L’Université de l’Île-du-Prince-Édouard (UPEI) n’est pas la première université à laquelle on pense lorsqu’il est question de recherche en français, et pourtant un nombre étonnant de professeurs y parlent la langue de Molière.
La toute première table ronde a réuni trois chercheurs de trois domaines différents : Sanda Badescu en littérature, Sami Khedhiri en mathématiques et Christian Lacroix en biologie.
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Repenser notre rapport à l’espace
Sanda Badescu, du Département de langues modernes, s’est interrogée sur l’impact du coronavirus qui, en quelques mois, a entièrement bouleversé et transformé notre monde, nous poussant à repenser et restructurer notre quotidien.

Cela a changé notre rapport à notre espace habituel et notre perception de cet espace. Or, l’espace, et plus particulièrement notre rapport individuel et collectif à l’espace, est un thème qui depuis des siècles a été exploré à fond dans la littérature. Notre vieux et toujours jeune Marcel Proust nous prête mainforte en termes d’évaluation de l’espace clos, personnel et familier.
Sa recherche sur les notions d’espace dans la littérature française sera présentée dans un article qu’elle espère voir publier d’ici environ deux ans, dans une revue spécialisée.
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L’aster du golfe du Saint-Laurent, menacée
Christian Lacroix, du Département de biologie, a parlé de son travail de recherche sur l’aster du golfe du Saint-Laurent, une plante côtière annuelle évaluée comme étant «menacée» au Canada.
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L’aster du golfe du Saint-Laurent, menacée
Christian Lacroix, du Département de biologie, a parlé de son travail de recherche sur l’aster du golfe du Saint-Laurent, une plante côtière annuelle évaluée comme étant «menacée» au Canada.
«L’aster du golfe du Saint-Laurent est rare et entièrement endémique du sud du golfe du Saint-Laurent, ce qui signifie qu’il ne se trouve nulle part ailleurs dans le monde. Il n’a été documenté qu’aux Îles-de-la-Madeleine (Québec), le long de la rive est du Nouveau-Brunswick et sur la rive nord de l’Île-du-Prince-Édouard», peut-on lire sur le site Web de Parcs Canada.
«Pourquoi s’intéresser à une plante menacée et tenter de la sauver? Parce que les recherches nous disent que chaque espèce qui disparait entraine des répercussions sur 30 autres formes de vie», précise Christian Lacroix.
Publier en français… et être lu?
Sami Khedhiri, de l’École des sciences mathématiques et informatiques, avoue que la plupart de ses travaux de recherche sont en anglais.

J’ai un manuscrit récent en français que j’ai essayé de publier, mais cela s’avère un défi si on vise à publier dans une revue scientifique de haut niveau, ce qui signifie généralement une revue avec un facteur d’impact élevé. Pour moi, la question principale est la suivante : si on souhaite publier en français, comment peut-on intéresser les éditeurs des revues de haut niveau à accepter nos travaux?
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Cette question de l’obligation de publier et les notions «de facteurs d’impact» élevé ou bas ont monopolisé une partie de la discussion qui a suivi les présentations formelles.
Selon l’Université Laval, «le facteur d’impact représente le rapport entre le nombre de citations reçues par une revue dans une année et le nombre d’articles publiés par cette revue au cours des deux années précédentes. Il est calculé à partir des données du Journal Citation Reports (JCR)».
Cette façon de calculer l’impact d’une revue scientifique ne fait pas l’unanimité. Publier dans une revue à FI élevé ne garantit pas forcément qu’un article sera cité, mais cela contribue à la réputation du chercheur et de l’institution où il travaille, d’où une pression accrue de publier en anglais.
La recherche en français est-elle la même qu’en anglais?
Selon les participants de la table ronde de l’Acfas-Acadie, il n’existe pas de recherches qui puissent se faire seulement en français. Un chercheur anglophone peut très bien s’intéresser à un sujet francophone, défendent-ils.
Cependant, deux chercheurs — un francophone et un anglophone — ayant des connaissances semblables et travaillant sur un sujet semblable arriveront-ils aux mêmes résultats?
«C’est une excellente question, mais nous n’avons pas de réponse. Les deux chercheurs ayant grandi dans des milieux différents, ils ont des référents qui leur sont propres et qui peuvent les influencer ou les orienter sur des pistes que l’autre ne considèrerait pas», ont commenté quelques professeurs.
Pour Carlo Lavoie, représentant de l’Île-du-Prince-Édouard et vice-président de l’Acfas-Acadie, il important de permettre à des chercheurs francophones d’échanger en français et de s’exprimer en français de leurs travaux de recherches, même si ceux-ci se font en anglais, surtout dans une université comme UPEI.

Carlo Lavoie, professeur au Département des langues modernes de UPEI, était l’animateur de cette première table ronde. Il est le représentant de l’Île et le vice-président de l’Acfas Acadie.
Carlo Lavoie se réjouit aussi que le gouvernement du Québec ait annoncé, le 25 novembre dernier, qu’il soutiendrait l’Acfas dans la mise en place de son Service d’aide à la recherche en français (SARF), qui vise l’égalité réelle des francophones dans l’univers de la recherche.
La toute première table ronde de l’Acfas-Acadie à Charlottetown était présentée par le Département de langues modernes de UPEI, en collaboration avec le Bureau de la recherche de l’Université (Programme d’appui aux colloques et ateliers).