le puriste.
Ce qui a causé les grands conflits à cause du documentaire Denise au pays des francos, c’est qu’elle est allée voir des gens, ils lui parlaient en français, pis elle leur disait «ta francophonie est en train de mourir». […] Denise Bombardier a fait de bonnes choses, mais dans ce documentaire, on lui parle en français et, à la fin, sa conclusion c’est «la francophonie se perd».
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Il existe encore. Ce n’est pas quelque chose qui appartient simplement au passé, mais les francophones du Canada ont changé. Ils se rendent compte maintenant que c’est un stéréotype, pour la plupart. Ça appartient à un héritage, à la mémoire collective.
Il y a encore un petit quelque chose. La preuve : le discours du «maudit Québécois» est ressorti en réaction au documentaire Denise au pays des francos.
De plus en plus, c’est une blague. Quelqu’un à Sudbury [en Ontario] m’a dit à la blague : «C’est quoi la différence entre un Québécois et un crisse de Québécois? Le Québécois reste chez lui.»
En tant que Québécois, je n’ai pas été dérangé là-bas. Personne ne m’a mis de côté. [La relation] se passe de mieux en mieux. D’une certaine façon, parce que le Québec a fait des tentatives de rapprochement avec des affaires comme le Secrétariat du Québec aux relations canadiennes. D’une autre façon, parce que les communautés francophones en situation minoritaire ont elles-mêmes beaucoup changé.
Quelqu’un a utilisé le mot «indépendantisé», un jeu de mots avec [l’indépendantisme revendiqué au] Québec. Ils ont acquis leur souveraineté d’une certaine façon dans le Canada. Au lieu de se voir maintenant à côté ou en dessous du Québec, ils se voient pour eux-mêmes. L’idéologie du «par et pour» est très présente.
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Je viens de Rouyn-Noranda [au Québec] et j’ai de la famille à Sudbury. Je me rendais compte qu’il y avait souvent des problèmes de compréhension entre les deux communautés […] pis j’entendais de plus en plus une espèce de discours… pas une haine, mais le manque de compréhension causait des conflits.
J’ai pensé à faire une étude pancanadienne, d’est en ouest. Ça aurait été un gros travail et je n’ai pas obtenu [beaucoup de financement]. J’ai fait ce voyage en char. […] Je ne suis pas allé en Acadie parce que j’ai l’impression que la francophonie en Acadie est différente. Les rapports entre francophones c’est culturel, plus que simplement linguistique.
Les territoires et la Colombie-Britannique, non seulement c’est loin, mais en regardant les statistiques […], je me suis rendu compte que le bagage culturel qui cause les conflits avec le Québec… [c’est beaucoup avec des personnes d’origine canadienne française].
Là-bas, à cause de la mondialisation et des changements de population, ce sont beaucoup des Européens et des Africains. Il y a encore des anciens Canadiens français, mais j’ai l’impression que ceux qui sont là maintenant ont moins ce bagage, cet héritage avec les Québécois.
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Tout l’aspect de la résilience. […] Ils ont des beaux organismes qui existent, comme l’ACUFC [Association des collèges et universités de la francophonie canadienne]. Ça me donne envie de continuer de travailler avec eux. Il y a de belles choses qui se font.
La francophonie canadienne, ce n’est pas une [seule] chose. Ce n’est pas basé tout sur le modèle de la francophonie québécoise avec ses dictionnaires pis ses grammaires. Le mélange de l’anglais et du français, c’est ça, la francophonie canadienne.
Tous ces grands discours, toute cette belle résilience, c’est quelque chose qui a été vraiment plaisant à voir.
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Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté.