Les dernières décennies ont vu un début de changement dans l’autodéfinition des communautés francophones en situation minoritaire. Les discours officiels ne s’arrêtent pas à l’inclusion des personnes ayant immigré au Canada : ils revendiquent aussi davantage d’immigration.
Les organismes porte-paroles des provinces se déplacent ainsi dans les évènements visant à attirer l’immigration dans leurs communautés, lançant des invitations ouvertes à s’y joindre.
Il devient alors difficile de se définir en tant que communauté par la langue maternelle ou par les liens familiaux ou ancestraux, suivant le modèle ethnoculturel de l’ancienne nation canadienne-française ou encore le modèle ethnolinguistique.
Pourtant, cela n’empêche aucunement des tensions entre les discours officiels et le racisme qui demeure bien ancré tant chez des membres des communautés qui résistent à ce changement qu’au sein des structures des organismes eux-mêmes.
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Toutefois, il semble que la langue maternelle continue de poser problème lorsqu’il s’agit de l’anglais.
On sent plus qu’une hésitation : un malaise, une peur, une frontière encore bien tracée. Comme si une bonne part de la vie des francophones n’avait pas déjà lieu en anglais; comme si plusieurs de leurs relations, dont les relations de couple, ne liaient pas déjà bon nombre de personnes dont l’anglais est la langue maternelle aux communautés francophones.
C’est sans compter les 1,6 million de personnes, dont 700 000 en âge scolaire, qui ont suivi ou suivent un programme d’immersion française (selon les données du recensement de 2021, et à l’extérieur du Québec).
Sur ce dernier nombre, un peu plus de 448 000 élèves étaient inscrits dans des programmes d’immersion française. À l’échelle de chaque province, c’est au minimum une personne sur dix à l’école qui est en immersion.
À force de parler des limites et des défis liés à l’immersion, on en oublie souvent les succès. Au Manitoba, la croissance des inscriptions est plus rapide que la croissance des naissances. Au pays, presque la moitié des élèves en immersion suivent un tel programme jusqu’à la fin de leurs études.
Il faut éviter de dramatiser les moments de transition vers d’autres programmes scolaires. Au secondaire, l’immersion devient une option parmi d’autres, comme les arts ou les sports, par exemple.
Les défis sont néanmoins bien réels et ont notamment trait à l’absence de soutien pour les difficultés d’apprentissage, ce qui renvoie ici aussi à la question des filières créées dans l’éducation secondaire.
Néanmoins, l’immersion fonctionne. Toujours selon les données de Statistique Canada, six jeunes femmes sur dix et environ la moitié des jeunes hommes qui avaient suivi une année ou plus d’un programme d’immersion pouvaient tenir une conversation en français.
Ces données suggèrent que plusieurs des personnes qui ne vont pas jusqu’au bout du programme d’immersion peuvent converser en français – et que l’équivalent de l’ensemble de celles qui le terminent peuvent le faire. Les autres possèdent tout de même plusieurs notions de français et seront en mesure de poursuivre leur apprentissage de cette langue plus tard dans leur vie.
Il faut éviter de voir l’immersion et les personnes apprenant le français comme étant coupées des communautés francophones. En effet, un intérêt pour l’immersion semble lié à la présence du français dans le milieu de vie.
Selon Statistique Canada, «[d]ans les municipalités du Canada hors Québec où au moins 30 % des adultes connaissaient le français en 2021, environ la moitié des enfants d’âge scolaire de langue maternelle anglaise ou tierce suivaient ou avaient déjà suivi un programme d’immersion en français».
Par ailleurs, on ne peut penser à l’immersion sans l’immigration, puisque 47 % des enfants qui suivaient ou avaient suivi un programme d’immersion au Canada en 2021 étaient issus de l’immigration.
On ne peut non plus exclure l’immersion des communautés francophones. Leurs liens intimes se voient même à partir de l’un des critères les plus exigeants pour mesurer la vitalité du français, à savoir la langue parlée à la maison.
