le Vendredi 11 juillet 2025

La Fédération des municipalités du Nord de l’Ontario (FMNO) organisait ce premier débat de la campagne électorale ontarienne à North Bay, le 14 février.

Les défis financiers des municipalités, l’accès aux soins de santé, la sécurité sur les routes et le développement économique de la région ont été au cœur des questions. Des thèmes choisis à partir de consultations auprès de nombreuses organisations du Nord.

Dès les discours d’ouverture, la cheffe libérale Bonnie Crombie, la cheffe du Nouveau Parti démocratique (NPD), Marit Stiles et le chef du Parti vert, Mike Schreiner, ont attaqué le bilan du premier ministre conservateur Doug Ford. Il et elles l’accusent d’avoir abandonné les résidents et les villes du Nord dans tous les domaines névralgiques.

De son côté, Doug Ford s’est présenté comme le seul qui peut répondre aux attaques de Donald Trump, insistant sur l’importance des minéraux critiques enfouis dans les sols du Cercle de feu pour bonifier l’économie et résister à la menace que représente le président américain.

Les Ontariens et Ontariennes iront aux urnes le 27 février. L’idée de Doug Ford de lancer des élections en plein cœur des menaces de tarifs douaniers venant des États-Unis a été critiquée à quelques reprises, surtout par Bonnie Crombie.

La cheffe du Parti libéral de l’Ontario, Bonnie Crombie, dit vouloir augmenter la densification des villes et le transport public. 

Photo : Julien Cayouette – Francopresse

Entre villes et province

Doug Ford a encore été la cible des autres chefs sur les questions du financement des municipalités, des services et de la construction de logements.

Bonnie Crombie et Marit Stiles ont toutes deux mentionné à plusieurs reprises que le gouvernement provincial s’est débarrassé de plusieurs de ses responsabilités en les remettant aux municipalités, augmentant leur fardeau financier.

Le NPD et le Parti vert promettent quant à eux de rapatrier au niveau provincial des services que les gouvernements précédents ont transférés aux municipalités, comme la construction de logements sociaux.

Mark Schreiner a de son côté souligné le déséquilibre des investissements entre le nord et le sud de la province, promettant d’en faire plus pour le Nord.

Chaque candidate et candidat s’est présenté comme la personne la mieux placée pour construire davantage de logements.

Tandis que Doug Ford promet de diminuer les barrières à la construction et remettre de l’argent dans les poches des résidents comme moyen pour y arriver, les autres partis promettent plus d’aide financière à la construction, ainsi que de réduire les obstacles administratifs, soit le  proverbial «red tape».

À lire : Une crise du logement qui n’est pas près de s’essouffler en Ontario

Protéger le secteur forestier

Le secteur forestier du Nord de l’Ontario souffre depuis plusieurs années. La diversification des marchés a été présentée comme solution pour favoriser sa croissance et faire face à la possible hausse des tarifs douaniers américains.

Doug Ford a défendu son bilan, rappelant que son parti a fourni de l’argent pour que des entreprises se procurent de nouvelles technologies.

Marit Stiles a expliqué que chaque fermeture d’entreprise a des effets importants sur les municipalités et leurs résidents. Sous Doug Ford, de nombreux emplois «sont allés vers le Sud», dit-elle.

«La solution au sans-abrisme est la construction de logements», a insisté la cheffe du Nouveau Parti démocratique de l’Ontario, Marit Stiles. 

Photo : Julien Cayouette – Francopresse

Drogues et santé mentale

Bonnie Crombie a clairement assuré qu’elle reconnaitrait la consommation de drogue comme un problème de santé publique. La cheffe libérale veut voir plus de centres de traitement des dépendances et «une stratégie coordonnée, pas des projets par-ci par-là».

Marit Stiles a pour sa part garanti plus d’investissements et de travailleurs en santé publique, y compris dans les écoles. «Les libéraux ont créé la crise dans les hôpitaux et les conservateurs l’ont aspergée avec de l’essence», a-t-elle lâché.

Mark Schreiner désire, lui, voir «moins de consommateurs de drogues dans les prisons» : «Ce n’est pas la société dans laquelle je veux vivre.»

Doug Ford s’est défendu d’avoir fermé des centres d’injections supervisés qui étaient trop près d’écoles et de garderies.

Pendant que le premier ministre rappelait ses investissements en santé et la construction d’hôpitaux, les autres chefs ont rétorqué qu’ils étaient vides, puisqu’il n’y a pas assez d’infirmières et de médecins.

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Dans son discours de clôture, le chef du Parti vert ontarien, Mike Schreiner, a été le seul à parler des effets de la crise climatique et de son plan pour appuyer l’adaptation aux changements environnementaux dans la province. 

Photo : Julien Cayouette – Francopresse

Sécurité routière

La sécurité de la route 11 fait régulièrement les manchettes en hiver. Les accidents de transport routier peuvent fermer pendant des heures cette artère qui traverse tout le Nord. Tous les chefs promettent d’améliorer la sécurité sur les routes de la province.

Marit Stiles accuse Doug Ford d’avoir pris des fonds pour les routes du Nord et les avoir utilisés dans le Sud. Elle veut rapatrier la gestion de l’entretien routier dans le giron du gouvernement.

Doug Ford a rappelé que son gouvernement travaille sur le retour du Northlander, le train entre Toronto et Cochrane, et a investi pour élargir les routes et ajouter des aires de repos. En débat et en mêlée de presse, Marit Stiles et Bonnie Crombie ont souligné que malgré l’annonce, les Nord-Ontariens attendent toujours.

Mêlé de presse sans premier ministre

Doug Ford n’est pas resté après le débat pour répondre aux questions des journalistes.

Faisant référence à certaines de ses déclarations, Bonnie Crombie et Marit Stiles ont toutes les deux souligné en mêlée de presse que le chef conservateur changeait son discours selon le public.

Marit Stiles a également rappelé sa promesse de ne pas augmenter les taxes et les impôts, en plus d’offrir un «remboursement d’épicerie».

L’éducation postsecondaire n’a pas été abordée lors du débat, mais la cheffe libérale Bonnie Crombie s’est dite très intéressée par les démarches de l’Université de Sudbury pour offrir des cours.

Un débat en français

Les quatre chefs s’affronteront à nouveau le 17 février à 18 h 30. Un débat en français organisé par Radio-Canada et TFO et regroupant des candidats francophones des quatre principaux partis sera présenté le 19 février. Francopresse diffusera la vidéo de ce débat.

Entre les années 1950 et 1990, sur fond de Guerre froide, le gouvernement du Canada a mené des enquêtes, harcelé et licencié des membres de la communauté 2ELGBTQI+ au sein des Forces armées canadiennes, de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et de la fonction publique fédérale.

Plus de 9000 personnes ont été exclues et au moins 30 000 ont été fichées en raison de leur orientation sexuelle.

Désignée aujourd’hui sous le nom de «purge LGBT», cette politique a mis fin à des milliers de carrières et brisé de nombreuses vies. L’ouverture d’une exposition sur ces évènements au Musée canadien pour les droits de la personne à Winnipeg, au Manitoba, est l’occasion pour l’équipe derrière le documentaire La purge LGBT : la sombre histoire, sorti en 2023, de remettre cette histoire de l’avant.

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Avec ce documentaire, Orlando Arriagada espère éveiller les consciences. 

Photo : Productions Pimiento

Des excuses officielles en 2017

Interrogatoires humiliants, confessions forcées, chantage : le gouvernement a mené une véritable «chasse aux sorcières» pour débusquer ces hommes et ces femmes jugés «immoraux» et représentant un «danger pour la sécurité nationale».

