Le questionnement sur l’identité collective n’est pas une démarche neutre. Il est le fait d’attachements et d’engagements, d’une vision quant à l’avenir et aux traditions qui doit s’adapter à une réalité qui n’avait pas été envisagée.
Tout à la fois, ce questionnement émerge de contestations et d’un désir de conserver le statuquo qui sert souvent à endiguer les transformations. Il prend ainsi la forme non pas d’un dialogue ni d’une négociation, mais d’une affirmation de soi qui passe par l’imposition de frontières et de limites.
Se demander qui est francophone, c’est se donner la permission d’être le critère de définition du groupe et de poser des conditions aux personnes qui n’en font pas déjà partie – même si elles y participent déjà. Le faire publiquement, c’est contribuer à renforcer ces critères.
Pourtant, la conservation forcée de traditions qui ne contribuent pas à la vie des nouvelles générations est désormais ce qui menace la vitalité des communautés francophones.
Les personnes élues des organismes porte-paroles de la francophonie et de nombreux organismes provinciaux et locaux ont demandé à ce que l’immigration francophone devienne une priorité.
Cette immigration contribue à la vitalité des communautés, à l’offre de services, à une expansion du secteur communautaire, ainsi qu’à une stabilisation démographique.
Puisqu’il existe une longue tradition d’accueil des francophones d’Europe – aussi longue que l’histoire des communautés – il n’aurait pas dû être surprenant que les personnes francophones du reste du monde ne se sentent pas immédiatement incluses dans cet accueil.
Aux quatre coins du pays, de longues consultations et discussions entourant le nom des organismes – discussions souvent échouées puis reprises – ont abouti à plusieurs changements souvent cosmétiques.
Mais l’existence de ces processus est le résultat de résistances aux demandes des membres de la communauté qui ne se reconnaissent pas dans ces organismes. Pourtant, il aurait été relativement aisé de répondre rapidement à ces demandes.
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Après tout, le terme «francophone» qui est si souvent utilisé décrit déjà les communautés. Le mot a cependant gagné une charge identitaire de plus en raison de changements demandés et de celleux qui les demandent.
Par conséquent, le nom de certains organismes reflète maintenant une acceptation conditionnelle, et à contrecœur, d’une réalité qui était jusque-là niée. Les personnes qui ont demandé ces changements gardent aussi un souvenir amer de ces résistances.
Le terme de «francophone» pose par ailleurs problème en ce qu’il renvoie trop directement à la langue, qui peut avoir été apprise comme une langue additionnelle, et pas assez au groupe ethnoculturel.
Le terme «francophone» ou ses déclinaisons territoriales (de Franco-Ténois·e à Franco-Ontarien·ne, voire Ontarois·e comme calque de Québécois·e) a également remplacé le terme Canadien français·e ailleurs au pays… mais sans remplacer l’idée du Canada français et de son enracinement dans la colonisation du territoire.
Le nationalisme canadien français – qui s’est développé en résistance à l’impérialisme britannique et par la colonisation aux dépens des peuples autochtones – subsiste ainsi dans les communautés francophones.
Si l’on demande où sont les gens qui parlent français, plutôt qu’où sont les francophones, on inclut davantage les écoles d’immersion et les adultes qui apprennent le français.
La reconnaissance du français comme langue officielle et l’exigence d’apprendre le français pour avoir accès à plusieurs postes de la fonction publique ont apporté une légitimité, un attrait, voire un cachet à la langue.
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Sauf que l’identité francophone s’est bâtie en opposition aux communautés où la langue anglaise est première.
Ainsi, malgré les tentatives de transformer ce que «francophone» peut signifier et de définir l’appartenance à la francophonie en fonction de la langue et le désir de participer à la communauté où elle est parlée, ces efforts n’ont pas réussi à faire oublier sa définition comme «non anglophone».
Les personnes dont la langue maternelle est l’anglais, voire dont la lignée familiale est liée à l’anglais, sont ainsi souvent vues comme suspectes et tenues à l’écart.
