le Mercredi 10 septembre 2025

Une étude de Santé Canada publiée en début d’année met en évidence un déficit actuel de près de 23 000 médecins de famille pour répondre aux besoins dans toutes les régions du pays.

Selon la présidente du Collège des médecins de famille du Canada (CMFC), la Dre Carrie Bernard, cette situation est encore plus critique pour les francophones en milieu minoritaire.

L’un des principaux défis réside dans la dispersion de ces communautés, souvent établies en milieu rural ou dans des régions éloignées. «Si vous êtes francophone et que vous vivez dans ces zones, les difficultés d’accès aux soins sont multipliées», souligne la médecin.

Un constat partagé par le directeur général de la Société Santé en français (SSF), Antoine Désilets : «Un francophone a nettement moins de chances de trouver un médecin qui parle sa langue qu’un anglophone. Ce jumelage repose plus sur la chance que sur une véritable organisation des services de santé.»

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Des conséquences médicales 

Cette difficulté d’accès à des soins dans sa langue a des répercussions directes sur leur qualité. Selon la Dre Carrie Bernard, des recherches menées par des chercheurs de l’Université Laurentienne de Sudbury, en Ontario, montrent que les résultats médicaux sont moins efficaces lorsque la langue du patient et celle du médecin ne correspondent pas.

Antoine Désilets note que de tomber sur un professionnel de la santé francophone relève plus de la chance que d’une planification. 

Photo : Courtoisie

«Une mauvaise communication peut entrainer des erreurs de diagnostic et des traitements inappropriés», explique-t-elle.

Au-delà des risques médicaux, l’absence d’un médecin parlant la langue du patient nuit à la relation de confiance, essentielle pour un suivi efficace. «Quand un patient ne peut pas s’exprimer dans sa langue maternelle avec son médecin, il est plus difficile d’établir une relation de confiance», ajoute la médecin.

Elle constate que face à cette situation, de nombreux patients sont laissés à eux-mêmes pour trouver des réponses à leurs questions.

«Environ 6,5 millions de Canadiens n’ont pas de prestataires de soins primaires et se tournent vers Internet pour trouver des solutions à leurs problèmes de santé», rappelle la présidente de l’Association médicale canadienne (AMC), Dre Joss Reimer. Ils risquent ainsi d’être exposés à des informations trompeuses ou erronées.

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Manque de diplômés

D’après le rapport sur l’effectif en santé au Canada, le pays ne forme qu’environ 1500 nouveaux médecins par an. Un nombre bien inférieur aux besoins pour combler le manque rapidement.

Et pour les francophones encore, l’accès à une formation en médecine est plus limité.

Actuellement, peu d’institutions offrent un programme de médecine entièrement en français hors Québec. Seulement l’Université d’Ottawa et le Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick – un campus de l’Université de Sherbrooke à Moncton – en ont un.

Santé Canada confirme à Francopresse qu’un plan de formation mis en place en 2023 prévoit, sur 5 ans, 25 nouvelles places en médecine au Nouveau-Brunswick, 10 en Nouvelle-Écosse et 40 à l’Université d’Ottawa, dans le cadre d’une initiative de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC)-Consortium national de formation en santé (CNFS).

«Ces places en médecine s’ajoutent à celles déjà financées par les provinces en question et ces médecins sont, pour la plupart, bilingues (français et anglais)», précise Santé Canada.

Dre Carrie Bernard rappelle que les finissants en médecines ont tendance à s’installer près de leur lieu d’étude. 

Photo : Courtoisie

Cependant, ces initiatives restent insuffisantes pour combler les besoins. «Ce manque de diversité géographique est problématique, car les médecins s’installent souvent là où ils ont étudié. Il est crucial que d’autres provinces développent des formations en médecine francophone», commente Dre Carrie Bernard.

Elle souligne également que l’École de médecine du Nord de l’Ontario (NOSM), à Sudbury, tente de répondre à ce défi en offrant, depuis 2022, un programme de 4 ans spécifiquement dédié aux francophones, avec une priorité d’admission et un apprentissage progressif en français.

«Toutefois, des défis persistent. L’école possède deux campus. À Sudbury, où la communauté francophone est bien implantée. À Thunder Bay, où les francophones sont moins nombreux, une immersion dans un environnement médical francophone est plus difficile», décrit-elle.

Par ailleurs, le système de santé n’est pas adapté aux besoins des francophones et pénalise aussi les professionnels.

«Dans certaines cliniques, un seul médecin francophone prend en charge tous les patients parlant français. Il doit aussi rédiger ses dossiers en anglais pour que ses collègues puissent les consulter. Cela alourdit considérablement leur charge de travail et génère une grande frustration», déplore la Dre Carrie Bernard.

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Médecins francophones hors du Québec : où sont-ils?

Certaines autorités médicales, comme les collèges des médecins et chirurgiens de l’Alberta, de la Nouvelle-Écosse et de l’Ontario, proposent des outils de recherche en ligne permettant d’identifier les médecins qui parlent français. Cependant, cette solution reste imparfaite.

«L’exactitude de ces informations n’est pas toujours vérifiée. Certains médecins indiquent parler français, mais ne maitrisent que quelques mots», nuance la Dre Carrie Bernard.

Dans un rapport, Statistique Canada fait écho aux propos de la présidente de la CMFC. «Environ 60 % des omnipraticiens/omnipraticiennes et médecins en médecine familiale et des travailleurs sociaux/travailleuses sociales [du Nouveau-Brunswick] connaissaient le français. Cependant, une connaissance de la langue suffisante pour soutenir une conversation n’est pas équivalente à l’aisance requise pour prodiguer des services professionnels dans cette langue.»

Pour ce qui est de la proportion des médecins francophones, selon les données du recensement de 2021 de Statistique Canada, il y avait 1720 omnipraticiens/omnipraticiennes et médecins en médecine familiale «ayant le français comme première langue officielle parlée» dans l’ensemble du Canada, sans le Québec. Soit 200 de plus qu’en 2016.

La grande majorité se trouve en Ontario (825) et au Nouveau-Brunswick (490). Les autres provinces et territoires en partagent 385.

Le dernier pape français a été élu à une époque très perturbée de l’Église catholique, lors de laquelle deux papautés se disputaient la légitimité de la succession de saint Pierre.

Cette période a été nommée le «grand schisme d’Occident», en référence à une autre rupture, permanente celle-là, soit celle du «grand schisme d’Orient», en 1054, qui a vu la séparation de l’Église catholique romaine et de l’Église orthodoxe grecque.

Pour bien comprendre le schisme d’Occident, il faut explorer la période qui l’a précédée, soit la papauté d’Avignon, une autre période très particulière de l’Église, lors de laquelle les papes étaient français et le siège du pouvoir pontifical n’était plus à Rome, mais dans le sud de la France.

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Entre Rome et Avignon

Sept papes français vont se succéder entre 1305 et 1378. Le premier de cette lignée, Clément V, arrive après des années de conflits acerbes entre le roi de France Philippe le Bel et le pape Boniface VIII.

Clément VII, premier des antipapes d’Avignon. 

Photo : Wikimedia Commons, partage dans les mêmes conditions, 4,0 international

Clément V refuse de gagner Rome, où règne le chaos. Il tient une cour itinérante dans le sud de la France pendant tout son pontificat. Son successeur, Jean XXII, est celui qui installe le siège de la papauté à Avignon.

Les sept prélats français qui se succèderont à Avignon sont des papes légitimes, mais qui dirigent l’Église catholique depuis la France au lieu de Rome. Au fil des pontificats, un véritable palais sera érigé, agrandi et fortifié à Avignon.

