le Dimanche 11 mai 2025

Le système métrique, ou «Système international d’unités» de son nom officiel, est un produit de la Révolution française. C’est l’un des legs positifs de cette période trouble où presque n’importe qui pouvait se faire guillotiner pour n’importe quelle raison.

Le mètre étalon exposé à la place Vendôme, à Paris. Son matériel a défini le mètre de la Révolution française jusqu’à 1960. 

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Comme dans plusieurs pays de l’époque, la France utilisait un système chaotique pour mesurer, peser et calculer une multitude de choses. En fait, plus de 700 unités de mesure étaient alors en usage dans l’Hexagone.

L’idée de simplifier tout ce désordre était inspirée de l’idéal d’égalité qui motivait ceux qui ont renversé l’Ancien Régime. Avec un système universel et standard, on estimait que les citoyens pourraient mieux gérer leurs intérêts et commercer équitablement. L’égalité par le mètre.

À lire aussi : L’aventure extraordinaire de la Compagnie de la Baie d’Hudson

Standardiser pour mieux égaliser

Au début de 1791, des scientifiques français se mettent d’accord sur le choix du mètre comme base de la mesure de la distance. Le mètre donnera d’ailleurs son nom au système comme tel.

Ce panneau de limite de vitesse en Ontario en 1977 illustre bien la conversion au système métrique. Sous le chiffre 40 (km/heure), on devine l’ancienne limite de 25 miles à l’heure. 

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On définit alors le mètre (mot dérivé du grec «metron», qui signifie «mesure») comme étant égal à la dix-millionième partie d’un méridien (longitude) entre le pôle Nord et l’équateur. C’est simple, mais il fallait y penser.

Mais même si la France revendique l’invention du système métrique, il est aussi établi que l’évêque britannique John Wilkins, fondateur de la prestigieuse British Royal Society, avait proposé plus de 120 ans auparavant la standardisation de plusieurs mesures, comme celles de la distance, du volume et de la masse.

Même si sa démarche est restée lettre morte dans son pays, ses recherches ont jeté les bases du système métrique élaboré ensuite en France.

En 1799, Napoléon rend le nouveau système métrique obligatoire en France.

Le mètre à la conquête du monde

Dans les décennies qui vont suivre, les nouvelles mesures adoptées en France se propagent dans de nombreux autres pays.

À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, le système métrique s’était répandu dans presque tous les pays d’Europe, d’Amérique centrale et du Sud, dans la majeure partie de l’Afrique, au Moyen-Orient, en Chine et dans plusieurs pays voisins.

La vente de la viande dans les épiceries est l’un des bastions du système impérial au Canada, avec le prix à la livre affiché bien plus visiblement que celui au kilo. 

Photo : Marc Poirier

Le monde anglo-saxon, plusieurs pays africains sous l’égide du Royaume-Uni ainsi que l’Inde résistent alors à l’envahisseur métrique.

En 1960, on peaufine et précise les unités métriques lors de la onzième Conférence générale des poids et des mesures et l’on crée le Système international d’unités (SI), dont l’abréviation française est utilisée dans toutes les langues. Si la France avait perdu son empire depuis longtemps, son système de mesures avait conquis le monde. Ou presque…

L’année 1965 sera un jalon important puisque le Royaume-Uni, voulant s’intégrer économiquement au reste de l’Europe, cède à son tour aux unités françaises et laisse tomber son système impérial de mesures, une conversion que plusieurs scientifiques préconisaient depuis une centaine d’années.

L’expérience canadienne du système métrique : oui, mais…

Dans la foulée, le Canada montera lui aussi dans le train quelques années plus tard, même si son voisin du Sud, et son plus grand partenaire commercial, refusera – et refuse toujours – d’adopter le SI.

Aux débuts des années 1970, le gouvernement canadien de Pierre Elliot Trudeau, élu deux ans auparavant et féru d’idées réformistes dans plusieurs secteurs, se lance dans l’aventure métrique.

Après quelques années d’études et de préparation, le premier pas est franchi le 1er avril 1975, alors que le service météorologique canadien adopte officiellement le degré Celsius. Quelques mois plus tard, c’est au tour des précipitations d’être mesurées en centimètres ou millimètres.

La conversion se fait par étapes. En 1975 et 1976, on voit apparaitre les unités métriques sur un nombre croissant de produits ménagers. L’année suivante, en 1977, les kilomètres prennent leur place sur les panneaux routiers. Le kilomètre-heure s’affiche sur les indicateurs de vitesse des voitures, mais coexistera pendant longtemps avec le mille à l’heure.

Au début de 1979, le litre commence à remplacer le gallon dans les stations-service. Cette étape a particulièrement suscité la grogne au sein de la population. À la Chambre des communes, une quarantaine de députés progressistes-conservateurs ont défendu des pétitions contenant des milliers de signatures contre l’adoption du litre à la pompe.

Au printemps de la même année, l’arrivée du gouvernement de Joe Clark marque une pause dans l’implantation du système métrique au pays. Après seulement quelques mois au pouvoir, ce gouvernement minoritaire est remplacé par les libéraux, qui remettent la machine en marche.

En marche, mais pas toujours rondement. En 1983, un Boeing 747 d’Air Canada, parti de Montréal à destination d’Edmonton, doit atterrir d’urgence au Manitoba. Les réservoirs de l’appareil n’avaient été remplis qu’à moitié en raison d’un mauvais calcul des unités métriques.

Situation du SI dans le monde. Vert : conversion complète; jaune : presque complète; orange : partielle; rouge : peu de mise en œuvre. 

Photo : Wikimedia Commons

Une conversion inachevée

L’élection de Brian Mulroney à la tête du pays en 1985 change encore la donne. Le nouveau premier ministre progressiste-conservateur abolit la Commission du système métrique créé en 1971. Dorénavant, le SI, en implantation depuis 10 ans, sera volontaire.

Logo utilisé sur de nombreux produits lors de la période de conversion au système métrique.

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Mais le système est là pour rester, notamment dans les instances gouvernementales. Les Canadiens et les Canadiennes cependant vivent toujours, 50 ans plus tard, dans deux univers parallèles. On roule en kilomètres, mais une bonne partie de la population continue de mesurer leur taille et leurs matériaux de construction en pieds et en pouces, et leur poids en livres.

Les températures extérieures et intérieures se mesurent en Celsius, mais dans plusieurs chaumières, on chauffe le four en Fahrenheit. Et un pied de neige semble plus concret que 30 centimètres.

À l’épicerie, la grande majorité des produits est vendue en grammes ou en millilitres, mais le prix à la livre prévaut pour la viande, avec la conversion en kilos affichée plus discrètement. Le beurre est bien vendu «métriquement», en emballage de 454 grammes, même si on persiste à dire qu’on achète une livre de beurre.

N’empêche, le SI a bel et bien établi son emprise sur la planète. Seuls trois pays résistent toujours et encore : les États-Unis, le Liberia et le Myanmar. C’est bien l’un des rares secteurs où le pays de l’Oncle Sam n’a pas réussi à s’imposer.

La Compagnie de la Baie d’Hudson doit son existence en bonne partie à deux aventuriers français : Médard Chouart Des Groseillers et Pierre-Esprit Radisson.

Radisson et Des Groseillers discutant avec des Autochtones à un poste de traite du Nord-Ouest en 1662. 

Photo : Archibald Bruce, Stapleton, Musée McCord, Wikimedia Commons, domain public

En 1658 ou 1659, les deux hommes partent pour les Grands Lacs et reviennent à Québec avec une petite fortune en peaux de castor. Mais les autorités confisquent les fourrures, car la traite des pelleteries dans cette région a été interdite.

Déçus que leur projet de commerce de fourrures avec la France ait échoué et incapables de convaincre les autorités françaises d’exploiter le territoire des Grands Lacs, Des Groseillers et Radisson se rendent à Londres. Le prince Rupert, cousin de Charles II, s’intéresse à leurs démarches. Il arrive à convaincre le roi et des marchands anglais.

Ainsi nait, le 2 mai 1670, la Compagnie de la Baie d’Hudson. Il s’agit de la plus ancienne société commerciale constituée par actions du monde anglo-saxon. Même si elle a pour motivation première le commerce des fourrures, Londres espère pouvoir ainsi trouver le Passage du Nord-Ouest entre les iles arctiques.

À lire : La quête meurtrière du Passage du Nord-Ouest

La Charte

La Charte signée par Charles II pour établir la Compagnie de la Baie d’Hudson accorde à cette société – de façon évidemment unilatérale, sans égard aux populations autochtones – la mainmise sur un territoire de 1,5 million de kilomètres carrés, du Labrador aux montagnes Rocheuses.

L’étendue de la Terre de Rupert octroyée à la Compagnie de la Baie d’Hudson le 2 mai 1670. 

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Le roi donne à ce vaste territoire le nom de «Terre de Rupert», du nom de son cousin le prince, qu’il nomme gouverneur de la Compagnie de la Baie d’Hudson.

Des Groseillers et Radisson, malgré leur rôle crucial dans la fondation de la Compagnie, la délaissent quelques années plus tard, après des conflits avec les dirigeants.

Après un bref retour du côté français, Des Groseillers retourne en Nouvelle-France finir ses jours, alors que Radisson réintègre la Compagnie de la Baie d’Hudson. Il se retirera ensuite à Westminster, près de Londres, où il écrira le récit de ses aventures, avant de mourir en 1710.