Toujours en 2021, «15,4 % des personnes âgées de 5 à 60 ans parlant français à la maison au Canada hors Québec» suivaient ou avaient suivi un programme d’immersion.
Pourtant, dans les communautés francophones en situation minoritaire, on parle rarement de l’immersion hors du contexte de l’éducation. On compte sur les doigts d’une main les articles sur ce sujet, même dans Francopresse, et l’enjeu ne semble pas exister sur le site de vulgarisation scientifique La Conversation.
Au sein de la gouvernance liée aux langues officielles, on tend par ailleurs à séparer les enjeux d’apprentissage de la langue de ceux vus comme propres aux communautés francophones.
Cet appel ne s’adresse donc pas seulement à mes collègues des médias et des universités : les organismes des communautés francophones devraient également inclure les questions propres aux écoles d’immersion et aux personnes qui suivent et ont suivi ces programmes dans leurs réflexions et leur plan stratégique. Sans cela, on continuera de laisser de côté une part essentielle de la francophonie canadienne.
La situation actuelle ne pourra de toute manière durer bien longtemps. Parmi les personnes francophones immigrantes qui sont invitées à rejoindre ces communautés, un bon nombre maitrisera l’anglais mieux que le français ou l’aura comme langue d’usage.
Les communautés francophones elles-mêmes reconnaissent le besoin d’assurer un enseignement de l’anglais aux personnes immigrantes qui ne le parlent pas déjà.
Force est de constater que les communautés francophones demeurent des espaces de choix, des communautés électives, même pour les personnes qui grandissent en leur sein et parlent français depuis l’enfance.
Les raisons de la participation à ces communautés sont liées au désir de trouver ou de faire éclore davantage d’occasions de vivre, d’étudier, de travailler, de créer ou de se divertir en français.
On devra ainsi se demander de quoi on croit se protéger et si l’on peut gagner quoi que ce soit à maintenir de telles frontières, alors même que tant de personnes font le choix d’apprendre le français ou de le faire apprendre à leurs enfants.
C’était pourtant un des principaux arguments avancés par les patrons des trois grandes firmes de télécommunication au pays lors de leur passage en comité parlementaire la semaine dernière. Tony Staffieri (Rogers), Darren Entwistle (Telus) et Mirko Bibic (Bell) se défendaient de facturer des montants trop élevés pour leurs services de téléphonie cellulaire.
Le Comité permanent de l’industrie et de la technologie a décidé d’étudier la question des prix élevés des forfaits de téléphonie cellulaire en janvier. À ce moment, Rogers venait d’annoncer une hausse importante du prix de ses forfaits prépayés afin d’encourager ses clients à transiter vers des ses forfaits contractuels à long terme.
Cette hausse de prix n’a pas été bien vue à Ottawa. Il y moins d’un an, le gouvernement fédéral a donné son aval à la fusion de Rogers et de Shaw en échange d’une série d’engagements qui devaient notamment garantir l’abordabilité des forfaits de téléphonie cellulaire.
Des recherches indépendantes montrent que le Canada est en queue de peloton, tant en matière de prix que d’offres de réseau.
Les écarts peuvent paraitre scandaleux. Le prix pour un forfait cellulaire de 100 Go de données mobiles en Europe varie entre l’équivalent de 30 à 70 dollars par mois selon les pays. Le même forfait vous coutera autour de 100 dollars au Canada. En Israël, un tel forfait peut couter aussi peu que 10 dollars par mois.
Peu importe votre forfait de données, ceux offerts au Canada sont plus chers que ceux de la plupart des autres pays.
Les particularités de la géographie canadienne ou la faible densité de la population n’expliquent pas ces écarts de prix. En Australie par exemple – où la densité de population est également peu élevée –, le prix des forfaits est environ la moitié de ceux d’ici.
