le Dimanche 13 juillet 2025

Au Yukon, Julian plonge dans un lac gelé avant de concocter des pâtes fraiches. Dans le Nord de l’Ontario, Audrey-Anne pêche sur la glace et joue du ukulélé, tandis que sur la Côte-Nord, au Québec, Shapatu monte sur scène avec une pièce de théâtre innue.

KAPSUR fait le pari de faire découvrir le Canada francophone hors des sentiers battus, à travers le quotidien de 20 jeunes, qui partagent leurs passions, leurs émotions et leur attachement profond à leur territoire, mais aussi à leur langue.

Chaque épisode revient aussi sur l’histoire et la géographie de chaque lieu, ou sur les légendes autochtones qui les peuplent, avec en bonus des jeux-questionnaires ludiques et des capsules.

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Sortir des sentiers battus, en français

Au gré des saisons et d’un océan à l’autre, KAPSUR nous plonge dans une mosaïque de personnages inspirés et inspirants, et ça fait du bien. Loin des discours pessimistes de déclin du français, de jeunes derrière leurs écrans ou d’assimilation, la série dresse un portrait encourageant de la francophonie d’aujourd’hui et de demain.

Qu’ils soient originaires du Canada, du Maroc, de France, d’Ukraine ou du Burundi, ces jeunes dessinent une francophonie loin des statistiques et des grandes villes.

Cout de la vie, postsecondaire, enjeux autochtones : l’immersion n’élude pas les défis auxquels ils font face, parfois contraints de travailler quelques jours par semaine pour financer leurs études.

La série se regarde sans effort, à tout âge, avec en bonus de superbes images qui donnent envie de voir du pays!

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Audrey-Anne, 15 ans, vit à Dubreuilville, en Ontario, entre son travail, la musique, la motoneige, les descentes en luge à toute vitesse et la pêche sur glace en famille. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

Shapatu est un jeune artiste innu qui vit dans le nord du Québec. Entre radio, théâtre et musique, il partage ses passions et la vie de sa communauté. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

Julian vit à Whitehorse, au Yukon, entre descentes sur la neige, concoction de pâtes maison et plongée en eaux glacées. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

Holy-Grace vit à Ponteix, en Saskatchewan, entourée de ses amis, de son trampoline et des découvertes au cœur de la ferme. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

Romie, vit à Blind River, sur les rives du lac Huron, en Ontario. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

KAPSUR

Deux nouveaux épisodes sont diffusés chaque mardi sur TFO. Toutes les capsules restent disponibles sur la plateforme.

Pas toujours facile de trouver l’âme sœur sur l’asphalte. Proche cousine de L’amour est dans le pré, la téléréalité Cœur de trucker suit quatre camionneurs et camionneuses en quête d’une personne avec qui partager leur quotidien atypique, sur les routes du Québec, de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick, en passant par la Nouvelle-Écosse.

Dans cette troisième saison, toujours animée par l’humoriste québécois P-A Méthot, on suit Jérémie (28 ans), Josiane (24 ans), Nathalie (52 ans) et Christian (41 ans) lors de leur première date, leurs interrogations, et, surtout, leur passion.

«Un métier de pauvre et un métier dur»

Jérémie, veuf et orphelin depuis peu, ne lâcherait son bolide pour rien au monde. Pourtant, son père, lui-même amateur de moteur, a toujours espéré qu’il ne deviendrait pas camionneur, «parce que c’était un métier de pauvre et un métier dur», disait-il à la mère de Jérémie. Le décor est planté.

Dès les premières minutes, accompagnées de riffs de guitare électrique et d’une voix off dramatique façon doublage de téléréalité américaine, on redoute le pire. Et pourtant, que nenni! Derrière ses airs de téléréalité calibrée pour les initiés, Cœur de trucker se révèle vite être un concentré de sensibilité et d’authenticité.

Car derrière leur carapace, ces aventuriers et aventurières de la route cachent des parcours de vie parfois émouvants. L’occasion aussi de déconstruire au passage quelques clichés qui collent à ce métier indispensable à l’économie canadienne.

Un peu comme certains prétendants et prétendantes, on plonge dans un monde dont on ne connait pas forcément les codes, mais un monde qui a beaucoup à nous apprendre.

