le Mercredi 29 octobre 2025
le Mercredi 29 octobre 2025 6:30 Francophonie

Postsecondaire : 55 % des étudiants francophones du Canada choisissent l’anglais

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Les nouvelles données de Statistique Canada confirment une tendance déjà observée depuis plusieurs années dans le postsecondaire francophone à l’extérieur du Québec.  — Photo : Zhen Yao – Unsplash
Les nouvelles données de Statistique Canada confirment une tendance déjà observée depuis plusieurs années dans le postsecondaire francophone à l’extérieur du Québec.
Photo : Zhen Yao – Unsplash

FRANCOPRESSE – Selon une récente étude de Statistique Canada, plus de la moitié des jeunes francophones de l’extérieur Québec poursuivent leurs études postsecondaires en anglais. Une tendance à laquelle les organismes de la francophonie tentent de remédier. En cause : un manque d’offre, mais pas seulement.

Postsecondaire : 55 % des étudiants francophones du Canada choisissent l’anglais
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«C’est juste mettre un chiffre sur ce qu’on entend déjà sur le terrain», commente le président de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), Simon Thériault.

Entre 2016 et 2021, un peu moins de la moitié (45 %) des jeunes francophones hors Québec ayant fréquenté une école secondaire de langue française ont choisi de poursuivre leurs études universitaires dans un établissement francophone ou bilingue, rapporte Statistique Canada.

La proportion est toutefois nettement plus élevée chez ceux et celles qui résident dans le Nord (93 %) et le Sud-Est (85 %) du Nouveau-Brunswick, ainsi que dans l’Est (72 %) et le Nord (72 %) de l’Ontario.

«L’accès à l’éducation postsecondaire est beaucoup plus difficile dans l’Ouest canadien qu’au Nouveau-Brunswick ou en Ontario par exemple. Ça nous permet aussi de cibler dans quelle région il y a plus de travail à faire pour assurer une plus grande transition des élèves du secondaire francophone vers le postsecondaire en français», observe le président-directeur général de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), Martin Normand.

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La première étude du genre

L’étude de Statistique Canada se base sur les données du recensement de 2021, qui incluait des questions sur la langue d’enseignement au primaire et au secondaire.

«C’est la première fois qu’une étude d’une telle envergure peut être menée sur la question des transitions entre le secondaire et le postsecondaire en fonction de la langue des études», précise l’analyste et auteur de la recherche, Étienne Lemyre.

Des études de ce type ont déjà été menées à l’échelle locale, mais c’est une première au niveau national. «On a vraiment une vue d’ensemble nationale avec des nombres suffisants pour vraiment regarder par région, par domaine d’études.»

Cout financier et insécurité linguistique

«On le sait, les jeunes d’expression française en milieu minoritaire ont de nombreuses barrières à l’accès à l’éducation postsecondaire en français», remarque Simon Thériault. Il cite les couts liés au déplacement lorsque s’inscrire dans un établissement de langue française signifie déménager ou parfois même changer de province.

«Il y a beaucoup à faire. Il y a beaucoup de solutions qu’on pourrait mettre en place, mais ça prend des ressources et ce sont parfois des décisions difficiles», témoigne Simon Thériault de la FJCF. 

Photo : Annie France Noël

«Parfois, le choix est crève-cœur pour les jeunes, mais pour des raisons financières, ils doivent choisir de rester à la maison et de poursuivre leurs études en anglais», ajoute-t-il.

En 2021, 97 % des jeunes diplômés ayant fréquenté un établissement postsecondaire francophone ou bilingue résidaient dans la même province que celle où ils avaient étudié, précise Statistique Canada.

Dans certaines provinces, les programmes offerts en français peuvent aussi être très limités par rapport à l’offre en anglais.

De plus, l’insécurité linguistique peut aussi peser dans la balance. «Lorsqu’ils sortent du secondaire, ils sentent que leur français n’est peut-être pas assez bon pour poursuivre leurs études en français», souligne Simon Thériault.

Une hypothèse qu’avance aussi Serge Dupuis, historien et membre associé à la Chaire pour le développement de la culture d’expression française en Amérique du Nord de l’Université Laval, au Québec.

C’est pas parce que du jour au lendemain on offrirait la totalité des programmes en français en milieu minoritaire que tous les francos iraient.

— Serge Depuis

Enfin, l’expérience étudiante pèse aussi dans la décision, ajoute Simon Thériault : «C’est une grande partie des études d’avoir du bon temps; d’avoir accès à des équipes sportives, des installations sportives, des soirées, des évènements d’envergure. Ça a un impact.» L’offre des établissements anglophones est aussi plus grande pour ces éléments.

Programmes de bourse et de mobilité

Mais alors, comment retenir les jeunes dans l’écosystème francophone? Élargir l’offre reste une des pistes envisagées, «mais encore faut-il avoir des masses critiques pour ces programmes-là», nuance Serge Dupuis.

Serge Dupuis mène actuellement un projet de recherche en partenariat avec le Réseau dialogue sur les perspectives des jeunes franco-canadiens concernant leurs choix d’études. 

Photo : Courtoisie

La FJCF plaide pour la création d’un système de bourses pour les jeunes qui souhaitent poursuivre leurs études en français.