Pour les services secrets, «tous les gais sont des espions et tous les espions sont des gais», rapporte l’avocat Douglas Elliott dans le documentaire La purge LGBT : la sombre histoire.

En 2016, des survivants et survivantes intentent un recours collectif contre le gouvernement fédéral qui mène, en 2018, à une entente historique prévoyant des indemnités totalisant 145 millions de dollars.

En novembre 2017, le premier ministre, Justin Trudeau, présente des excuses officielles à la Chambre des communes, au nom du gouvernement canadien, pour ces actions et politiques discriminatoires systémiques.

Une histoire méconnue

«Je pense que c’est important que ces histoires-là soient vues», souligne le réalisateur du documentaire, Orlando Arriagada, qui espère que le film trouvera un écho au sein de la population.

À ses yeux, le propos du documentaire est d’autant plus important aujourd’hui, «quand on entend ce qui arrive chez nos voisins, les États-Unis, qui ont un recul dans les droits qu’on a acquis, et surtout pour les nouvelles générations.»

«Ça me fait peur, parce que je pense que la société a avancé et maintenant on est à la porte peut-être de reculer.»

Steven Deschamps est directeur des Vétérans arc-en-ciel du Canada, un organisme à but non lucratif qui soutient les vétérans touchés par la purge LGBT. 

Photo : DND/MND

Et le réalisateur de poursuivre : «On a une obligation de garder la mémoire des évènements comme ça. Il faut qu’ils ne soient pas oubliés, qu’ils ne soient pas mis de côté et qu’on soit conscient des répercussions qu’ils ont dans la société et chez les individus qui ont été cassés, qui ont été mis de côté, dont la carrière a été finie, dont la vie était finie. C’est important d’en parler pour ne pas que l’histoire se répète.»

Car, précisément, l’épisode de la purge LGBT reste largement méconnu au Canada. «Quand on rencontrait des gens à qui on racontait l’histoire, ils étaient surpris parce que c’est le Canada, un des pays les plus démocratiques au monde», y compris au sein de l’équipe de tournage, confie-t-il.

Le film donne notamment la parole à d’anciens et anciennes membres des Forces armées canadiennes : Lucie Laperle, Martine Roy et Steven Deschamps. «En parlant de nos histoires, nous devenons plus forts», déclare ce dernier devant la caméra.

Congédié au début des années 1980, dévasté, le francophone pense d’abord à s’enlever la vie en se jetant d’un pont surplombant le canal Rideau, à Ottawa. Il se battra ensuite pour réintégrer l’Aviation royale canadienne, en 1992. Le lieutenant-colonel à la retraite vit actuellement à Victoria, en Colombie-Britannique.

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«Une épiphanie»

Lorsque, en novembre 2017, le premier ministre, Justin Trudeau, a présenté des excuses pour les discriminations perpétrées ou tolérées par le gouvernement fédéral à l’encontre des personnes 2ELGBTQI+, «c’était comme une épiphanie», raconte Steven Deschamps.

Douglas Elliott est l’avocat principal qui a mené le recours collectif des survivants et survivantes de la purge LGBT contre le gouvernement du Canada. 

Photo : Productions Pimiento

«Nous autres qui avons été impliqués dans cette purge qui était sous l’ordre de la loi, des secrets officiels, on ne pouvait parler à personne de ce qui nous était arrivé. Pour des décennies, une quarantaine d’années, on était silencieux. Alors quand le premier ministre a fait ses excuses et que le recours collectif a été fait, on était libéré de finalement pouvoir parler de notre histoire.»

Il se donne alors comme mission de parler de son histoire «tant qu’il pouvait». «Pour beaucoup d’entre nous, ce n’est pas facile parce que ce sont des dizaines d’années de trauma qui nous a été affecté», témoigne-t-il.

Le vétéran a également publié un livre en juillet 2024, My Purge Story : A First Hand Account from a Gay Purge Survivor [en anglais seulement], pour s’assurer que les évènements de la purge soient «inscrits dans l’histoire pour le futur».

Congédiée à 19 ans pour son homosexualité, Martine Roy, ex-militaire, a été responsable du recours collectif mené par les survivants et survivantes de la purge. 

Photo : Productions Pimiento

«J’ai donné les meilleures années de ma vie aux Forces armées canadiennes et ils m’ont recrachée dehors comme un vulgaire déchet», confie dans le documentaire Lucie Laperle, qui fut la première femme à faire partie de la police militaire. 

Photo : Productions Pimiento

Démocratie en péril

«L’histoire commence maintenant à sortir et le peuple canadien veut savoir qu’est-ce que c’était cette époque de la purge», commente Steven Deschamps.

«C’est important d’avoir la chance d’interroger nos politiciens et de comprendre que les politiques que nos gouvernements et les personnes qui sont censées nous représenter ne sont pas nécessairement dans les intérêts des Canadiens et Canadiennes.»

«Les politiciens dans les plus hautes positions dans notre gouvernement, durant cet épisode de la purge, cachaient aux citoyens ce qui arrivait. […] Quand nos gouvernements commencent à faire une politique qu’ils ne veulent pas que les citoyens connaissent, on a des problèmes dans une démocratie», alerte le retraité.

Un documentaire et des expositions

La purge LGBT : la sombre histoire, est disponible sur la plateforme ICI TOU.TV.

L’exposition Amours cachés : La purge LGBT au Canada, au Musée Canadien pour les droits de la personne à Winnipeg, documente aussi cet épisode et rend hommage aux personnes qui en ont été victimes. «L’exposition va être donnée à d’autres musées à travers le Canada», indique Steven Deschamps, lieutenant-colonel à la retraite.

Une exposition mobile, actuellement installée dans une bibliothèque de Victoria, en Colombie-Britannique, devrait également sillonner les routes canadiennes.

À lire aussi : Purge LGBT : lumière sur une période sombre de lhistoire canadienne (La Liberté)

Les similitudes entre la relation du Canada et des États-Unis d’aujourd’hui et celle du XXIe siècle sont frappantes. Sauf que l’instigateur des tarifs à l’époque était… le Canada. Des tarifs qui allaient perdurer à divers niveaux jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. C’était l’époque de la «Politique nationale» de John A. Macdonald.

Les similitudes entre le Canada d’aujourd’hui et celui du XXIe siècle sont frappantes. Sauf que l’instigateur des tarifs à l’époque était… le Canada. Des tarifs qui allaient perdurer à divers niveaux jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. C’était l’époque de la «Politique nationale» de John A. Macdonald.

À lire aussi : Commerce interprovincial : le Canada avance, tarifs ou non

Avant les tarifs, la réciprocité

L’histoire des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis est complexe. L’idée d’instaurer une certaine «réciprocité», ou un libre-échange, entre les deux pays, gagne du terrain dans les années 1840 et 1850, particulièrement dans le Canada-Ouest (aujourd’hui l’Ontario) et les colonies britanniques des Maritimes, surtout celle du Nouveau-Brunswick.

Affiche de la campagne électorale de 1891. Elle fait l’éloge du «vieux drapeau», de la «vieille politique» et du «vieux chef». 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

À l’époque, le Canada était encore une colonie britannique, et la décision du Royaume-Uni d’éliminer plusieurs mesures économiques qui favorisaient ses colonies change la donne. L’abandon des lois britanniques sur les céréales (Corn Laws), qui accordaient un prix avantageux à ces denrées canadiennes, fait particulièrement mal.

D’importants gens d’affaires du Québec réagissent en formant un mouvement pour l’union du Canada et des États-Unis. Cet effort prend fin lorsque les deux pays signent, en 1854, un Traité de réciprocité.