Cette rigidité quant à l’anglais s’explique historiquement, mais non sociologiquement. La tombée des frontières géographiques entre des communautés qui ont toujours été plus que strictement linguistiques et la montée en popularité de l’immersion font que l’identification à une langue principale ne peut avoir de sens pour celleux qui grandissent dans un tel environnement linguistique. De telle sorte que l’obligation de choisir pousse certaines personnes à partir.
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Le nationalisme linguistique pousse à remettre en cause une loyauté qui ne saurait être exigée dans une vie qui est, d’abord et avant tout, communautaire.
Cette suspicion constante a pour effet de détourner nombre de gens d’une vie communautaire qui est trop souvent tendue et source d’interactions épuisantes, voire insultantes.
De surplus, ces actions liées à l’autodéfinition sont contradictoires en ce qu’elles se retournent contre les causes des transformations et les désirs mêmes de grands pans des communautés. Avoir plus de personnes qui parlent le français pour obtenir plus de services, plus de capacité, une plus grande vitalité, est leur objectif. Limiter l’accès à ce cercle ralentit sa croissance.
Or les communautés francophones font face à un phénomène social qui limite leur potentiel de transformation : celui de la sortie. Pourquoi se battre quand on peut simplement quitter les milieux francophones et vivre dans d’autres milieux, avec moins de frictions?
Ces actions de redéfinition des communautés ont été menées de sorte à ne pas bouleverser les relations de pouvoir et de contrôle au sein des communautés. La contradiction principale ici se trouve au niveau du maintien des buts politiques qui sont désormais déphasés quant à la vie politique et culturelle qui peut avoir lieu en français.
Les personnes qui se définissent actuellement comme francophones devront voir par conséquent si elles pourront accélérer un changement de culture politique avant que cette contradiction ne vienne miner leurs efforts de croissance de manière irréversible.
Au début, l’algorithme de TikTok a mené la danse de la recherche.
Lors de la première séance, il a fallu ignorer des vidéos pendant une bonne trentaine de minutes avant de finalement tomber sur une vidéo d’information en français. Il s’agissait de la chaine française Infos Minutes. Radio-Canada est apparue presque tout de suite après.
Après plusieurs séances de furetage sur TikTok, d’autres chaines dites d’information se sont mises à apparaitre de temps à autre. Finalement, la recherche active de comptes a permis de dénicher un peu plus de contenu d’information en français, mais peu d’actualités.
Et non, le «vieux monsieur» qui approche la cinquantaine n’était pas si seul dans cet espace. Avec des extraits d’émissions de Stéphan Bureau, de QUB Radio et autres, il est clair que le public de TikTok ne compte pas seulement des jeunes de moins de 35 ans. Mais ceux-ci restent minoritaires, selon les récentes données de l’Académie de la transformation numérique de l’Université Laval.
Pêlemêle
Suivre l’actualité en français sur TikTok ne se fait pas sans efforts.
D’abord, beaucoup de contenu informationnel arrive de France. Radio-Canada assure une bonne présence sur TikTok, tout comme Le Devoir, TVA et Noovo. Il y a par contre un nombre inquiétant de comptes qui ne font que rediffuser les vidéos des chaines d’information, c’est-à-dire des contenus qui ne leur appartiennent pas.
Mais même après avoir essayé de «cultiver» un algorithme efficace, la fonction de vidéo aléatoire présente plus d’humoristes que d’actualités. TikTok continue de livrer ce qui fonctionne le plus pour nous garder sur la plateforme, pas nécessairement ce que nous cherchons. Le fil aléatoire n’est donc pas un idéal de découvrabilité de l’information.
Sans oublier que TikTok est une sorte de machine à voyager dans le passé très imprécise. Les dates des vidéos ne sont pas toujours bien indiquées. Il est difficile de savoir si l’information est récente ou non. Parfois, elle date de plus d’un mois.
Ce n’est pas une lubie de «vieille personne» que de vouloir situer une information dans le temps. La chronologie est importante pour suivre une situation qui évolue ou pour la situer dans son contexte.
