Mais avant de nous plonger dans Le vol de l’ange, Cherche rouquine, coupe garçonne et L’Obomsawin, parlons un peu de l’auteur.
Daniel Poliquin est originaire d’Ottawa, où il a fait carrière en tant que traducteur et interprète au Parlement canadien. Même avec cet emploi, il a eu le temps de se consacrer à l’écriture. Il a écrit 10 romans et a signé la traduction de nombreuses œuvres d’essayistes et romanciers canadiens-anglais connus.
Il a reçu de nombreux prix ainsi qu’un doctorat honorifique de l’Université Carleton et un autre de l’Université d’Ottawa. Il est chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres de la République française, chevalier de l’Ordre de la Pléiade et officier de l’Ordre du Canada.
Son œuvre a fait l’objet de plusieurs dizaines d’études, de commentaires d’universitaires et de chroniques.
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Le vol de l’ange, paru aux Éditions Boréal en 2014, a mérité le prix France-Acadie en 2017 et a été défendu par l’écrivain et juriste Blaise Ndala lors du Combat national des livres 2022 de Radio-Canada.
Ce roman se déroule en Acadie, où l’auteur s’est installé en 2009. Il raconte l’histoire d’un enfant qui, à la suite d’un encan paroissial, se retrouve engagé dans une famille. La paroisse paye cette famille pour accueillir l’enfant.
On dit «encan» parce que c’est la famille qui mise le montant le plus bas qui accueille l’enfant. Cette pratique était aussi utilisée pour placer des ainés sans moyens de subsistance dans des familles de la paroisse.
Nous rencontrons le personnage-narrateur alors qu’il est âgé et qu’il doit faire l’objet de son troisième encan. Il raconte sa vie, une vie dorée selon lui, durant laquelle il n’a subi aucuns sévices dans sa jeunesse et qui lui a permis de jouir d’une grande liberté à l’âge adulte.
Daniel Poliquin est un merveilleux conteur. Par la bouche de son narrateur, il raconte la vie des villages, des familles, des personnages qu’il a croisés. En parlant d’une histoire d’amour entre deux de ses personnages, Poliquin note : «On aurait dit que leur histoire avait été écrite par un romancier bienveillant.»
C’est exactement ce que l’on ressent en lisant Le vol de l’ange.
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Ce romancier bienveillant est d’ailleurs de retour dans Cherche rouquine, coupe garçonne, paru chez Boréal en 2017.
Dès le premier chapitre, nous assistons à la pendaison de William Blewett pour le meurtre de deux Américains en Gaspésie. Or, la plupart des témoins de cette pendaison sont convaincus de l’innocence de Blewett.
Surtout le jeune prêtre, Jean-Jacques Bouffard, chargé d’assister le condamné. Il sera tellement secoué par cet évènement qu’il quittera la prêtrise.
L’affaire Blewett, c’est la trame qui soutient tout le récit.
Lui-même originaire de la Gaspésie, Jean-Jacques Bouffard retournera vivre dans la maison de son enfance après le décès de ses parents. Il épousera une fille du coin, une espèce d’enfant gâtée qui lui pourrira l’existence jusqu’à ce qu’elle le quitte. Elle aura cependant eu le temps de lui donner une enfant, la rouquine du titre. C’est elle la narratrice du roman.
Le livre est truffé de personnages truculents, et Daniel Poliquin nous les présente avec toute la verve narrative qui le caractérise.
Il y a d’abord, Odette, jeune fille d’Ottawa qui quitte sa famille dysfonctionnelle pour s’installer à Montréal dès qu’elle atteint la majorité. Elle passera d’un emploi et d’un amant à l’autre avant de devenir la maitresse de Blewett. C’est d’ailleurs dans son appartement à elle qu’il sera arrêté.
Il y a aussi le chef de police qui a procédé à l’arrestation de Blewett, mais qui n’a jamais cru à la culpabilité de ce dernier. Et à ces personnages s’ajoute le défilé d’amoureux et d’amoureuses de la rouquine.
Et dans tout ça, une grande question demeure : Blewett était-il coupable?
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Reculons au début de sa carrière. Le roman L’Obomsawin, publié chez Prise de parole en 1987, est un des premiers de Daniel Poliquin. C’est l’histoire d’un vieux peintre Métis, l’Obomsawin, qui subit un procès parce qu’il est accusé d’avoir incendié sa maison dans la ville déchue de Sioux Junction dans le Nord de l’Ontario. Mais le roman raconte surtout l’histoire de ce lieu emblématique de plusieurs localités du Nouvel-Ontario.
Avec des œuvres autochtones exposées dans plusieurs grandes villes du monde, Thomas Obomsawin a déjà connu la gloire, tout comme Sioux Junction a déjà été une ville florissante.
Ses deux fondateurs, un prêtre québécois défroqué et un anglophone ancien officier de la Police montée du Nord-Ouest, ont su faire prospérer la communauté. À une époque, l’un des fondateurs possédait le moulin à scie et l’autre la mine, qui attiraient des travailleurs de partout avec leur famille.
Maintenant, Sioux Junction ne compte plus que quelques habitants, ce qui crée des situations assez cocasses. Ainsi, l’un des derniers résidents, Jo Constant, «fait tout ce que l’autorité fait normalement». Il est maire, chef de police, juge de paix, hôtelier et seul épicier de la ville. C’est lui qui a arrêté l’Obomsawin et qui l’a logé dans son hôtel.
Mais le procès de l’artiste connu chambardera la ville en attirant – en plus d’un vrai juge et des avocats – toute une flopée de journalistes, d’artistes et d’autres personnalités médiatiques. Quant à l’Obomsawin, il n’a soumis aucun plaidoyer et semble indifférent à son sort.
Comme dans tous ses romans, Daniel Poliquin utilise son talent de conteur pour nous présenter ses personnages et la vie locale. Et, dans ce livre, il le fait avec un petit sourire en coin qui nous charme.
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Réjean Grenier a travaillé dans les médias pendant 47 ans, comme journaliste, rédacteur principal à Radio-Canada/CBC, éditeur et propriétaire d’un journal et d’un magazine, et éditorialiste. Il a présenté une chronique littéraire sur les ondes de Radio-Canada pendant cinq saisons. Il est un avide lecteur depuis l’âge de 12 ans. Il a grandi dans un petit village du Nord de l’Ontario où il n’y avait pas de librairie, mais il a rapidement appris où commander des livres. Son type d’ouvrage préféré est le roman puisqu’«on ne trouve la vérité que dans l’imaginaire».