Un essor fulgurant

La Compagnie de la Baie d’Hudson devient une entreprise au fonctionnement parfaitement huilé. Elle a une bureaucratie centralisée à Londres. Ses actionnaires élisent un gouverneur et un comité pour gérer les opérations, mener les enchères de fourrures, embaucher les hommes et organiser le transport des marchandises.

Le prince Rupert du Rhin, duc de Cumberland, a été nommé premier gouverneur de la Compagnie de la Baie d’Hudson par son cousin, le roi Charles II. Le territoire gouverné et exploité par la Compagnie a été nommé en son honneur. 

Photo : Wikimedia Commons, attribution 2,0

Chaque poste de traite établi par la Compagnie a son superviseur. Les traiteurs de la Compagnie s’enfoncent de plus en plus dans le continent, de la Californie à l’Alaska, et établissent des colonies un peu partout.

Les actionnaires de l’entreprise deviennent très riches. De 1738 à 1748, la valeur totale des importations de fourrure atteint plus de 270 000 livres, l’équivalant de 31 millions de livres sterling. Selon certains calculs de l’historien David Chan Smith, plus d’un million de peaux de castor ont été importées en Europe entre 1730 et 1750.

En 1783, des Écossais immigrés à Montréal fondent la Compagnie du Nord-Ouest pour faire concurrence à la Compagnie de la Baie d’Hudson. Les deux sociétés fusionnent en 1821.

De nouveau seule en laisse, la Compagnie de la Baie d’Hudson exercera son emprise, au milieu du XIXe siècle, sur environ huit-millions de kilomètres carrés. Elle étendra ses ailes dans les Territoires du Nord-Ouest, qui comprenaient alors certaines parties de l’Ouest canadien d’aujourd’hui. Avec la fusion, le nom «Terre de Rupert» inclura aussi les Territoires du Nord-Ouest.

Autochtones et employés bafoués

Jusqu’au XXe siècle, la Compagnie de la Baie d’Hudson exploite près de 100 comptoirs de traite dans les régions autochtones. Mais les relations sont souvent difficiles.

On reprochera à la Compagnie de la Baie d’Hudson de fixer des prix trop bas pour les fourrures et trop élevés pour les marchandises offertes en échange, ce qui contribue à maintenir les trappeurs autochtones dans un état d’endettement chronique.

Et c’est sans compter les ravages de la petite vérole contre laquelle les Autochtones n’ont pas d’immunité naturelle.

Le bastion de Nanaimo, en Colombie-Britannique, a été construit dans les années 1850 par deux Canadiens français, Jean-Baptiste Fortier et Léon Labine, pour le compte de la Compagnie de la Baie d’Hudson. 

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La Compagnie de la Baie d’Hudson ne traite pas mieux ses employés, surtout ceux qui prennent des femmes autochtones comme compagne ou épouse. Plusieurs de ces employés sont des Canadiens français.

La Compagnie de la Baie d’Hudson fermera davantage les yeux après que les gestionnaires locaux feront de même.

Des enfants issus de ces unions s’établiront sur les rives de la rivière Rouge, où naitra une communauté métisse. La Compagnie de la Baie d’Hudson prendra plus tard le contrôle de cette colonie, qui sera à l’origine de la création du Manitoba.

Peu après la Confédération, la Compagnie cherche à céder ses territoires et elle reçoit des offres alléchantes des États-Unis. Pour contrecarrer l’éventualité qu’une partie de la Terre de Rupert soit cédée aux États-Unis, le gouvernement britannique intervient et acquiert ce vaste territoire, moyennant 300 000 livres (soit 1,5 million de dollars de l’époque), en 1870.

Entre 1934 et 1958, la Compagnie déplace de force une cinquantaine d’Inuits dans un poste abandonné, loin de leurs terres d’origine, pour qu’ils aillent faire la chasse à son profit. Le poste de traite fermera deux ans plus tard.

Plusieurs Inuits seront déplacés à maintes reprises. En février 2025, le gouvernement fédéral a présenté des excuses officielles auprès de la communauté inuite et a annoncé une injection de 270 millions de dollars pour protéger la région nordique de Qikiqtani.

À lire ailleurs : Le temps des excuses pour les relocalisations de Dundas Harbour (Le Nunavoix)

Situation actuelle

La Compagnie de la Baie d’Hudson mettra beaucoup d’efforts pour s’adapter au monde de la consommation du XXe siècle.

En 1979, la famille de Roy Herbert Thompson a acheté la Compagnie de la Baie d’Hudson. Afin de tenter de redresser les finances de la société, les propriétaires vendront les magasins du Nord canadien et les intérêts dans le gaz et le pétrole.

L’iconique magasin La Baie de Montréal est l’un des cinq que l’entreprise tente de sauver des mains des créanciers. 

Photo : Wikimedia Commons, partage dans les mêmes conditions, 3,0

L’entreprise se retirera définitivement du commerce des fourrures en 1991. En 2006, elle sera vendue à des intérêts américains.

Un long déclin s’ensuivra jusqu’à ce que la Compagnie de la Baie d’Hudson soit acculée au pied du mur et demande au tribunal, début mars 2025, une protection contre ses créanciers. Ses dettes s’élèvent aujourd’hui à environ un milliard de dollars.

Vers la fin de mars, elle a commencé à liquider ses quelque 96 magasins, dont 80 sous l’enseigne La Baie. Le tribunal lui a cependant accordé un peu de temps pour tenter de sauver un magasin Saks Fifth Avenue et cinq magasins La Baie, soit trois dans la région de Montréal et deux dans celle de Toronto.

La disparition complète de la Compagnie de la Baie d’Hudson, 355 ans après sa fondation, ne tient qu’à un fil.

Il y a 380 ans : Jeanne Mance fonde un hôpital

La Française Jeanne Mance arrive à Ville-Marie (Montréal) en 1642 pour y établir une mission avec l’intention d’évangéliser et de sédentariser les Autochtones. Elle fonde un dispensaire qui devient un hôpital de huit lits, l’Hôtel-Dieu, en 1645. Pour soutenir les activités de l’hôpital, elle recrute en France des religieuses de Saint-Joseph.

Le Musée Pointe-à-Callière, à Montréal, est aménagé tout près du dispensaire ouvert par Jeanne Mance et possède une collection dédiée à celle-ci, dont une statue de cire. 

Photo : Collection Pointe-à-Callière, avec autorisation

Après le décès de Jeanne Mance (qui est laïque) en 1673, ces sœurs hospitalières poursuivent le travail. Elles fondèrent, plus tard, des hôpitaux en Ontario (Kingston, Windsor et Chatham) et au Nouveau-Brunswick (Tracadie, Campbellton et Saint-Basile).

Peu d’informations sont disponibles sur ses relations avec les Autochtones, outre le fait qu’elle ouvrait son dispensaire à «tous». Une lettre authentifiée en 2024 prouve cependant qu’elle était à Ville-Marie en pleines guerres franco-iroquoises, lorsque la Confédération cherchait à chasser la colonie française. Cette lettre implore Paul de Chomedey de Maisonneuve d’envoyer des soldats pour les repousser. Ce qui fut fait.

Jeanne Mance a fondé l’Hôtel-Dieu, mais a joué un rôle plus essentiel dans l’établissement de la colonie. Elle était de facto l’intendante, veillant à la gestion des finances et au recrutement de colons. Cependant, elle n’a pas été reconnue comme cofondatrice de Ville-Marie avant 2012 par la Ville de Montréal. Elle a aussi été intronisée au Temple de la renommée médicale canadienne en 2020.

Il y a 270 ans : Marie Marguerite Rose ouvre une taverne

Figure de la première période d’esclavage des personnes noires au Canada, Marie Marguerite Rose a passé 19 ans en servitude chez une élite coloniale de Louisbourg, à l’ile Royale (aujourd’hui le Cap-Breton).

Depuis une vingtaine d’années, Charlene Chassé incarne Marie Marguerite Rose au Lieu historique national de la Forteresse-de-Louisbourg. 

Photos : Emily Madinsky pour Parcs Canada, avec autorisation

Affranchie en 1755, elle épouse un Mi’kmaq et ouvre une taverne et une pension. Elle se hisse ainsi au rang de commerçante. Elle fait partie des trois seules femmes esclaves qui seront affranchies à l’ile Royale.

Capturée en Afrique de l’Ouest, aujourd’hui la Guinée, Marie Marguerite Rose arrive à l’ile Royale en 1736, à 19 ans environ. Elle y est vendue à un officier à Louisbourg; elle est renommée et baptisée. Dans la résidence de la famille Loppinot, elle est la principale domestique et elle veille à la cuisine et à l’entretien ménager.

Entre 1713 et 1758, au moins 268 personnes auraient été esclaves à Louisbourg. Selon l’historien Ken Donovan, l’ile Royale en comptait 125 en 1757, ce qui représentait 3 % de la population. Sous le Régime français, 1 375 personnes noires auraient été esclaves.

Marie Marguerite Rose a été reconnue comme personnage historique national du Canada en 2008 puisqu’elle aurait été une des premières femmes d’affaires noires au Canada.