Cela dit, il y a des producteurs de contenu plus spécialisés qui présentent une nouvelle, une information ou une analyse sous un angle différent. On tombe alors plus dans l’information lente, ce qui peut être une mauvaise chose.
Les francos sont là
La francophonie minoritaire canadienne est présente sur TikTok. L’Acadie en particulier, y a plusieurs chaines qui présentent entre autres des vidéos de «traduction» de mots typiquement acadiens. Il y a aussi des chaines en Ontario, mais plus rarement dans le reste du pays.
Le Courrier de la Nouvelle-Écosse et tout récemment l’Aurore boréale sont pour l’instant les seuls médias francophones en milieu minoritaire que nous avons trouvé qui maintiennent une présence active sur TikTok.
Qui ça?
Ce qui reste le plus difficile, c’est de déterminer le degré de crédibilité à accorder à une chaine. Surtout les premières fois que l’on tombe sur son contenu.
Quelle confiance peut-on accorder à un jeune qui parle d’impôts en se faisant couper les cheveux chez son barbier? Qu’est-ce qui garantit qu’il a les compétences nécessaires pour livrer ce type d’informations?
Est-ce que cette femme en blouse blanche qui parle de crise cardiaque est vraiment médecin comme elle l’affirme?
TikTok est un univers relativement différent des autres réseaux sociaux. Il faut y entrer avec l’esprit ouvert et son sens critique bien réveillé.
Il est plus facile de confirmer la crédibilité d’une personne quand une chaine fournit un lien vers un site Web externe. D’autres, par contre, existent seulement sur TikTok, ce qui complique la vérification de la notoriété.
Sans savoir qui parle, il est impossible de savoir si la personne a les compétences nécessaires pour être dignes de confiance dans le domaine qu’elle aborde.
La capacité d’identifier une source et de vérifier ses compétences est pourtant l’une des bases de la confiance en information. Un bon critère, peu importe l’âge de la personne qui s’aventure sur les médias sociaux.
TikTok n’est pas une plateforme d’actualités, mais on peut s’y informer. Les vidéos peuvent servir de porte d’entrée vers la recherche plus approfondie d’un sujet et mener vers les sites des médias reconnus pour la qualité de leur travail journalistique.
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Une place à l’ombre
Le mot d’ordre chez les médias est d’atteindre les consommateurs d’information là où ils se trouvent. Les jeunes de 18 à 34 ans, eux, se trouvent sur YouTube et TikTok.
Selon les données de l’Académie de la transformation numérique, 70 % des personnes de cette tranche d’âge visitent YouTube et 51 % utilisent TikTok.
Le défi reste important. TikTok ne favorise pas la découvrabilité des contenus médiatiques. Les jeunes font peu confiance aux médias traditionnels. Les codes de ces vidéos ne sont pas les mêmes.
De plus, ces réseaux construits pour donner toute la place au contenu de masse laissent peu d’espace aux petits médias. Ceux-ci doivent se faire remarquer – en 5 secondes – sans pour autant dénaturer leur ligne éditoriale.
En même temps, quel est l’avantage de donner notre contenu à une plateforme sur laquelle la monétisation est impossible au Canada? Est-il éthique de donner notre contenu à une plateforme qui exploite les biais cognitifs pour créer une dépendance?
Mais il s’agit d’une occasion de reconstruire la confiance dans les médias. La planche de salut est peut-être là. Si un créateur ou une créatrice de contenu peut arriver à inspirer la confiance de son auditoire au fil du temps, peut-être que les médias traditionnels peuvent y arriver aussi.
P.-S. Oui, Francopresse a maintenant un compte TikTok, mais il ne compte aucune vidéo pour l’instant.
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Le Parti conservateur a non seulement laissé filer l’avance considérable qu’il détenait sur les libéraux avant le déclenchement des élections, mais surtout il ne se présente plus comme un parti national. Il est devenu – ou plus exactement est redevenu – un parti régional. Difficile alors de gagner une élection fédérale.