Sans grande surprise, des recherches montrent qu’il y a une étroite corrélation entre la compétition et le prix. Les pays qui possèdent quatre opérateurs cellulaires ou plus ont des prix systématiquement moins élevés que les pays qui ont trois opérateurs ou moins, comme le Canada et les États-Unis.
Au Canada, dans les régions où il y a un quatrième opérateur important, comme Vidéotron au Québec par exemple, les prix sont plus bas.
Lors de l’audience du 18 mars, malgré le scepticisme des élus, les grands patrons de la télécom ont avancé sans broncher que les couts de la téléphonie cellulaire et des forfaits de données sont deux fois moins chers qu’il y a cinq ans et que si les prix étaient élevés au Canada, la faute revenait au gouvernement fédéral et aux fabricants de téléphones mobiles.
Pour soutenir leurs arguments, ils ont invoqué les données de Statistique Canada citées plus haut. Pour comprendre comment cette agence en arrive à la conclusion que les prix de la téléphonie mobile sont en chute libre au pays, il faut savoir comment elle collecte ses données.
Statistique Canada n’a pas accès aux couts réels des forfaits payés par les clients. Elle évalue les prix en fonction des prix affichés sur Internet.
Ainsi, si un forfait passe de 50 Go à 60 Go pour le même prix, Statistique Canada juge que le consommateur en a plus pour son argent et qu’en conséquence il y a eu une baisse de prix.
Évidemment cela ne correspond pas à la réalité des consommateurs. La plupart conservent leur forfait pendant des années. Souvent, des forfaits aux prix alléchants sont offerts aux nouveaux clients seulement.
Quand les gigaoctets de données dépassent largement l’utilisation qu’en font les abonnés, est-ce vraiment une baisse de prix?
Rogers, Telus et Bell justifient les prix plus élevés au Canada par le cout des licences d’utilisation du spectre pour les services sans fil. Le gouvernement fédéral a récolté plus de 2 milliards de dollars lors de la dernière mise aux enchères des licences d’utilisation du spectre 5G. Le prix pour ces licences est plus élevé qu’ailleurs.
Le PDG de Bell, Mirko Bibic, a avancé que ses clients paieraient 5 dollars de moins par mois en moyenne si le prix des licences était comparable à ce que l’on retrouve à l’étranger. Même à 5 dollars de moins le forfait, on est loin du compte pour expliquer les prix plus élevés au Canada.
Le PDG de Telus, Darren Entwistle, a quant à lui avancé que les prix élevés au pays s’expliquent par le cout des appareils téléphoniques, souvent inclus dans les forfaits. Cet argument tient encore moins la route que le précédent.
Les téléphones sont vendus à un cout comparable partout sur la planète et ne sont pas inclus dans les comparaisons de prix des forfaits entre pays.
Malgré ce qu’en disent les uns et les autres, deux choses sont certaines. D’abord, les revenus et les profits des trois grands joueurs canadiens des télécommunications sont à la hausse. Ensuite, les Canadiens continuent de payer cher leurs forfaits de téléphonie cellulaire.
Le gouvernement a beau s’insurger contre cela, sans davantage de concurrence dans le marché, il est peu probable que les prix canadiens deviennent compétitifs.
David Dagenais est journaliste économique indépendant et entrepreneur. Auparavant, il a été journaliste à Radio-Canada après avoir terminé des études supérieures en économie politique à l’UQAM et à l’Université d’Ottawa.
Beaucoup de chiffres ont été lancés des deux côtés de la Chambre des communes cette semaine. Il ne faut cependant pas seulement se fier aux attaques de l’opposition officielle ni à la défense du gouvernement pour avoir un portrait juste. Les réponses complètes et les vérités se trouvent ailleurs.
Pierre Poilievre et ses troupes conservatrices répètent que la tarification fédérale du carbone – le nom officiel de la taxe sur le carbone – fait augmenter de façon importante le cout de la vie. Ils demandent donc son abolition, sans offrir de solution alternative.