À lire aussi : Le passé ségrégationniste méconnu du Canada

Il y a 125 ans : Dorimène Desjardins cofonde les caisses populaires

Dorimène Desjardins s’implique activement dans la mise sur pied des caisses populaires. Son mari Alphonse, inspiré par un débat à la Chambre des Communes où il travaille comme sténographe, s’intéresse au crédit coopératif et imagine – avec elle – un pacte social.

Dorimène, Alphonse et leur fille Albertine devant le Parlement à Ottawa en 1913. 

Photo : Archives du Mouvement Desjardins, avec autorisation

En 1900, 132 personnes signent ce pacte. Une caisse d’épargne et de crédit voit ainsi le jour dans le domicile de la famille Desjardins, à Lévis, au Québec.

Dorimène Desjardins travaille concrètement à la fondation des caisses. À une époque où les femmes n’avaient pas le droit d’ouvrir un compte bancaire sans le consentement de leur mari, elle gère les activités quotidiennes de la caisse et prend part à l’orientation et à l’expansion du mouvement.

Avant 1920, elle participe à la fondation de 187 caisses d’économie au Québec, 24 en Ontario et 9 aux États-Unis. Le mouvement coopératif prend racine, partout au pays. L’historienne Maude-Emmanuelle Lambert écrit que plusieurs de ces comptoirs sont établis dans des foyers et tenus par des femmes.

Le décès de son mari, en 1920, révèle l’important rôle de Dorimène Desjardins. «Elle aura été assurément l’une des femmes les plus au courant de la question économique considérée au point de vue social», peut-on lire dans L’Action catholique à son décès, en 1932.

Sa contribution, peu documentée, est reconnue de son vivant. Tombée ensuite dans l’ombre, Dorimène Desjardins est depuis passée à l’histoire comme cofondatrice du mouvement.

À lire : Le Mouvement Desjardins en Ontario : 100 ans d’histoire (L’Express.ca)

Il y a 80 ans : Gabrielle Roy transforme la littérature canadienne

La Franco-Manitobaine Gabrielle Roy écrit son premier roman à Montréal, Bonheur d’occasion. Inspirée par des promenades à pied dans un quartier défavorisé, la romancière décrit dans son livre la misère de la ville, une première. Son œuvre obtient un succès populaire et critique instantané.

Gabrielle Roy, en 1946. 

Photo : Bibliothèque et Archives Canada, Fonds Ronny Jaques

Gabrielle Roy est née en 1909 à Saint-Boniface, au Manitoba. Enseignante de jour, elle consacre ses temps libres au théâtre, au Cercle Molière. Cette passion la mène à Paris et à Londres, où elle étudie l’art dramatique. Elle s’installe à Montréal au tournant des années 1940 et y travaille comme journaliste.

Bonheur d’occasion vaut maints prix à Gabrielle Roy. Elle sera la première personne à recevoir la médaille de l’Académie des lettres du Québec. Elle devient ensuite la première Canadienne à remporter le prestigieux Prix Femina, un prix littéraire établi en 1904. Le Prix littéraire du Gouverneur général sera décerné à la version anglaise du roman, intitulé The Tin Flute.

On dit que Bonheur d’occasion a contribué à renouveler le roman au Québec et au Canada en y introduisant le réalisme urbain. N’empêche, le Manitoba constitue pour Gabrielle Roy «un réservoir de souvenirs et d’images ineffaçables», écrit le spécialiste François Ricard.

Gabrielle Roy demeure une figure dominante de la littérature contemporaine et est reconnue comme une grande auteure sur la condition humaine.

À lire : Trois autrices qui ont marqué la littérature (Chronique)

Il y a 45 ans : Jeanne Sauvé revêt la robe de présidente de la Chambre des Communes

Jeanne Sauvé est la première femme désignée présidente de la Chambre des Communes, en 1980. Devant la Chambre, elle se montre ferme – elle doit veiller au maintien de l’ordre et du décorum – et impartiale. Mais dans les coulisses, elle revoit des pratiques inefficaces et allège la bureaucratie.

Jeanne Sauvé, gouverneur général, et son mari Maurice Sauvé, à Ottawa, en 1984. 

Photo : Proacguy1 – Wikimedia Commons

Jeanne Sauvé est née en Saskatchewan en 1922 et a grandi à Ottawa. De retour au Canada après un séjour en Europe, elle mène une carrière de journaliste et de commentatrice politique pendant 20 ans.

Elle fait le saut en politique fédérale en 1972 en se faisant élire dans une circonscription du Grand Montréal. Elle devient la première femme francophone à entrer dans le Cabinet du gouvernement fédéral, notamment à titre de ministre de l’Environnement et aussi des Communications.

En 1984, elle est assermentée comme gouverneur général du Canada et devient la première femme à représenter la couronne britannique au Canada. C’est aussi à Jeanne Sauvé que l’on doit la première garderie sur la colline du Parlement.

Soulignons qu’en 1980, la présidence de la Chambre n’est pas choisie par la Chambre, comme c’est le cas depuis 1986. C’est plutôt le premier ministre qui propose une nomination à la Chambre.

Le 6 mars 2025, Parcs Canada a désigné Jeanne Sauvé comme une personne d’importance historique nationale.

Si on connait le nom d’Agnes Macphail, première femme élue à la Chambre des communes en 1921, ceux de Louise McKinney, élue en juin 1917 à l’Assemblée législative de l’Alberta, et de Roberta MacAdams, qui l’a rejointe plus tard cette même année, sont moins présents dans la mémoire collective.

L’Ontarienne Agnes (Campbell) Macphail a brisé le plafond de verre pour les femmes en politique canadienne en devenant la première députée fédérale, en 1921. 

Photo : Yousuf Karsh, Bibliothèque et Archives Canada/Fonds Yousuf  Karsh

Agnes (Campbell) Macphail fait son entrée aux Communes deux ans après que les femmes furent autorisées à se porter candidates aux élections fédérales. Oratrice talentueuse, elle était organisatrice pour les Fermiers unis de l’Ontario. Elle siègera jusqu’en 1940, mais il faudra attendre 14 ans pour qu’une deuxième femme soit élue à Ottawa, soit Martha Louise Black.

Née à Chicago, cette dernière s’est présentée aux élections de 1935 dans une circonscription du Yukon qui était représentée par son mari, George Black. Celui-ci avait été élu en 1921 et était devenu président de la Chambre des communes, mais il avait renoncé à se porter candidat aux élections de 1935 parce qu’il souffrait d’une dépression.

Quant à Agnes Macphail, elle poursuivra sa carrière politique à l’Assemblée législative de l’Ontario, où elle est élue en 1940. Elle est l’une des deux premières femmes à avoir siégé en Ontario. Elle sera l’autrice d’un premier projet de loi sur l’équité salariale, luttera pour la création des allocations familiales et le droit des femmes à demander le divorce.

Entretemps, le Sénat canadien accueillera une première femme en 1930. Il s’agit de Cairine Wilson (née Cairine Reay Mackay), de Montréal. Elle était la fille de Robert Mackay, sénateur et ami personnel de Wilfrid Laurier. Sa nomination par le premier ministre William Lyon Mackenzie King survient quatre mois seulement après le dénouement de la célèbre affaire «personne».

L’affaire «personne»

Même si les femmes pouvaient être candidates aux élections fédérales, elles n’étaient pas admissibles à une nomination au Sénat.

Le mouvement des suffragettes pour le droit de vote des femmes a débuté en Grande-Bretagne au début du XXe siècle. Ici à Londres. 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

En 1928, la Cour suprême du Canada avait statué que les femmes n’étaient pas des «personnes» selon les termes de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, première constitution canadienne. Elles ne pouvaient ainsi pas être nommées au Sénat.

Cinq suffragettes albertaines, surnommées les «Célèbres cinq» (Famous Five), réussissent à faire pression sur le gouvernement fédéral pour que cette affaire soit soumise au comité judiciaire du Conseil privé de Londres, qui constituait à l’époque le plus haut tribunal d’appel pour le Canada et toutes les colonies britanniques.

Le 18 octobre 1929, le comité judiciaire infirme la décision de la Cour suprême du Canada.

Lente accélération

Malgré ces grandes premières, la présence des femmes dans la sphère politique canadienne évolue lentement. Le Québec sera la dernière province à accorder le droit de vote aux femmes, en 1940.

Ce n’est qu’en 1957 qu’une première femme, Ellen Louks Fairclough, est nommée à un cabinet fédéral.

Caricature d’Arthur Racey dans le Montreal Star montrant une Québécoise devant une affiche indiquant que la Turquie permet aux femmes de voter en 1934 alors qu’au Québec, ce droit ne leur sera accordé qu’en 1940. 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Au début des années 1970, cinquante ans après l’élection d’Agnes Macphail, il n’y a que cinq femmes députées aux Communes, soit un maigre 2 % des membres de la Chambre. Cette proportion augmente lentement pour atteindre 5 % en 1980, puis 20 % lors du scrutin de l’an 2000.

La proportion de députées fédérales fait pratiquement du surplace au cours de la décennie suivante; elle n’atteint même pas tout à fait les 25 % en 2011. Le rythme s’accélère par la suite et, aux élections de 2021, plus de 30 % des parlementaires à la Chambre des communes sont des femmes.