Pourtant, l’ancien premier ministre Stephen Harper avait bien essayé de repositionner son parti. À vrai dire, il est celui qui a le mieux réussi à le faire de tous les chefs conservateurs qui se sont succédé à la tête des partis de droite depuis Brian Mulroney.
Le grand fait d’armes de Stephen Harper aura été d’avoir réussi à unir les forces de la droite au pays et d’avoir pu présenter son parti comme un autre choix que le Parti libéral.
Le Parti conservateur de Stephen Harper était un parti qui savait qu’il fallait «parler» aux électeurs de partout au pays. Un parti qui voulait faire entendre les voix de l’ouest du pays à Ottawa; qui se présentait comme le parti de l’économie pour l’électorat de l’Ontario; qui appuyait les revendications décentralisatrices du Québec; qui venait en aide économiquement et socialement aux gens de l’Atlantique.
Le parti de Stephen Harper n’a pas été un parti qui s’était rapproché des libéraux, comme l’avait fait à l’époque Brian Mulroney. C’était un parti véritablement de droite, mais qui savait néanmoins faire preuve de souplesse.
Une stratégie qui avait donné des résultats.
Le succès de cette stratégie a été mis en évidence lors des élections générales de 2011. Le Parti conservateur avait alors finalement gagné la majorité des sièges à la Chambre des communes.
Il avait aussi remporté le vote populaire dans dix des treize provinces et territoires. Seuls Terre-Neuve-et-Labrador, le Québec et les Territoires-du-Nord-Ouest lui avaient échappé.
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Cette fois-ci, le Parti conservateur n’a pas donné l’impression qu’il cherchait à rejoindre les électeurs et électrices des différentes régions du pays.
Oui, bien sûr, il a abordé des thèmes qui préoccupent une grande majorité de la population : le cout de la vie, la hausse de la criminalité, l’établissement des seuils d’immigration, la question de l’approvisionnement en énergie, les investissements dans les forces armées, sans oublier l’imposition des tarifs douaniers américains.
Mais les solutions offertes ont été des solutions très «conservatrices» : baisses d’impôt, abolition de la règlementation, durcissement des peines pour les coupables d’un acte criminel, imposition d’un corridor énergétique, etc. Ces propositions plaisent à une certaine base conservatrice, mais pas à la majorité de la population canadienne.
Elles sont aussi des solutions «mur à mur». Elles ne ciblent pas des problématiques locales.
Il ne suffit pas de promettre d’abolir le péage sur le Pont de la confédération entre l’Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick ou encore de s’engager à financer le remplacement du pont de la rivière Coquitlam en Colombie-Britannique.
Il faut offrir une stratégie d’avenir pour le développement économique et le bienêtre des collectivités, que ce soit celles de l’Atlantique, de la côte ouest ou d’ailleurs au pays.
Bref, la souplesse qui avait fait la force de Stephen Harper n’a pas été au rendez-vous.
Par conséquent, les conservateurs n’ont remporté le vote populaire que dans trois provinces et territoires (Manitoba, Saskatchewan, Alberta) aux dernières élections, même si un nombre record de personnes ont voté pour le Parti conservateur.
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Mais ce qui est plus inquiétant pour les conservateurs, c’est que plusieurs parmi eux ne semblent pas comprendre pourquoi le public votant n’a pas voulu les appuyer. Certains même ne se gênent pas pour reprocher aux électeurs et électrices de ne pas avoir voté pour eux.
La récente sortie de Danielle Smith, première ministre de l’Alberta, est très révélatrice à cet égard.
Elle met en garde le pays, disant pour l’essentiel qu’en continuant à ne pas élire un gouvernement fédéral conservateur, la population canadienne ne devrait pas se surprendre si de plus en plus de personnes en Alberta songeaient à appuyer l’indépendance de leur province.
Il s’agit ni plus ni moins d’une forme de chantage : «Voter pour nous, sinon…»
Mais la première ministre Smith n’est pas la seule à refuser d’examiner les causes réelles de l’échec du Parti conservateur. Son chef, Pierre Poilievre, semble, lui aussi, ne pas voir la réelle source du problème.
