«La reconnaissance pousse les pays autour de nous», estime le député libéral de Mississauga-Centre, Fares Al Soud, premier Canadien d’origine palestinienne élu au Parlement.
«Israël reste un allié des États-Unis, de la même manière qu’il reste un allié pour nous. Les États-Unis regardent leurs alliés reconnaitre l’État de Palestine, indiquer qu’il y a une crise humanitaire et ce que j’appelle un génocide. Allons-nous continuer de la même manière que nous l’avons fait depuis des générations? Où allons-nous changer de cap?»
«Il est indéniable que la reconnaissance d’un État palestinien souverain et indépendant revêt à bien des égards un caractère symbolique, admet le député. Mais le symbole en soi n’est pas insignifiant. C’est un symbole que, pendant des générations et des décennies, les politiciens canadiens ont refusé de mettre de l’avant.»
Selon lui, la reconnaissance contribue à instaurer une «relation entre les Palestiniens et les Israéliens dans la région».

Le premier député canadien d’origine palestinienne à être élu au Parlement canadien, Fares Al Soud, affirme qu’«aucune bonne politique n’est issue d’extrêmes», pour répondre à la demande faite par de nombreux Canadiens de rompre les liens avec Israël.
Couper avec Israël?
Le professeur de sociologie à l’Université du Québec à Montréal, Rachad Antonius, contrecarre : pour lui, malgré la reconnaissance, «nos politiciens continuent à appuyer indéfectiblement Israël, car ils voient la guerre comme Israël la voit».
Le professeur Antonius souligne que sur le site Internet du gouvernement, on peut lire que le gouvernement canadien mentionne les «territoires occupés» par Israël.
«Si ce sont des territoires occupés militairement par Israël, et le Canada dit que les colonies sont illégales, logiquement Israël ne peut pas être en situation de légitime défense, elle est une puissance occupante. Or, quand tous nos politiciens disent qu’Israël a le droit de se défendre, ils violent les principes du Canada.»
Au cours des deux dernières années, la pression civile au Canada s’est accentuée pour que le pays coupe ses liens avec Israël, diplomatiques et économiques, en cessant d’exporter des armes dont la destination n’est pas connue et en révisant l’accord de libre-échange entre les deux pays.
«Ce pourrait être un moyen de gérer la situation. Mais cela isolerait encore davantage Israël. Et je ne suis pas certain que ce soit en faveur des personnes sur le terrain», estime le député Al Soud.
D’après lui, cela enverrait le message selon lequel le Canada est anti-israélien. «Or, ce n’est pas le cas. […] Le problème n’est pas quand on n’est pas d’accord. Le problème c’est quand on arrête d’avoir des conversations.»
Le Canada se trouverait ainsi exclu de discussions importantes sur la Palestine et sur la scène internationale en général: «Je ne veux pas punir les Israéliens pour les actions du gouvernement de Nétanyahou. […] Qu’est-ce qui va le plus directement affecter le gouvernement Nétanyahou en ce qui concerne ce génocide? Et qu’est-ce qui va sauver plus de vies?», interroge le député Al Soud.
Il concède toutefois : «Peu importe à quel point ce gouvernement agit rapidement, ce sera toujours trop lent, parce que les gens mourront chaque minute de chaque jour. C’est absolument vrai en même temps que les pressions externes, comme le débat avec Trump aux États-Unis, ont probablement un rôle à jouer dans la vitesse à laquelle nous sommes capables de nous mobiliser et d’être sur le sol.»
Dans la même veine, l’élu soutient que le gouvernement canadien veut pouvoir condamner aussi bien les attaques du Hamas le 7 octobre 2023 que le génocide d’Israël en cours à Gaza.
À lire aussi : Du Canada à Gaza : des médecins dénoncent la violence coloniale
Le professeur Rachad Antonius rappelle que plus de 7300 Palestiniens sont morts aux mains du gouvernement Nétanyahou entre le 1er janvier 2008 et le 29 septembre 2023, selon Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’Organisation des Nations unies. «En toute indifférence», ajoute-t-il.

Le professeur en sociologie de l’UQAM désormais à la retraite, Rachad Antonius, accuse le Canada de tenir un double discours, car le gouvernement affirme que les territoires sont occupés en Palestine, mais il réitère son soutien «indéfectible» à Israël, «qui commet un génocide», ajoute-t-il.
Deux poids, deux mesures
Rachad Antonius rejoint le député sur le fait qu’il n’est pas nécessaire de couper toutes les relations diplomatiques : «Il y a des mesures intermédiaires», avance-t-il.
«On peut maintenir les ambassadeurs [israéliens, NDLR], mais mettre fin à tous les traités de coopération. On a un traité d’amitié avec Israël jusqu’à aujourd’hui. Nos politiciens continuent à dire que c’est une guerre contre le Hamas, ce qui est faux, c’est une guerre contre les Palestiniens. Ils continuent de dire que notre appui indéfectible va à Israël. Tout ça peut changer sans couper les liens.»
Selon le professeur, le Canada continue d’envoyer des composants militaires à Israël et qui transitent par les États-Unis. Arrêter de vendre ces composantes entraine «une perte financière que le Canada était prêt à faire pour la Russie, mais pas pour Israël», selon lui.
Il rappelle aussi que le Canada a continué à appeler au désarmement du Hamas, après la reconnaissance de la Palestine.
«Soit. Mais pourquoi on ne dit pas la même chose des personnes au gouvernement israélien?», déplore-t-il, faisant référence notamment au mandat d’arrêt international dont fait l’objet Benjamin Nétanyahou.
Signes du début de la fin
«Je suis en faveur de tout ce qui arrête de faire mourir les gens», commente Fares Al Soud, à propos du plan de paix proposé par Donald Trump pour Gaza.
La première phase de ce plan de 20 points a fait l’objet d’un accord entre Israël et le Hamas signé le 9 octobre, qui met en œuvre une première phase du plan. Il signale la fin de la guerre. Un cessez-le-feu entrerait en vigueur dans les 24 heures et tous les otages devraient être libérés des deux côtés.
Israël doit maintenant relâcher 1700 prisonniers palestiniens, dont 450 enfants, ainsi que 250 autres condamnés de prison à vie.
Le Hamas va libérer une quarantaine d’otages : dont plus de la moitié ont été assassinés.
Le plan de Donald Trump est controversé, entre autres en ce qui concerne la gouvernance de transition de Gaza, qui serait supervisée par Donald Trump et l’ancien premier ministre du Royaume-Uni, Tony Blair.
À l’heure d’écrire ces lignes, le flou persiste sur les détails de la délivrance de l’aide humanitaire, comme la nourriture et les besoins médicaux urgents et vitaux entreront dans l’enclave palestinienne où 92 % auraient été détruites.
Plus de 150 camions ont traversé le jour de la signature la frontière égyptienne en direction de Gaza, selon le Croissant rouge égyptien, relate le quotidien français Le Monde.
Et maintenant au Canada?
Concrètement, la prochaine action politique du Canada qui pourrait avoir un poids se présente sous la forme du projet de loi privé (émanant d’un ou d’une députée, NDLR) déposé par la députée néodémocrate Jenny Kwan en septembre, soutenu par son collègue libéral Fares Al Soud.
La pièce législative vise à combler les failles des lois canadiennes qui permettent notamment à des armes et leurs composants fabriqués au Canada de se retrouver dans des pays responsables de crimes de guerre et de violations des droits de la personne.