Entretemps, le premier ministre Justin Trudeau a fait avancer les choses plus rapidement à l’exécutif en nommant, pour la première fois au Canada, un cabinet paritaire en 2015, avec 15 femmes et 15 hommes. Amené à expliquer sa décision, Justin Trudeau avait eu cette réplique qui avait beaucoup retenu l’attention : «Parce qu’on est en 2015.»

Cela dit, aucune femme n’a jusqu’à présent été élue première ministre du Canada, même si on est en 2025. Seule l’éphémère Kim Campbell a occupé ce poste pendant quatre mois en succédant au premier ministre Brian Mulroney comme cheffe du Parti progressiste-conservateur en 1993.

Le plafond de verre des femmes francophones

Scène fédérale :

1972 : Élection des trois premières francophones à la Chambre des communes, soit les Québécoises Monique Bégin, Albanie Morin et Jeanne Sauvé (Jeanne Sauvé fera œuvre de pionnière à bien des égards, en devenant la première femme francophone nommée au cabinet fédéral [1972], la première femme à la présidence de la Chambre des Communes [1980] et enfin la première femme au poste de gouverneur général du Canada [1984].)

1988 : Élection et entrée au Cabinet fédéral de la première francophone de l’extérieur du Québec, soit la Franco-Ontarienne de Sudbury Diane Marleau.

1997 : Élection de la première Acadienne, Claudette Bradshaw (née Arsenault), de Moncton.

1998 : Claudette Bradshaw devient la première Acadienne au cabinet ministériel.

Scène provinciale :

1987 : Élection des deux premières francophones à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, soit Pierrette Ringuette et Aldéa Landry (cette dernière deviendra la même année la première Acadienne à entrer au Cabinet du Nouveau-Brunswick)

1999 : Élection de la première francophone à l’Assemblée législative de l’Ontario, soit Claudette Boyer

2024 : Élection de la première francophone à l’Assemblée législative de la Saskatchewan, soit Jacqueline Roy

Quand on se compare…

La quête vers l’égalité des sexes en politique se poursuit toujours, mais celles et ceux qui croient que le Canada est avant-gardiste dans ce domaine, détrompez-vous.

En 1997, Claudette Bradshaw (née Arsenault), devenait la première Acadienne élue députée à la Chambre des communes. L’année suivante, elle devenait la première Acadienne ministre fédérale. 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Selon le palmarès du pourcentage de femmes dans les parlements nationaux que met à jour mensuellement l’Union interparlementaire, le Canada n’arrivait qu’au 69e rang dans le monde en janvier 2025, avec environ 30 % de femmes à la Chambre des communes.

Ce classement montre qu’à peine six pays dans le monde ont déjà atteint la parité hommes-femmes à leur parlement national : le Rwanda (avec près de 64 % de femmes), Cuba (56 %), le Nicaragua (55 %), le Mexique (50 %), l’Andorre (50 %) et les États arabes unis (50 %).

Les États-Unis, quant à eux, font encore pire figure que le Canada. Ils arrivent au 77e rang de ce palmarès, avec 28,7 % de femmes élues au Congrès.

De toute évidence, l’œuvre des suffragettes est loin d’être terminée…

Les similitudes entre la relation du Canada et des États-Unis d’aujourd’hui et celle du XXIe siècle sont frappantes. Sauf que l’instigateur des tarifs à l’époque était… le Canada. Des tarifs qui allaient perdurer à divers niveaux jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. C’était l’époque de la «Politique nationale» de John A. Macdonald.

Les similitudes entre le Canada d’aujourd’hui et celui du XXIe siècle sont frappantes. Sauf que l’instigateur des tarifs à l’époque était… le Canada. Des tarifs qui allaient perdurer à divers niveaux jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. C’était l’époque de la «Politique nationale» de John A. Macdonald.

À lire aussi : Commerce interprovincial : le Canada avance, tarifs ou non

Avant les tarifs, la réciprocité

L’histoire des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis est complexe. L’idée d’instaurer une certaine «réciprocité», ou un libre-échange, entre les deux pays, gagne du terrain dans les années 1840 et 1850, particulièrement dans le Canada-Ouest (aujourd’hui l’Ontario) et les colonies britanniques des Maritimes, surtout celle du Nouveau-Brunswick.

Affiche de la campagne électorale de 1891. Elle fait l’éloge du «vieux drapeau», de la «vieille politique» et du «vieux chef». 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

À l’époque, le Canada était encore une colonie britannique, et la décision du Royaume-Uni d’éliminer plusieurs mesures économiques qui favorisaient ses colonies change la donne. L’abandon des lois britanniques sur les céréales (Corn Laws), qui accordaient un prix avantageux à ces denrées canadiennes, fait particulièrement mal.

D’importants gens d’affaires du Québec réagissent en formant un mouvement pour l’union du Canada et des États-Unis. Cet effort prend fin lorsque les deux pays signent, en 1854, un Traité de réciprocité.

Le nouvel accord favorisera les colonies britanniques d’Amérique du Nord. Les matières premières et les produits agricoles ne sont pas taxés, ce qui permet au Canada-Uni d’exporter de grandes quantités de bois, de blé et de charbon à son voisin du sud.

Au fil du temps, les deux côtés de la frontière remettent en question le bienfondé de l’entente. Du côté nord, on craint que les colonies britanniques, peu peuplées, se fassent englober par les États-Unis et leur puissante économie. Une idée qui a aujourd’hui un air de déjà-vu…

Mais en 1866, ce sont les États-Unis qui, après douze ans de libre-échange, reprennent leurs billes et refusent de renouveler le traité. L’économie canadienne s’en trouve menacée, et des tarifs de 15 % sur certains produits tels que le charbon, le sel, l’avoine et le houblon sont adoptés.

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Le Canada se construit

À ce moment, le Canada est en pleine période de bouleversements politiques. Les discussions entre le Canada-Uni et les colonies britanniques des Maritimes s’accélèrent pour aboutir, en 1867, à la création du Dominion du Canada, avec John A. Macdonald comme premier ministre.

Macdonald n’est pas un nouveau venu. Élu pour la première fois député à l’Assemblée législative du Canada-Uni en 1844, il devient ministre trois ans plus tard et, en 1856, il est chef de la section du Canada-Ouest du gouvernement. Il a joué un rôle majeur dans la naissance de la Confédération canadienne.

Au cours de ses premières années au pouvoir, John A. Macdonald tente de renouveler le traité de réciprocité avec les États-Unis, mais en vain. Il fait adopter une première version de la Politique nationale, mais celle-ci comporte peu de mesures comparées à ce qui suivra.

John A. Macdonald a été le grand architecte de l’imposition de tarifs sur les produits en provenance des États-Unis avec sa Politique nationale. Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Cette première mouture est même abandonnée en 1871; Macdonald est plus occupé à consolider le nouveau pays, notamment en acquérant de la Compagnie de la Baie d’Hudson les larges territoires que sont la Terre de Rupert et les Territoires du Nord-Ouest, et à assurer l’adhésion au Canada de la Colombie-Britannique, convoitée par les États-Unis.

Le principal argument du gouvernement fédéral pour convaincre la Colombie-Britannique est la promesse de construire un chemin de fer reliant le Canada central à l’océan Pacifique. Ce sera là l’un des plus grands projets de Macdonald.

Mais par la suite, le premier ministre et des membres de son cabinet sont accusés d’avoir sollicité de l’argent au magnat des transports Hugh Allan pour financer leur campagne électorale, en échange de contrats pour la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique.

Le «scandale du Pacifique» entraine la démission de John A. Macdonald en 1873 et l’arrivée au pouvoir du libéral Alexander Mackenzie. Ce dernier poursuit le projet de chemin de fer transcontinental et impose certains tarifs sur les produits américains.

Mais, dans la première année du mandat du nouveau premier ministre, une grande crise économique frappe l’Europe et l’Amérique du Nord, notamment en raison de la faillite de certaines banques. Mackenzie tente alors de conclure un nouvel accord de libre-échange avec les États-Unis. Il n’aura pas plus de succès que son prédécesseur.

Au cours des années qui suivent, l’économie du Canada continue à stagner, suscitant la grogne dans la population. John A. Macdonald, toujours chef du Parti conservateur malgré sa défaite, en profite pour élaborer un programme économique qui sera aux antipodes de celui des libéraux.

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Un deuxième mandat et des tarifs, beaucoup de tarifs

En septembre 1878, Macdonald et le Parti conservateur remportent une victoire décisive, faisant élire plus que le double de députés que les libéraux en pleine déroute.

Macdonald a donc les coudées franches pour faire adopter sa Politique nationale qui s’articule autour de trois axes : tarifs douaniers, poursuite de la construction du chemin de fer de l’Ouest et augmentation de l’immigration dans cette même région, qui a grand besoin de travailleurs.

Le Canada impose alors des tarifs d’entre 20 et 35 % sur les produits manufacturés importés des États-Unis. La mesure ciblait davantage les produits manufacturés que les produits de base, ce qui évitait à l’industrie canadienne de payer un cout trop élevé pour fabriquer leurs produits.

La fin de la Politique nationale

Le deuxième mandat de John A. Macdonald portera les conservateurs au pouvoir pendant 18 ans. L’opposition libérale militera contre la politique des tarifs pendant une grande partie de cette période.