Le nouvel accord favorisera les colonies britanniques d’Amérique du Nord. Les matières premières et les produits agricoles ne sont pas taxés, ce qui permet au Canada-Uni d’exporter de grandes quantités de bois, de blé et de charbon à son voisin du sud.

Au fil du temps, les deux côtés de la frontière remettent en question le bienfondé de l’entente. Du côté nord, on craint que les colonies britanniques, peu peuplées, se fassent englober par les États-Unis et leur puissante économie. Une idée qui a aujourd’hui un air de déjà-vu…

Mais en 1866, ce sont les États-Unis qui, après douze ans de libre-échange, reprennent leurs billes et refusent de renouveler le traité. L’économie canadienne s’en trouve menacée, et des tarifs de 15 % sur certains produits tels que le charbon, le sel, l’avoine et le houblon sont adoptés.

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Le Canada se construit

À ce moment, le Canada est en pleine période de bouleversements politiques. Les discussions entre le Canada-Uni et les colonies britanniques des Maritimes s’accélèrent pour aboutir, en 1867, à la création du Dominion du Canada, avec John A. Macdonald comme premier ministre.

Macdonald n’est pas un nouveau venu. Élu pour la première fois député à l’Assemblée législative du Canada-Uni en 1844, il devient ministre trois ans plus tard et, en 1856, il est chef de la section du Canada-Ouest du gouvernement. Il a joué un rôle majeur dans la naissance de la Confédération canadienne.

Au cours de ses premières années au pouvoir, John A. Macdonald tente de renouveler le traité de réciprocité avec les États-Unis, mais en vain. Il fait adopter une première version de la Politique nationale, mais celle-ci comporte peu de mesures comparées à ce qui suivra.

John A. Macdonald a été le grand architecte de l’imposition de tarifs sur les produits en provenance des États-Unis avec sa Politique nationale. Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Cette première mouture est même abandonnée en 1871; Macdonald est plus occupé à consolider le nouveau pays, notamment en acquérant de la Compagnie de la Baie d’Hudson les larges territoires que sont la Terre de Rupert et les Territoires du Nord-Ouest, et à assurer l’adhésion au Canada de la Colombie-Britannique, convoitée par les États-Unis.

Le principal argument du gouvernement fédéral pour convaincre la Colombie-Britannique est la promesse de construire un chemin de fer reliant le Canada central à l’océan Pacifique. Ce sera là l’un des plus grands projets de Macdonald.

Mais par la suite, le premier ministre et des membres de son cabinet sont accusés d’avoir sollicité de l’argent au magnat des transports Hugh Allan pour financer leur campagne électorale, en échange de contrats pour la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique.

Le «scandale du Pacifique» entraine la démission de John A. Macdonald en 1873 et l’arrivée au pouvoir du libéral Alexander Mackenzie. Ce dernier poursuit le projet de chemin de fer transcontinental et impose certains tarifs sur les produits américains.

Mais, dans la première année du mandat du nouveau premier ministre, une grande crise économique frappe l’Europe et l’Amérique du Nord, notamment en raison de la faillite de certaines banques. Mackenzie tente alors de conclure un nouvel accord de libre-échange avec les États-Unis. Il n’aura pas plus de succès que son prédécesseur.

Au cours des années qui suivent, l’économie du Canada continue à stagner, suscitant la grogne dans la population. John A. Macdonald, toujours chef du Parti conservateur malgré sa défaite, en profite pour élaborer un programme économique qui sera aux antipodes de celui des libéraux.

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Un deuxième mandat et des tarifs, beaucoup de tarifs

En septembre 1878, Macdonald et le Parti conservateur remportent une victoire décisive, faisant élire plus que le double de députés que les libéraux en pleine déroute.

Macdonald a donc les coudées franches pour faire adopter sa Politique nationale qui s’articule autour de trois axes : tarifs douaniers, poursuite de la construction du chemin de fer de l’Ouest et augmentation de l’immigration dans cette même région, qui a grand besoin de travailleurs.

Le Canada impose alors des tarifs d’entre 20 et 35 % sur les produits manufacturés importés des États-Unis. La mesure ciblait davantage les produits manufacturés que les produits de base, ce qui évitait à l’industrie canadienne de payer un cout trop élevé pour fabriquer leurs produits.

La fin de la Politique nationale

Le deuxième mandat de John A. Macdonald portera les conservateurs au pouvoir pendant 18 ans. L’opposition libérale militera contre la politique des tarifs pendant une grande partie de cette période.

Grand adversaire de Macdonald, Alexander Mackenzie faisait la promotion de la réciprocité économique avec les États-Unis. 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Toutefois, une fois arrivé au pouvoir en 1896, le libéral Wilfrid Laurier maintiendra la Politique nationale. Elle restera complètement en vigueur jusqu’à ce que le gouvernement libéral de William Lyon Mackenzie King, élu une première fois en 1926, entamera son abandon.

Quant au libre-échange avec les États-Unis, il faudra attendre 1988 et la venue du premier ministre conservateur Brian Mulroney pour qu’il devienne réalité. Le libre-échange s’est étendu au Mexique en 1994, un accord renouvelé en 2020.

Mais avec le contexte politique actuel aux États-Unis et la menace d’imposants tarifs américains sur les produits canadiens, l’entente est de plus en plus remise en question.

Un millier de Canadiens et de Canadiennes se sont rassemblés à  Ottawa, malgré une tempête de neige, pour écouter le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, étaler ses idées sur les enjeux américains, la sécurité à la frontière et la production faite au Canada pour être «autosuffisants», a-t-il déclaré.

Entre propositions et menaces envers les États-Unis

Dans un discours majoritairement en anglais, sauf pour répéter les lignes phares de ses politiques, Pierre Poilievre a mis de l’avant sa volonté de créer un partenariat en plusieurs points avec les États-Unis, comme la sécurité à la frontière ou stopper le trafic de fentanyl.

Mais il a aussi accompagné ses propositions d’ombres de menaces. «Ne confondez pas notre gentillesse pour de la faiblesse», a-t-il lancé, avec force, à l’adresse des dirigeants des États-Unis.

Il a ajouté à l’intention de son public : «Ils paieront le prix de leurs décisions», en ciblant «des jobs que le Canada crée» aux États-Unis.

Dans la ligne de mire de ces menaces : les différents tarifs douaniers que compte appliquer le président Donald Trump sur les exportations du Canada.

Possibles tarifs à venir

En à peine deux semaines, le président américain a annoncé l’imposition de plusieurs tarifs douaniers sur des produits étrangers. Un grand nombre visent le Canada, mais leur entrée en vigueur reste incertaine.

Début mars : le sursis de 30 jours sur toutes les importations canadiennes prendra fin, une nouvelle menace de tarifs pourrait survenir.

12 mars : 25 % sur l’acier et l’aluminium de partout; ils pourraient s’ajouter à d’autres tarifs mis en place au début du mois.

2 avril : dépôt attendu d’un rapport demandé par le président sur les échanges économiques des États-Unis. Une série de tarifs réciproques, en réponse aux tarifs douaniers et autres leviers économiques imposés aux États-Unis, pourraient suivre.

Les menaces tarifaires de Donald Trump ont davantage «uni le pays», a affirmé Pierre Poilievre dans son discours.

Un sentiment que partage Adel, un montréalais qui a fait la route jusqu’à Ottawa pour l’occasion.

«[Son discours] donne gout aux Canadiens, aux Québécois, de se mettre tous ensemble pour travailler avec acharnement, pour être sûr que les États-Unis, Donald Trump, ne viennent pas nous prendre nos travails, notre argent et notre liberté.»

À lire : Tarifs américains : le Canada peut se passer de Parlement, estime un expert

Tarifs et politiques sociales libérales au cœur des inquiétudes

Pour Adel, les tarifs sont bel et bien la plus grande menace actuelle pour les Canadiens.