Loin des émissions cantonnées aux grandes villes et à leur public citadin, Cœur de trucker bifurque vers d’autres chaussées, où résonnent différents accents et réalités. Comme pour nous rappeler que la vie, avec ses virages serrés et ses nids-de-poule, reste un long trajet où chaque détour a son histoire. À voir si l’amour sera au rendez-vous…

La troisième saison de Cœur de trucker est diffusée tous les jeudis à 21 h sur Unis TV et reste disponible sur TV5Unis, comme les deux éditions précédentes. L’émission comprend dix épisodes de 60 minutes, réalisés par Stéphane de Grosbois.

Des couches transformées en litière, une piste de ski sur le toit d’une centrale ou de vieux néons recyclés : dans la nouvelle saison d’Espèces d’ordures, l’animateur Frédéric Choinière poursuit son tour du monde des poubelles.

À Dakar, Paris, Bogota, Las Vegas ou encore Montréal, cette série documentaire va à la rencontre de celles et ceux qui innovent, recyclent et bousculent les mentalités, comme cet «homme plastique» sénégalais ou ce tiktokeur éboueur parisien, qui lâche un «j’en ai marre de marcher dans la merde» bien senti.

Ce dernier met en garde contre les micros-déchets, et pour cause : à Paris, 4 millions de mégots de cigarette sont ramassés chaque jour.

À la recherche des bacs de recyclage à Las Vegas – quasi inexistants –, on réalise aussi à quel point les mentalités peuvent être différentes d’un bout à l’autre de la planète.

Néanmoins, Espèces d’ordures prouve que, face à la montagne de déchets que nous produisons dès la naissance, chacun et chacune peut agir. Un tour du monde ludique, humain et nécessaire.

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Les 10 épisodes sont diffusés les mardis à 19 h depuis le 22 avril sur TV5. Ils sont aussi disponibles sur TV5Unis.

René Arseneault, député libéral sortant de la circonscription Madawaska—Restigouche au Nouveau-Brunswick, Alupa Clarke, député conservateur de la circonscription de Beauport—Limoilou au Québec de 2015 à 2019, et Carol Hughes, députée néodémocrate sortante de la circonscription d’Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, répondent aux questions de la journaliste parlementaire Inès Lombardo.

Les trois personnalités politiques ont discuté du débat sur les enjeux en francophonie minoritaire, de l’incidence de Donald Trump sur la campagne et des observations qu’elles ont faites dans leur coin de pays au cours des dernières semaines. Les échanges sympathiques les ont même menées à féliciter ou à critiquer les autres partis tout autant que le leur.

À voir : Élection fédérale : débat sur les enjeux francophones

Le débat a réuni à Ottawa des représentants des cinq principaux partis politiques.

Pendant une heure, ils ont débattu d’un grand nombre de sujets : seuils d’immigration, santé et places dans les garderies bien entendu, mais aussi fonction publique, traduction, médias, commissaire aux langues officielles, financement des petits établissements universitaires, ayants droit, réconciliation avec les communautés autochtones (et gouverneure générale), etc.

Alors que toute notre attention est accaparée par la question de l’incertitude économique et des relations commerciales avec les États-Unis, le Canada est pourtant confronté à d’autres défis, à commencer par la question de la protection, si ce n’est de la survie, des communautés francophones partout au pays.

À lire : Élection fédérale : un débat enflammé sur les enjeux francophones

Un débat très animé

Le moins que l’on puisse dire c’est que ce débat a été très animé.

À plusieurs reprises, les candidats parlaient en même temps, ne se gênant pas pour interrompre leurs adversaires ou pour parler plus longuement que le temps qui leur avait été alloué.

Le débat sur la francophonie a été animé, mais en fin de compte, les réponses à chaque question livraient plus une promesse similaire des beaux jours à venir. 

Photo : Olivier Plante – Radio-Canada

La vivacité des échanges pourrait donner l’impression que les choses vont mal et il faut y remédier le plus rapidement possible. D’ailleurs, n’est-ce pas ce que l’on entend lorsque l’on parle de francophonie au Canada? La population francophone est en déclin. L’offre des services en français aussi. Des communautés disparaissent.

Pourtant je n’ai pas perçu que les partis politiques partageaient ce sentiment d’inquiétude, pour ne pas dire d’urgence. J’y ai plutôt vu un large consensus.