Grand adversaire de Macdonald, Alexander Mackenzie faisait la promotion de la réciprocité économique avec les États-Unis. 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Toutefois, une fois arrivé au pouvoir en 1896, le libéral Wilfrid Laurier maintiendra la Politique nationale. Elle restera complètement en vigueur jusqu’à ce que le gouvernement libéral de William Lyon Mackenzie King, élu une première fois en 1926, entamera son abandon.

Quant au libre-échange avec les États-Unis, il faudra attendre 1988 et la venue du premier ministre conservateur Brian Mulroney pour qu’il devienne réalité. Le libre-échange s’est étendu au Mexique en 1994, un accord renouvelé en 2020.

Mais avec le contexte politique actuel aux États-Unis et la menace d’imposants tarifs américains sur les produits canadiens, l’entente est de plus en plus remise en question.

Mis à part la très répandue, mais discutable histoire de la présence d’un interprète noir nommé Mathieu Da Costa au sein des expéditions de Samuel de Champlain en Acadie et au Canada, les attestations de personnes noires en Nouvelle-France sont arrivées plus tard, au XVIIe siècle.

Leonard Braithwaite a été le premier député noir de l’Ontario. Son premier discours en Chambre a entrainé la fermeture de la dernière école ségréguée de la province en 1965. 

Photo : Université York, Osgoode Hall Law School

À la demande des autorités coloniales, le roi Louis XIV autorise, en 1689, l’importation d’esclaves noirs dans ce qui est maintenant le Québec, quoique la présence d’esclaves africains en Nouvelle-France remontait à bien avant cette date.

À l’époque, les esclaves de la population blanche étaient surtout des Autochtones, en particulier de Panis (nom donné par les Européens aux Premières Nations vivant dans le bassin du Missouri).

Mais c’est l’arrivée massive de loyalistes dans le Canada actuel, après la guerre d’indépendance des États-Unis, qui entrainera la migration d’un large groupe de personnes noires vers les colonies britanniques au nord. Pour ces personnes, le nord représentait une oasis de liberté.

Mais cette liberté nouvellement acquise ne signifiera pas l’égalité avec les Blancs et encore moins l’intégration dans la société blanche.

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Promesses rompues; la ségrégation commence

Après la guerre d’indépendance, la Grande-Bretagne a promis des terres aux personnes noires qui se sont battues pour elle dans les colonies américaines. Dans ce qui allait devenir l’Ontario et la colonie de la Nouvelle-Écosse (qui comprend alors le Nouveau-Brunswick d’aujourd’hui), la plupart des Noirs libres n’obtiennent cependant pas les terres promises. Et ceux qui en reçoivent se retrouvent avec des terres de piètre qualité.

D’autres vagues d’immigration noire suivront dans les décennies subséquentes. On estime qu’entre 1800 et 1865, environ 30 000 personnes noires s’installent au Canada.

La ségrégation territoriale commence rapidement à se pratiquer. On dirige les nouveaux arrivés noirs dans des lieux isolés des communautés blanches, comme à North Preston, près d’Halifax, et Elm Hill, près de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, deux localités qui existent toujours.

Une autre communauté noire vivait au sein même de la ville d’Halifax, dans un quartier séparé du reste de la municipalité. Fondé au milieu du XIXe siècle, Africville ne recevait pas les mêmes services municipaux, malgré le fait que les résidents – des personnes noires – payaient des impôts. Dans les années 1960, la Ville d’Halifax a forcé la relocalisation des résidents et a rasé le quartier Africville.

Ceux et celles qui décident de tenter leur chance dans les villes et les villages des Blancs feront face à la discrimination, au racisme et à la ségrégation sociale des autorités et de la majorité blanche.

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D’abord dans les écoles

Dès le début du XIXe siècle, l’Ontario et la Nouvelle-Écosse mettent en place des écoles légalement ségréguées. Le sud-ouest de l’Ontario est d’ailleurs l’endroit qui comptait la plus forte population noire au nord des États-Unis.

La pratique des écoles séparées en Ontario est formellement légalisée en 1850 par l’adoption d’un amendement à la Common Schools Act. Il prévoit l’établissement d’écoles séparées pour les protestants, les catholiques et les Noirs.

Dans certaines municipalités, les écoles sont physiquement séparées. Ailleurs, les élèves noirs fréquentent la même école que les élèves blancs, mais à des heures différentes, ou encore ils se voient désigner des bancs différents en classe.

Une législation semblable entre en vigueur en Nouvelle-Écosse en 1865. Certaines autorités scolaires interdisent carrément aux élèves noirs l’accès à l’école.

Dans cette province, à Inglewood et à Weymouth Falls, les écoles ne sont pas ségréguées, mais le résultat est le même, car les familles noires vivent dans des quartiers séparés qui leur sont réservés. Les enfants se retrouvent donc dans des écoles uniquement fréquentées par des Noirs.

En Ontario, la ségrégation dans les écoles perdurera jusqu’en 1965, dans la communauté de Colchester. Il faudra l’intervention en Chambre du premier député provincial noir, Leonard Braithwaite, pour alerter l’opinion publique à cette situation honteuse.

En Nouvelle-Écosse, la dernière école ségréguée, située à Guysborough, ne fermera ses portes qu’en 1983, il y a à peine 40 ans…

Une «vie» séparée

La ségrégation sociale des personnes noires aura cours dans la plupart des sphères de la vie, et ce, pendant des décennies. D’autres communautés non blanches subiront d’ailleurs cet opprobre, notamment les Asiatiques, surtout sur la côte ouest du pays et les Autochtones partout au pays.

En Ontario, Leamington et Kingsville étaient des communautés «sundown», c’est-à-dire des endroits où les Noirs étaient menacés d’être brutalisés s’ils ne quittaient pas la ville avant le coucher du soleil. À Harrow, il y avait des restaurants et des cinémas réservés aux Blancs.

À Vancouver, la discrimination existait également. Des clauses étaient incluses dans les transactions immobilières, jusqu’en 1965, pour empêcher la vente de propriété à des personnes d’origine chinoise, japonaise – ou autre provenance asiatique –, indiennes ou noires.

Ici et là au pays, les personnes noires se voient refuser l’accès à des restaurants, des barbiers, des théâtres, des cinémas, etc. Quand on les accepte, on les confine à l’étage ou dans des endroits séparés.

À Montréal, en 1936, Fred Christie se voit refuser une bière qu’il commande à la taverne York du Forum, en raison de la couleur de sa peau. Sa poursuite contre le débit de boissons du célèbre aréna de la Ligue nationale de hockey se rendra jusqu’en Cour suprême du Canada.

Le plus haut tribunal du pays donnera cependant raison à la taverne, statuant que les entreprises ont le droit de faire preuve de discrimination et de refuser de servir des clients.

Viola Desmond, la Rosa Parks canadienne

L’histoire de Viola Desmond est emblématique. Femme d’affaires noire d’Halifax, elle décide de défier la discrimination raciale alors qu’elle doit s’arrêter pour la nuit à New Glasgow, en route vers Sydney.

Décret du gouvernement canadien de 1911, signé par le premier ministre Wilfrid Laurier, interdisant pour un an l’immigration de personnes noires. 

Photo : Bibliothèque et Archives Canada

Elle décide d’aller au cinéma Roseland et de s’assoir dans un siège réservé aux Blancs, tout devant dans la salle. Elle est expulsée de l’établissement, arrêtée et mise en prison pour la nuit. Elle reçoit en plus une amende.

Elle porte alors sa cause jusqu’à la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse. Ce tribunal rejettera l’affaire, qui suscitera cependant l’indignation et constituera un moment marquant dans la lutte pour le respect et l’égalité de la communauté noire.

Viola Desmond est en quelque sorte la Rosa Parks du Canada. En 1955, cette femme noire de l’Alabama avait refusé de céder sa place à des Blancs dans un autobus. Elle avait, elle aussi, été arrêtée et condamnée à payer une amende. Son acte de défiance avait déclenché un mouvement de résistance contre la ségrégation aux États-Unis.

En 2010, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a présenté des excuses formelles et un pardon posthume à Viola Desmond, une femme qui a eu le courage de ses convictions. En 2018, elle est devenue la première femme – autre que la reine – à figurer sur un billet de banque au Canada.

Il faudra attendre l’adoption de la Charte des droits et libertés lors du rapatriement de la Constitution, en 1982, afin que les descendants d’esclaves africains obtiennent une égalité sur papier. Malheureusement, même si la ségrégation est disparue, la discrimination et le racisme perdurent.

À lire : Body Ngoy : «Le Canadien», ou comment interpeler les Noirs sur leur histoire

Tu t’accrochais à ma mémoire

Comme un poisson dans un filet

Quand Majorique, le vieux conteux d’histoires

Me racontait dans les mots qu’il fallait

Que tu étais aussi beau qu’un érable

Et jeune aussi à dix-neuf ans

Et que ce fut un crime abominable

D’avoir ainsi fait mourir un enfant

– Extrait de la pièce de théâtre Louis Mailloux de Calixte Duguay

Les prémices de ce qu’on appelle l’«affaire Louis Mailloux» remontent à 1871, alors que le Nouveau-Brunswick adopte la Common Schools Act, afin de réformer les écoles de la province. Avec cette loi, le gouvernement cherche à implanter un système scolaire public non confessionnel.

La loi – surnommée la loi King, du nom du ministre George Edwin King, son instigateur – prévoit que les écoles seront financées par la province, en partie par l’entremise d’une taxe directe prélevée par les gouvernements de comtés.