C’est un fléau pour les deux pays. Personne n’est gagnant là-dedans.

— Adel, un sympathisant conservateur

Pierre Poilievre a critiqué plusieurs fois des politiques menées par Justin Trudeau, avec au premier plan la taxe carbone et son bilan sur la sécurité du pays. 

Inès Lombardo – Francopresse

Il précise qu’il est le premier de sa famille à vouloir voter conservateur. «Mes parents sont immigrés, ce serait inconcevable de changer de camp». Adel n’ose pas leur dire qu’il votera conservateur.

Une mère de famille originaire de la rive sud de Montréal et qui a requis l’anonymat assure que ce sont les tarifs, mais aussi le fait qu’il n’y a «pas d’équipe» pour y faire face, qui la motive.

«Comme mère qui fait mon budget, je sais que si j’ai un besoin quelque part, il faut que j’aille chercher l’argent ailleurs. Fait qu’à un moment donné, la marge de crédit, ça va quelques mois, mais il faut en sortir. Je pense que M. Poilievre est vraiment le seul qui, fiscalement, a cette solidité-là et la vraie rigueur. Parce que M. Carney a beau dire ce qu’il veut, il fait la même politique que M. Trudeau».

Elle cite aussi «certaines politiques sociales» des libéraux qui la poussent à s’engager pour les conservateurs, comme le fait que des «toilettes non -genrées» uniquement voient le jour dans plusieurs établissements, notamment l’université de sa fille.

La mère de famille affirme être «mal à l’aise» du fait qu’il n’y a pas de toilettes pour femmes, notamment dans les établissements scolaires, où elle travaille.

«Une femme qui a été abusée et qui doit aller dans la même toilette qu’un homme… Et je connais beaucoup de gens qui ont ce même malaise, mais, malheureusement, on n’avait plus de place pour le dire», fait-elle valoir.

À lire : Le nouveau défi de Pierre Poilievre (chronique)

La Québécoise affirme également que le couple Poilievre lui inspire confiance, car ils véhiculent des valeurs qui placent la famille au centre de leurs priorités.

En effet, c’est Anaida Poilievre qui a présenté son mari, comme lorsque son mari a remporté la course à la direction du Parti conservateur, en septembre 2022. L’un de leurs deux enfants était également sur scène.

Anaida Poilievre était d’ailleurs récemment au cœur d’une publicité, publiée il y a quelques jours par le parti, qui met la famille au cœur du message conservateur.

Ressources canadiennes

Parmi les quelques sympathisants conservateurs interrogés sur place par Francopresse, aucun n’a évoqué la taxe carbone, l’un des points d’attaque de Pierre Poilievre envers Justin Trudeau et celui qu’il voit comme son successeur, Mark Carney. 

Ils veulent maintenant instrumentaliser les tarifs pour faire oublier leurs échecs économiques, mais si les politiques libérales de Trudeau et Carney ont causé autant de dommages économiques, avant les tarifs, imaginez les ravages qu’ils vont causer après!

— Pierre Poilievre

La production canadienne d’énergie est à l’avant-plan des politiques de Pierre Poilievre. Il souhaite amorcer la construction d’un pipeline pour acheminer le pétrole et le gaz vers l’est du pays dans les 60 jours suivant son élection.

«Je soutiens un pipeline national d’ouest en est, des Prairies jusqu’au Nouveau-Brunswick!», a-t-il répété, avant de demander à ses partisans de faire preuve de «courage» face aux «écofanatiques».

Ce projet se ferait avec l’aval des chefs des Premières Nations, assure-t-il, qui laisseraient les «entreprises leur payer leur part» en taxes.

«Ça permettrait aux Premières Nations de dépenser cet argent dans de l’eau potable», a-t-il affirmé, sourire aux lèvres, attaquant le mauvais bilan des libéraux pour que plusieurs réserves autochtones aient enfin de l’eau potable facilement accessible.

«On a besoin de vous!», lui crie une sympathisante pendant le discours. «Moi aussi j’ai besoin de vous, êtes-vous avec moi?» a rétorqué le chef conservateur, avant de déclencher un tonnerre d’applaudissements.

Après avoir rappelé que «l’aide arrive» pour les familles touchées par les morts dues au fentanyl et que la sécurité serait renforcée à la frontière, notamment pour les immigrants sans papiers, il a affirmé qu’il fallait «cesser la cancel culture», avec la restauration des statues de John A. Macdonald et de Terry Fox.

À lire : Les organismes francophones dans le flou face à un possible changement de gouvernement

Plutôt que de lire trois livres, nous allons cette fois explorer les carrières littéraires remarquables de ces trois autrices du Canada-Français et en sortir avec plus de recommandations de lectures que d’habitude.

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Commençons par la seule Canadienne à avoir reçu le prix Goncourt, Antonine Maillet. Ce prix littéraire le plus prestigieux de la Francophonie lui a été décerné en 1979 pour son roman Pélagie-la-Charrette.

Antonine Maillet est décédée le 17 février 2025 à l’âge de 95 ans. Francopresse offre ses condoléances à toute sa famille et à l’Acadie, qui perd l’autrice qui a permis de faire connaitre l’histoire et la culture acadiennes partout dans le monde.

Pelagie-la-charrette-Antonine Maillet

Cette œuvre raconte l’histoire d’une Acadienne déportée par les Anglais lors du Grand Dérangement qui décide de revenir en Acadie. C’est un roman d’une grande force, merveilleusement bien écrit et qui vibre de fierté acadienne.

Deux ans plus tard, Antonine Maillet publiait en quelque sorte une suite, intitulée Cent ans dans les bois. Cette fois, elle y livre le récit d’Acadiens revenus de la déportation qui reconstruisent leur vie tout en essayant de passer inaperçus auprès des autorités anglaises.

Ces deux romans représentent une espèce de genèse du peuple acadien, mais ce ne sont pas là les seules œuvres d’Antonine Maillet qui ont fait grand bruit. Elle est aussi l’autrice de la célèbre pièce La Sagouine, incarnée par la comédienne Viola Léger.

En fait, le corpus littéraire d’Antonine Maillet compte une quarantaine d’œuvres. Toutes à lire.

Son travail littéraire lui a d’ailleurs valu de nombreuses distinctions, comme le Prix du Gouverneur général (Canada) et des titres d’Officier de l’Ordre du Canada, d’Officier de l’Ordre de la Pléiade (Assemblée des parlementaires de la Francophonie) et de Commandeur de l’Ordre national de la Légion d’honneur (France) entre autres.

Antonine Maillet a élevé la littérature du Canada français au plus haut niveau mondial.

Avant Antonine Maillet, notre littérature a connu Gabrielle Roy. Née en 1909 à Saint-Boniface, au Manitoba, cette institutrice franco-manitobaine se consacre éventuellement au journalisme à Montréal. Autrice prolifique, elle a notamment publié sept romans et plusieurs recueils de nouvelles et essais.

Bonheur d’occasion-Gabrielle Roy

Elle connait un succès immédiat lors de la parution de son premier roman, Bonheur d’occasion, en 1945. L’histoire se passe pendant la Deuxième Guerre mondiale dans le quartier défavorisé de Saint-Henri, à Montréal. Le livre a reçu un Prix du Gouverneur général, mais c’est la France qui consacrera ce roman avec le prestigieux Prix Femina.

Plusieurs œuvres de Gabrielle Roy sont campées au Manitoba. On pense notamment à La petite poule d’eau, Rue Deschambault et Ces enfants de ma vie. Ces deux derniers romans mériteront d’ailleurs deux de ses trois Prix du Gouverneur général.