À lire : Campagne électorale : les circonscriptions et les enjeux francophones à suivre

Une réponse à tout

Si on leur avait posé la question «Trouvez-vous que les choses vont bien en matière de francophonie?», je pense bien que tous les candidats, peu importe leur affiliation politique, auraient plutôt répondu oui.

Car les réponses fournies à la plupart des questions étaient essentiellement les suivantes : oui, il y a des défis, mais on fait des efforts qui vont éventuellement donner des résultats.

Oui, des seuils d’immigration francophone sont difficiles à atteindre, mais on s’améliore et on y parviendra. On va même les augmenter.

Oui, l’offre et la qualité des services de santé et d’éducation laissent à désirer, mais soyez patients, car la main-d’œuvre s’en vient. D’autant plus que l’on va atteindre nos seuils d’immigration.

Oui, le bilinguisme dans la fonction publique fédérale et l’offre de services publics posent problème, mais les règlements internes du gouvernement qui seront bientôt adoptés vont transformer la situation. En plus, on aura un nouveau commissaire aux langues officielles qui aura plus de «mordant» (le mot est revenu souvent lors des échanges).

Oui, on est d’accord, l’intelligence artificielle ne peut pas remplacer des traducteurs, alors on va faire les ajustements nécessaires en donnant plus de ressources.

Oui, plusieurs médias francophones risquent de devoir cesser leurs activités bientôt, mais on est en train de mettre au pas les géants du Web.

Oui, la survie des petites universités est en péril, mais le financement sera éventuellement au rendez-vous.

Bref, toutes les réponses fournies par les candidats reprenaient essentiellement le même argument : il manque actuellement d’argent et de ressources humaines (la main-d’œuvre), mais on va investir plus et ça donnera des résultats.

À lire : Les finances des organismes francophones toujours dans le rouge

Élection fédérale 2025

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du point de vue de la francophonie canadienne.

Si les choses étaient aussi faciles…

Mais ce raisonnement est profondément fallacieux. À répéter sans cesse que les problèmes se résorberont lorsqu’il y aura plus d’argent, on confine d’emblée les communautés linguistiques les plus vulnérables à être dans une position perpétuelle de demandeurs. Elles sont ainsi à la merci du bon vouloir des bailleurs de fonds.

Mais ça fait des années que les communautés linguistiques minoritaires demandent ces ressources, sans obtenir de réels résultats.

La solution n’est tout simplement pas là. Elle passe par une refonte des modèles de gouvernance. Les francophones doivent avoir une place dans les centres de décisions, là où les véritables enjeux font l’objet de discussions.

Ils doivent, par exemple, être présents dans les conseils d’administration des établissements de santé, du milieu scolaire – de la petite enfance à l’université –, et rendre compte de leurs actions aux communautés qu’ils représentent.

Ils doivent pouvoir se prononcer et même approuver les choix du diffuseur public (Radio-Canada) et pour les autres médias (le CRTC), aussi sur les orientations de la fonction publique (que ce soit à propos du commissariat aux langues officielles ou des décisions du secrétariat du Conseil du trésor, l’employeur de la fonction publique fédérale).

Bref, la francophonie canadienne doit être traitée comme un décideur de politiques publiques de plein droit.

Si on devait s’en convaincre, il n’y a qu’à observer l’influence qu’a eue la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) durant le débat. À de nombreuses reprises, ses propositions ont été mentionnées par les candidats. Voilà qui illustre bien l’importance de recevoir des avis des communautés francophones.

À une exception près, aucun parti n’a présenté de telles solutions lors de ce débat. L’exception a été le Bloc québécois, qui a rappelé que les décisions concernant l’avenir du français au Québec devaient être prises par le gouvernement du Québec et non par le gouvernement fédéral.

Cette solution n’aidera évidemment pas les communautés francophones hors Québec.

Commencer par donner l’exemple

Par ailleurs, tous les partis politiques ont manqué une excellente occasion de faire preuve de leadeurship sur l’enjeu de la gouvernance lors du débat.

Aucun des candidats n’était un francophone hors Québec.

Sans enlever aucun mérite aux candidats qui ont participé à ce débat (ils ont tous un CV impressionnant), on ne peut s’empêcher de penser qu’il existe d’excellents candidats francophones de l’extérieur du Québec qui auraient pu prendre part à un débat sur des enjeux qui les touchent directement.

Le débat était le fruit d’une collaboration entre Radio-Canada, les médias écrits membres de Réseau.Presse et Francopresse, qui ont participé à l’élaboration des questions.

Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.

«Le sport, une affaire d’État(s)?» Fin juin 2012, c’était la question posée à tous les candidats et candidates au concours d’entrée d’une prestigieuse école de sciences politiques en France.

Je faisais partie de ces personnes et je me triturais les méninges pour mettre à profit, de la façon la plus pertinente possible, mes connaissances sportives. Dans mes souvenirs, je m’en étais sorti honorablement.

Treize ans plus tard, me revoilà devant ma copie, avec un nouvel exemple pertinent en tête. J’étais devant ma télé pour les deux matchs de hockey entre le Canada et les États-Unis qui se sont déroulés en février à l’occasion de la Confrontation des 4 nations.

Ce minitournoi, organisé par la Ligue nationale de hockey (LNH) pour la première fois cette année pour remplacer le Match des étoiles, s’annonçait plutôt anecdotique. C’était sans compter sur la réélection de Donald Trump et sa nouvelle politique commerciale, qui a mis le feu aux poudres.

D’un seul coup, ces deux rencontres sont devenues une affaire d’États.

À lire : Feuilleton de la Colline : les premiers ministres face à Trump et les candidats libéraux

«C’est plus qu’un sport : c’t’une métaphore de notre sort», chante le groupe de rap québécois Loco Locass dans sa chanson Le but, un hymne à l’équipe des Canadiens de Montréal. La métaphore de la guerre était toute trouvée.

Sur les réseaux sociaux, les deux généraux, Donald Trump et Justin Trudeau, haranguent leurs troupes. Les patinoires sont, elles, transformées en champ de bataille.

Hymne national américain hué et trois échanges de coups de poing en quelques minutes lors de la première rencontre, au Centre Bell, à Montréal, le 16 février. Victoire américaine.

Quatre jours plus tard, pour la finale à Boston, c’était au tour de l’hymne canadien d’être conspué. Le TD Garden a été le théâtre d’une des rencontres les plus intenses de l’histoire. En prolongation, le Canada l’emporte, grâce au joueur de centre Connor McDavid.

Cerise sur le sundae : le micromessage rageur de Justin Trudeau, que l’on imagine préparé avant le match : «Vous ne pouvez pas prendre notre pays – et vous ne pouvez pas prendre notre sport.»

La victoire sportive s’efface devant une autre victoire, symbolique. À nos yeux, ce ne sont pas les joueurs des États-Unis qui ont perdu. C’est Donald Trump et sa politique agressive à notre égard. Ceux que le président nargue en disant qu’ils seraient un bon «51e État» ont battu les 50 autres.

Au lendemain de la victoire, les grands titres des médias étaient très éloquents : «Une victoire du Canada sous le signe de la résistance» (Radio-Canada), «Une victoire pour 40 millions de Canadiens» (Le Journal de Montréal), «Connor McDavid et Jordan Binnington, héros canadiens en prolongation» (RDS).

À lire : La LPHF, lueur d’espoir pour le sport féminin canadien (chronique)

Les Jeux, épicentre des liens entre sport et diplomatie

L’incursion de la géopolitique sur le terrain du sport ne date pas d’aujourd’hui. Ni même d’hier. Dès leur origine, au VIIIe siècle avant Jésus-Christ, les Jeux olympiques étaient une compétition entre États grecs et offraient déjà la fameuse trêve olympique, qui permettait aux participants de traverser sans être inquiétés les zones de conflit.

Depuis le création par les Grecques, les Jeux olympiques sont plus qu’une compétition sportive. 

Photo : Michele Petino – Wikimedia Commons

Dans notre ère moderne, les Jeux olympiques constituent l’épicentre des liens entre sport et diplomatie. De l’opération séduction menée par Adolf Hitler aux Jeux de Berlin en 1936, à la marginalisation des athlètes russes aujourd’hui, les exemples pullulent.

Le plus marquant est sans doute celui de la guerre froide. Le sport a servi de terrain de confrontation directe entre deux superpuissances militaires, idéologiques et sportives.

Aux Jeux de Munich en 1972, l’URSS a battu les États-Unis lors de la finale du tournoi de basketball après une fin de match hautement controversée. Les Américains ont refusé leur médaille d’argent. Huit ans plus tard, les États-Unis ont boycotté les Jeux de Moscou. En 1984, c’est au tour de l’URSS de snober ceux de Los Angeles.