Le premier produit que l’on pense à relier au carbone est l’essence. Une hausse de 65 à 80 dollars la tonne aura lieu le 1er avril.
Selon la Fédération canadienne des contribuables, cette augmentation fera passer la tarification par litre d’essence de 14,3 à 17,6 cents. Soit une augmentation de 3,3 cents le litre. Les guerres à l’étranger entrainent des fluctuations bien plus importantes.
Dans le pire des cas, si vous devez entièrement remplir le réservoir de 136 litres de votre F-150, il vous en coutera 4,49 dollars de plus qu’en mars.
Les conservateurs rappellent que le prix de tous les produits est influencé par le cout du transport. Donc, puisque le cout de l’essence augmente, tout ce que l’on achète coute aussi plus cher. Une autre vérité qui doit être relativisée. Selon le directeur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, l’augmentation annuelle de 15 dollars la tonne de la tarification sur le carbone contribue à l’inflation à la hauteur de 0,15 %. Avec une inflation de 3 % – environ ce que l’on voit depuis le début de l’année –, l’augmentation de la tarification compte pour 5 % du 3 %.
En d’autres mots, si votre épicier augmente le prix de votre soupe préférée de 50 cents, seulement 2,5 cents de cette augmentation sont dus à l’augmentation de la tarification sur le carbone.
Les libéraux de Justin Trudeau commencent à peine à répéter que l’argent prélevé est remis à ceux qui l’ont payé.
Le gouvernement fédéral ne garde pas l’argent qu’il prélève : 90 % sont retournés aux contribuables. Le montant remis est différent dans chaque province où la tarification est appliquée, mais constitue en moyenne 1160 $ par année pour une famille de quatre.
Alberta : 1800 $
Saskatchewan : 1504 $
Manitoba : 1200 $
Ontario : 1120 $
Nouveau-Brunswick : 760 $
Nouvelle-Écosse : 824 $
Île-du-Prince-Édouard : 880 $
Terre-Neuve-et-Labrador : 1192 $
Source : Gouvernement du Canada
D’ailleurs, les prochains paiements seront envoyés en avril. Si vous vous demandez si vous le recevez, surveillez attentivement votre boite aux lettres ou votre compte en banque.
Pour se défendre des attaques des conservateurs, les libéraux martèlent que le Bureau du directeur parlementaire du budget (DPB) a calculé, dans un rapport datant de février 2020, que 8 ménages sur 10 (ou 4 sur 5) reçoivent plus d’argent qu’ils n’en payent en tarif sur le carbone.
Malheureusement pour les libéraux, le DPB était moins catégorique en 2022 et 2023.
Les nouveaux calculs tiennent compte de l’augmentation du montant de TPS/TVH payé sur la tarification et des impacts économiques de la mesure, comme la perte de revenus et le ralentissement de l’économie qu’elle peut provoquer. Ce serait plutôt 2 ménages sur 5 qui auraient plus d’argent dans leurs poches après le remboursement.
Mais pour certains économistes, cela reste une victoire. Parce que s’il n’y avait pas de système de tarification et de remboursement, il y aurait quand même une augmentation des couts qui ne remettrait pas d’argent dans les poches des contribuables. Au lieu de récupérer une partie de leurs dépenses, ces derniers payeraient 100 % des couts de la pollution. Ce dont ne tient pas compte le DPB dans sa deuxième analyse.
Reconnaissons une chose : le cout de la vie a beaucoup augmenté, mettant à risque plusieurs ménages canadiens.
D’un autre côté, il ne faut pas se leurrer : les impacts des changements climatiques couteront plus cher à tout le monde.
Selon l’Institut climatique du Canada (ICC), «d’ici 2025, les dommages liés au climat ralentiront la croissance économique du Canada de 25 milliards de dollars annuellement, soit 50 % de la croissance du PIB prévue». Et ce seront les ménages à faible revenu qui souffriront le plus, ajoute l’ICC.