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Appels à Ottawa et à Londres

Les chefs de file acadiens et catholiques tentent de convaincre le premier ministre canadien John A. Macdonald de demander à Londres de modifier l’Acte de l’Amérique du Nord britannique afin de protéger les écoles confessionnelles du Nouveau-Brunswick.

Mais celui-ci refuse, invoquant que l’éducation est de compétence provinciale, un avis partagé par son lieutenant du Québec, George-Étienne Cartier, qui craint qu’une intervention d’Ottawa se retourne un jour contre sa province. Une préoccupation qui aura la vie dure au Québec…

La bataille se déplace devant les tribunaux. En 1873, la Cour suprême du Nouveau-Brunswick donne raison à la province. L’année suivante, le comité judiciaire du Conseil privé de Londres, la plus haute cour d’appel pour le Canada et les autres colonies britanniques, met fin à tous les espoirs des opposants à la loi de 1871.

Mais les Acadiens n’ont pas dit leur dernier mot.

L’échange de coups de feu dans la maison d’André Albert s’est soldé par la mort d’un milicien et du jeune Acadien Louis Mailloux. 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Taxés deux fois pour une école

La population acadienne et les autres catholiques de la province ont toujours l’option de mettre sur pied leur propre école, mais à leurs frais. Ils continueraient cependant à payer la taxe scolaire pour financer le système public.

Or, plusieurs refusent de payer en double. C’est le cas des habitants et habitantes de Caraquet, qui décident collectivement de ne pas verser la taxe.

C’est à l’automne de 1874 qu’une suite d’évènements s’enclenche, menant au drame. Une élection a lieu à Caraquet pour choisir les «syndics», ou commissaires des écoles, un peu l’ancêtre de nos conseillers et conseillères scolaires d’aujourd’hui.

Mais les syndics élus ne reçoivent pas l’approbation des autorités provinciales, car ils n’ont pas payé la taxe scolaire.

Les anglophones protestants du village, très minoritaires, y voient l’occasion de prendre les choses en main. Ceux-ci se rencontrent discrètement au début janvier pour élire de nouveaux syndics, qui sont évidemment tous anglophones.

Les troubles commencent

Une réunion publique est convoquée le 14 janvier afin de fixer le taux de la taxe scolaire. Mais seules les personnes qui ont payé cette taxe ont le droit de vote. Plusieurs Acadiens se présentent tout de même à la réunion.

Le commerçant et politicien de Caraquet Robert Young a joué un rôle central dans l’affaire Louis Mailloux. 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

C’est à ce moment que tout dérape. On se bouscule, l’un des syndics est jeté dehors; c’est le brasse-camarade. Tout ce désordre empêche la réunion de se tenir.

Le lendemain, la situation s’envenime. Certains habitants se rendent chez l’un des syndics anglophones et sèment la pagaille. Le groupe se procure de l’alcool. On se déplace chez des Acadiens qui ont payé la taxe afin de les intimider.

Les «émeutiers» aboutissent finalement à la résidence de Robert Young, un commerçant très important, mais surtout un membre du Conseil législatif (le sénat provincial).

Or, Young est à Fredericton à ce moment-là. Les protestataires repartent sans faire d’autres dégâts, mais l’épouse de Young, prise de panique, envoie un télégramme à son mari lui disant que sa famille est en danger, et que les émeutiers menacent de le tuer.

Robert Young est déjà en route pour revenir à Caraquet quand il reçoit le message de sa femme. Il fait un arrêt à Chatham, situé à mi-chemin entre Fredericton et Caraquet, pour demander l’envoi de miliciens afin d’arrêter les fauteurs de trouble.

Chasse à l’homme à Caraquet

Quand Young arrive à Caraquet le 22 janvier, tout est revenu au calme. Il y a bien quelques agitations les jours suivants, mais rien de grave. Puis, au matin du 27 janvier, une vingtaine de miliciens armés partis de Miramichi arrivent au village et y rejoignent une poignée de constables arrivés la veille.

Joseph Chiasson, l’un des émeutiers, a été accusé du meurtre du milicien John Gifford, puis a été acquitté. 

Photo : Centre d’études acadiennes, Wikimedia Commons, domaine public

Les forces de l’ordre partent à la recherche des hommes contre lesquels ils ont des mandats d’arrestation. Ils en appréhendent quelques-uns. Puis, on apprend qu’un groupe d’Acadiens recherchés s’est regroupé dans la maison d’un certain André Albert.

Les hommes armés pénètrent dans la maison. Les Acadiens vont se cacher au grenier. Des coups de feu retentissent. Deux hommes perdent la vie : un milicien, John Gifford, et Louis Mailloux.

Vingt-quatre Acadiens sont arrêtés. Neuf seront accusés de meurtre pour la mort du milicien, les autres seront inculpés d’avoir participé à une émeute. Plusieurs seront déclarés coupables, mais après de longues procédures judiciaires, les condamnations pour meurtres seront annulées, alors que les émeutiers coupables n’écopent d’aucune peine.

Compromis

Pendant que ces procédures se déroulent, le gouvernement provincial accepte un compromis afin de ramener la paix sociale. L’enseignement religieux sera toléré à l’école, mais après les heures de classe. C’est une pratique qui s’est perpétuée jusqu’à ce que l’on mette fin aux cours de catéchèse, plus de cent ans plus tard.

Quant à Louis Mailloux, il deviendra chez les Acadiens et Acadiennes de Caraquet et d’ailleurs un symbole de la lutte pour les droits scolaires. La polyvalente de la municipalité porte d’ailleurs aujourd’hui son nom.

En 1975, une pièce de théâtre musicale est créée pour raconter cette histoire. Elle sera remontée et représentée à plusieurs reprise par la suite.

La Ville de Caraquet organise plusieurs activités en 2025 pour souligner le 150e anniversaire de l’affaire Louis Mailloux. Caraquet s’était mise en colère. Caraquet n’a pas oublié.

Monument en hommage aux hommes de Caraquet qui se sont opposés en 1875 à l’imposition de la loi interdisant la religion dans les écoles. La stèle est située à l’endroit où se trouvait la maison dans laquelle Louis Mailloux a perdu la vie. 

Photo : Wikimedia Commons, partage dans les mêmes conditions, 3,0 non transposée

Deuxième édition de l’ouvrage publié en 2010 par l’historien Clarence LeBreton sur l’affaire Louis Mailloux.

Lecture additionnelle :

Clarence LeBreton, Louis Mailloux, 15 janvier 1875, Lévis, Les Éditions de la Francophonie, 2010.

Tous les pays engagés dans ce terrible conflit avaient une conviction commune : le conflit serait de courte durée. Certains évoquaient même une fin des hostilités avant Noël. Mais en décembre 1914, il devient évident que ce ne serait pas le cas. On ne pouvait pas encore se douter des horreurs et des carnages qui allaient venir.

Rapidement, en Europe de l’Ouest, les camps ennemis font pratiquement du surplace. De la Suisse à la Manche, des centaines de kilomètres de tranchées sont creusées. Des fragments de terrain acquis au prix d’énormes pertes humaines se perdent en peu de temps.

C’est une guerre de tranchées implacable qui durera pendant presque tout le conflit.

Des soldats qui s’affrontaient par les armes la veille fraternisent entre leurs tranchées le 25 décembre 1914. 

Photo : Cassowary Colorizations, attribution 2,0 générique

En décembre 1914, les soldats canadiens n’ont pas encore pris pied en France; le premier contingent du Corps expéditionnaire canadien (nom donné aux troupes du Canada) arrivera en janvier 1915. Quant aux États-Unis, ils n’y seront pas avant l’été 1917.

Différents corps armés – français, britanniques et belges – font face aux divisions allemandes. La fraternisation spontanée du 25 décembre prend place à deux endroits sur cette longue ligne de front : dans la région d’Artois, dans le nord-est de la France, et près d’Ypres, en Belgique.

Même si l’épisode a fait l’objet de multitudes écrits, pièces de théâtre et films, il était largement méconnu jusque dans les années 1960. Après une guerre qui avait fait plus de 20 millions de morts du côté militaire et civil et un nombre tout aussi grand de blessés, le temps n’était peut-être pas propice pour rappeler cet instant de camaraderie entre ennemis.

Un spectacle «extraordinaire»

Il y a une dizaine d’années, une lettre d’un soldat britannique écrite à sa mère depuis les tranchées relatant les évènements a été rendue publique. «Je crois que j’ai vu aujourd’hui [le jour de Noël] l’un des spectacles les plus extraordinaires que quiconque ait jamais vus», témoigne le lieutenant Alfred Dougan Chater.

En regardant par-delà un muret, vers 10 h, Chater raconte avoir vu un soldat allemand agiter ses bras. Deux autres combattants sortent de leur tranchée et marchent vers le camp britannique.

«On allait tirer sur eux quand on a vu qu’ils n’avaient pas d’armes. L’un de nos hommes est allé les rencontrer et, en deux minutes, la zone entre nos deux lignes de tranchées s’est remplie de soldats et d’officiers des deux côtés, se serrant les mains et se souhaitant Joyeux Noël», peut-on lire dans la lettre.