Ils sont aussi parfois qualifiés de recueils de nouvelles puisque chaque chapitre présente une histoire différente ou met en scène un nouveau personnage.

Dans Rue Deschambault, Gabrielle Roy raconte son enfance à Saint-Boniface, un quartier francophone de Winnipeg. Dans Ces enfants de ma vie, elle revient sur son parcours d’enseignante dans un village manitobain en nous présentant des enfants qui l’ont marquée.

Comme Bonheur d’occasion est inclus au programme de français de plusieurs écoles secondaires, Gabrielle Roy est probablement l’une des autrices canadiennes-françaises les plus lues.

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Marguerite Andersen est née en Allemagne en 1924 et a effectué un impressionnant parcours d’immigration qui l’a conduite à travers l’Europe et l’Afrique avant de la mener au Canada, d’abord au Québec, puis en Ontario.

Le plus grand succès de Marguerite Andersen, La mauvaise mère, a été son dernier roman. 

Photo : Prise de parole – Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0

Son aventure littéraire n’est pas aussi fournie ni aussi connue que celle d’Antonine Maillet et de Gabrielle Roy, mais peut-être est-ce parce que Marguerite Andersen a commencé à écrire dans la cinquantaine.

Elle a publié presque tous ses livres aux Éditions Prise de parole de Sudbury, en Ontario. Plusieurs ont reçu d’importantes accolades. La mauvaise mère et Le figuier sur le toit ont tous deux remporté le Prix Trillium décerné par le Conseil des arts de l’Ontario.

Le figuier sur le toit a aussi reçu le Prix des lecteurs de Radio-Canada et La mauvaise mère a été en lice pour le Combat des livres de Radio-Canada en 2020.

Marguerite Andersen a reçu un doctorat honorifique de l’Université Mount Saint Vincent de Nouvelle-Écosse et de l’Université Laurentienne en Ontario.

C’est La mauvaise mère qui a catapulté l’autrice au sein du panthéon littéraire hors Québec. Dans cet ouvrage, elle retrace sa vie tumultueuse, à partir de l’Allemagne nazie, sa fuite avec son amant français en Tunisie et sa vie mouvementée qui, au fil de ses amours, la conduira au Canada en 1958.

Elle y décrit une mère qui élève trois enfants tout en jonglant avec les défis d’immigration, un engagement pacifiste et une carrière universitaire. On ressent son interrogation au sujet de son rôle de mère dans une vie aussi aventureuse.

Réjean Grenier a travaillé dans les médias pendant 47 ans, comme journaliste, rédacteur principal à Radio-Canada/CBC, éditeur et propriétaire d’un journal et d’un magazine, et éditorialiste. Il a présenté une chronique littéraire sur les ondes de Radio-Canada pendant cinq saisons. Il est un avide lecteur depuis l’âge de 12 ans. Il a grandi dans un petit village du Nord de l’Ontario où il n’y avait pas de librairie, mais il a rapidement appris où commander des livres. Son type d’ouvrage préféré est le roman puisqu’«on ne trouve la vérité que dans l’imaginaire».

La course à la direction du Parti libéral du Canada (PLC) prendra fin le 9 mars. La personne élue à la tête de la formation politique deviendra le nouveau premier ou la première ministre du Canada.

Comme dans toute campagne électorale moderne, les réseaux sociaux sont incontournables et cette course à la chefferie ne fait pas exception.

Près de 130 700 dollars de publicités

Depuis le 12 janvier, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a dépensé environ 130 700 $ de publicités sur l’ensemble des outils de Meta, ce qui inclut Facebook et Instagram.

Karina Gould siège toujours comme députée libérale à la Chambre des communes. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Entre le 10 novembre 2024 et le 7 février 2025, les dépenses publicitaires auprès de Meta de sa principale concurrente, l’ancienne ministre des Finances Chrystia Freeland, affichaient 0 $. Elles atteignent désormais 2 700 $, selon de nouvelles données allant jusqu’au 11 février.

La députée libérale Karina Gould, ancienne leadeure du gouvernement à la Chambre des communes, a pour sa part dépensé 1 800 $ pour de la publicité chez Meta dans les trois derniers mois.

La candidate Ruby Dhalla, qui a été députée libérale de 2004 à 2011, en est à 9 300 $ de publicité achetée auprès de la société depuis le 12 janvier.

Le candidat Frank Baylis, qui a été député libéral de 2015 et 2019, est le seul candidat de la course à ne pas avoir acheté d’espace publicitaire sur les plateformes de la multinationale américaine dans les trois derniers mois.

«Nous ne boycottons pas Meta», indique-t-il dans une réponse par courriel. La publicité sur ces plateformes ne fait «simplement pas partie de notre stratégie de communications».

Toutes ces données sont toutes disponibles sur le site web de Meta.

Des dépenses politisées

L’achat de publicités sur les plateformes de Meta est devenu un sujet sensible depuis que le géant numérique a décidé de bloquer les médias au Canada sur Facebook et Instagram, et ce, en riposte à la Loi sur les nouvelles en ligne qui l’oblige à compenser les médias canadiens pour le partage de leurs contenus.

Le gouvernement fédéral avait alors décidé, en juillet 2023, d’arrêter d’acheter de la publicité à Meta. Il a fait volteface le 23 janvier dernier, quand il a recommencé à en acheter pour des campagnes publicitaires.

Mais ce boycottage de Meta ne s’était jamais étendu aux élus ni à leurs partis. À l’exception du Bloc québécois et de son chef, tous les partis politiques fédéraux principaux (PLC, Parti conservateur du Canada et Nouveau Parti démocratique) ainsi que leurs chefs ont continué à acheter de la publicité.

Le virage à 180 degrés de la part d’Ottawa quant à l’achat de publicité chez Meta a d’ailleurs provoqué une indignation de la part des plus petits médias, qui y voient une contradiction étant donné les efforts actuels du gouvernement à encourager la population canadienne à acheter local, dans le cadre des menaces tarifaires des États-Unis.

Ces médias estiment que le gouvernement pourrait placer de la publicité dans les journaux canadiens plutôt que dans les plateformes d’une entreprise américaine.

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Recommencer le boycottage?

Dans une réponse par courriel, la porte-parole de la campagne de Mark Carney, Emily Williams, écrit que celui-ci «se tient aux côtés des travailleurs canadiens face aux tarifs imposés par Donald Trump». «Il croit que le Canada doit demeurer fort, stratégique et uni dans la défense de ses intérêts économiques.»

La candidate Ruby Dhalla s’engage à revoir le boycottage d’achat de publicités à Meta par Ottawa et la Loi sur les nouvelles en ligne. 

Photo : Courtoisie

Francopresse n’a pas obtenu de réponses plus précises sur son raisonnement derrière l’achat de publicité à Meta.

«Il y a de nombreux Canadiens sur ces plateformes, et je cherche à rejoindre et à établir un dialogue avec le plus grand nombre d’entre eux dans le temps limité de cette campagne électorale», déclare de son côté Ruby Dhalla par courriel.

«Il est essentiel d’être à l’écoute de leurs préoccupations et des problèmes qui les affectent, et la plateforme de Meta est un des outils à notre disposition pour y parvenir.»

«Malheureusement, Meta fait partie des rares plateformes comptant un grand nombre d’utilisateurs canadiens, ajoute-t-elle. C’est pourquoi, en tant que première ministre, je m’engage à revoir la décision actuelle du gouvernement afin de m’assurer que les besoins de nos citoyens et de nos médias sont pris en compte.»

La «décision actuelle» à laquelle fait référence la politicienne est celle prise par Ottawa, en janvier dernier, de mettre fin au boycottage d’achat de publicité sur les plateformes de Meta.