À lire : L’éclipse olympique (chronique)

Mais pourquoi diable le sport, plus que tout autre divertissement, titille-t-il autant notre fierté nationale et fait-il autant ressurgir nos pulsions les plus guerrières?

L’historien Patrick Clastres, que j’avais interrogé à l’occasion du rapprochement diplomatique entre les deux Corées lors des Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang, en 2018, propose un élément de réponse :

Le sport est à l’image des autres formes de culture. Il peut être au service des plus nobles causes ou des pires régimes. Il déchaine des passions plus vives parce que ses expressions sont nationales. Quand on a des compétitions de cinéma ou de littérature, les artistes ne viennent pas avec un maillot aux couleurs du pays. Les créateurs se sont, depuis très longtemps, dégagés de l’impératif national, sauf dans le cas des dictatures. Le monde du sport n’y arrive pas.

— Patrick Clastres

Mais le sport doit-il vraiment s’affranchir de cet impératif? Finalement, laisser nos frustrations et notre nationalisme s’exprimer dans un cadre règlementé et sécuritaire n’est-il pas un moindre mal?

Vous avez quatre heures pour y répondre.

Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.

Le Parti libéral du Canada, qui se dirigeait tout droit vers une cuisante défaite, a fait une remontée spectaculaire dans les intentions de vote en un temps record. Ce retournement de situation s’explique par un ensemble de facteurs : un nouveau chef, un nouvel enjeu de campagne et des leadeurs d’autres partis qui sous-performent.

Un autre élément exceptionnel dans cette campagne électorale est la prodigalité manifestée par tous les partis. Le message que l’on entend depuis le premier jour de la campagne est le suivant : le Canada fait face à une crise existentielle qui ne pourra se résoudre que si on dépense. Que si on dépense beaucoup, devrait-on préciser.

Combien? C’est peut-être la question à 100 milliards de dollars…

Car on n’a aucune idée du cout de l’ensemble des promesses faites jusqu’à maintenant par chacun des partis.

— Geneviève Tellier

Certes, certaines estimations ont été présentées. Mais c’est plus l’exception que la règle.

Par exemple, les libéraux promettent de créer un programme d’aide à l’industrie automobile qui sera doté d’une enveloppe de 2 milliards de dollars.

Les conservateurs s’engagent à mettre en place un programme de prêts pour les entreprises frappées par les tarifs douaniers américains d’une valeur de 3 milliards de dollars.

Les néodémocrates proposent d’offrir des subventions et des prêts à faibles taux d’intérêt pour encourager la rénovation énergétique résidentielle à hauteur de 1,8 milliard de dollars par année pendant 10 ans.

Sur les 41 engagements faits par les trois principaux partis qui ont été recensés par le Toronto Star à ce jour, il y en a seulement 9 pour lesquels les partis ont jugé bon de fournir eux-mêmes une estimation de couts : 5 par le Parti libéral, 2 par le Parti conservateur et 2 par le Nouveau Parti démocratique.

Pourtant, les promesses faites jusqu’à présent vont couter cher : réductions d’impôt, programmes d’aide aux entreprises, projets d’infrastructure, etc. On parle de dizaines de milliards de dollars pour chacun des partis.

Sans compter la perte de revenus qui risque de se produire si une récession se produit. Ce qui semble de plus en plus probable.

À lire : Feuilleton d’élection fédérale : les premières promesses

Les chefs des trois plus grands partis font beaucoup de promesses sans préciser le cout de celles-ci. 

Photos : Inès Lombardo et Marianne Dépelteau – Francopresse

Une élection différente

Ce peu d’informations tranche avec les élections passées.

En 2021, chacun des trois principaux partis avait présenté une plateforme chiffrée détaillée. Le cout de toutes les promesses était présenté.

Ainsi, on savait que la valeur totale des promesses libérales s’élevait en moyenne à 16 milliards de dollars par année pour les cinq prochaines années, celle des conservateurs à 10 milliards et celles des néodémocrates à 43 milliards.

La même chose s’était produite à l’élection de 2019. Tous les partis avaient présenté une plateforme présentant l’ensemble de leurs promesses accompagnées d’un cadre financier détaillé.

À vrai dire, il semblait désormais acquis que le dévoilement de cadres financiers était devenu incontournable en campagne électorale.