Justement, d’après les données du DPB, ces ménages reçoivent toujours plus d’argent de la Remise canadienne sur le carbone qu’ils n’en payent à la tarification du carbone. Pas les propriétaires de F-150.
Au-delà des questions de dépenses et de revenus, la tarification sur le carbone a un objectif principal : changer nos habitudes. Il a été prouvé plus d’une fois que d’augmenter le prix d’un produit est la meilleure façon d’en diminuer la demande.
Nous avons démontré ci-dessus que l’impact le plus important de la tarification reste sur l’essence, et non sur vos cannes de soupes.
Il est vrai que plusieurs régions canadiennes n’ont pas accès au transport collectif. Mais si personne n’est forcé d’en créer et de l’utiliser, il ne se développera pas.
L’ICC vient tout juste de publier un nouveau rapport indiquant que la tarification sur le carbone n’est pas la mesure la plus efficace pour réduire les émissions de carbone. Elle représenterait entre 8 et 9 % de la diminution des émissions de gaz à effet de serre au Canada.
À côté, le système d’échange pour les grands émetteurs, la bourse du carbone qui vise les plus importants pollueurs, aura diminué les émissions de 23 à 39 % en 2030.
Ça ne veut pas dire qu’il faut abandonner la tarification pour les particuliers. Nous avons besoin de plus d’une mesure pour atteindre les cibles de réductions. Il est normal que les grands pollueurs puissent diminuer de façon plus importante leurs émissions, puisqu’ils travaillent avec des quantités beaucoup plus élevées.
Mais malgré ces chiffres intéressants, le système d’échange ne serait pas suffisant à lui seul.
Il est heureux que le gouvernement ait enfin décidé d’aborder l’enjeu du financement public des médicaments. Il existe des problèmes criants relatifs à cette question. Par contre, on peut douter du sérieux du gouvernement à proposer une bonne solution. Encore une fois, la notion de bien commun a cédé la place à celle de l’opportunisme politique.
Ce projet de loi vise essentiellement à maintenir ce gouvernement au pouvoir. Il ne règle en rien le fond du problème, à savoir améliorer l’accès à des soins de santé de qualité à la population canadienne.
La question de l’assurance médicaments revient régulièrement dans l’actualité. On le sait, plusieurs personnes n’ont pas les moyens d’acheter les médicaments nécessaires pour se soigner.
Selon un récent sondage, plus d’une personne sur cinq n’aurait pas les moyens de payer ses médicaments. Elles doivent réduire les doses prescrites ou encore s’en priver, en tout ou en partie. La Société canadienne du cancer, qui a commandé ce sondage, estime qu’un programme national d’assurance médicament permettrait d’économiser 1488 dollars par personne malade par année, juste en prévenant les déplacements à l’hôpital.
N’est-il pas paradoxal que le régime public diagnostique des maladies, mais ne les traite pas? Un système de santé qui est véritablement public devrait donc couvrir tous les médicaments nécessaires au traitement des problèmes de santé.
Comparé aux autres pays industrialisés, le Canada fait mauvaise figure pour la couverture des produits pharmaceutiques. Selon les plus récentes données de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), le Canada se situe au 32e rang des 36 pays pour lesquels les données à propos de la couverture financière des médicaments sont disponibles.
En moyenne, les régimes publics de santé des pays de l’OCDE financent 56 % des achats de médicaments. Au Canada, cette couverture n’est que de 38 %. Dans certains pays, les pourcentages de couverture dépassent les 80 % (France, Allemagne, Irlande).
Il y a donc une anomalie à corriger si on désire réellement un régime public de santé.
Cibler les électeurs plutôt que les problèmes
La solution trouvée par le gouvernement fédéral est de mettre en œuvre un régime partiel d’assurance médicaments. Il faut dire qu’un régime universel couterait très cher. Selon les récentes estimations du directeur parlementaire du budget, les dépenses engendrées par un tel programme sont estimées à 33 milliards de dollars par année.