Le sixième de ces papes, Urbain V, décide de ramener la papauté à Rome, mais une reprise des conflits avec la France le pousse à revenir à Avignon.

Son successeur, Grégoire XI, dernier pape français, choisit lui aussi de retourner à la Ville éternelle pour diriger l’Église catholique, malgré l’opposition du roi de France et de la majorité des cardinaux. Mais ce retour ne sera pas heureux, et Grégoire XI prendra la décision de regagner Avignon. Il mourra cependant avant même de quitter la Ville éternelle.

À sa mort, en 1378, l’élection d’un premier pape italien depuis 75 ans, Urbain VI, irrite au plus haut point les cardinaux français, qui ont grandi en nombre et en influence pendant la papauté d’Avignon. Ils élisent la même année un autre pape, le Français Clément VII.

De un à deux

Le schisme d’Occident débute. Pendant les 40 années qui suivent, il y aura donc deux papes à la fois – un à Avignon et un à Rome –, qui s’excommunieront mutuellement.

Grégoire XI, né Pierre Roger de Beaufort, couronné par l’archevêque de Lyon, Guy de Boulogne. C’est le dernier Français à avoir été pape. 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Les papes siégeant à Avignon pendant cette période seront considérés par l’Église comme des «antipapes».

À cette rupture au sein de l’Église catholique s’ajoute une division de toute l’Europe de l’Ouest. Dans le camp d’Avignon se trouvent évidemment la France et le royaume de Naples, soit le sud de l’Italie actuelle, sur lequel règnent des Français, ainsi que la Castille, l’Écosse, la Lorraine, l’Autriche et le Luxembourg.

Les papes de Rome peuvent quant à eux compter sur les royaumes de l’Italie du Nord, de Hongrie, de Pologne, d’Angleterre et des Flandres.

Le premier antipape à Avignon, Clément VII, tente en vain de renverser son rival à Rome, Urbain VI. Quand ce dernier meurt en 1389, ses cardinaux élisent un nouveau pape qui siège à Rome.

Cinq ans plus tard, en 1394, c’est au tour de Clément VII de rendre l’âme. Lui succède Pedro de Luna, né au royaume d’Aragon, qui prend le nom de Benoît XIII.

Celui-ci promet de mettre fin au schisme et même de renoncer à la papauté pour y arriver, mais il persiste à rester en poste. Il se met à dos la France et ses alliés. Assiégé, il quitte Avignon en mars 1403 pour regagner sa patrie.

De deux à trois

La situation en reste là jusqu’à ce qu’un important groupe de cardinaux, souhaitant ramener la paix dans l’Église, se rencontrent à Pise pour un concile, en 1409.

Après une quarantaine d’années de luttes à l’intérieur de l’Église catholique, l’élection de Martin V en 1417 met fin au grand schisme d’Occident. Portrait présumé de ce pape réunificateur. 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Cette assemblée «démet» les papes de Rome et d’Avignon et élit un nouveau pape, Alexandre V. Mais les deux autres pontifes refusent de renoncer à la tiare. On se retrouve donc avec trois papes. Jamais deux sans trois, dit le dicton.

Alexandre V lève des troupes pour s’emparer de Rome et chasser le pape déchu. Il y parvient en 1410, mais préfère s’installer à Bologne, où il meurt.

Il est suivi par Jean XXIII, que l’on soupçonne d’avoir fait empoisonner son prédécesseur. Ces deux pontifes seront appelés «papes de Pise» et seront également considérés comme des antipapes.

Alors que l’Église semble courir à sa perte, l’empereur romain germanique Sigismond 1er prend les choses en main. Il se substitue au Sacré Collège et convoque un concile à Constance, dans l’Allemagne actuelle, qui s’amorce en 1414 et qui durera quatre ans.

Les actions sont cependant rapides et décisives. Proclamant sa supériorité au pape, le concile décide de la destitution du pape de Rome et des deux antipapes d’Avignon et de Pise.

Au printemps 1415, les trois papes en poste vont tous s’écarter. Jean XXIII, pape de Pise, sent arriver la fin forcée de son pontificat et tente de fuir, mais il est arrêté et déposé.

À peu près au même moment, le pape de Rome Grégoire XII est forcé de démissionner.

Sigismond 1er envoie ses troupes en Aragon pour écraser les partisans de Benoît XIII, qui finalement décide de renoncer à son rôle.

À l’automne de 1417, le concile de Constance nomme Oddone Colonna seul pape.

Et de trois à un

L’arrivée de Martin V met fin au schisme, à une exception près. Les antipapes d’Avignon et de Pise ne figureront pas dans la liste formelle de succession de l’évêque de Rome. D’autres papes adopteront leur nom, comme ce fut le cas de Jean XXIII à la fin des années 1950.

Comme si ces antipapes n’avaient jamais existé…

Daniel Robichaud, secrétaire de la Société Vieille Maison, un groupe sans but lucratif dédié à la protection de ce lieu patrimonial acadien à Meteghan, en Nouvelle-Écosse, rêve que la Maison devienne officiellement un musée, afin de faciliter l’accès au financement. Le pépin : elle ne répond pas encore à tous les critères pour obtenir l’accréditation de l’Association des musées de la Nouvelle-Écosse. «Présentement, il n’y a même pas de toilettes à la bâtisse.»

«La vision pour l’avenir, c’est d’être rendu un musée de l’Association qui recevrait un financement pluriannuel pour des opérations qui nous permettraient au moins d’[embaucher] une, deux ou trois personnes pendant l’été», décrit Daniel Robichaud. 

Photo : Courtoisie Société Vieille Maison Association

À quelques kilomètres au sud se trouve le Musée des Acadiens des Pubnicos. Sa directrice générale, Bernice d’Entremont, aimerait bien installer un ascenseur ou une chaise montante pour permettre aux visiteurs plus âgés de se rendre au deuxième étage, où repose une mine d’or généalogique : le Centre de Recherche Père Clarence-J. d’Entremont.

«Ça fait dix ans qu’on travaille [ce dossier], mais mettre un ascenseur, c’est très cher, explique la directrice, qui compose avec un budget annuel d’environ 125 000 dollars. On n’a pas encore trouvé une manière de le financer.»

«Il faut certainement faire beaucoup de prélèvements de fonds», dit-elle, en pleine organisation d’un thé de la fête des Mères lors duquel seront vendus des teeshirts. «C’est toujours difficile. C’est ça la vie d’un petit musée.»

À lire : Musées : ça prend un village… et de l’argent

Manque de financement stable

La présidente de la Yukon Historical & Museums Association, Sylvie Binette, décrit un «cercle vicieux» : le manque de financement en contraint plusieurs à fermer l’hiver, diminuant ainsi le revenu annuel. «Il y a besoin de vraiment réévaluer comment on finance les musées. Les musées, c’est l’identité de ton peuple.»

En Nouvelle-Écosse, La Vieille Maison porte bien son nom : c’est l’ainée du genre. Datant de 1796, elle est considérée comme l’exemple le mieux préservé d’une habitation acadienne postexil au Canada. Ouverte au public 20 jours par année, elle a besoin d’amour et, plus concrètement, de prévisibilité.

«Notre plus grosse dépense, pour une maison verrouillée les trois quarts de l’année, ce sont les assurances», explique Daniel Robichaud. Pour des rénovations, La Vieille Maison a obtenu du financement public, mais seulement «par projet». «Il manque un financement stable, [pluriannuel]. Les musées et les bâtiments historiques, ce sont des grosses structures, mais [on reçoit] des bulles de financement.»