Il y a de bonnes raisons pour cela. En chiffrant chacune de leurs promesses, les partis politiques peuvent ainsi convaincre les électeurs qu’ils ont un plan réfléchi et réaliste. Ils montrent aussi qu’ils ont bien fait leurs devoirs et qu’ils acceptent de se soumettre à la critique. On pourra examiner, commenter, critiquer leurs propositions.

Bref, les partis qui présentent un cadre financier font preuve à la fois de sérieux et de transparence.

À lire : Élection fédérale : le retour de l’homme fort (chronique)

De nouvelles règles depuis 2017

Les parlementaires ont même voulu aider les partis politiques à entreprendre cet exercice en leur offrant des ressources supplémentaires.

En 2017, la Loi sur le Parlement a été modifiée afin de permettre au directeur parlementaire du budget d’évaluer les promesses électorales. Tout parti qui le voulait pouvait lui demander d’entreprendre une évaluation indépendante du cout financier de ses promesses.

Chaque parti était libre de choisir quelles promesses il voulait soumettre à l’analyse du directeur parlementaire du budget et quelles promesses chiffrées il voulait rendre publiques.

L’élection générale de 2019 a été la première à se tenir avec ces nouvelles dispositions. Ce fut un succès. Le directeur parlementaire avait publié sur son site Web le cout de 115 promesses électorales.

En 2021, le nombre de promesses évaluées par le directeur parlementaire avait été plus faible, soit 72. Il faut dire que l’élection avait été déclenchée deux ans avant la date prévue par la loi. Les partis politiques n’ont peut-être pas pu se préparer adéquatement pour élaborer un ensemble de propositions.

Cette fois-ci, en 2025, la situation est complètement différente. Aucune estimation n’a encore été publiée par le directeur parlementaire du budget. C’est comme s’il n’existait plus.

Par ailleurs, seul le Bloc québécois a présenté une plateforme jusqu’à maintenant. Nous sommes pourtant dans la troisième semaine de campagne. Il commence à se faire tard.

Y aura-t-il des plateformes chiffrées?

En fait, il ne serait même pas surprenant que les autres partis dévoilent leur plateforme et leur cadre financier pendant la dernière semaine de campagne seulement, soit après les débats des chefs. Certains partis pourraient même décider tout simplement de ne pas présenter de cadre financier.

Est-ce un point de vue trop cynique? Peut-être pas, puisque c’est exactement ce qui s’est produit il y a quelques semaines en Ontario lors de l’élection provinciale.

Les partis ontariens ont promis des milliards de dollars supplémentaires en raison de la crise commerciale qui se dessinait avec les Américains, mais n’ont pas jugé nécessaire de fournir des données financières détaillées (à l’exception du Parti vert).

Le déficit mystère

Le directeur parlementaire du budget a quand même profité de la campagne électorale pour mettre à jour les perspectives financières du gouvernement fédéral. Il estime que le déficit pourrait atteindre entre 42 et 47 milliards de dollars cette année, sans tenir compte du cout des promesses électorales.

En incluant ces dernières, nous dirigeons-nous plutôt vers un déficit de 60 milliards? 80 milliards? 100 milliards?

Ces chiffres ne sont pas si farfelus. Rappelons que le déficit avait été de 140 milliards de dollars en 2021 en raison d’une autre crise : celle de la COVID-19.

C’est peut-être celle-là, la question à 100 milliards de dollars…

À lire : Économie : un déficit de 62 milliards et silence sur les langues officielles

Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.

Un patrimoine francophone mis en valeur

Le duo Prairie Comeau tente de partager une bride du riche patrimoine musical francophone d’Amérique du Nord avec son album L’emprunt(e) Anique Granger (Saskatchewan) et Benoît Archambault (Québec) unissent leurs deux univers pour rendre hommage à la bonne chanson.

Pochette de l’album L’emprunt(e)

Photo : ciedunord.com

Avec douceur et justesse, Prairie Comeau nous invite à nous laisser bercer au son des guitares et autres instruments acoustiques. Des arrangements très épurés donnent toute la place aux voix remplies de sobriété. On a rapidement l’impression d’être témoin d’un rendez-vous privé, d’une rencontre exceptionnelle qui révèle la richesse de la musique francophone d’Amérique du Nord.