Sans préciser si elle recommencerait le boycottage ou non, Ruby Dhalla s’engage à travailler «avec Meta afin de négocier une entente juste et équitable pour toutes les parties, en particulier pour l’industrie des médias canadiens».

Mark Carney et Frank Baylis n’ont pas accepté de commenter cette décision d’Ottawa ni de révéler leurs intentions de la maintenir ou non s’ils devenaient premier ministre.

Les équipes de Chrystia Freeland et de Karina Gould n’ont pas fourni de réponses aux questions de Francopresse avant la publication de ce texte.

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La Loi sur les nouvelles en ligne en réflexion

Questionnée sur la position de Mark Carney sur la Loi sur les nouvelles en ligne, Emily Williams écrit simplement que «le travail de la ministre [Pascale] St-Onge pour protéger les médias canadiens est important – l’accès aux nouvelles fiables est fondamental pour la santé de notre démocratie».

Si Frank Baylis n’achète pas d’espace publicitaire sur les plateformes de Meta, ce n’est pas pour en faire un boycottage, nuance-t-il.

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

De son côté, Frank Baylis indique par courriel qu’il «travaille sur une position avec la section 23 de cette loi, qui met à l’abri les plateformes qui partagent du contenu sans compenser les détenteurs des droits».

«Sa position aura comme objectif de bâtir une économie digitale qui est juste pour tout le monde», écrit-il. N’étant pas en mesure d’en dire plus pour le moment, il ajoute vouloir «assurer une compensation juste pour les créateurs de contenu».

Dans son courriel, Ruby Dhalla s’engage à réviser la Loi sur les nouvelles en ligne afin que celle-ci réponde «véritablement aux intérêts de ceux qu’elle concerne le plus et qu’elle réponde aux besoins actuels de nos citoyens et de nos médias».

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Le chef conservateur Pierre Poilievre a affirmé que pour renforcer la sécurité de l’Arctique canadien, il piocherait dans le budget canadien consacré à l’aide étrangère.

Inès Lombardo – Francopresse

Lundi, le chef du Parti conservateur du Canada (PCC), Pierre Poilievre, a dévoilé son plan de défense du Grand Nord. Il a affirmé que s’il devient premier ministre, il établira une base militaire permanente à Iqaluit, au Nunavut, afin de garantir la sécurité de l’Arctique canadien.

L’enjeu : Pierre Poilievre souhaite notamment acquérir deux nouveaux brise-glaces et doubler les effectifs des Rangers canadiens pour les porter à 4000.

Cette base devrait être construite dans les deux ans suivant les élections fédérales. Elle serait entièrement financée par le budget de l’aide étrangère, a-t-il assuré en conférence de presse, à Iqaluit.

Le premier ministre du Nunavut, P.J. Akeeagog, a prévenu Pierre Poilievre qu’il devrait travailler avant tout avec les habitants du Nunavut.

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Le président américain Donald Trump a signé lundi des décrets imposant des tarifs douaniers de 25 % sur l’acier et l’aluminium importés aux États-Unis. Ils entreront en vigueur le 12 mars.

Donald Trump accuse les pays exportateurs de tirer «profit de nous depuis des années et des années», a-t-il lancé en conférence de presse.

L’enjeu : Le Canada, principal fournisseur d’aluminium, est directement concerné par cette annonce. Une exemption est envisagée pour l’Australie.

Donald Trump affirme que ces tarifs douaniers visent à rapatrier la production dans son pays et renforcer la sécurité économique des États-Unis.

Il prévoit aussi des tarifs douaniers réciproques sur les importations. Face aux risques de représailles commerciales, le président américain affirme rester indifférent.

Face aux allusions répétées que le Canada devrait devenir le 51e état, Justin Trudeau a affirmé en point presse à Bruxelles cette semaine, lors de sa rencontre avec le secrétaire général de l’OTAN, qu’il «n’y aura jamais de 51e État au Canada, ça ne se passera pas».

Il a toutefois affirmé qu’il fallait «prendre au sérieux» les propos de Donald Trump.

Une délégation du Conseil de la fédération a rencontré mercredi de hauts responsables de l’administration américaine à la Maison-Blanche. Onze premiers ministres canadiens ont discuté des tarifs douaniers, de la sécurité frontalière et du fentanyl avec deux conseillers proches de Donald Trump.

Tous les premiers ministres étaient présents, sauf de Tim Houston (Nouvelle-Écosse) et de Dennis King (Île-du-Prince-Édouard), qui ont quitté Washington plus tôt que prévu en raison de l’arrivée d’une importante tempête hivernale dans les Maritimes.

Les positions : Les conseillers du président ont insisté sur la nécessité pour le Canada de lutter plus fermement contre le trafic de fentanyl et de respecter les exigences commerciales des États-Unis. De leur côté, les représentants canadiens ont réaffirmé que leur pays ne deviendrait jamais un 51e État américain, ont détaillé les premiers ministres à la sortie de la rencontre.

La rencontre a été obtenue à la dernière minute. Une nouvelle visite à Washington pourrait avoir lieu lorsque le candidat du président pour le poste de secrétaire au Commerce aura été approuvé par le congrès américain.

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Onze premiers ministres canadiens sont allés à Washington mercredi représenter les intérêts canadiens face aux menaces tarifaires de Donald Trump. 

Inès Lombardo – Francopresse

Cette semaine, Chrystia Freeland s’est engagée à baisser l’impôt sur le revenu si elle est élue à la tête du Parti libéral du Canada. 

Julien Cayouette – Francopresse

Chrystia Freeland promet une baisse de l’impôt sur le revenu pour 11 millions de Canadiens et Canadiennes si elle devient cheffe du Parti libéral du Canada.

En chiffre : Cette mesure réduirait le taux de 20,5 % à 19 % pour les revenus entre 55 000 $ et 111 000 $ et représenterait une économie moyenne de 550 $ par personne. En revanche, cela priverait Ottawa de plus de 6 milliards de dollars par an.

La candidate n’a pas précisé comment elle financerait cette promesse. Elle et ses rivaux, Mark Carney et Karina Gould, s’engagent aussi à annuler l’augmentation du taux d’inclusion sur le gain en capital.

Le Canada a signé une convention internationale établissant un cadre juridique commun pour l’intelligence artificielle (IA) et protéger les droits humains, la démocratie et l’état de droit. C’était mardi, lors d’une cérémonie de signature organisée en marge du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle à Paris.

L’enjeu : Cette convention vise à renforcer la coopération mondiale tout en atténuant les risques liés à l’IA. En signant ce document, le Canada rejoint l’Union européenne, l’Andorre, la Géorgie, l’Islande, Israël, le Japon, la Norvège, la Moldova, le Monténégro, Saint-Marin, le Royaume-Uni et les États-Unis.

Le Canada, pays président du G7 en 2025, a assuré qu’il continuera de défendre le respect des droits, de la loi et de l’inclusivité. Le gouvernement a précisé avoir consulté les provinces, territoires et partenaires avant la signature.

Le 15 février, le drapeau canadien fêtera ses 60 ans. Pour marquer cette journée, le sénateur ontarien Andrew Cardozo a publié un rapport qui collige les points de vue de sénateurs sur le drapeau.

Ce qu’ils ont dit : Les sénateurs ont reconnu que le drapeau représentait les valeurs canadiennes, notamment la paix, l’inclusion et le service public.

Plusieurs sénateurs, comme Lucie Moncion ou Marc Gold, ont fait valoir, selon le document, que «si le drapeau unit de nombreux Canadiens, les discussions ont également reconnu la nécessité de poursuivre la réflexion sur l’histoire nationale et la réconciliation».