Les rénovations ont d’ailleurs été entièrement menées par des bénévoles, souligne M. Robichaud.

À lire : Les efforts se poursuivent pour sauver La Vieille Maison (Le Courrier de la Nouvelle-Écosse)

Des bénévoles épuisés

La Vieille Maison a déjà été un musée, de 1958 à 2001, avant d’être abandonnée pendant une vingtaine d’années par ses propriétaires américains. «Ça s’est détérioré très rapidement, raconte Daniel Robichaud. Les travaux qu’on a faits étaient pour stabiliser le bâtiment. On commence tout juste à mettre les doigts sur la collection [d’antiquités] qui va à l’intérieur.»

Le Musée des Acadiens des Pubnicos, en Nouvelle-Écosse, s’est doté de panneaux solaires, ce qui permet à l’établissement de faire des économies d’électricité, explique Bernice d’Entremont. 

Photo : Courtoisie Musée des Acadiens des Pubnicos et centre de recherche

Son abandon était dû à une raison particulière : «l’épuisement des bénévoles», relate M. Robichaud. La maison a éventuellement été sauvée par lui et ses collègues, mais tous les musées n’auront peut-être pas cette chance.

Le gestionnaire principal de la défense des intérêts de l’Association des musées canadiens (AMC), Dnyanesh Kamat, confirme que l’épuisement professionnel prend de l’ampleur dans le monde muséal. Les plus petits musées sont «très dépendants de bénévoles», dit-il. «Ça rend le secteur très vulnérable.»

Plus de 560 musées au Canada dépendent entièrement de bénévoles, selon Statistique Canada. Cela est directement lié à la situation financière de nombreux petits musées, qui n’ont pas les moyens d’embaucher.

À l’Écomusée de Hearst, en Ontario, le financement reste un «défi évident», confirme la présidente, Mélissa Vernier. Une subvention annuelle de la Ville permet de chauffer et d’assurer la maison centenaire. «Mais avec [l’inflation], ces subventions deviennent insuffisantes.»

Grâce à un programme fédéral, le musée peut recruter des étudiants l’été. Le reste de l’année, il dépend entièrement de bénévoles. «On aimerait embaucher quelqu’un, au moins à temps partiel, pour assurer que le musée soit ouvert plus longtemps. On pourrait assurer davantage de visites scolaires, par exemple», explique Mme Vernier.

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Risques de fermeture

«Certains musées et galeries communautaires ont déjà fermé leurs portes ou sont à risque de le faire dans les trois prochaines années», lit-on dans un document signé par une demi-douzaine de représentants de musées et de galeries du Canada (dont l’AMC) et conçu en février dernier. Envoyé au Parti libéral du Canada, à plusieurs acteurs culturels dans le pays et à différents paliers de gouvernement. Francopresse en a obtenu copie.

Selon Dnyanesh Kamat, les gouvernements doivent se rappeler du rôle social et historique que jouent les musées, en particulier les musées communautaires : «Je m’inquiète du fait qu’on ne semble pas être sensibilisés aux petits musées.» 

Photo : Courtoisie

Titré «Le Canada a besoin de musées et de galeries communautaires : maintenant plus que jamais» [traduction libre], on y stipule que «les musées et galeries communautaires ont été négligés bien trop longtemps».

«Avec un modèle de financement modernisé et une politique nationale des musées révisée, ils peuvent devenir plus durables, tout en renforçant l’identité, la culture, la diversité, les valeurs et la souveraineté du Canada», rapportent les représentants du milieu.

«J’espère que l’on n’atteindra pas un point de non-retour», s’inquiète Dnyanesh Kamat de l’AMC. «Il ne s’agit pas seulement de la fermeture d’une institution, ce sont les mémoires collectives.»

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Le travail dans l’ombre

«Un musée n’est jamais rentable. C’est plus un service que tu offres à la population», laisse tomber le seul employé du Musée acadien de Caraquet, au Nouveau-Brunswick, à y être six mois par année, Sylvain Lanteigne.

L’été, l’établissement dépend de divers programmes gouvernementaux pour embaucher des étudiants.

Grâce aux subventions municipales, surtout, le musée réussit à boucler ses fins de mois. C’est aussi grâce à M. Lanteigne : «Je suis directeur, je m’occupe des emplois l’été, du bon fonctionnement du musée, la collection, l’inventaire, cataloguer et numériser, les rapports qu’on envoie à la province. […] C’est un travail qui se fait beaucoup dans l’ombre.»

Sylvain Lanteigne aimerait éventuellement agrandir le musée pour mieux accommoder la collection grandissante d’objets historiques acadiens, un projet impossible pour le moment. «Présentement, j’accepte seulement les petits objets, indique-t-il. Il faut rationaliser pour prendre moins d’espace.»

Recrutement, rétention, relève

«Le plus dur» au Yukon, selon Sylvie Binette, c’est le recrutement et la rétention du personnel.

L’Écomusée de Hearst, en Ontario, est installé de façon permanente dans la maison patrimoniale Blais, un don de la Ville. «C’est comme ça qu’on a pu installer une collection plus permanente, avoir des activités un petit peu plus régulières», explique Mélissa Vernier. 

Photo : Écomusée de Hearst et de la région

«Un directeur exécutif payé 21 dollars de l’heure cinq mois par année, c’est pas évident de trouver quelqu’un qui a des qualifications [et qui veut faire ça]. Parce que les gens sont sous-payés par rapport aux responsabilités qu’ils ont, ça n’attire pas les gens qui ont complété des études dans le domaine muséal, en plus de la question du logement.»

En Nouvelle-Écosse, la pratique du tapis hooké cherche sa relève, et le Musée du tapis hooké aussi.

«On pense à la retraite, et on pense à qui sont les plus jeunes qui vont vouloir travailler dans la généalogie, assurer que notre musée va rester ouvert, répondre aux exigences pour nous assurer que nos archives sont protégées de l’humidité, de la clarté naturelle», raconte la directrice générale de la Société Saint-Pierre de Chéticamp, où se trouve l’établissement, Lisette Aucoin-Bourgeois.

«Il faut être passionné, reconnait-elle. Parfois, on s’inquiète.»

À lire aussi : Des tapis hookés de Chéticamp seront présentés à Hubbards dès le mois de mai (Le Courrier de la Nouvelle-Écosse)

Le ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes, également responsable des Langues officielles, Steven Guilbeault, a moins évoqué les Langues officielles que sa réticence envers la construction d’une nouvelle infrastructure pour transporter le gaz, ce que souhaite toutefois son chef.

Inès Lombardo – Francopresse

FRANCOPHONIE

Le premier ministre Mark Carney a dévoilé le nom de ses 28 ministres mardi. Steven Guilbeault occupe le poste de ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes et ministre responsable des Langues officielles. Ce dernier titre n’avait pas été attribué lorsque le premier ministre avait créé son premier cabinet en mars, même si les langues officielles faisaient partie de ses responsabilités.

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Calmer le jeu : Cette omission avait été critiquée par les organismes francophones du Canada, qui saluent cette semaine la reconnaissance des Langues officielles.

Sans un communiqué, la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), Liane Roy, dit avoir l’impression que les francophones «ont été entendus», rappelant par la même occasion qu’ils attendent toujours «que le gouvernement définisse les règles d’application de la nouvelle Loi sur les langues officielles, modernisée il y a deux ans à peine».

Le Réseau de développement économique et d’employabilité du Canada (RDÉE) soulève de son côté dans un communiqué que le nouveau gouvernement a «l’opportunité de tracer une voie qui reconnait et intègre pleinement la contribution des communautés francophones et acadienne en situation minoritaire à la vitalité économique du pays».