Du superbe duo Tout passe à Je sais bien quelque chose, Anique Granger et Benoît Archambault livrent des interprétations magistrales. La chanteuse fransaskoise poursuit avec une version remplie de mélancolie de Partons la mer. Un autre moment fort est Comment veux-tu, chanson sur laquelle on retrouve la voix de Michel Lalonde du légendaire groupe Garolou.

Les amants malheureux est l’empreinte d’un autre duo magique. On poursuit avec La chère maison, une interprétation a cappella incroyable, le point culminant de l’album. Pour celles et ceux qui sont passionnés d’improvisation, Benoît Archambault offre La feuille d’érable, l’hymne national de la Ligne nationale de l’improvisation (LNI).

Prairie Comeau offre une œuvre de douze chansons tirées d’un répertoire de bonnes chansons en français. Avec beaucoup de justesse et de respect pour les extraits choisis, le duo propose un moment très intimiste. 

Prairie Comeau : Partons la mer
Album : L’emprunt(e)

Vieillir en chansons 

Pour le renouveau, celle qui nous invitait chez elle en 2020 nous revient avec le bouquet de nostalgie Les Échos. Le 2e opus de l’autrice-compositrice-interprète Jeannine Guyot fait du bien à l’âme. L’artiste de Fannystelle, au Manitoba, réussit à nous transporter dans ses souvenirs les plus profonds.

Jeannine Guyot. 

Photo : jeannineguyot.com

Elle nous interpelle sur les moments intimes, les départs et les absences. En toile de fond, les mélodies de Jeannine Guyot sont remplies de nostalgie et le piano guide les harmonies. Parfois tout en douceur, parfois plus rythmée, elle livre des textes touchants sur les étapes du vieillissement.

Entre Prélude et Réflexion, les deux pièces instrumentales, l’auditeur a droit à de petites perles. La pièce-titre Les Échos témoigne des traces de la vie de sa grand-mère. La chanson L’important nous invite à vivre le moment présent et, finalement, Les yeux de Heidi est un instant de tendresse entre Jeannine et sa mémé.

L’autrice-compositrice-interprète franco-manitobaine livre un moment de tendresse et d’amour. Avec beaucoup de nostalgie dans la voix, elle rend un brillant hommage à sa grand-mère qu’elle aimait tant.

Jeannine Guyot : Les yeux de Heidi
Album : Les Échos

Souvenir dun paysage intérieur 

En terminant, je reviens vers une artiste de la Baie Georgienne en Ontario. L’autrice-compositrice-interprète franco-ontarienne Joëlle Roy nous offrait en 2018 son album Paysage intérieur.

Dès la première plage, Identité épaillée, on est interpelé par des arrangements sur lesquels on se laisse bercer. Les textes font beaucoup référence aux contacts humains, aux sentiments envers les autres et à l’intégrité.

Pochette de l’album Paysage intérieur

Photo : joelleroy.ca

Il y a de beaux petits bijoux sur ce disque, dont Ça me fait chier de t’oublier, un country folk à la Harvest Moon de Neil Young. Plus jamais de détour est un petit univers Dixieland jazz des plus accrocheurs et charmants. Insatiablement est la pièce la plus rock de cet opus avec un beau changement d’humeur dans le bridge avec les enfants.

La pièce-titre Paysage intérieur et la belle reprise, J’entre – qu’elle a écrite en début de carrière – nous amènent dans un niveau d’émotion plus profond. Autant la force des mélodies, que la puissance des textes nous interpellent avec des sentiments de quiétude et de sérénité qui nous touchent au plus profond. L’album se termine en beauté sur une belle reprise du classique de CANO, Dimanche après-midi.

Paysage intérieur de Joëlle Roy est une invitation à arrêter le temps. L’autrice-compositrice-interprète nous interpelle avec des mélodies parfois zydeco, parfois country folks, mais toujours agréables.

Je terminerai en vous disant qu’elle vient de lancer sur YouTube un excellent vidéoclip pour une nouvelle chanson : Dans mes bras.

Joëlle Roy : Ça me fait chier de t’oublier
Album : Paysage intérieur

Marc Lalonde, dit Lalonde des ondes, est chroniqueur musical depuis plus de 25 ans au sein de la francophonie musicale canadienne et animateur de l’émission radiophonique Can-Rock. Il se fait un malin plaisir de partager cette richesse dans 16 stations de radio à travers le pays chaque semaine.