Pour l’occasion, une exposition visuelle est en cours au Sénat du Canada, à Ottawa.

«Je t’aime», «I love you», «Te quiero» : à la période de la Saint-Valentin, les déclarations d’amour ont particulièrement la cote. Mais dans quelle langue? Francopresse a choisi d’aller à la rencontre de francophones d’un océan à l’autre pour discuter de leur rapport à la langue quand il s’agit de trouver l’amour… et de le garder.

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Peu importe la langue

Jaëlle a vécu plusieurs années en Ontario. Si cela ne la dérange pas de parler anglais à la maison, cette célibataire apprécie tout de même «un certain niveau de compréhension ou même d’effort», notamment pour que son partenaire puisse interagir avec sa famille.

Souhaël Bouallagui et sa femme, Danielle, avec leur fils, Elliot. 

Photo : Courtoisie

Justine, elle, est aujourd’hui en couple avec un anglophone. «Je ne cherchais pas nécessairement quelqu’un de francophone», avoue la résidente de l’Île-du-Prince-Édouard. La personnalité de son partenaire comptait plus que le fait français pour la jeune femme.

Elle précise toutefois que «c’est important qu’il s’intéresse au moins à ma culture, […] de la même manière que moi ça m’intéresse d’entendre les choses avec lesquelles il a grandi. […] C’est agréable quand il essaye des fois de regarder des films en français, ou des choses comme ça.»

Pour Souhaël Bouallagui, en Nouvelle-Écosse, le fait que sa conjointe parle un idiome différent du sien constitue un véritable «attrait». Il a rencontré sa femme – une anglophone native de la province – en République tchèque, précisément lors d’un cours de français qu’il enseignait. Depuis, elle maitrise la langue de Molière. «C’est vraiment beau qu’elle parle français pour moi», sourit le quadragénaire.

Il tient néanmoins à ce que leur enfant apprenne le français.

C’était pas si important dans notre relation amoureuse, mais dans notre relation de famille, je trouve que c’est vraiment un ajout que, tous les deux, on soit bilingues et qu’on parle français et anglais pour que notre fils puisse grandir dans les deux langues.

— Souhaël Bouallagui

Toutefois, il admet que son rapport à la langue a changé depuis qu’il vit en contexte minoritaire. «L’aspect culturel de la langue est devenu plus important, parce qu’avant, c’était vraiment presque uniquement un outil de communication.»

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Pas facile de vivre l’amour en français

En Colombie-Britannique, Donatien aimerait bien trouver la perle rare avec qui il pourrait entretenir une relation amoureuse en français. Mais, selon son expérience, il faut «fouiller» et investir beaucoup de temps sur les groupes de francophones en ligne, notamment sur Facebook. Difficile quand on a un emploi à temps plein, signale-t-il.

Dans une relation exogame, «souvent, l’anglais va avoir tendance à prendre le dessus. Ça dépend vraiment de la réaction de la personne, de la résilience qu’elle a», commente Philippe Rivière. 

Photo : Créaphil

Et si, en plus, la personne en quête de l’amour en français cherche un ou une partenaire du même sexe, les choses se compliquent encore davantage.

«Être gay et francophone en Ontario, […] c’est rough. Et trouver un chum francophone en Ontario, c’est encore plus rough», lâche de son côté Philippe Rivière dans une de ses vidéos sur YouTube.

Basé à Ottawa, ce vidéaste de 23 ans est aujourd’hui en couple avec un anglophone bilingue, qui a appris le français en immersion, mais aussi dans leur couple. «J’ai été la source de beaucoup d’apprentissages pour lui en termes de francophonie», confie-t-il en entrevue avec Francopresse. «Maintenant, il va même citer les Têtes à claques

C’est pas mal indispensable que la personne avec qui je partage ma vie parle le français. Langue maternelle ou non, ça me dérange pas, ça fait pas de différence, tant qu’on peut communiquer dans la langue […] Je veux que ce soit égal, une relation donnant-donnant.

— Philippe Rivière

Car maintenir le français au sein d’un couple exogame demeure un effort de chaque instant, insiste-t-il. «Ça me tente pas de m’assimiler. Donc des fois, ça va être nécessaire de mettre ton pied à terre et dire : “Ok, c’est le temps qu’on laisse le français shiner un petit peu.”»

Le français sinon rien

Le franco-ontarien Didier Pilon va encore plus loin. Pour ce père célibataire de 39 ans, le français n’est pas une option, c’est «primordial» : «Il n’est pas question d’introduire l’anglais à la maison.»

«Le seul repaire pour le français, c’est la maison. Si on abandonne ce dernier lieu sacré, il ne reste plus rien. Le français, ça devient une ligne sur ton résumé plutôt qu’une identité», alerte Didier Pilon. 

Photo : Courtoisie

«Cela complique grandement les rencontres, car il est difficile de trouver une partenaire francophone qui partage cette vision dans un milieu où l’anglais est omniprésent.»

Le Nord-Est de l’Ontario, où il réside, est la région de la province qui compte le taux le plus élevé de familles exogames, soit 85 %. Des chiffres inquiétants pour le francophone, qui espère que la transmission de la langue française aux prochaines générations ne se perdra pas.

«Je rencontre plusieurs personnes qui ont fait leurs études en français et qui maintenant, adultes, ne parlent plus un seul mot de français, déplore-t-il. Et 99 % du temps, c’est qu’il y avait un parent anglophone et un parent francophone. Donc ils parlaient anglais à la maison.»

Même son de cloche du côté d’Anick, dans le sud de l’Ontario : «Je me démène pour trouver des services francophones dans la communauté et créer des opportunités de jeux pour mon enfant en français. Je ne peux envisager d’inclure de l’anglais dans notre quotidien.»

«Mes tripes, mon identité»

Pour l’Acadienne Maryse aussi, avoir un conjoint francophone est essentiel : «Parce que le français fait partie de mes tripes, de mon identité.»

«Il y en a qui diraient, dans un souper de famille où tout le monde parle en anglais : “C’est juste une langue.” Mais nous, on a failli la perdre, puis on n’est pas sorti du bois encore», commente celle qui vit en Nouvelle-Écosse, aux côtés de Robert, lui aussi francophone.

Avoir un partenaire francophone, ça devient presque un acte de militantisme, parce que chaque couple exogame contribue, malgré lui, à l’effritement du français.

— Didier Pilon

À ses yeux, on ne parle pas assez d’amour quand on évoque le déclin de la langue.

«On va parler des infrastructures, de l’anglais à l’école, des services de santé… Mais plus que n’importe quelle décision du gouvernement, c’est chaque individu qui a le pouvoir de transmettre le français en trouvant un partenaire francophone. C’est un pouvoir qu’on n’utilise pas, qu’on a abandonné», s’attriste-t-il.

«On se connait déjà tous»

Même s’il participe activement aux évènements francophones, Didier Pilon admet que cela reste une «petite communauté» autour de lui. «On se connait déjà tous et puis on a déjà passé le stage “est-ce qu’il y a des possibilités”.»

Sur l’Île-du-Prince-Édouard, c’est déjà compliqué de rencontrer quelqu’un. Alors, si j’avais coché francophone, je pense que j’aurais effectivement eu plus de mal.

— Justine

«J’ai lancé l’appel à des cafés-jasette mensuels. Il y a toujours très peu de réponses à ce genre de truc malheureusement», déplore Anick en Ontario.

À quand un site de rencontres francophone?

Quant aux applications de rencontres, même si certaines personnes s’identifient comme francophones, elles sont parfois incapables d’écrire en français, regrette Didier Pilon. «J’imagine qu’une fois qu’on va se rencontrer, on va se parler en français. Et puis là, on se rencontre, et puis même chose, elles répondent en anglais.»