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Pierre Poilievre a montré de son côté une ouverture à travailler avec le gouvernement Carney, notamment sur les affaires étrangères – et en particulier les États-Unis – et l’industrie.

CANADA

La Première Nation de Pikangikum poursuit le gouvernement fédéral pour des décennies de négligence concernant ses infrastructures d’eau et d’eaux usées.

Située à plus de 500 km de Thunder Bay, en Ontario, la communauté réclame 2 milliards de dollars en dommages et 200 millions en aide d’urgence pour réparer son usine de traitement de l’eau.

L’enjeu : Elle accuse Ottawa d’avoir violé ses droits constitutionnels, ceux garantis par la Charte canadienne des droits et libertés et par des traités, en ne lui assurant pas un accès adéquat à l’eau potable et aux services essentiels.

En conférence de presse lundi, la cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations, Cindy Woodhouse Nepinak, a demandé que l’accès à l’eau potable pour les Premières Nations soit l’une des priorités du gouvernement canadien.

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Le gouvernement Carney a déjà mis sur la table sa priorité législative pour le retour du Parlement, prévu le 26 mai : réduire le taux d’imposition de 15 % à 14 % pour la première tranche de revenu des particuliers, à compter du 1er juillet 2025.

Au Canada, le taux d’imposition change en fonction de la tranche des revenus. Le premier palier correspond à des revenus de 57 375 $ ou moins.

Le premier ministre Carney a déjà mis sur la table la première disposition législative qu’il veut faire passer lors de la reprise du Parlement, fin mai : l’allègement du taux d’imposition pour la première tranche de revenus.

Photos : Inès Lombardo – Francopresse

Selon le gouvernement libéral, cette mesure se traduirait par des économies d’impôt de plus de 27 milliards de dollars sur 5 ans pour 22 millions de personnes au Canada, dès 2025-2026.

Par contre, Pierre Poilievre a critiqué, en conférence de presse jeudi, la décision des libéraux de ne pas présenter de budget avant l’été et propose une collaboration avec tous les chefs de parti pour établir le budget.

Yves-François Blanchet a partagé cette déception, dénonçant un cadre financier «irréaliste» et un «manque de transparence» sur les dépenses prévues.

Le Bloc québécois veut contester le résultat du vote dans la circonscription de Terrebonne «le plus rapidement possible». Ils déposeront une demande devant la Cour supérieure du Québec.

Prise 2 : Le chef du parti, Yves-François Blanchet, en a fait l’annonce jeudi : «L’institution Élections Canada n’a pas juridiction pour commander eux-mêmes une reprise de l’élection, mais ils ont admis l’erreur évoquée par la citoyenne. À la lumière de quoi, très évidemment, nous allons initier une procédure pour demander à la Cour d’ordonner la reprise du scrutin dans la circonscription de ce tribunal.»

Il n’a pas fermé la porte sur la question de savoir si l’incident dans Terrebonne influençait la position du Bloc sur une réforme du mode de scrutin au Canada : «Je ne veux pas que ce qui s’est passé exacerbe une situation précise, historique et sans précédent pour dire [qu’] il faut révolutionner l’ensemble du système. Je ne dis pas que cette réflexion-là ne doit pas avoir lieu. Je dis que ce n’est pas l’objet de ce que j’annonce aujourd’hui.»

La candidate du Bloc, Nathalie Sinclair Desgagné, avait été donnée gagnante, mais la semaine dernière, son adversaire libérale, Tatiana Auguste, a finalement ravi le siège par un seul vote lors d’un recomptage judiciaire.

Une électrice qui déclare avoir voté pour le Bloc a signalé que son vote par la poste n’a pas été comptabilisé parce que l’enveloppe, fournie par Élections Canada, n’avait pas la bonne adresse. Élections Canada a reconnu «une erreur» par communiqué de presse mercredi.

Très serré : Les libéraux comptent désormais 170 sièges, à deux de la majorité, et les bloquistes 22, au lieu des 23 annoncés le soir de l’élection.

Élections Canada recense trois autres dépouillements judiciaires : deux en Ontario et un à Terre-Neuve-et-Labrador.

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Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, veut contester le vote «irrégulier» dans la circonscription de Terrebonne, où la candidate du parti (à sa droite), Nathalie Sinclair-Desgagné a été déclarée perdante à une voix près.

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Mardi, la mêlée de presse précédant le premier conseil des ministres a permis à Steven Guilbeault – ancien ministre de l’Environnement – de rappeler qu’il n’est pas en faveur de la construction de nouveaux pipelines.

«On a déjà une infrastructure existante au Canada, qui n’est même pas utilisée à 50 % de sa capacité. Donc, avant de penser à construire une nouvelle infrastructure, maximisons l’utilisation de celle qu’on a déjà», a indiqué celui qui est désormais ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes et ministre responsable des Langues officielles.

Le hic : Son chef, Mark Carney, a toutefois affirmé pendant la campagne qu’il était en faveur de la construction de nouveaux pipelines, à l’instar du chef conservateur Pierre Poilievre.

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Buckley Bélanger, secrétaire d’État au Développement rural, a renvoyé l’approbation d’un éventuel pipeline aux provinces, tandis que Nathalie Provost, secrétaire d’État à la Nature, a ouvert la porte au sujet, en assurant qu’il fallait penser «à plusieurs aspects».

La nouvelle ministre des Affaires étrangères du Canada, Anita Anand, a durci le ton contre le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, lors du premier conseil des ministres, mardi.

«Nous ne permettrons pas que la nourriture continue d’être utilisée comme un outil politique», a-t-elle fait valoir devant les journalistes parlementaires. «Le premier ministre [Mark Carney NDLR] a été très clair à ce sujet : plus de 50 000 personnes sont mortes à la suite de l’agression contre les Palestiniens […] et l’utilisation de la nourriture comme outil politique est tout simplement inacceptable. Nous devons veiller à ce qu’il y ait une solution à deux États et le Canada continuera à maintenir cette position.»

Manifestation : Le Conseil national des musulmans canadiens était sur la Colline le 15 mai, jour qui marque le jour de l’exode des Palestiniens en 1948, pour proposer au gouvernement le projet de loi surnommé «Nakba», qui vise à faire en sorte que le Canada défende les droits de la personne et à l’autodétermination du peuple palestinien.

Ils demandent que le Canada reconnaisse, entre autres, l’État de Palestine.

«La destruction entrainerait une perte irrémédiable en termes d’histoire. Ce bâtiment a une valeur patrimoniale unique qui dépasse les frontières canadiennes», souligne le président du Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) Canada, Mathieu Dormaels.

L’église Sainte-Marie a été imaginée par l’architecte français Arthur Regnault, connu pour avoir conçu plusieurs châteaux dans la vallée de la Loire, en France, mais aussi l’église Saint-Cœur-de-Marie à Québec. 

Photo : Musée église Sainte-Marie

Il évoque l’«exceptionnalité» du style architectural de l’édifice Sainte-Marie, de sa taille et des matériaux utilisés pour sa construction : «Il n’existe qu’un seul exemplaire de cette dimension au niveau international.»

À la fin de l’automne 2024, l’archidiocèse d’Halifax-Yarmouth a soumis une demande de retrait de l’église de la liste des biens patrimoniaux enregistrés de la Nouvelle-Écosse, afin d’entamer des travaux de démolition. ICOMOS a été averti de la situation par la communauté locale à ce moment-là.

Mathieu Dormaels parle d’un monument acadien emblématique, ayant une «valeur culturelle et sociale» incomparable.

