Au lendemain de la défaite de Pierre Poilievre dans sa circonscription de Carleton, près d’Ottawa, des députés conservateurs ont commencé à accorder des entrevues à des plateaux télé boudés jusqu’ici par les membres du parti.

Chris d’Entremont, député conservateur réélu dans la circonscription néoécossaise d’Acadie–Annapolis, s’est montré ouvert à travailler avec les autres partis de la Chambre pour faire face à l’administration Trump.
C’est le cas de Chris d’Entremont, réélu dans Acadie–Annapolis, en Nouvelle-Écosse, qui affirme à CBC que son parti devra travailler avec les autres partis pour faire face à l’administration Trump.
Idem pour son collègue réélu dans le Grand Toronto, Jamil Jivani, qui déclare sur CBC être prêt à discuter avec son ami J.D. Vance, vice-président des États-Unis, afin d’appuyer le gouvernement libéral dans ses négociations.
«Un changement de dynamique est toutefois nécessaire entre nos deux pays», a-t-il ajouté, évoquant de «forts désaccords politiques» avec J.D. Vance.
Les deux députés se sont exprimés sur CBC, un média dont Pierre Poilievre promettait de couper le financement.
Langues déliées
Ces ouvertures du côté conservateur, peu communes lorsque le Parlement siège, seraient renforcées par des manœuvres des libéraux en coulisses qui, à trois sièges seulement de la majorité, tenteraient de recruter des conservateurs de l’autre côté de la Chambre, rapporte Radio-Canada.

Selon Yan Plante, le leadeur parlementaire qui sera choisi cette semaine «va devenir un peu comme un leadeur adjoint» de Pierre Poilievre.
Le président-directeur général du Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE) Canada, Yan Plante, n’exclut pas qu’il y ait des «frustrations» chez les députés conservateurs, par rapport à la défaite de leur chef.
Selon lui, s’ils restaient auparavant silencieux, c’est «parce qu’ils avaient l’impression qu’ils se dirigeaient vers une victoire». «Au lendemain d’une défaite, certaines personnes mécontentes pourraient avoir le choix de s’exprimer davantage», commente l’ancien stratège politique.
En attendant, malgré la vingtaine de sièges gagnés par les conservateurs par rapport à l’élection fédérale de 2021, Pierre Poilievre «porte à lui seul le poids de la défaite», analyse François Rocher, professeur agrégé de science politique à l’Université d’Ottawa.
«Ce n’est pas quelque chose qui peut être partagé avec d’autres acteurs conservateurs […] puisqu’ils ont été absents du débat.»
Des députés de premier rang comme Pierre Paul-Hus, lieutenant des conservateurs au Québec, ou Melissa Lantsman, bras droit de Pierre Poilievre, étaient assurés d’avoir des postes de ministres. «Là [certains] se voient finalement de nouveau dans l’opposition», observe François Rocher.
Le Parti conservateur a rapidement fait savoir que le député conservateur Damien Kurek, élu à plus de 80 % dans la circonscription albertaine de Battle River–Crowfoot, acceptait de céder son siège aux Communes.
Le premier ministre, Mark Carney, a indiqué lors de son premier point de presse, le 2 mai, qu’il ne tarderait pas à déclencher une élection partielle, sans toutefois en préciser la date. Il a fixé le retour du Parlement au 26 mai, mais l’élection de la présidence de la Chambre, et le 27 mai pour le discours du Trône.
Tant qu’il ne sera pas élu lors d’une élection partielle, Pierre Poilievre ne pourra pas siéger à la Chambre des communes.
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«Il tient toujours son parti»
Pierre Poilievre, qui a obtenu une large majorité de plus de 68 % lorsqu’il a été élu chef du Parti conservateur du Canada (PCC) en 2022, tient toujours son parti, affirme François Rocher, et cela tient en grande partie au fait que le chef n’a «pas de successeur naturel ou de têtes fortes».
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Yan Plante abonde dans le même sens : Pierre Poilievre reste le chef de parti. «Dans l’écrit, trompons-nous pas, tout ce qui va se passer d’important à la Chambre des communes [chez les conservateurs] devra recevoir l’aval du chef du parti, qu’il siège ou non.»
Il rappelle que le chef aura toujours son bureau au Parlement et une équipe «chargée d’écrire les questions qui seront posées en Chambre».
Celles-ci ne seront pas posées par Pierre Poilievre, mais par le leadeur parlementaire et certains députés choisis en amont… par le chef et son équipe, anticipe François Rocher.
Le caucus conservateur se réunissait d’ailleurs le 5 mai pour décider si ce serait lui ou Pierre Poilievre qui choisirait le prochain leadeur parlementaire. Les députés sont divisés sur la question.
Il y a quelques jours, Pierre Paul-Hus, lieutenant du Québec pour le Parti conservateur, a affirmé que le caucus était «uni» derrière son chef, malgré sa défaite.
En outre, les gains des conservateurs lors de la dernière élection fédérale l’ont emporté sur les défaites, estime Yan Plante. «Malgré tout ce qu’on entend sur le fait que [Pierre Poilievre] était apparemment contrôlant, il y a quand même 41 % des Canadiens qui ont voté pour lui. Donc force est d’admettre que ce [côté] n’est pas quelque chose qui a influencé les électeurs beaucoup.»
Le PDG du RDÉE entrevoit toutefois que la défaite individuelle de Pierre Poilievre ne lui laisse «pas le choix que d’écouter [ses députés] et de prendre des notes pour voir comment on peut faire mieux la prochaine fois».