Rencontre surréaliste entre soldats allemands et britanniques le jour de Noël 1914. 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

«On a échangé des cigarettes. On a pris des photos. D’autres en ont profité pour simplement s’étirer sans avoir peur des tirs de mitraillettes pour la première fois depuis des mois. C’était le miracle de Noël, en pleine horreur.»

Chater ajoute qu’il est lui-même sorti de sa tranchée et qu’il a serré la main de plusieurs officiers allemands. Les deux côtés ont profité du répit pour récupérer les cadavres de leurs camarades et les enterrer. Puis, surgit un ballon de soccer.

Un autre soldat britannique qui était sur place, Ernie William, a raconté que le ballon est venu de nulle part, mais il est convaincu qu’il provenait du camp allemand. «Des buts de fortune ont été installés. Un des gars s’est placé devant le but et tout le monde s’est mis à frapper le ballon. Je crois qu’il devait y en avoir environ 200 qui ont participé.»

Ernie William précise que ce n’était pas un vrai match, mais plutôt une mêlée. Il n’y avait pas d’arbitre et on ne comptait pas les points.

D’autres soldats britanniques ont raconté une histoire un peu différente, certains précisant qu’après une heure de jeu, le commandant du bataillon britannique s’est rendu compte de ce qui se passait et a ordonné à ses hommes de revenir dans les tranchées.

Les Allemands auraient gagné la partie, 3 à 2. Le même score a été rapporté par un soldat allemand, Kurt Zehmisch, dans ses carnets.

Légende ou vérité?

L’histoire est devenue légendaire et a frappé l’imaginaire de bien des gens. Cent ans plus tard, en 2014, une reconstitution du match a eu lieu à Ploegsteert, en Belgique, où le tout se serait déroulé.

Il faut utiliser le conditionnel, car malgré les témoignages parvenus jusqu’à nous, le doute subsiste dans l’esprit de certains historiens. L’un de ceux-ci va jusqu’à dire qu’il n’y a «absolument aucune preuve ferme et vérifiable d’un match [de soccer]». Alors que des photos ont témoigné de la fraternisation, aucun cliché de la partie n’est parvenu jusqu’à nous. .

Les spécialistes soulèvent le fait, par exemple, que le sol de ce no man’s land était jonché de cadavres et trop abimé par les obus pour qu’un tel match puisse avoir lieu. Au mieux, selon l’un des historiens, des soldats auraient botté un ballon ici et là, mais sans qu’un vrai match se soit déroulé.

Reconstitution, parue le 9 janvier 1915 dans The Illustrated London News, de la rencontre des officiers britanniques et allemands se faisant face sur le front, le 25 décembre 1914. 

Photo : A. C. Michael, Wikimedia Commons

Pour ces historiens, l’idée d’une partie de soccer ce jour de Noël entre soldats de pays ennemis a été largement exagérée et idéalisée. L’important, souligne un autre historien, c’est le moment de fraternité, et non de savoir s’il y a eu quelques bottés ou un réel match de soccer.

Comme il a été mentionné, cette brève pause dans les hostilités n’est survenue qu’à deux endroits. Ailleurs sur le front, les combats se sont poursuivis le 25 décembre, et 80 soldats britanniques sont morts ce jour-là.

Aucune trêve similaire n’a eu lieu là où les troupes françaises et belges affrontaient les forces allemandes. Leur contexte était bien différent de celui des troupes britanniques.

En effet, l’Allemagne occupait des parties de la France et de la Belgique, et les soldats de ces deux derniers pays entretenaient une grande méfiance, sinon de la haine, envers l’ennemi.

Dès le lendemain de Noël, la guerre a repris son cours. Les commandants militaires étaient complètement en désaccord avec ce qui s’était passé. Au cours des trois autres Noëls pendant la guerre, on interdira formellement aux troupes de répéter ce comportement.

Mais le simple fait de penser que des soldats avec mission de tuer l’ennemi aient pu faire taire les fusils pendant quelques heures donne espoir au genre humain.

Raconter l’histoire de William Stephenson n’est pas chose facile. Non seulement parce que l’homme était un espion – un métier où le mensonge, le flou et la duperie se mêlent –, mais aussi parce que plusieurs des biographies les plus populaires à son sujet avancent des affirmations qui ont été contredites, mises en doute ou réfutées. Mission impossible?

Allons-y avec ce que l’on sait.

Première Guerre mondiale

Photo de passeport de l’espion canadien William Stephenson, en 1942. Sa discrétion lui a valu le surnom de «Canadien tranquille». 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public.

Ce singulier personnage nait en 1897 à Winnipeg, au Manitoba. Signe prémonitoire de la vie d’espion qui l’attend, Stephenson change de nom alors qu’il est tout jeune enfant.

Né William Samuel Clouston Stanger, fils de William et Sarah Stanger, il perd son père à l’âge de 4 ans. Sa mère, se sentant incapable de s’occuper de lui, le donne en adoption à un couple du nom de Stephenson.

Selon certaines sources, le jeune William n’atteindra pas le secondaire; il abandonne l’école et enchaine les petits boulots, comme celui de livreur de télégrammes.

Puis survient la Première Guerre mondiale. En 1916, William part pour l’Angleterre et devient pilote de l’armée britannique. Il a du talent et se distingue en multipliant les exploits.

À l’hiver 2018, son avion est cependant touché et s’écrase derrière les lignes allemandes. Mais, pour Stephenson, mourir peut attendre. Fait prisonnier, il ne sera relâché qu’en décembre de la même année, soit après la fin du conflit.

William Stephenson reçoit une première distinction, la Croix du service distingué dans l’aviation (Distinguish Flying Cross) de l’Aviation royale britannique.

Après la guerre, il rentre chez lui, au Manitoba, où il mettra sur pied une entreprise d’ouvre-boites qui ne fera pas long feu. Stephenson quitte alors le Canada pour les États-Unis, peut-être pour fuir ses créanciers.

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Bons baisers d’Angleterre

Quelques années plus tard, il réapparait à Londres, où sa vie prendra un virage inattendu. Le pilote de guerre devient un homme d’affaires très prospère. Avec un partenaire, il met au point et fait breveter, en 1924, un dispositif pouvant transmettre des photographies sans fil aux journaux.

Ce succès lui rapporte des redevances de 100 000 livres par année. Stephenson ne s’assoit pas sur ses lauriers pour autant. Il se lance dans de multiples autres entreprises, dans l’acier, la fabrication de postes de radio et même les studios de cinéma.

William Stephenson est millionnaire avant d’atteindre ses 30 ans.

Statue de William Stephenson en costume d’aviateur militaire érigé près d’un boulevard à Winnipeg, son lieu de naissance. 

Photo : Wikimedia Commons, partage dans les mêmes conditions, 4,0 international

Entretemps, il a épousé Mary French Simmons, issue d’une famille aisée du Tennessee œuvrant dans le secteur du tabac. Le couple fréquente les milieux de la haute société londonienne. C’est ainsi que William rencontre un député qui deviendra l’une des plus grandes figures politiques du XXe siècle : Winston Churchill.

Parce qu’il a un pied dans l’industrie de l’acier, William Stephenson a vent des quantités anormales de ce métal qui prennent la direction de l’Allemagne, devenue nazie.

En effet, Hitler s’affaire à réarmer l’Allemagne en cachant d’énormes dépenses militaires, le tout en violation des conditions du Traité de Versailles, qui a mis fin à la Première Guerre mondiale.

Stephenson transmet cette information privilégiée à Churchill et gagne ainsi la confiance du politicien.

Une fois la guerre déclenchée, Churchill, devenu premier ministre, lui confie la direction d’un nouveau bureau britannique à New York : la British Security Coordination (BSC).

Au service secret de Sa Majesté

Officiellement, ce bureau est un simple service de vérification des passeports. Dans les faits, ce sera une vaste opération de contrespionnage et de propagande.

En 1999, Postes Canada a mis en circulation un timbre avec le visage de William Stephenson. 

Photo : Société canadienne des postes, 1999. Reproduit avec permission

À cette époque, les États-Unis ne sont pas encore en guerre, mais le gouvernement britannique veut tout faire pour convaincre l’Oncle Sam de s’engager.

Le bureau est situé dans le célèbre centre Rockefeller, en plein cœur de Manhattan. Son adresse télégraphique est INTREPID, qui deviendra l’un des surnoms de l’espion canadien.

La BSC, avec à sa tête William Stephenson, s’occupera de transmettre des informations secrètes entre le président américain Franklin Roosevelt et le premier ministre britannique Churchill, et vice-versa.

Les agents de la BSC mèneront des activités de propagande auprès de l’opinion publique afin qu’elle incite Washington à entrer en guerre et à venir en aide au Royaume-Uni et à l’Europe.

De plus, la BSC sera impliquée dans une gigantesque opération de surveillance et de censure du courrier acheminé des États-Unis vers l’Europe. Tout le courrier et les télégrammes sont détournés aux Bermudes, territoire du Royaume-Uni, où une armada de 1200 employés britanniques d’une filiale de la BSC scrute les communications à destination de l’Europe et même du Proche-Orient.

Cette démarche, jugée maintenant illégale, a cependant permis de découvrir et d’arrêter des espions opérant aux États-Unis.

Stephenson et son organisation érigeront aussi une installation près d’Oshawa, en Ontario – le Camp X –, où seront formés des agents de pays alliés qui auront pour mission d’infiltrer les pays d’Europe occupés par l’Allemagne nazie.