À lire : Un groupe local se mobilise pour sauver un monument acadien emblématique d’une démolition immédiate (Le Courrier de la Nouvelle-Écosse)

Un long combat

La bataille pour l’église Sainte-Marie ne date pas d’hier. Dès 2013, une première société de préservation voit le jour et cherche à récolter les 8 à 10 millions de dollars nécessaires pour restaurer l’édifice.

En septembre 2023, la société de préservation met finalement fin à ses discussions avec l’archidiocèse d’Halifax-Yarmouth, qui repoussait la démolition en attendant qu’une solution émerge. En février 2024, la mise en vente de l’église n’attire aucun acheteur.

En octobre de la même année, après que les inspecteurs de la municipalité de Clare jugent que l’état de la structure la rend dangereuse, l’archidiocèse décide d’entreprendre des démarches en vue de la démolir.

En janvier 2025, un groupe de citoyens décide de créer l’Association Sainte-Marie héritage et développement pour éviter le pire.

«Un positionnement assez fort»

La coinstigatrice et coprésidente de l’Association Sainte-Marie héritage et développement, Stéphanie St-Pierre, salue la décision d’ICOMOS, qu’elle qualifie de «très bonne nouvelle, réfléchie et étudiée» : «Ça attire l’attention, ça met de la pression sur nos décideurs publics, sur nos gouvernements.»

C’est un positionnement assez fort, de dernier recours. Mais il ne s’agit pas de désigner un coupable. L’objectif est de favoriser une prise de conscience des acteurs locaux, nationaux et internationaux, toujours sous l’angle de la collaboration.

— Mathieu Dormaels

Aux yeux de Stéphanie St-Pierre, l’église Sainte-Marie constitue un cas unique de mélange architectural. Pensé initialement par l’architecte français Arthur Regnault pour une structure en pierres, son plan a été revu pour répondre aux exigences d’un édifice en bois, la spécialité des Acadiens.

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ICOMOS, qu’est-ce que c’est?

ICOMOS, le Conseil international des monuments et des sites, est une organisation non gouvernementale qui œuvre à la conservation et à la protection des sites du patrimoine culturel dans le monde entier. Il regroupe plus de 12 000 experts à travers la planète et 175 au Canada. Son secrétariat général est basé à Paris.

«Valeur culturelle universelle»

«Cette conversion-là […] a mené à plusieurs aspects super ingénieux à l’intérieur de l’édifice, explique Stéphanie St-Pierre. Il y a des architectes et des gens qui enseignent le design dans les universités qui l’utilisent comme un cas d’espèce d’une méthode hybride pour la transformation d’un plan architectural.»

«On espère que ça va nous permettre d’aller chercher un appui de la part des décideurs publics et des différents paliers gouvernementaux», partage Stéphanie St-Pierre à propos de l’alerte patrimoniale déclenchée par ICOMOS pour l’église Sainte-Marie. 

Photo : Vanessa Wilson

Selon les recherches de l’Association, il s’agit également de la plus grande structure en bois d’Amérique du Nord.

«Ce monument se distingue non seulement par sa structure imposante, mais aussi par son incarnation de l’identité, de la résilience et du savoir-faire acadiens, ajoute l’architecte conservatrice et membre de l’Association, Rosa Milito. Il fusionne les traditions de conception ecclésiastique françaises avec l’artisanat local enraciné dans l’héritage de la construction navale.»

Elle estime également que la «reconnaissance internationale» d’ICOMOS apporte à l’église «une visibilité et une crédibilité mondiale». «Ça montre sa valeur culturelle universelle. Ça nous permet d’intensifier les conversations avec les bailleurs de fonds et ouvre la voie à de nouveaux partenariats.»

Dans le cadre de l’alerte internationale, ICOMOS a d’ores et déjà envoyé des lettres à l’ensemble des acteurs impliqués. L’organisation leur a soumis des propositions et offert son expertise sur la manière de préserver et rénover le bien.

«On reste là pour les accompagner dans la gestion de l’après, trouver des solutions et donner un nouvel usage à l’église qui couvrira les frais d’entretien et de réparation», assure Mathieu Dormaels.

L’Association a aussi lancé une pétition pour demander aux gouvernements d’investir dans la protection de l’édifice.

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«Un catalyseur pour le tourisme durable»

Du côté de l’Association, si l’objectif premier est de rendre la démolition de l’église «quasi impossible», la réflexion pour sa remise en valeur a déjà commencé, rapporte Stéphanie St-Pierre.

On veut que ça puisse devenir un point de rassemblement important pour l’Acadie de la Nouvelle-Écosse. On y voit un potentiel énorme […] On parle souvent de musée, mais nous, on voit aussi ça comme étant une destination patrimoniale où les gens vont pouvoir en apprendre davantage sur les Acadiens qui sont revenus en Nouvelle-Écosse après la déportation.

— Stéphanie St-Pierre

L’architecte Rosa Milito souhaite que l’église Sainte-Marie soit incluse dans la Liste indicative des sites du patrimoine mondial au Canada en vue d’être désignée un jour au patrimoine mondial de l’UNESCO. 

Photo : Courtoisie

Que l’église devienne un lieu culturel, un centre d’interprétation ou un espace communautaire, Rosa Milito y voit avant tout «un catalyseur pour le tourisme durable, l’éducation au patrimoine et la revitalisation régionale, tout en honorant les racines historiques acadiennes».

Pour l’heure, en dépit des discussions, Stéphanie St-Pierre ne sait pas où en sont les démarches de l’archidiocèse sur le statut de l’église.

«Le discours a un peu changé. Au lieu de dire : “La démolition va avoir lieu cet été”, c’est devenu  : “La démolition va avoir lieu aussi tôt que possible.” Donc ça peut vouloir dire qu’ils attendent de voir si on a du succès.»

La personne responsable du dossier au sein de l’archidiocèse n’étant pas disponible pour une entrevue avant publication, une porte-parole a simplement confirmé que des discussions avec l’Association sont en cours, dans l’attente d’étudier leurs plans.

Stéphanie St-Pierre confirme que l’Association espère pouvoir présenter ses plans au début du mois de juin, mais qu’une rencontre publique aura lieu avant.

Justin Labelle est doctorant en anthropologie linguistique à l’Université de Montréal. Il s’intéresse aux vestiges des tensions entre, d’une part, les francophones en situation minoritaire de l’Ouest canadien et de l’Ontario et, de l’autre, les francophones du Québec. Un ressentiment qui trouve ses origines dans l’histoire.

Pendant les États généraux du Canada français tenus entre 1966 et 1969, dans les Accords de Charlottetown et du lac Meech, et lors des référendums sur la souveraineté du Québec, entre autres, «les autres francophones ont été cachés, mis dans les marges, encore plus qu’ils ne l’étaient déjà», explique Justin Labelle, en entrevue avec Francopresse.

Des sentiments de rejet et d’abandon ont ainsi nourri une expression bien connue : le «maudit Québécois».

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Francopresse : C’est quoi le «maudit Québécois»?

Justin Labelle : C’est basé sur un stéréotype. Une personne hyper centrée sur elle-même qui ne veut pas entendre parler des autres, qui n’a même pas conscience que les autres existent. Je présente parfois dans mes résultats trois types du «maudit Québécois».

Le premier, c’est celui qui reste au Québec, super nationaliste, qui ne veut même pas entendre qu’il y a d’autres francophones ailleurs. […] Le deuxième est un peu plus ouvert. Il va aller sur les lieux, quitte le Québec et visite le Canada, [mais ne comprend pas pourquoi il y a des francophones là-bas].