Anick a déjà vécu des situations semblables.

Lorsque j’affiche un profil en français indiquant clairement que je veux rencontrer d’autres francophones, je ne reçois que des réponses en anglais. Alors, j’abandonne […] Je suis déjà passé par la situation où on me dit : “J’aime le français et je veux l’apprendre!”, mais cela ne s’est jamais réalisé.

— Anick

Robert a lui aussi écumé les sites de rencontres avant d’être en couple avec Maryse, non sans difficultés. «Je trouvais ça extrêmement frustrant que, dans les filtres, il n’y avait aucune façon de faire une recherche pour trouver une personne francophone.»

«Je me suis même dit : “Crime, il y aurait peut-être quelqu’un qui devrait commencer une plateforme formelle ou informelle de rencontres francophones pour les célibataires”», s’exclame le quinquagénaire.

«Si tu peux filtrer les gens par intérêt ou par sexe, pourquoi tu peux pas filtrer par langue?, interroge Philippe Rivière. S’il y a des gens, des développeurs d’applications de rencontres qui lisent cet article[-ci], s’il vous plait, pensez-y!» À bon entendeur.

«C’est un pied de nez aux médias canadiens», déplore la représentante autorisée du Consortium des médias communautaires de langue officielle en situation minoritaire, Linda Lauzon.

En rappelant le contexte économique difficile auquel font face les médias locaux, en particulier ceux de langue officielle en situation minoritaire, elle estime que de recommencer l’achat de publicité auprès de Meta est un faux pas d’Ottawa.

«On est très déçus que le gouvernement ne soit pas plus sensible à la réalité de ces petits médias-là. Avec 100 000 $, un petit média de langue officielle fait des miracles. […] C’est décevant que le gouvernement ne soit pas plus solidaire de tous ces médias en ce moment qui ont souffert massivement du retrait de Facebook.»

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Fin du boycottage

Ottawa a recommencé à acheter des espaces publicitaires sur Facebook et Instagram – les plateformes de Meta – le 23 janvier 2025, afin d’y faire la promotion de la suspension de la taxe sur les produits et services (TPS) mise en place le 14 décembre, confirme par courriel un porte-parole du Bureau du Conseil privé (BCP), Daniel Savoie. Cette campagne publicitaire aurait couté 100 000 $.

«Si on veut toucher les francophones, utiliser les médias francophones est la meilleure façon», estime Maryne Dumaine. 

Photo : Christian Kuntz

D’autres campagnes de commercialisation lancées par le fédéral sont en cours sur les plateformes de Meta, écrit Daniel Savoie, dont une sur le logement qui devrait couter jusqu’à 175 750 $ et une d’environ 3500 $ géociblée sur la ville de Québec pour le recrutement d’étudiants.

«Les ministères choisissent des plateformes de médias sociaux qui atteignent efficacement les Canadiens et les parties prenantes, en évaluant continuellement leurs résultats et en rajustant leurs stratégies selon les besoins, ajoute-t-il. Si les plateformes Meta concordent avec les paramètres de la campagne, les ministères peuvent décider d’y placer de la publicité.»

Il y a un an et demi, en juillet 2023, le gouvernement a cessé d’acheter des espaces publicitaires à la société après que celle-ci a bloqué les nouvelles canadiennes sur ses plateformes, en réaction à l’application de la Loi sur les nouvelles en ligne, qui lui demandait une contribution financière pour le partage des contenus d’entreprises médiatiques.

«Une grosse contradiction»

Selon la présidente de Réseau.Presse (qui fait partie du Consortium et est l’éditeur de Francopresse), Maryne Dumaine, Ottawa «contredit sa propre position» en achetant de la publicité à une société qui refuse de se soumettre à sa propre loi.

«Pour moi, c’est vraiment une grosse contradiction», dit-elle. Pire encore, ce virage à 180 degrés effectué par Ottawa à l’endroit de Meta «légitimise» la position actuelle du géant du numérique devant la Loi sur les nouvelles en ligne.

«Surtout, ça encourage un média social qui, pour moi, laisse passer la désinformation», ajoute la présidente.

«Faire de la publicité sur une plateforme de médias sociaux ne signifie pas que l’on approuve les actions ou les décisions de la plateforme, nuance Daniel Savoie du BCP. Notre démarche consiste à établir un équilibre prudent : lutter contre la désinformation tout en veillant à ce que les Canadiens reçoivent des informations exactes et essentielles directement du gouvernement.»

Maryne Dumaine estime que les médias locaux proposent déjà de fournir aux Canadiens de l’information exacte, essentielle et directe du gouvernement, en plus d’avoir la «confiance de nos citoyens et citoyennes de façon locale».

«C’est aussi une contradiction parce qu’en ce moment, le gouvernement nous encourage à consommer local, mais il met ses publicités dans un géant du Web [basé aux États-Unis, NDLR] au lieu de choisir de rejoindre les Canadiens et les Canadiennes par leurs médias locaux», dénonce Maryne Dumaine.

Celle-ci fait référence à la réponse canadienne aux menaces économiques du président américain Donald Trump, où Ottawa encourage les Canadiens à consommer local.

Selon la présidente, le choix du gouvernement «fragilise nos médias locaux, surtout les médias locaux francophones en situation minoritaire qui sont déjà très fragilisés et qui auraient dû être priorisés dans ces investissements en publicité».

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Acheter chez les médias canadiens

Le Consortium demande au gouvernement fédéral de revoir la distribution des enveloppes pour la publicité. Selon Linda Lauzon, placer de la publicité dans les journaux locaux permet de contribuer à l’information locale, de rejoindre le public directement et d’éviter la publicité «stérile».

«La vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire dépend notamment de leur accès à des médias communautaires de qualité», écrit Raymond Théberge. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

«Souvent, ces médias-là vont prendre la nouvelle, par exemple la publicité pour un nouveau programme, et ils vont faire une couverture journalistique pour mieux informer les gens sur ce qui est disponible pour ce programme-là aux gens de la région, de la localité donnée», donne-t-elle comme exemple.

Dans le cas des médias de langue officielle en situation minoritaire, c’est une façon pour le fédéral de respecter ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles (LLO) modernisée, ajoute Linda Lauzon.

La Partie VII de cette Loi oblige les institutions fédérales à mettre en œuvre des «mesures positives», comme «appuyer la création et la diffusion d’information en français qui contribue à l’avancement des savoirs scientifiques dans toute discipline».

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Plaintes auprès du commissariat aux langues officielles

Le dossier n’est pas nouveau : entre 1998 et 2001, au Commissariat aux langues officielles (CLO), 810 plaintes recevables mettaient en cause des publicités qui n’avaient pas été placées dans les journaux francophones en situation minoritaire, selon une étude.

En 2017, le CLO a produit un rapport d’enquête en réponse à des plaintes concernant la diminution de l’achat publicitaire du gouvernement du Canada dans les médias traditionnels des CLOSM au profit d’Internet.

Le CLO expliquait alors qu’un virage Internet avait lieu, ce qui réduisait la part de l’assiette publicitaire des médias communautaires, mais que les exigences de la LLO demeuraient nonobstant.

Sans se prononcer sur la décision d’Ottawa de recommencer d’acheter de la publicité chez Meta, le Commissaire aux langues officielles Raymond Théberge écrit par courriel qu’il est important que les besoins des médias communautaires soient pris en compte.

«Pour assurer la vitalité d’une communauté, il faut que la langue de la minorité linguistique y soit visible, entendue et accessible, écrit-il. Or, les médias communautaires sont précisément des outils de communication qui font en sorte que cette langue soit visible, entendue et accessible.»