Pas question pour lui de changer le message. Il estime plutôt que c’est la manière dont ce message a été transmis qui est à revoir. Il attribue donc sa défaite à un problème de communication.
Une telle attitude explique sans doute pourquoi il a jugé bon de se présenter dans une circonscription très conservatrice de l’Alberta pour retrouver un siège à la Chambre des communes.
Pourtant ce n’est pas en s’éloignant de l’Ontario qu’il va réussir à être plus à l’écoute des gens d’un peu partout au pays. En fait, il ne fait que renforcer l’idée que son parti est, tout compte fait, un parti régional.
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Ici aussi, le doute est permis. Les députés conservateurs se sont octroyé le pouvoir de contester le leadeurship de Pierre Poilievre à n’importe quel moment d’ici la prochaine élection. Il s’agit de la même disposition qui avait été adoptée et utilisée rapidement contre Erin O’Toole après la défaite électorale de 2021.
Mais Erin O’Toole avait été renvoyé par son caucus parce qu’on avait estimé qu’il avait amené le Parti conservateur trop au centre.
La leçon à tirer est probablement que tant que Pierre Poilievre gardera son parti à droite, il pourra compter sur l’appui de son caucus. Mais ce n’est pas ça qui aidera à refaire l’image du Parti conservateur pour qu’il soit réellement perçu comme étant un parti national vers lequel l’électorat canadien a envie de se tourner.
Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.
Les gains du Parti libéral du Canada à l’élection fédérale de 2025, en comparaison avec celle de 2021, proviennent avant tout d’un vote stratégique et d’une absence de fidélité des électeurs et électrices de centre-gauche.
Le taux de participation est passé de 62,6 % en 2021 à 68,65 % en 2025, une augmentation normale pour une élection qui n’est pas jouée à l’avance. Ce n’est toutefois pas en convainquant davantage de personnes à voter que les libéraux et les conservateurs ont augmenté leur part du vote qui est passée respectivement de 32,6 % à 43,7 % et de 33,7 % à 41,3 %.
La plus grande part des nouveaux votes pour le Parti libéral viendraient des voix qui se seraient autrement exprimées pour le Nouveau Parti démocratique (NPD), dont la part des suffrages est passée de 17,8 % en 2021 à 6,3 %.
Notons aussi une chute moins dramatique pour le Parti vert (de 2,3 % à 1,2 %) et pour le Bloc québécois (de 7,6 % à 6,3 %). Ces pourcentages suggèrent un déplacement de ces votes vers les libéraux. Pris ensemble, ces trois partis ont perdu un peu plus de 2 millions de votes, tandis que le parti mené par Mark Carney en a gagné un peu plus de 3 millions.
Or, seulement 2 373 202 personnes de plus ont voté lors de cette élection fédérale. Les conservateurs ont gagné un nombre de votes très proche de cette augmentation.
Un mouvement conservateur à son apogée?
On a mentionné que Pierre Poilievre a donné aux conservateurs le plus haut pourcentage du vote depuis l’époque de Brian Mulroney, qui avait atteint 50 % en 1984. En comparaison, en 2011, Stephen Harper avait pu former une majorité avec 39,6 % du vote populaire.
Le Parti conservateur a réussi à reprendre une grande partie des voix qui s’étaient tournées vers le Parti populaire du Canada; qui est lui passé de 5 % à 1,7 % des votes. Pierre Poilievre y est arrivé en canalisant le mécontentement contre les libéraux, certes, mais aussi en reprenant plusieurs de ses politiques et en se radicalisant encore plus à droite.
Or, tandis que les libéraux ont plus ou moins maintenu le cap en matière de politiques depuis des décennies, on ne peut comparer le Parti conservateur d’aujourd’hui et le Parti progressiste-conservateur de Brian Mulroney.
Les échecs constitutionnels de ce dernier ont mené à la création du Bloc Québécois. C’est aussi contre ce Parti progressiste-conservateur que s’est dressé le Parti réformiste. Celui-ci a pu grandir suffisamment pour avaler l’ancien parti, l’intégrer et le digérer.
Tandis que Stephen Harper cherchait à courtiser le centre-droit – il aurait sans doute conquis bon nombre des personnes qui ont voté pour Mark Carney – le Parti conservateur ne tente plus de faire taire l’extrême-droite en son sein. Même le chef conservateur Erin O’Toole avait expulsé un membre important du parti pour avoir proféré des propos haineux.
Sous le leadeurship de Pierre Poilievre, les proches du «Convoi de la liberté» trouvent ainsi leur place au sein du parti. La campagne électorale conservatrice s’est rapprochée, dans une certaine mesure, des slogans et de la vision des groupes suprémacistes blancs.
Le parti s’est rapproché des réseaux qui propagent des théories du complot, dont certains réseaux religieux, et a bénéficié de leurs attaques contre Mark Carney. Si bien que la victoire libérale est déjà remise en cause par certaines personnes… par le biais de fabulations.
Entre le travail fait par les théories du complot, une forte organisation bien éprouvée pendant le «Convoi de la liberté», des réseaux de communication et des organes de désinformation comme Rebel News, le Parti conservateur a tous les atouts de son côté. Il ne cherche plus à prendre ses distances de ce mouvement qui l’a presque porté au pouvoir.
Le Nouveau Parti démocratique, principal parti politique de gauche au Canada, n’a pas fait élire assez de députés pour être reconnu comme un parti officiel lors de l’élection. Le chef Jagmeet Singh, qui n’a pas été élu dans sa circonscription, a démissionné de son poste le soir même.
Une gauche en fin de déclin?
À moins qu’une autre situation tout aussi opportune n’émerge lors du prochain scrutin, les libéraux ne pourront pas répéter leur victoire à l’arraché. Ils devront créer un soutien qui ira plus loin que la peur de Trump et d’un trumpisme canadien.
Le parti devra choisir entre une orientation vers la droite – et ce groupe instable que forment les «torys rouges» et les «libéraux bleus» – ou vers la gauche, qui l’a porté au pouvoir pour bloquer le mouvement conservateur.
Le vote stratégique pourrait avoir des conséquences à long terme pour les politiques sociales et environnementales. Après tout, les libéraux ont pu se faire élire malgré leur silence sur certaines questions, une diminution de la place des femmes et du genre au sein du gouvernement, ainsi qu’une position hostile aux politiques environnementales.
Malgré un appui somme toute considérable pour ses positions politiques, le NPD n’arrive pas à convaincre les mouvements sociaux. Il a perdu le soutien des syndicats et du monde ouvrier. Sans un appui ferme de ces électeurs, le vote stratégique pour le choix «le moins pire» est plus tentant.
La gauche citoyenne qui se préoccupe peu de la politique se trouve devant un dilemme en matière électorale, aux côtés de ses activités au sein de la société civile. Doit-elle travailler au renouvèlement du NPD et risquer une prochaine victoire conservatrice si les libéraux n’arrivent pas à former le gouvernement?
Ou pourrait-elle plutôt militer pour tirer le Parti libéral vers la gauche et enfoncer le clou dans le cercueil d’un parti qui semble parfois moribond et qui a, jusqu’à présent, évité toute perspective de renouvèlement?
Jérôme Melançon est professeur titulaire en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent généralement sur les questions liées à la coexistence, et notamment sur les pensionnats pour enfants autochtones, le colonialisme au Canada et la réconciliation, ainsi que sur l’action et la participation politiques. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).
Autrice-compositrice-interprète de Mahone Bay en Nouvelle-Écosse, Kristen Martell a voulu se rapprocher de ses racines acadiennes avec son quatrième opus, Allume mon courage.
Elle a lancé cet album francophone avec son univers folk rempli de nostalgie à la fin de mars 2025. Tout en douceur, on est séduits par des textes puissants qui nous interpellent sur la fragilité du cœur, les souvenirs parfois heureux, parfois douloureux. Les orchestrations folks aux allures pop sont irrésistibles. Les guitares et le piano sont souvent maitres du jeu et très accrocheurs.
Avec sa voix un peu mielleuse, Kristen Martell charme l’oreille tout au long des six chansons. Comment c’était avant dévoile toute la pureté de sa voix. La pièce titre, Allume mon courage, est un excellent exemple de la richesse de son timbre. L’autrice-compositrice-interprète termine son album avec une superbe version instrumentale de la pièce-titre.
Petite oasis francophone dans la carrière anglophone de l’artiste, ce nouvel album réussit à séduire. Avec beaucoup de musicalité et de justesse dans la voix, la Néoécossaise livre un produit fort réussi qui nous caresse tendrement. Allume mon courage est un univers exceptionnel auquel il faut tendre l’oreille.
L’auteur-compositeur-interprète fransaskois Étienne Fletcher revient avec un quatrième album, cette fois sur le thème de l’espoir d’un monde meilleur où chaque être humain a droit à la liberté d’expression. Il s’inspire de l’extinction des kauaʻi ʻōʻō, une espèce d’oiseau qui vivait sur l’une des iles d’Hawaii, pour décrire le danger de perdre son identité, sa langue.
L’une des chansons maitresses de cet album, Poète, est une quête de vérité. Elle nous invite à tendre davantage l’oreille aux poètes, qui font souvent appel à la fraternité.
Tout au long de ce disque, Étienne Fletcher prêche pour l’espoir et l’importance de la liberté d’expression pour un monde meilleur. Il nous interpelle sur la peur du non-respect, de la différence, de l’incompréhension de l’autre.
Parmi les chansons qui composent cet album, il y a Assis-toi et À quoi on joue?, deux merveilleuses pièces qui soulignent le besoin de garder en soi l’espoir d’arriver à créer un monde meilleur. Étienne Fletcher nous invite aussi à prendre le temps de respirer et de réfléchir à l’essentiel avec Pas le temps.
Berceuse pour Riel tire sa puissance dans le non-dit. Cette trame instrumentale au piano accompagne les mots d’un enfant qui parle seulement en anglais. L’artiste montre ainsi l’importance de se battre afin de garder le français vivant.
Avec des pièces parfois énergiques et d’autres plus en douceur, l’auteur-compositeur-interprète lance un appel au recueillement et à l’écoute de soi afin de prendre la place qui nous revient. L’intériorité des mélodies vient appuyer la puissance du message. Kauai O’o offre un univers musical captivant pour un message important.
Il y a un an déjà, Paul Cournoyer, auteur-compositeur-interprète originaire de Calgary, proposait un deuxième opus solo, Victoires et défaites.
Le bassiste franco-albertain y résume l’ensemble de ses expériences sur 11 plages à saveur folk rock et pop rock où les jeux de guitare et les trames de piano sont des éléments importants qui sont à l’origine de la séduction.
Avec des orchestrations solides, une voix tout en douceur et des textes profonds, l’artiste propose des thèmes comme l’essentiel, la vérité, l’intégrité et le moment présent.
La profondeur des orchestrations n’a d’égale que celle des textes. La plume de Paul Cournoyer ramène à l’essentiel, au moment présent et à l’intégrité.
L’album a ses moments forts, entre autres la pièce C’est bien comme ça, qui nous rappelle que l’on peut faire plusieurs détours, mais que l’important c’est soi-même. Parfois est une superbe balade sur l’avenir et l’inconnu, alors que l’artiste visite l’univers blues pour parler de nos racines et de notre destin avec Ça coule dans notre sang.
La pièce-titre, Victoires et défaites, rappelle qu’il y a toujours un prix à la réussite, à la victoire.
Marc Lalonde, dit le Lalonde des ondes, est chroniqueur musical depuis plus de 25 ans et animateur de l’émission radiophonique Can-Rock. Il se fait un malin plaisir à partager la richesse musicale francophone dans 16 stations de radio partout au pays chaque semaine.