S’adapter pour ne pas s’isoler
Étant arrivé au Manitoba à l’automne 2024, Kouamé Benjamin Boateng s’est senti isolé et «vraiment triste» lors de sa première période des Fêtes de fin d’année au Canada. Il vit dans un endroit où il dit ne rencontre pratiquement personne. «L’hiver était à un niveau impensable», confie-t-il.
Kouamé Benjamin Boateng est originaire d’Abidjan, une ville en Côte d’Ivoire.
Kouamé Benjamin Boateng est originaire de Côte d’Ivoire, spécifiquement d’une ville où les Fêtes, à ses yeux, ressemblent à celles des grandes métropoles européennes avec des artères illuminées et une foule en mouvement constant. En arrivant dans sa nouvelle localité, il n’a pas retrouvé la même effervescence. Sa première année au Canada a été une question de survie émotionnelle, raconte-t-il.
Cependant, l’Ivoirien a choisi de rester positif. Sa stratégie : créer son propre petit monde. Avec des amis, il a organisé un réveillon à leur manière : préparer un repas pour retrouver les saveurs de leur pays d’origine, écouter de la musique et bavarder pour combler la distance avec les proches restés au pays.
Cette année, après 12 mois au pays, Kouamé Benjamin Boateng prévoit quelque chose de plus festif. Il compte entre autres décorer sa demeure, passer à l’église pour la messe de Noël pour retrouver le sentiment nostalgique de la Côte d’Ivoire.
De son côté, Hamed Rachid Sidibe, étudiant à l’Université Laurentienne à Sudbury dans le Nord de l’Ontario depuis plus de deux ans, ne célèbre pas Noël pour des raisons religieuses. Il observe l’état d’esprit ambiant avec respect et tolérance, même s’il se sent parfois loin de tout cela.
L’étudiant raconte que son expérience en Côte d’Ivoire, un pays laïc où se côtoient plusieurs religions, l’avait déjà préparé à cette cohabitation des traditions.
Pour lui, ce temps de l’année est synonyme de repos, de prières, de gestes d’entraide envers les personnes dans le besoin et de renforcement des liens familiaux. «Nous en profitons pour passer plus de temps ensemble… et faire le bilan de l’année», explique-t-il.
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Le rôle des organismes : briser la glace
Conscients des différentes expériences vécues par les nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes, les organismes comme la Communauté francophone accueillante de Hamilton et celle de London se mobilisent pour bâtir des ponts entre différentes communautés.
Selon Loan Nguyen, les communautés francophones accueillantes de Hamilton et de London ont organisé le Diner des Fêtes le 20 décembre, avec un spectacle humoristique et musical des Chiclettes, intitulé En attendant Noël.
Loan Nguyen, agente de projet responsable du volet sensibilisation et promotion pour les communautés francophones accueillantes Hamilton et London, explique que leur mission est de soutenir l’intégration socioculturelle des nouveaux arrivants; ce qui inclut le temps des Fêtes.
Dans sa ville, elle a organisé, avec le Centre francophone, un diner des Fêtes pour proposer un moment convivial aux personnes nouvelles arrivantes.
Selon Loan Nguyen, l’objectif est double : briser l’isolement et faire découvrir la culture franco-ontarienne durant la période des Fêtes. Entre 100 et 120 personnes s’y sont inscrites, dit-elle.
D’autres initiatives fleurissent également dans sa région : elle énumère des exemples, comme des sessions sur la façon de bien s’habiller en hiver, des friperies ou des distributions de chocolat chaud organisées par le Centre de santé communautaire Hamilton Niagara.
L’agente de promotion attachée au Réseau en immigration francophone du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario indique aussi que les associations ethnoculturelles, comme l’Association des Camerounais de Hamilton, organisent aussi leurs propres diners pour célébrer ensemble.
Loan Nguyen rappelle que l’objectif des organismes d’accueil est que les nouveaux arrivants se sentent non seulement accueillis, peu importe leur culture, mais qu’ils sentent qu’ils peuvent, par la suite, contribuer à la communauté.
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Hamed Rachid Sidibe étudie en service social à l’Université Laurentienne de Sudbury et travaille comme livreur à temps partiel.
Au-delà du sapin
Pour Kouamé Benjamin Boateng, la question de l’inclusion est un véritable défi de société. Il observe que, pour les autorités et les organismes locaux, rendre cette période réellement inclusive est complexe, car les nouveaux arrivants demeurent en minorité. Il est conscient que de s’adapter à toutes ces traditions est compliqué, mais trouve tout de même que cela est «un peu dommage».
Imposer une culture étrangère n’est pas l’objectif, rappelle-t-il. Il s’agit plutôt de créer un mélange où les immigrants adoptent la culture d’accueil tout en préservant la leur. La diversité doit pouvoir être valorisée sans que la culture dominante ignore les traditions minoritaires.
Hamed Rachid Sidibe, de son côté, constate que l’ambiance des Fêtes au Canada reste centrée sur une seule tradition. Il propose ainsi de reconnaitre les grandes fêtes des autres religions, comme l’Aïd el-Fitr ou la Tabaski (Aïd-el-Adha), avec la même importance que les fêtes chrétiennes. Pour que cette diversité soit une force, il plaide pour une inclusion de toutes les religions afin que chacun puisse célébrer sa propre culture dans un cadre reconnu par tous.
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