Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, commente trois dossiers chauds qui le concernent en amont de la rentrée parlementaire, qui aura lieu le 15 septembre. Bien que son mandat devait se terminer en début d’année, il restera en poste jusqu’en janvier 2026.
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Coupes budgétaires
Au début de l’été, le premier ministre fraichement élu, Mark Carney, a demandé à chacun de ses ministères d’effectuer des coupes budgétaires de 7,5 % au cours de la prochaine année et jusqu’à 15 % en 2028.
En attendant les plans finaux des ministères, une étude du Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) estime que les emplois dans la fonction publique seront durement touchés par l’exercice.
Selon le groupe de réflexion, la moitié des suppressions de postes se produira dans la région d’Ottawa-Gatineau, où le couperet devrait tomber pour environ 25 000 fonctionnaires d’ici 2028. Au total, 57 000 postes devraient être abolis au Canada.
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L’effet sur les services en français
Une question subsiste : comment les services en français des 28 ministères seront affectés par ces réductions?
«Je suis évidemment préoccupé, car trop souvent dans le passé, les langues officielles ont été négligées lors des périodes de récession financière», observe le commissaire Théberge en entrevue.
«Ces compressions budgétaires pourraient à la fois avoir un impact sur la langue de travail au sein au sein de l’appareil fédéral, mais aussi sur la qualité des services que les Canadiens et les Canadiennes reçoivent et aussi un impact sur le développement de nos communautés», poursuit-il.
La Loi sur les langues officielles (LLO) modernisée mentionne pour la première fois un engagement envers l’apprentissage des minorités linguistiques. Elle adopte également une «politique en matière d’immigration francophone visant à favoriser l’épanouissement des minorités francophones du Canada».
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Pouvoir d’influence
Mais en entrevue, Raymond Théberge s’attache davantage à parler des «deux langues officielles» plutôt que des manquements aux services en français de la part des institutions fédérales. Il rappelle que la LLO est une loi quasi constitutionnelle.
«Il y a des engagements que le gouvernement doit respecter dans la mise en œuvre de cette loi, à mon avis même dans les situations de restrictions budgétaires, de restrictions financières.»
Si jamais le gouvernement manque à ses responsabilités, quels sont ses pouvoirs en tant que commissaire?
«Dans cette situation c’est un pouvoir d’influence», affirme-t-il. Il rappelle que pendant la pandémie, son équipe avait «très tôt remarqué que les communications n’étaient pas dans les deux langues officielles» et était intervenu.
Le commissaire rappelle les obligations de respecter les langues officielles dans l’ensemble de l’appareil fédéral, notamment dans les situations d’urgence, comme la COVID-19.
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En attendant les règlements de la LLO
Au début de l’été, le ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes et ministre responsable des Langues officielles, Steven Guilbeault, visait le dépôt des règlements pour l’application complète de la LLO «avant Noël». La loi modernisée a été adoptée par la Chambre en 2023.
Le ministère a consulté le commissaire sur les règlements, mais ce dernier affirme ne pas avoir vu «la version finale». Interrogé par Francopresse pour savoir si ce qu’il avait vu le satisfaisait ou non, Raymond Théberge préfère réserver sa réaction lorsque les trois règlements seront déposés en Chambre.
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Steven Guilbeault a affirmé en entrevue à Francopresse qu’il était certain de déposer les règlements qui doivent mener à la mise en œuvre complète de la Loi sur les langues officielles au cours de l’automne, avant Noël.
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Les pouvoirs en plus du Commissaire
Pour l’instant, personne ne sait comment les règlements seront déposés, si ce sera d’un bloc ou un par un.
Le règlement le plus attendu concerne la partie VII de la loi, qui concerne la promotion du français et de l’anglais.
Un second règlement donnera la possibilité au commissaire d’imposer des sanctions administratives pécuniaires à l’encontre des institutions fédérales qui ne respectent pas la LLO. Le troisième et dernier règlement portera sur l’usage du français dans les entreprises sous juridiction fédérale.
«Tant et aussi longtemps qu’on n’a pas ces règlements, la loi modernisée demeure une loi qui n’est pas pleinement mise en œuvre et qui limite l’utilisation de certains de [mes] pouvoirs», rappelle le commissaire.
L’échec de la médiation pour résoudre les conflits liés aux langues officielles
Dans son dernier rapport annuel, publié en juin, Raymond Théberge conclut que la médiation – la méthode la moins contraignante pour résoudre les conflits liés aux manques de services en français en situation minoritaire – a échoué.
La médiation peut être proposée pour régler une plainte qui vise une institution fédérale. Elle est faite pour offrir aux parties une solution mutuellement acceptable et des résultats plus rapides.
«Malheureusement, une grande majorité de personnes qui ont déposé des plaintes ont refusé de participer au processus de médiation. Certaines préfèrent ne pas divulguer leur identité, ou veulent seulement signaler une violation de la Loi sans s’engager dans une autre démarche», peut-on lire dans le rapport.
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Portée limitée des sanctions pécuniaires
Lorsqu’on lui demande s’il avait pu changer des comportements enfreignant la loi en appliquant des sanctions plus sévères, le commissaire garde sa réserve habituelle.
«Je pense que c’est important de préciser que les sanctions pécuniaires vont seulement s’appliquer dans certaines circonstances, surtout dans le domaine du transport. On attend de voir qui sera touché par ces sanctions administratives.»
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La médiation reste utile
Il affirme que pour la plupart des plaintes reçues par le Commissariat, les sanctions administratives pécuniaires ne seraient pas nécessaires dans «la majorité des cas».
Pour Raymond Théberge, la médiation reste une option pour «régler un problème qui n’est pas nécessairement très complexe». Il indique toutefois réfléchir à la façon «d’encourager» les personnes qui souhaitent porter plainte à avoir recours à ce mode de gestion de conflits.