J’ai une anecdote pour le type deux : j’étais au Café postal à Winnipeg, où ça se déroule en français. Une Québécoise est entrée et a dit «bonjour» pour tenter sa chance. Le barista a répondu «bonjour», et la cliente a répondu «tu parles en français? Comment ça? T’es au Manitoba. Tu fais quoi ici?» Il a répondu qu’il est né là et que sa vie se passe en français, ce à quoi la cliente a répondu «tes parents viennent d’où alors?» C’est un manque de compréhension.

Le troisième, ben c’est Denise Bombardier. C’est le puriste.

Ce qui a causé les grands conflits à cause du documentaire Denise au pays des francos, c’est qu’elle est allée voir des gens, ils lui parlaient en français, pis elle leur disait «ta francophonie est en train de mourir». […] Denise Bombardier a fait de bonnes choses, mais dans ce documentaire, on lui parle en français et, à la fin, sa conclusion c’est «la francophonie se perd».

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Quelle place occupe le discours du «maudit Québécois» aujourd’hui?

Il existe encore. Ce n’est pas quelque chose qui appartient simplement au passé, mais les francophones du Canada ont changé. Ils se rendent compte maintenant que c’est un stéréotype, pour la plupart. Ça appartient à un héritage, à la mémoire collective.

Il y a encore un petit quelque chose. La preuve : le discours du «maudit Québécois» est ressorti en réaction au documentaire Denise au pays des francos.

De plus en plus, c’est une blague. Quelqu’un à Sudbury [en Ontario] m’a dit à la blague : «C’est quoi la différence entre un Québécois et un crisse de Québécois? Le Québécois reste chez lui.»

En tant que Québécois, je n’ai pas été dérangé là-bas. Personne ne m’a mis de côté. [La relation] se passe de mieux en mieux. D’une certaine façon, parce que le Québec a fait des tentatives de rapprochement avec des affaires comme le Secrétariat du Québec aux relations canadiennes. D’une autre façon, parce que les communautés francophones en situation minoritaire ont elles-mêmes beaucoup changé.

Quelqu’un a utilisé le mot «indépendantisé», un jeu de mots avec [l’indépendantisme revendiqué au] Québec. Ils ont acquis leur souveraineté d’une certaine façon dans le Canada. Au lieu de se voir maintenant à côté ou en dessous du Québec, ils se voient pour eux-mêmes. L’idéologie du «par et pour» est très présente.

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Pourquoi avoir choisi ce sujet d’étude?

Je viens de Rouyn-Noranda [au Québec] et j’ai de la famille à Sudbury. Je me rendais compte qu’il y avait souvent des problèmes de compréhension entre les deux communautés […] pis j’entendais de plus en plus une espèce de discours… pas une haine, mais le manque de compréhension causait des conflits.

J’ai pensé à faire une étude pancanadienne, d’est en ouest. Ça aurait été un gros travail et je n’ai pas obtenu [beaucoup de financement]. J’ai fait ce voyage en char. […] Je ne suis pas allé en Acadie parce que j’ai l’impression que la francophonie en Acadie est différente. Les rapports entre francophones c’est culturel, plus que simplement linguistique.

Les territoires et la Colombie-Britannique, non seulement c’est loin, mais en regardant les statistiques […], je me suis rendu compte que le bagage culturel qui cause les conflits avec le Québec… [c’est beaucoup avec des personnes d’origine canadienne française].

Là-bas, à cause de la mondialisation et des changements de population, ce sont beaucoup des Européens et des Africains. Il y a encore des anciens Canadiens français, mais j’ai l’impression que ceux qui sont là maintenant ont moins ce bagage, cet héritage avec les Québécois.

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Vous avez passé du temps dans sept villes : Ottawa, Sudbury, Hearst, Winnipeg, Saskatoon, Regina et Edmonton. Qu’en retenez-vous?

Tout l’aspect de la résilience. […] Ils ont des beaux organismes qui existent, comme l’ACUFC [Association des collèges et universités de la francophonie canadienne]. Ça me donne envie de continuer de travailler avec eux. Il y a de belles choses qui se font.

La francophonie canadienne, ce n’est pas une [seule] chose. Ce n’est pas basé tout sur le modèle de la francophonie québécoise avec ses dictionnaires pis ses grammaires. Le mélange de l’anglais et du français, c’est ça, la francophonie canadienne.

Tous ces grands discours, toute cette belle résilience, c’est quelque chose qui a été vraiment plaisant à voir.

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Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté.

Le Commissariat aux langues officielles (CLO) confirme qu’un total de 43 plaintes ont été déposées en raison d’un manque de services en français.

L’Ontario en recense le plus grand nombre, avec 14 plaintes, suivi de 11 au Manitoba et de 5 au Québec.

Les communications du CLO indiquent que sur les 43 plaintes, «23 ont été réglées par des mesures prises par [Élections Canada] […], 19 sont sous enquête et une est en analyse avant enquête».

Le bureau du Commissaire précise par courriel à Francopresse que c’est l’indisponibilité du service en français en personne, l’absence d’offre active, ainsi que des enjeux d’affichage ou de communication écrite qui constituent les trois motifs principaux des plaintes.

Si le nombre de plaintes reçues à l’égard d’Élections Canada en 2025 a augmenté d’une dizaine par rapport à l’élection fédérale de 2021, la quantité est bien moindre que pour celle de 2019. Cette année-là, 120 plaintes avaient été recensées concernant la partie IV de la Loi sur les langues officielles, soit les services en français.

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Dépouillements judiciaires

Autre difficulté notable au lendemain de l’élection fédérale : le nombre de votes très serré dans certaines circonscriptions qui mènent à des recomptages judiciaires. Au moment d’écrire ces lignes, l’exemple de Terrebonne, une circonscription aux alentours de Montréal, au Québec, reste emblématique.

La libérale Tatiana Auguste l’a finalement remporté par une seule voix au cours de la fin de semaine du 10 mai, contre sa rivale du Bloc québécois, Nathalie Sinclair Desgagné, élue à la Chambre des Communes à Ottawa en 2021.

Un nouveau rebondissement est survenu dans les jours qui ont suivi : une électrice a signalé que son vote par la poste avait été refusé parce que l’enveloppe, fournie par Élections Canada, n’avait pas la bonne adresse. Elle dit avoir voté pour le Bloc québécois.

Le 14 mai, le Bloc a fait savoir par communiqué qu’il étudiait «toutes les options» pour que le droit de vote soit «pleinement respecté». Le parti précise qu’il voit cette situation comme une «irrégularité».

En Ontario, Irek Kusmierczyk, député libéral sortant de Windsor–Tecumseh–Lakeshore, a demandé, le 9 mai, un recomptage judiciaire pour des «bulletins rejetés à tort», alors que 77 votes le séparaient de son adversaire conservatrice, Kathy Borelli.

Ce recomptage ne commencera que le 20 mai, six jours avant la reprise du Parlement.

Même chose dans une autre circonscription ontarienne, celle de Milton-Est–Halton Hills-Sud, où l’écart est de 29 votes entre Parm Gill, candidat conservateur, et Kristina Tesser Derksen, donnée gagnante quelques jours plus tôt comme députée libérale.

Et 12 votes uniquement séparent le libéral Anthony Germain du conservateur Jonathan Rowe dans la circonscription de Terra Nova–Les Péninsules (Terre-Neuve-et-Labrador).

Les recomptages judiciaires se font automatiquement lorsque l’écart entre le nombre de voix obtenu et le nombre de suffrages exprimés est inférieur à un millième, selon le site d’Élections Canada.