D’Intrepid à 007

Plusieurs personnes ont affirmé que le créateur du personnage de James Bond, Ian Fleming, s’était inspiré du Canadien William Stephenson. L’auteur des romans d’espionnage ne l’a jamais confirmé.

Cependant, on sait que Fleming a côtoyé Stephenson et qu’il l’admirait. L’auteur a signé la préface d’une des biographies de Stephenson, le qualifiant de héros et de «l’un des grands agents secrets de la Seconde Guerre mondiale».

Une autre biographie a donné à Stephenson le surnom de «Canadien tranquille» (The Quiet Canadian).

Qui sait si le personnage de James Bond, aujourd’hui incarné par Daniel Craig (sur la photo), aurait été inspiré de William Stephenson? 

Photo : Wikimedia Commons, attribution 2,0 générique

Cependant, des historiens et experts ont mis en doute le rôle joué par William Stephenson comme espion et comme dirigeant des opérations britanniques aux États-Unis pendant le conflit. Certains ont même avancé qu’il avait exagéré ses exploits auprès de ses biographes, qui vont consacrer sa légende.

Toutefois, les dirigeants de l’époque, avant même que les biographies soient écrites, ont cru bon de rendre hommage au Canadien. En 1945, il a été fait chevalier par la Grande-Bretagne sous la recommandation de Churchill lui-même, qui affirmait que Stephenson était «cher à son cœur».

L’année suivante, c’est au tour des États-Unis de lui rendre hommage en lui remettant la Médaille du mérite, la plus haute distinction civile du pays à l’époque. Stephenson devenait ainsi le premier non-Américain à recevoir cet honneur.

Plus tard, en 1979, il sera fait compagnon de l’Ordre du Canada. Postes Canada émettra un timbre à son effigie en 1999.

Quelques années après la guerre, William Stephenson et son épouse vivront des jours tranquilles aux Bermudes, où l’espion mourra en 1989 à l’âge avancé de 92 ans, dix ans après sa femme Mary. Il a sans doute emporté quelques secrets dans sa tombe…

La démarche était plus que symbolique : elle a donné lieu à une entente par laquelle la France allait apporter une aide tangible à la communauté acadienne du Nouveau-Brunswick. Ces «retrouvailles» jetteront les balises des relations entre la France et l’Acadie, qui se poursuivent jusqu’à nos jours.

Ce genre de situation est rarement le fruit du hasard. La visite de ceux qu’on allait qualifier de «quatre mousquetaires» a été le résultat de nombreuses tractations de coulisse et du travail de fins stratèges, avec l’apport direct du président de Gaulle lui-même.

Genèse de la visite acadienne en France

Tout se joue en juillet 1967 lors de la visite officielle du président de Gaulle au Canada au cours de laquelle il déclare «Vive le Québec libre!». Avant de prononcer cette phrase à Montréal, qui devient instantanément le symbole de la montée nationaliste du Québec, le général était arrivé à Québec par bateau.

En 1967, le président Charles de Gaulle a visité le Québec (ici à Sainte-Anne-de-la-Pérade), où il a prononcé sa célèbre phrase «Vive le Québec libre». 

Photo : Nichole Ouellette et Maurice Cossette, Wikimedia Commons, partage dans les mêmes conditions, 4,0 international

Dans son discours à Québec, le président fait état de son souhait de renforcer la coopération entre son pays et les «Français de ce côté-ci de l’Atlantique». Dans la foule se trouve l’Acadien Gilbert Finn, qui est à Québec par affaires.

De Gaulle adressait alors ses propos aux Québécois uniquement, mais il est bien conscient de la réalité francophone pancanadienne, et même acadienne.

Il en donne d’ailleurs la preuve lors d’une conférence de presse à Paris quelques mois plus tard. Il évoque alors les liens qu’il souhaite renforcer avec «tous les Français du Canada qui ne résident pas au Québec et qui sont un million et demi», tout en soulignant, en particulier, «ces deux-cent-cinquante-mille Acadiens, implantés au Nouveau-Brunswick et qui ont, eux aussi, gardé à la France, à sa langue, à son âme une très émouvante fidélité.»

Organisation de la visite

À ce moment, la visite des «quatre mousquetaires» est déjà en préparation. C’est un haut fonctionnaire français, Philippe Rossillon, qui avait posé les pièces du casse-tête pour que quatre de ces Acadiens du Nouveau-Brunswick soient invités à Paris.

Plusieurs informations de cet épisode proviennent de l’ouvrage de Robert Pichette, L’amour retrouvé de la France pour les Acadiens : De Gaulle et l’Acadie. L’auteur était aux premières loges de ce qui se passait parce qu’il était à l’époque chef de cabinet du premier ministre néobrunswickois, Louis J. Robichaud.

Philippe Rossillon était l’un des organisateurs de la visite du président français au Québec. Sept semaines plus tard, soit en septembre 1967, il fait partie d’une mission menée par le ministre de l’Éducation nationale, Alain Peyrefitte, qui vient au Québec concrétiser les engagements pris par la France lors de la visite du général de Gaulle.

Or, Rossillon veut absolument que l’Acadie tire parti de cette nouvelle collaboration. Il se rend à Moncton en septembre et cible personnellement les quatre éminents Acadiens qui rencontreront de Gaulle.

En plus de Gilbert Finn, il s’agit d’Adélard Savoie, recteur de l’Université de Moncton, d’Euclide Daigle, ancien rédacteur en chef du journal  L’Évangéline et vice-président de l’Association acadienne d’éducation, et du docteur Léon Richard, président de la Société nationale de l’Acadie. Ce dernier agira comme président de la mission en France.

Même si ces quatre hommes font partie de l’élite acadienne, ils ne font pas l’unanimité, particulièrement dans le nord du Nouveau-Brunswick, qui déplore qu’une seule région acadienne (celle de Moncton) soit représentée.

Rossillon réunit les quatre porte-paroles pour les informer que de Gaulle veut conclure un accord franco-acadien. Il se présente comme l’émissaire du président.

Les hommes discutent des besoins les plus pressants de la communauté acadienne. Rossillon leur propose ensuite d’adresser une lettre (à laquelle il contribuera) à de Gaulle pour lui demander une rencontre et lui exposer leurs demandes.

À la fin d’octobre, de Gaulle leur répond et les invite formellement en France. La rencontre est prévue pour décembre, ce qui fait que la logistique doit s’organiser à un rythme accéléré.

Visite chargée de deux semaines

En fin de compte, les quatre Acadiens arrivent en France le 7 janvier 1968. À l’aéroport, de hauts fonctionnaires français les accueillent avec du champagne. Ensuite, ils montent dans les limousines qui les attendent et profitent d’une escorte motorisée.

Leur séjour de deux semaines sera chargé, avec des visites de musées (ils rencontrent André Malraux), de grandes entreprises, d’instituts. La France veut leur montrer ce qu’elle fait de mieux et toute sa modernité.

Certains se rendent même à Toulouse pour y voir la construction du Concorde, le célèbre avion supersonique à la fine pointe de la technologie aéronautique.

Le samedi 20 janvier, c’est le point culminant de la mission : la rencontre avec le président de Gaulle, au palais de l’Élysée. Les porte-paroles acadiens posent pour la photo officielle devant ce prestigieux site. C’est un traitement habituellement réservé aux chefs d’État que reçoivent ces représentants d’un peuple sans pays.

Les quatre hommes ont un entretien privé de 45 minutes avec le président avant de prendre part au déjeuner officiel. Le président débute son toast en disant : «Après plus de deux siècles et demi où nous fûmes séparés, voici que nous nous retrouvons entre Acadiens et Français de France.»

Il le termine en levant son verre «en l’honneur des Acadiens, rameau très cher et, par bonheur, retrouvé».

À lire : Le Consulat général de France en Atlantique, un instrument diplomatique indispensable aux relations France-Acadie

Entente France-Acadie

La France se montre généreuse dans cette première entente avec les descendants de son ancienne colonie. Le journal L’Évangéline reçoit 400 000 dollars. L’Université de Moncton recevra 10 000 livres pour sa bibliothèque et une vingtaine de coopérants-professeurs.

Dans son livre, l’auteur Robert Pichette relate en détail les prémices de la célèbre visite de la délégation acadienne en France, en janvier 1968.

D’autres coopérants seront envoyés dans les hôpitaux francophones et à L’Évangéline. Un don d’environ 22 000 dollars est versé à la Société nationale de l’Acadie. Une commission est également créée afin de distribuer des bourses France-Acadie. Enfin, un service culturel au consulat de France à Moncton est créé.

Au lendemain du retour des envoyés acadiens, L’Évangéline titre en grosses lettres : «L’Acadie renait». C’est l’euphorie du moment. Cette rencontre historique marquera le début d’une collaboration continue entre les deux partenaires.

La visite permet également à la communauté acadienne de faire ses premiers pas sur la scène internationale.

Neuf ans plus tard, les Acadiens font leur entrée dans l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) lorsque le Nouveau-Brunswick, en même temps que le Québec, y est accepté comme membre à part entière.

Grâce à la descendance du Grand Dérangement, la Louisiane adhère à l’OIF en 2018 et la Nouvelle-Écosse en 2024, toutes deux avec le statut d’observateur.

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