le Vendredi 1 août 2025
le Jeudi 31 juillet 2025 6:30 Société

Cour suprême : traduire 24 jugements n’est pas suffisant pour des organismes

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La Cour suprême du Canada souligne que la traduction de 24 jugements datant d’avant 1970 sera faite dans le cadre de son 150e anniversaire.  — Photo : Tom Carnegie – Unsplash
La Cour suprême du Canada souligne que la traduction de 24 jugements datant d’avant 1970 sera faite dans le cadre de son 150e anniversaire.
Photo : Tom Carnegie – Unsplash
FRANCOPRESSE – La Cour suprême du Canada a entamé la traduction de 24 jugements faits avant 1970 au cours des prochaines années. Cette avancée modeste ne satisfait pas des acteurs de la justice en français au Canada.
Cour suprême : traduire 24 jugements n’est pas suffisant pour des organismes
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En début d’année, la Cour suprême du Canada (CSC) a mis sur pied un comité indépendant chargé d’établir une liste d’une vingtaine de jugements à traduire.

Le comité a dû établir une méthodologie lui «permettant d’identifier les décisions qui sont les plus pertinentes jurisprudentiellement pour le développement du droit contemporain», explique le comité dans son rapport final.

À partir de consultations auprès de juristes, de listes existantes et de sondages, la sélection initiale a permis d’identifier 373 décisions régulièrement citées ou consultées par des juges, des avocats, des professeurs, des étudiants et le grand public.

Ces décisions ont été réparties en cinq catégories. En recoupant les listes, le comité a retenu celles qui revenaient le plus souvent et celles jugées les plus pertinentes pour le droit moderne.

Parmi les 24 jugements choisis, 17 ont été rédigés uniquement en anglais à l’origine. Les sept autres contiennent des sections en anglais et en français. Depuis 1970, la CSC publie toujours ses décisions dans les deux langues officielles.

Aucune décision ne touche directement une cause concernant les langues officielles, puisque lorsque la CSC a commencé à entendre des causes concernant la Chartes des droits et libertés et la Loi sur les langues officielles, elle publiait déjà ses jugements dans les deux langues officielles.

Une des décisions sélectionnées était déjà en cours de traduction. Il s’agit de Roncarelli v. Duplessis, [1959] S.C.R. 121, qui établit que les autorités publiques ne peuvent pas abuser de leur pouvoir discrétionnaire. Elle devrait être disponible au cours de l’automne.

Des traductions non officielles

Seul bémol, ces traductions ne seront pas officielles. La CSC soutient que c’est impossible, puisque les juges qui les ont rendues ne pourront pas les approuver. Les versions originales seront les seules qui auront encore force de droit.

Ce progrès est «modeste», selon la Fédération des associations de juristes d’expression française de common law inc., puisqu’il s’agit de 24 décisions sur 6000.

«La Fédération croit qu’à titre de juridiction de dernier ressort depuis 1949, la Cour suprême du Canada a le devoir de rendre accessible en français toutes ses décisions avant 1970 puisque celles-ci sont importantes pour des fins juridiques, ainsi qu’historiques ou éducatives», indique le directeur général, Rénald Rémillard, par courriel.

La présidente de l’Association des juristes d’expression française de l’Alberta partage cette opinion. «L’AJEFA croit aussi que l’absence de la traduction de ces milliers de décisions uniquement en anglais continuera de soulever des débats vifs sur la place publique», écrit Maitre Elsy Gagné à Francopresse.

À lire : La Cour suprême traduira quelques anciennes décisions : «insuffisant» pour certains

Raymond Théberge a statué deux fois que la Cour suprême devait afficher ses jugements d’avant 1970 dans les deux langues officielles. 

Photo : Courtoisie CLO

Respect de la Loi sur les langues officielles

Le commissaire aux langues officielles (CLO), Raymond Théberge, a statué deux fois – en 2023 et 2024 – que la CSC ne respectait pas la Loi sur les langues officielles (LLO), puisque les 6000 décisions rendues par la Cour avant 1970 n’étaient pas disponibles dans les deux langues officielles sur son site Web.

«Je conclus que toutes les décisions que la Cour suprême publie sur son site Web devraient être dans les deux langues officielles puisque cette offre en ligne constitue une communication au public faite par une institution fédérale», avait écrit le commissaire dans son rapport final.

En réponse, la CSC a toujours soutenu que les couts de traduction de ses anciens jugements seraient beaucoup trop élevés. Une position qui va à l’encontre de certaines anciennes décisions de la Cour elle-même : les ressources financières ne constituent pas un argument valable pour contrevenir à la LLO.

Après le dépôt du deuxième rapport du CLO, la CSC a retiré de son site, le 8 novembre 2024, toutes les décisions rendues avant 1970. Elle avait alors annoncé son intention d’en traduire certaines.

À lire : Langues officielles : la Cour suprême à nouveau priée de traduire ses anciennes décisions

Selon Étienne-Alexis Boucher, la non-disponibilité des anciennes décisions dans les deux langues discrimine les juristes francophones. 

Photo : Mouvement national des Québécois et Québécoises

DCQ persiste et signe

L’organisme Droits collectifs Québec (DCQ) était à l’origine de la deuxième plainte au Commissariat.

Quelques jours avant le retrait des anciennes décisions du site de la CSC, DCQ a déposé une poursuite en Cour fédérale contre le Bureau de la registraire de la Cour suprême du Canada, pour non-respect de la LLO et pour forcer la traduction de tous les jugements.

Cette annonce de 24 traductions ne refroidit en rien les ardeurs de DCQ. «On va poursuivre nos procédures, ça ne change absolument rien à ce qu’on a initié», affirme son directeur général, Étienne-Alexis Boucher.

Ils ont d’ailleurs déposé leur argumentaire de 600 pages à la Cour fédérale le 28 juillet, la veille de l’annonce de la CSC.

Non seulement le nombre de traductions est insuffisant, mais DCQ conteste aussi le fait que les traductions ne seront pas officielles. Étienne-Alexis Boucher rappelle que la LLO exige que l’anglais et le français doivent avoir un poids égal au Canada.

Il s’élève aussi contre l’argument de la CSC selon lequel les traductions ne peuvent pas être approuvées par les juges qui les ont rendues.

Quand la Cour suprême du Canada a exigé que la province du Manitoba traduise l’ensemble de ses lois, ils n’ont jamais pensé demander de consulter le fantôme de Louis Riel.

— Étienne-Alexis Boucher

Néanmoins, Étienne-Alexis Boucher se dit encouragé par ce pas en avant, car DCQ «pense y voir là la démonstration de la force de notre position juridique» : «La Cour suprême n’aurait pas bougé si on avait tort, si on disait n’importe quoi. Donc, on salue ce premier geste.»

À lire : La Cour suprême poursuivie pour la non-traduction de ses anciennes décisions

Type: Actualités

Actualités: Contenu fondé sur des faits, soit observés et vérifiés de première main par le ou la journaliste, soit rapportés et vérifiés par des sources bien informées.

Cet article a été rédigé par un journaliste. Un outil d’intelligence artificielle a été utilisé pour transcrire une entrevue. Le journaliste a révisé la précision des extraits utilisés.

Renvois et références:

Sudbury

Julien Cayouette

Rédacteur en chef

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