URL: https://x.com/Irek_K/status/1920901429159436350

Le Parti conservateur a non seulement laissé filer l’avance considérable qu’il détenait sur les libéraux avant le déclenchement des élections, mais surtout il ne se présente plus comme un parti national. Il est devenu – ou plus exactement est redevenu – un parti régional. Difficile alors de gagner une élection fédérale.

Pourtant, l’ancien premier ministre Stephen Harper avait bien essayé de repositionner son parti. À vrai dire, il est celui qui a le mieux réussi à le faire de tous les chefs conservateurs qui se sont succédé à la tête des partis de droite depuis Brian Mulroney.

Le grand fait d’armes de Stephen Harper aura été d’avoir réussi à unir les forces de la droite au pays et d’avoir pu présenter son parti comme un autre choix que le Parti libéral.

Loin de l’époque Harper

Le Parti conservateur de Stephen Harper était un parti qui savait qu’il fallait «parler» aux électeurs de partout au pays. Un parti qui voulait faire entendre les voix de l’ouest du pays à Ottawa; qui se présentait comme le parti de l’économie pour l’électorat de l’Ontario; qui appuyait les revendications décentralisatrices du Québec; qui venait en aide économiquement et socialement aux gens de l’Atlantique.

Le parti de Stephen Harper n’a pas été un parti qui s’était rapproché des libéraux, comme l’avait fait à l’époque Brian Mulroney. C’était un parti véritablement de droite, mais qui savait néanmoins faire preuve de souplesse.

— Geneviève Tellier

Une stratégie qui avait donné des résultats.

Le succès de cette stratégie a été mis en évidence lors des élections générales de 2011. Le Parti conservateur avait alors finalement gagné la majorité des sièges à la Chambre des communes.

Il avait aussi remporté le vote populaire dans dix des treize provinces et territoires. Seuls Terre-Neuve-et-Labrador, le Québec et les Territoires-du-Nord-Ouest lui avaient échappé.

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Des propositions conservatrices trop peu souples

Cette fois-ci, le Parti conservateur n’a pas donné l’impression qu’il cherchait à rejoindre les électeurs et électrices des différentes régions du pays.

Oui, bien sûr, il a abordé des thèmes qui préoccupent une grande majorité de la population : le cout de la vie, la hausse de la criminalité, l’établissement des seuils d’immigration, la question de l’approvisionnement en énergie, les investissements dans les forces armées, sans oublier l’imposition des tarifs douaniers américains.

Mais les solutions offertes ont été des solutions très «conservatrices» : baisses d’impôt, abolition de la règlementation, durcissement des peines pour les coupables d’un acte criminel, imposition d’un corridor énergétique, etc. Ces propositions plaisent à une certaine base conservatrice, mais pas à la majorité de la population canadienne.

Elles sont aussi des solutions «mur à mur». Elles ne ciblent pas des problématiques locales.

Il ne suffit pas de promettre d’abolir le péage sur le Pont de la confédération entre l’Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick ou encore de s’engager à financer le remplacement du pont de la rivière Coquitlam en Colombie-Britannique.

— Geneviève Tellier

Il faut offrir une stratégie d’avenir pour le développement économique et le bienêtre des collectivités, que ce soit celles de l’Atlantique, de la côte ouest ou d’ailleurs au pays.

Bref, la souplesse qui avait fait la force de Stephen Harper n’a pas été au rendez-vous.

Par conséquent, les conservateurs n’ont remporté le vote populaire que dans trois provinces et territoires (Manitoba, Saskatchewan, Alberta) aux dernières élections, même si un nombre record de personnes ont voté pour le Parti conservateur.

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Pourquoi la population canadienne n’élit-elle pas le Parti conservateur?

Mais ce qui est plus inquiétant pour les conservateurs, c’est que plusieurs parmi eux ne semblent pas comprendre pourquoi le public votant n’a pas voulu les appuyer. Certains même ne se gênent pas pour reprocher aux électeurs et électrices de ne pas avoir voté pour eux.

La récente sortie de Danielle Smith, première ministre de l’Alberta, est très révélatrice à cet égard.

Elle met en garde le pays, disant pour l’essentiel qu’en continuant à ne pas élire un gouvernement fédéral conservateur, la population canadienne ne devrait pas se surprendre si de plus en plus de personnes en Alberta songeaient à appuyer l’indépendance de leur province.

Il s’agit ni plus ni moins d’une forme de chantage : «Voter pour nous, sinon…»

Jouer à l’autruche

Mais la première ministre Smith n’est pas la seule à refuser d’examiner les causes réelles de l’échec du Parti conservateur. Son chef, Pierre Poilievre, semble, lui aussi, ne pas voir la réelle source du problème.

Pas question pour lui de changer le message. Il estime plutôt que c’est la manière dont ce message a été transmis qui est à revoir. Il attribue donc sa défaite à un problème de communication.

Une telle attitude explique sans doute pourquoi il a jugé bon de se présenter dans une circonscription très conservatrice de l’Alberta pour retrouver un siège à la Chambre des communes.

Pourtant ce n’est pas en s’éloignant de l’Ontario qu’il va réussir à être plus à l’écoute des gens d’un peu partout au pays. En fait, il ne fait que renforcer l’idée que son parti est, tout compte fait, un parti régional.

— Geneviève Tellier

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Les instances du Parti conservateur pourront-elles rectifier le tir?

Ici aussi, le doute est permis. Les députés conservateurs se sont octroyé le pouvoir de contester le leadeurship de Pierre Poilievre à n’importe quel moment d’ici la prochaine élection. Il s’agit de la même disposition qui avait été adoptée et utilisée rapidement contre Erin O’Toole après la défaite électorale de 2021.

Mais Erin O’Toole avait été renvoyé par son caucus parce qu’on avait estimé qu’il avait amené le Parti conservateur trop au centre.

La leçon à tirer est probablement que tant que Pierre Poilievre gardera son parti à droite, il pourra compter sur l’appui de son caucus. Mais ce n’est pas ça qui aidera à refaire l’image du Parti conservateur pour qu’il soit réellement perçu comme étant un parti national vers lequel l’électorat canadien a envie de se tourner.

Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.

Le ministre responsable des Langues officielles sera Steven Guilbeault, qui détient aussi le portefeuille de l’Identité et de la Culture canadiennes.

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Avec des informations de Julien Cayouette

Le ministre des Langues officielles redevient un portefeuille officiel, mais reste entre les mains du Québécois Steven Guilbeault, qui garde également le ministère de l’Identité et de la Culture canadiennes. Le portefeuille des Langues officielles avait été intégré à ce ministère lors du précédent cabinet de Mark Carney.

Dans un communiqué, la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), Liane Roy, affirme : «Avec le rétablissement du portefeuille des Langues officielles, on a l’impression d’avoir été entendus.»

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Geneviève Tellier, professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa et chroniqueuse pour Francopresse, observe aussi une «déception» du côté des ministres francophones hors Québec : «On n’a pas envoyé un message que la francophonie canadienne est importante.»

La professeure Tellier souligne que le ministre responsable des Langues officielles est Québécois.

Le ministre acadien Dominic LeBlanc, proche de Justin Trudeau, reste au gouvernement Carney en tant que président du Conseil privé du Roi pour le Canada et ministre responsable du Commerce Canada–États-Unis, des Affaires intergouvernementales et de l’Unité de l’économie canadienne. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Cinq ministres francophones hors Québec

Dominic LeBlanc devient président du Conseil privé du Roi pour le Canada et ministre responsable du Commerce Canada–États-Unis, des Affaires intergouvernementales et de l’Unité de l’économie canadienne, un nouveau titre pour l’élu acadien.