Cependant, puisque les provinces couvrent déjà en partie l’achat de médicaments, la contribution du gouvernement fédéral s’élèverait uniquement à 11 milliards de dollars par année. C’est quand même une somme considérable.
Le gouvernement fédéral a donc décidé de ne couvrir que certains médicaments liés à certaines conditions médicales. Seuls les médicaments contraceptifs et ceux utilisés pour le traitement du diabète seront pris en charge par l’État canadien. Pourtant, il ne s’agit pas des médicaments les plus chers, les plus utilisés ou encore ciblant les risques de maladies les plus courants, les plus graves ou en forte progression.
Par exemple, selon l’Agence de la Santé publique du Canada, le diabète vient au 5e rang des maladies chroniques les plus importantes chez les personnes âgées de 65 ans et plus (le diabète affecte 26,8 % de ces personnes), après les troubles d’hypertension (65,7 %), les maladies des gencives (52,0 %), les problèmes d’arthrose (38,0 %) et à quasi-égalité avec les maladies coronariennes (27,0).
Pour un gouvernement qui avait promis de gouverner en utilisant les données probantes de la science pour prendre ses décisions, on peut dire que l’exercice est raté. Pourquoi donc se limiter aux cas de la contraception et du diabète?
L’explication la plus plausible est que le gouvernement libéral juge que cette initiative sera bien accueillie par certains groupes de la population. Notamment par les jeunes femmes pour qui les dépenses en matière de contraception représentent une dépense importante et par les personnes plus âgées qui voient leur santé décliner.
On le sait, les sondages ne sont pas en faveur des libéraux actuellement et ces deux catégories d’électeurs pourraient bien lui apporter le soutien dont il a tant besoin pour être réélu.
Un projet de loi qui divise
Mais à trop gouverner en fonction des sondages, on perd de vue l’essentiel. Dans le cas présent, la tentative de mettre en place un véritable régime d’assurance médicaments est un échec.
D’une part, nous assistons encore une fois à la mise en place d’un clientélisme de plus en plus assumé. Les programmes sont conçus pour bien faire paraitre le gouvernement et embarrasser les partis d’opposition. Les libéraux cherchent à s’attirer la sympathie des électeurs plus âgés tout en embêtant à la fois les conservateurs qui devront se prononcer sur la question de la contraception et les néodémocrates qui courtisent le vote des jeunes, tous particulièrement des jeunes femmes.
D’autre part, le gouvernement a fabriqué de toutes pièces une liste arbitraire de «bons» et de «mauvais» médicaments. Si vous utilisez des contraceptifs ou prenez des médicaments pour traiter votre diabète, alors vous «méritez» une aide gouvernementale. Mais si vous faites face à d’autres conditions, à vous de les assumer.
Encore une fois, on constate que les initiatives du gouvernement reposent davantage sur la division que sur la recherche du bien commun.
Un gouvernement qui se préoccupe de la qualité et de la pertinence de ses initiatives ne crée pas différentes classes de citoyens et ne les met pas en opposition les uns aux autres.
En toute justice, il serait malhonnête d’attribuer ce comportement opportuniste qu’au gouvernement actuel. Cela fait maintenant plusieurs années qu’on observe ce phénomène. Il est vrai qu’il y a toujours eu un certain clientélisme en politique, car il faut bien récompenser les gens qui nous ont appuyés. Toutefois, ce phénomène s’est nettement amplifié ces dernières années.
Le projet de loi sur l’assurance médicaments en est l’illustration parfaite.
Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.
Je vais mieux. Non pas parce que le printemps commence à pointer le bout de son nez, bien au contraire (j’aime l’hiver!), mais parce que l’équipe française de soccer que j’encourage, l’Olympique lyonnais, enchaine les victoires et s’éloigne d’une relégation en deuxième division française qui lui pendait au nez après une fin d’année 2023 catastrophique.