«Ça a été une promesse du gouvernement Carney dans la dernière campagne électorale. On attend toujours de voir la suite de cette promesse-là, rappelle Simon Thériault. Aucune annonce officielle n’a été faite encore.»

«Il y a un programme actuellement pour les jeunes en immersion qui souhaitent poursuivre leurs études postsecondaires en français […], mais, malheureusement, ce n’est pas disponible pour les jeunes qui sortent d’une école secondaire francophone.»

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Et le responsable de compléter : «Il faut également s’assurer que les institutions postsecondaires francophones elles-mêmes ont les ressources pour offrir des services aux étudiants – comme en santé physique et mentale – sur les campus et l’accès à des logements abordables.»

Des programmes de mobilité offrant aux jeunes l’occasion de découvrir leur pays ou le monde représentent également un atout. «Ce sont des services qui sont offerts dans des grands établissements postsecondaires anglophones, mais ce n’est pas toujours le cas dans nos institutions», observe Simon Thériault.

Pourquoi pas mettre en place des programmes de mobilité entre les institutions elles-mêmes : «C’est peut-être une manière de s’assurer que les jeunes peuvent découvrir la francophonie canadienne et pas juste leur communauté.»

Variations d’un domaine à l’autre

Les étudiants et étudiantes en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques étaient moins susceptibles (36 %) de choisir une université de langue française ou bilingue que celles et ceux inscrits dans les domaines de la santé, des arts, du commerce, des sciences humaines, de l’éducation et des sciences sociales (49 %), détaille l’étude.

«On essaie de répondre aux grands besoins généraux, mais on n’est pas toujours capable de répondre aux besoins spécifiques et à toutes les attentes de la population étudiante», explique Martin Normand de l’ACUFC.

«Il faut faire des choix et ça fait en sorte que, des fois, dans le domaine des sciences par exemple, c’est plus difficile d’avoir accès à des programmes en français.» Les filières scientifiques nécessitent souvent des infrastructures et des équipements plus couteux, constate-t-il.

Partenariats entre établissements

L’ACUFC travaille d’ailleurs avec ses membres à la mise en place de partenariats. «Il y a beaucoup de volonté dans le réseau de collaborer, mais il peut y avoir toutes sortes de barrières administratives ou encore une question de ressources qui ne permet pas toujours aux établissements de pouvoir libérer des ressources humaines», relève Martin Normand.

Pour Martin Normand, de l’ACUFC, l’étude de Statistique Canada permettra de mieux cerner les besoins propres à chaque région et à chaque domaine d’étude. 

Photo : Courtoisie

«Évidemment que ça frappe l’imaginaire, de pouvoir suivre des programmes à distance. Il peut y avoir d’autres possibilités de collaboration sur l’offre de services, sur le partage d’infrastructures numériques, de ressources pédagogiques. Il y a beaucoup de voies à explorer.»

Cependant, ces projets peuvent parfois se heurter à des obstacles émanant des ordres professionnels et non des établissements, défend-il.

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L’organisme francophone envisage en outre aussi collaborer avec des établissements au Québec ou des institutions gouvernementales de la province.

«Il y a déjà une mesure au Québec qui permet à des étudiants francophones du Canada d’étudier au Québec en payant les mêmes frais de scolarité que les résidents du Québec si le programme dans lequel ils étudient n’est pas offert ailleurs au Canada», signale Martin Normand.

«On a réussi à modeler le déploiement de ces mesures de façon à ce qu’il n’y ait pas un avantage indu pour les établissements du Québec, que ça ne nuise pas aux établissements francophones à l’extérieur du Québec.»

«Valeur ajoutée»

Tout n’est pas négatif, insiste Martin Normand. L’étude de Statistique Canada dresse aussi le constat que hors Québec, les personnes ayant étudié dans un établissement postsecondaire de langue française sont plus susceptibles de travailler principalement en français après leurs études.

«Et ça, c’est un phénomène absolument important à prendre en compte parce que ça veut dire que ces étudiants sont beaucoup plus susceptibles de combler des pénuries de main-d’œuvre dans des secteurs de l’épanouissement des communautés francophones […] et d’offrir des services bilingues de façon active.»

On pourrait toujours étendre l’offre, ça, c’est clair, mais on peut au moins dire que l’offre actuelle permet de répondre à certains besoins et que si cette offre-là était inexistante, le nombre de professionnels qui utiliseraient le français en milieu de travail chuterait drastiquement.

— Martin Normand

L’ACUFC prévoit une campagne de promotion pour rendre compte de «la valeur ajoutée d’étudier au postsecondaire en français», indique le responsable.

«On se rend compte que la clientèle étudiante n’est pas toujours au courant de l’offre de programmes en français au Canada ou alors ne pense pas qu’un diplôme en français a la même valeur sur le marché du travail qu’un diplôme en anglais, ce qui est tout à fait faux.»

Type: Actualités

Actualités: Contenu fondé sur des faits, soit observés et vérifiés de première main par le ou la journaliste, soit rapportés et vérifiés par des sources bien informées.

Déclaration sur les sources et la méthode:

Déclaration IA : Le présent article a été rédigé par une journaliste. Un outil d’intelligence artificielle a servi à la transcription des entrevues. La journaliste a révisé l’exactitude des extraits utilisés.

Données de parution:

Montréal

Camille Langlade

Cheffe de pupitre

Adresse électronique: