La reprise des travaux pourrait être retardée davantage selon l’évolution de la situation. Un groupe restreint de députés et de sénateurs sont retournés brièvement au Parlement les 24 et 25 mars pour adopter un plan économique d’urgence de plus de 100 milliards $ pour aider les citoyens et les entreprises affectés par la crise sanitaire.
La sensibilisation aux enjeux francophones : un travail de longue haleine
Avant l’éclatement de la pandémie, plusieurs intervenants de la francophonie canadienne avaient entrepris des activités de sensibilisation auprès des élus concernant leurs attentes par rapport au budget. À titre d’exemple, la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF) a présenté un mémoire au Comité permanent des finances de la Chambre des communes dans lequel l’organisme recommande notamment des investissements pour développer une politique culturelle pancanadienne.
De son côté, l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC) a mené une importante consultation auprès de ses membres par le biais d’un sondage pendant les élections fédérales de l’automne dernier. Les enjeux prioritaires identifiés lors de cet exercice, tels que le renforcement des capacités par le financement des groupes de femmes francophones et acadiennes et un meilleur accès à des places en garderie, sont au cœur des attentes de l’organisme pour le prochain budget.
Des priorités fortement influencées par la COVID-19
Toutefois, comme le souligne Antoine Désilets, codirecteur général par intérim de la Société Santé en français, les préoccupations budgétaires apparaissent de seconde importance devant l’ampleur de la pandémie.
Les priorités mises de l’avant par les intervenants communautaires sont ainsi fortement teintées par le présent contexte sanitaire. L’employabilité, un enjeu d’importance pour la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), est une question qui est d’autant plus d’actualité en raison des impacts négatifs de la pandémie sur le marché de l’emploi.
Selon la présidente de l’organisme, Sue Duguay, les effets économiques de la crise se feront particulièrement ressentir auprès des jeunes francophones en situation minoritaire dans un contexte où les entreprises et les organismes francophones qui offrent normalement des occasions d’emplois en français sont durement touchés.
Selon elle, il est nécessaire que le gouvernement fédéral mise sur des investissements dans des programmes tels que Jeunesse Canada au travail pour veiller à ce que les jeunes aient des opportunités d’emploi dans leur langue à la sortie de la crise.
Pour sa part, le président de la Fédération culturelle canadienne-française, Martin Théberge, considère que certaines propositions de son organisme trouvent un écho particulier dans le contexte actuel, dont celle de la création d’un Observatoire national sur les arts et la culture au sein de Statistique Canada. Cette entité aurait notamment pour fonction la collecte et l’analyse de données relatives à la situation de l’espace culturel et artistique canadien.
«Avec la situation dans laquelle on est présentement avec la COVID-19, on essaie de mesurer l’impact économique et les défis causés aux travailleurs culturels, aux artistes et à l’ensemble des intervenants du secteur, et on a du mal à arriver à des réponses claires. Cela fait en sorte qu’il y a des décisions qui sont prises sans avoir de données concrètes. On croit donc que cet Observatoire national aurait pu aider dans cette situation.»
L’importance des enjeux linguistiques en temps de crise
Au-delà des enjeux particuliers, l’importance de tenir compte de la variable linguistique dans l’élaboration et la mise en œuvre des mesures d’aide financière du gouvernement fédéral est un élément essentiel selon plusieurs intervenants des communautés francophones.
Pour Sue Duguay, d’insister sur l’importance des réalités des francophones et d’assurer des services en français de qualité équivalente à ceux offerts en anglais en cette période de crise «n’est pas une question d’être égocentrique, car à la base cela fait partie de nos droits. C’est vraiment de s’assurer que nous [les francophones] ne soyons pas oubliés dans ce contexte».
Ces propos font écho à un texte publié dans le Droit par la professeure franco-ontarienne Linda Cardinal sur l’importance de l’enjeu de la langue.
Dans la même veine, Lily Crist, présidente de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne, insiste sur l’importance du rôle que remplissent des organismes communautaires francophones en milieu minoritaire en ce moment.
Elle cite l’exemple de groupes qui viennent en aide aux femmes victimes de violence domestique. «En temps de crise, il faut s’assurer que nos différentes associations qui sont sur le terrain puissent répondre aux demandes et aux besoins des francophones au pays. […] On est dans une époque complètement chamboulée. Il faut que le gouvernement [fédéral] soutienne nos communautés et fasse en sorte qu’il y ait un budget qui puisse assurer le maintien des services en français.»