Car, oui, le supporteur de soccer en Europe vit rarement dans l’indifférence. Les matchs «pour du beurre» sont rares. Si dans les ligues sportives nord-américaines l’excitation monte en cas de qualification pour les séries, par exemple, les championnats de soccer européens sont beaucoup plus punitifs en cas de mauvais résultats.
Pas de prix de consolation avec des choix de repêchage, non, non! C’est le déclassement qui vous attend. Une année de purgatoire dans une division inférieure avec l’espoir, si vous le méritez sportivement, d’une résurrection l’année suivante, qui se traduit par une «remontée» dans la division supérieure.
Il n’y a donc rien d’étonnant à voir les spectateurs en tribune prier lorsque tout va mal. Pour certains, le soccer est une forme de religion. Pas seulement en Europe, le berceau de ce sport, mais aussi en Afrique et en Amérique du Sud. Surtout en Afrique et en Amérique du Sud, devrais-je dire.
Le Brésil, terre sacrée du soccer
Je me souviens que, lors d’un voyage de plusieurs mois en Amérique latine, le moyen le plus efficace que j’ai eu pour apprendre l’espagnol a été d’engager la conversation avec les chauffeurs de taxi en parlant de soccer. Tous avaient un club préféré, un avis à donner sur le départ ou non de Kylian Mbappé au Real Madrid ou sur les chances de leur équipe nationale de bien figurer à la Coupe du monde 2022, au Qatar.
Je pense aussi au Brésil, où le soccer forme, avec le christianisme et le carnaval, une sorte de Sainte Trinité culturelle nationale. La religion – la vraie cette fois – a même largement pénétré les rangs de l’équipe nationale, dont les joueurs affichent librement leur foi. À l’image de la star Neymar, qui avait arboré un bandeau «100 % Jesus» après la victoire du Brésil aux Jeux olympiques de Rio, en 2016.
Plus récemment, la Coupe d’Afrique des nations disputée en février a été un franc succès, battant des records d’audience, avec près de 2 milliards de téléspectateurs cumulés. Le parcours de la Côte d’Ivoire, pays hôte et vainqueur de la compétition, miraculée après être passée près d’une élimination au premier tour, a rappelé à tous qu’il fallait garder la foi en son équipe. Contre vents et marées.
En arrivant au Canada, j’ai rapidement constaté que les adeptes de ma «religion» étaient bien plus rares.
Difficile d’engager une discussion sur le CF Montréal avec un Québécois. Même la présence du Canada à la Coupe du monde 2022 n’a pas vraiment soulevé les passions.
En fait, depuis les années 1970 où quelques stars du ballon rond comme Pelé ou Franz Beckenbauer ont posé leurs valises dans des clubs des États-Unis, on ne peut pas vraiment dire que le soccer se soit imposé comme un sport majeur en Amérique du Nord. Et ce en dépit des très bons résultats des équipes féminines des États-Unis et du Canada au cours des dernières années.
La Coupe du monde 1994, disputée au sud de la frontière canadienne, se voulait un accélérateur à la pratique et a d’ailleurs coïncidé avec la création de la Major League Soccer (MLS) en 1993.
Reste que, trois décennies plus tard, la MLS est considérée comme une ligue mineure dans le monde, tout juste bonne, aux yeux des Européens, à prolonger les carrières de quelques anciens grands joueurs en préretraite.
La Coupe du monde 2026 sera-t-elle décisive?
Pourtant, je pense que le terreau est fertile pour faire passer le soccer dans une autre dimension de ce côté de l’Atlantique. La population nord-américaine n’est pas totalement indifférente à ce sport, preuve en est l’arrivée l’an dernier à l’Inter Miami de Leo Messi, la superstar argentine qui peut être considérée comme le meilleur joueur du XXIe siècle.
