Giovanni da Verrazzano a été parmi les premiers grands explorateurs à s’aventurer près du (ou sur) le continent américain, ce «Nouveau Monde» que les Européens découvraient. Étrangement, ces navigateurs étaient tous Italiens, mais ils ont tous mené des expéditions pour le compte d’une autre puissance européenne que leur mère patrie.
En effet, Christophe Colomb (son «statut» d’Italien est toujours en suspens cependant) naviguait pour l’Espagne, son compagnon Amerigo Vespucci pour l’Espagne puis le Portugal, Jean Cabot (Giovanni Caboto) pour l’Angleterre, et Verrazzano pour la France.
La France d’ailleurs, bien qu’elle soit le pays le plus peuplé d’Europe au tournant du XVe siècle, traine de la patte par rapport à ses voisins dans cette quête pour atteindre l’Asie et ses riches épices tant convoitées.
Pourquoi donc ce retard? À la fin du XVe siècle, les terres au-delà de l’océan Atlantique sont «réservées» à l’Espagne et au Portugal, du moins selon ce qu’en a décidé le pape par le traité de Tordesillas.
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Le roi français du moment, Charles VIII, s’intéresse davantage au royaume de Naples, dont il s’empare en 1492 avant d’en être chassé deux ans plus tard. Les choses en restent là jusqu’à ce qu’aux débuts des années 1520, arrivent en France les échos de l’exploit de Ferdinand Magellan, qui a trouvé le moyen de contourner l’Amérique pour atteindre l’Asie.
S’il a pu se rendre en Asie par le sud du continent américain, pourquoi ne serait-ce pas possible par le nord? Surtout que le nouveau roi de France, François 1er, se réserve le droit de revendiquer les terres américaines «non connues» par l’Espagne et le Portugal, ce qu’un autre pape finira par lui accorder.
Lyon, la filière italienne
La France doit alors trouver un navigateur pour découvrir cette voie nordique vers «les Indes». C’est là où la ville de Lyon jouera un grand rôle. En pleine période de la Renaissance, Lyon était devenue un important carrefour financier où s’étaient installées de nombreuses familles de banquiers et de commerçants italiens.
Ceux-ci rêvaient d’une route commerciale moins longue que celle de Magellan qui pourrait ainsi leur assurer le monopole des richesses de l’Asie. Les intérêts privés et ceux de la Couronne française convergent.
Verrazzano, justement issu d’une famille de marchands et de banquiers de Florence, habitait un domaine de Greve in Chianti, à proximité de la capitale de la Toscane. C’est aussi un marin aguerri, ayant vécu quelques années à Dieppe, en France.
Les raisons ayant motivé François 1er à choisir Verrazzano pour ce périple restent confuses encore aujourd’hui. Certains croient que l’explorateur aurait été recruté par l’entremise des banquiers italiens de Lyon, qui étaient au fait de sa réputation de navigateur. D’autres avancent que Verrazzano a lui-même sollicité le roi pour mener cette expédition.
Début de voyage ardu
Chose certaine, à la fin de 1523, Verrazzano part de Dieppe avec quatre navires. Il doit s’arrêter en Bretagne, en raison d’une tempête, avec deux bateaux en moins. Il décide de faire la traversée à partir d’un point plus au sud et se rend à Madère. Il part pour de bon en janvier 1524, mais avec un seul navire, la Dauphine, et 50 hommes.
Après avoir navigué pendant 25 jours, il aperçoit le Nouveau Continent, probablement la future Caroline du Nord. Il longe la côte vers le nord et s’arrête, en avril, dans un grand havre, une petite baie où se jettent trois cours d’eau (dont le fleuve Hudson).
Il baptise l’endroit Terre d’Angoulême (ou Nouvelle-Angoulême), du nom de la maison royale de François 1er. Les Hollandais la nommeront Nouvelle-Amsterdam, et ensuite les Anglais… New York.
Pendant son périple, Verrazzano et ses hommes descendent à terre à plusieurs endroits. Ils capturent un Autochtone qu’ils emmèneront à Paris; comme c’est la coutume lors des expéditions européennes dans le Nouveau Monde, question de fournir une preuve tangible d’avoir atteint leur destination.
Verrazzano continue à longer la côte vers le nord, frôlant la Nouvelle-Écosse actuelle, incluant le Cap-Breton et ensuite Terre-Neuve. Il n’est pas le premier explorateur européen à parcourir cette région. Le Portugais Corte-Real (1501), Cabot (1497) et, bien avant, les Vikings (vers 986) s’y étaient déjà rendus.
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Manquant de provisions, le Florentin met le cap vers l’Est. La Dauphine arrive à Dieppe le 8 juillet 1524. Verrazzano envoie une lettre à François 1er pour lui faire un compte rendu de son expédition. Il lui dit entre autres qu’il a appelé les territoires visités du nom de Francesca, en son honneur.
Une lettre, c’est bien, mais l’Histoire a démontré que ce qui est inscrit sur les cartes ont tendance à avoir une plus grande influence. Celle de 1529 de Girolamo Verrazzano, qui avait accompagné son frère, porte la mention «Nova Gallia» – Nouvelle-France. C’est ce nom qui s’imposera pour désigner l’empire nord-américain de la France.
Et l’Acadie?
Dans cette même lettre, Giovanni da Verrazzano décrit ainsi une terre située, croit-on, aux environs de la Virginie et du Maryland : «quale batezamo Archadia per la belleza de li arbori», c’est-à-dire «que nous avons baptisée Archadie en raison de la beauté de ses arbres».
Il semble assez évident ici que l’explorateur faisait référence à l’antique «Arcadie» grecque et à sa beauté mythique.
Dans les nombreuses cartes successives qui seront dessinées pour représenter cette région du monde, Archadia deviendra Lacardia, Arcadia, Lacadie, Cadie et sera localisée curieusement de plus en plus vers le nord pour finalement aboutir tout près du territoire où la France érigera une colonie appelée Acadie. Un nom qui vient de loin!
Verrazzano connaitra une fin tragique; à son troisième voyage dans le Nouveau Monde, il est capturé et tué par des Autochtones d’une ile des Caraïbes.
Que reste-t-il de Verrazzano dans les Amériques? Très peu. En 1964, un immense pont traversant l’entrée du havre de New York était baptisé du nom de Verrazzano-Narrows.
Mais pour l’histoire de la découverte européenne du Nouveau Monde, le passage de Verrazzano aura ouvert la voie à d’autres explorateurs envoyés par la France, en commençant par Jacques Cartier, qui s’aventurera une dizaine d’années plus tard dans le fleuve Saint-Laurent. Certains historiens sont convaincus que Cartier faisait même partie de l’expédition de Verrazzano.
Mais comme bien des évènements de l’histoire, rien n’est moins sûr…