Shafqat Ali, élu en 2021, mais nouveau venu au Cabinet, sera à la tête du Conseil du Trésor, auparavant confié à l’Acadienne Ginette Petitpas Taylor. Cette dernière a pour sa part été évincée du Conseil des ministres.

Rebecca Alty, élue cette année députée aux Territoires du Nord-Ouest (T. N.-O.), devient ministre des Relations Couronne-Autochtones. Elle a été mairesse de Yellowknife.

Rebecca Chartrand, nouvelle députée franco-manitobaine Anishinaabe, a œuvré au sein de la francophonie communautaire. Elle remplace un autre franco-manitobain autochtone, Dan Vandal, qui avait renoncé à se représenter dans la circonscription Saint-Boniface–Saint-Vital, à Winnipeg. Elle sera chargée du ministère des Affaires du Nord et de l’Arctique et ministre responsable de l’Agence canadienne de développement économique du Nord.

Rebecca Chartrand est une Anichinabée bilingue et a été nommée ministre des Affaires du Nord et de l’Arctique et ministre responsable de l’Agence canadienne de développement économique du Nord. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

La cinquième ministre francophone en situation minoritaire est Lena Metledge Diab, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (IRCC). Députée fédérale depuis 2021 en Nouvelle-Écosse, elle a déjà été ministre de l’Immigration au niveau provincial.

L’Ontarien David J. McGuinty, bilingue, passe de la Sécurité publique à la Défense nationale.

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Autres portefeuilles d’importance

La plupart des portefeuilles importants restent chez d’anciens ministres de Justin Trudeau, notamment Dominic LeBlanc et Mélanie Joly (ministre de l’Industrie), tous deux impliqués dans les négociations avec Donald Trump.

Le Québécois François-Philippe Champagne hérite des Finances et du Revenu national, nouveau titre accolé aux Finances.

Sean Fraser, ancien ministre de l’Immigration puis du Logement, devient ministre de la Justice et procureur général du Canada, ainsi que ministre responsable de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique.

Shaqfan Ali, qui fait partie des nouveaux venus au Cabinet, sera le président du Conseil du Trésor. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Il avait annoncé quitter la politique en décembre 2024 pour des raisons familiales, mais il a décidé de revenir en politique lors de la dernière campagne électorale pour la circonscription de Nova-Centre, en Nouvelle-Écosse.

Chrystia Freeland reste aux Transports et au Commerce intérieur.

C’est Steven MacKinnon qui sera leadeur du gouvernement à la Chambre. Ce bureau coordonne les activités du gouvernement en Chambre et de gérer le programme législatif.

L’Emploi, les Familles et la responsabilité de l’Agence fédérale de développement économique pour le Nord de l’Ontario vont à Patty Hajdu, auparavant responsable des Relations Couronne-Autochtones.

Les nouveaux venus avec de gros ministères sont Gregor Robertson, ministre du Logement et de l’Infrastructure et ministre responsable de Développement économique Canada pour le Pacifique.

La Québécoise Marjorie Michel, ancienne cheffe adjointe au bureau de Justin Trudeau, devient ministre de la Santé.

La ministre des Services aux Autochtones, Mandy Gull-Masty, a été la première femme à être élue à la tête du Grand Conseil des Cris du Québec.

Sean Fraser devient ministre de la Justice et procureur du Canada et Steven McKinnon sera le leadeur du gouvernement en Chambre. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Un cabinet «plus petit et concentré»

Lors de son discours, le premier ministre Mark Carney a commencé par souligner que l’électorat canadien lui avait donné le mandat fort pour redéfinir une nouvelle relation économique et sécuritaire avec les États-Unis et construire l’économie «la plus forte du G7».

Il a l’intention de mettre en place une réduction des impôts d’ici le 1er juillet. Ses autres priorités comprennent le logement, la défense, la justice et l’immigration.

«Notre gouvernement va livrer son mandat pour le changement avec urgence et détermination. Nous allons le faire avec une nouvelle équipe, construite spécifiquement pour ça. Un cabinet plus petit et concentré que ceux des gouvernements précédents.»

Au moment de l’assermentation, le Parti libéral était à deux sièges d’une majorité. Mark Carney a dit vouloir travailler en collaboration avec tous les partis pour atteindre ses objectifs.

Selon Geneviève Tellier, Mark Carney a «réussi» une «démarcation claire» avec son prédécesseur, Justin Trudeau, en nommant ce Cabinet.

Pour la politologue, «on a rebrassé les cartes […] on n’a à peu près rien gardé de Trudeau». «Les ministres qui performaient ont gardé un portefeuille, pas nécessairement le même», ajoute-t-elle.

Tout le pays représenté?

Sans compter les secrétaires d’État, neuf provinces sur dix sont représentées, ainsi que les Territoires du Nord-Ouest.

La politologue Geneviève Tellier affirme que Mark Carney aurait pu mieux faire sur ce point. «Est-ce qu’on n’aurait pas pu aller chercher la Saskatchewan? Je pense que oui.»

Elle trouve notamment préoccupant que Buckley Bélanger soit seulement secrétaire d’État : «Ça veut dire qu’il ne sera pas de suite à toutes les réunions du Cabinet. La voix de la Saskatchewan ne sera pas toujours entendue.»

Geneviève Tellier affirme aussi qu’un ministre de plus issu de l’Alberta aurait été envisageable.

Elle reconnait toutefois que, au vu des autres équilibres à respecter dans la composition du Cabinet, comme la parité – atteinte parmi les ministres –, elle «peut comprendre». Un point que Mark Carney a lui-même souligné en conférence de presse, insistant sur la «difficulté» de choisir.

François-Philippe Champagne conserve son siège de numéro deux du gouvernement, au ministère des Finances et du Revenu national. Mélanie Joly devient ministre de l’Industrie et responsable de Développement économique Canada pour les régions du Québec. Joanne Thompson, à gauche, est ministre des Pêches. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Des secrétaires d’État réintroduits

Le titre de secrétaire d’État n’a pas été utilisé depuis le gouvernement de Stephen Harper. Contrairement aux ministres, les secrétaires d’État ne siègent pas au Cabinet, mais peuvent y être invités – ainsi qu’aux comités parlementaires – lorsqu’une question liée à leur dossier est débattue en Chambre.

Dix ont été nommés aujourd’hui. Le seul francophone originaire de l’extérieur du Québec est Buckley Belanger, secrétaire d’État pour le Développement rural. Il a été député provincial de la Saskatchewan dans la circonscription Desnethé–Missinippi–Rivière Churchill pour le Nouveau Parti démocratique (NPD) jusqu’en 2021, avant de se lancer en politique fédérale.

Les Québécoises Nathalie Provost, survivante de la tuerie de Polytechnique, et Anna Gainey deviennent respectivement secrétaires d’État à la Nature et secrétaire d’État de l’Enfance et de la Jeunesse.

En plus de demander un ministre des Langues officielles, la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF) appelait à la création d’un ministère de la Jeunesse. Une possibilité qui n’a pas été évoquée par le Parti libéral pendant la campagne, avait regretté le président de l’organisme, Simon Thériault.

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Les nouveaux venus

Le fait qu’il y ait autant de nouveaux venus – 15 sur 28 ministres – n’est pas un désavantage, selon la professeure Geneviève Tellier. «Ce sont des personnes qui sont nouvelles en politique ne sont pas nouvelles ailleurs. Il y en a qui ont eu des postes importants.»

La politologue fait aussi remarquer que Tim Hodgson, ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, était un proche collaborateur de M. Carney. «Il a été président d’Hydro One. Là il s’en va pour l’Énergie, donc il connait le dossier.»

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