À Montréal, la visite du «Dieu du soccer» est attendue le 11 mai prochain. Il faut être prêt à payer un minimum de 450 $ pour assister à la rencontre. Pourtant, il ne fait aucun doute que les 19 000 places du stade Saputo trouveront preneur.
Autre tendance intéressante : le soccer est désormais le sport le plus pratiqué par les jeunes au Canada. Soccer Canada revendique près d’un million de personnes actives inscrites dans 1200 clubs. À titre comparatif, Hockey Canada rapportait 521 300 joueurs et joueuses de tout âge en 2021-2022.
La Coupe du monde 2026, organisée conjointement par les États-Unis, le Mexique et le Canada, arrive donc à point nommé pour transformer ce frémissement indéniable en véritable passion, même si le Canada n’accueillera finalement que 13 matchs, partagés entre Toronto et Vancouver.
Si le Mondial de 1994 voulait faire connaitre le soccer en Amérique du Nord, l’édition 2026 doit lui permettre de se faire adorer.
Je rêve personnellement de voir une démocratisation de la ferveur. S’installer dans un bar avec des supporteurs du CF Montréal, arborer fièrement ses couleurs, siroter une bonne bière, disserter avec plus ou moins de mauvaise foi des choix tactiques de l’entraineur : c’est ça la vraie messe du fan de soccer.
Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.
La sortie décriée du président français
Le président Macron a brisé un tabou le 26 février en affirmant que des troupes occidentales pourraient un jour être envoyées en Ukraine, car «en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre».
Dès le lendemain, tous les alliés occidentaux sont montés au créneau pour dire qu’il n’en était absolument pas question. Le Canada, par exemple, par la voix de son ministre de la Défense, Bill Blair, a signalé que cela n’était pas dans ses intentions.
On savait de toute façon que le Canada n’avait pas l’intention de faire grand-chose sur le plan militaire, comme le montre le fait que le pays n’a livré que la moitié de ce qu’il a promis comme aide militaire à l’Ukraine.
Cette joute rhétorique à laquelle se sont livrés les dirigeants occidentaux pour marquer très maladroitement l’entrée dans une troisième année de guerre nous révèle encore une fois le manque de profondeur et de connaissances de l’histoire de nos dirigeants.
Des parallèles du passé importants à saisir
Pour qui connait son histoire, le parallèle est immanquable : ne pas appuyer réellement l’Ukraine comme les Occidentaux le font aujourd’hui est l’équivalent de choisir l’abandon de la Tchécoslovaquie en 1938. D’ailleurs, ce qui est fascinant, c’est que les discours sont les mêmes.
Par exemple, les pseudo-intellectuels qui défilent sur les réseaux sociaux et les chaines d’information en continu ne cessent de raconter que «l’invasion russe n’était que défensive, que l’Ukraine l’a bien cherché et que, finalement, c’est de sa faute (et celle de Washington). Elle n’avait qu’à pas vouloir s’arrimer à l’Ouest».
En d’autres termes, ces personnes confondent l’explication et la justification. Comme politologue, j’ai souvent dit et écrit que l’élargissement à l’est de l’OTAN était une erreur, mais pour moi, cela n’a jamais justifié l’invasion russe de l’Ukraine. Invasion que je n’avais absolument pas envisagée par ailleurs.
Parallèle 1 : C’est comme si vous justifiez les actions d’Hitler parce que le Traité de Versailles était trop injuste et trop dur envers l’Allemagne (ce qui est un fait et non une justification).
Parallèle 2 : Les accords de Munich. En fin de compte, les sorties outrées des dirigeants occidentaux le 27 février 2024 contre les propos de Macron signifient que, pour eux, il n’y a pas de ligne rouge quant à ce que Poutine peut faire en Ukraine.
Ils disent : jamais de troupes au sol. Jamais si Kiev était rasée par des bombardements aériens massifs? Jamais si les Russes installaient des camps de concentration (après tout il y a déjà un génocide en cours avec le transfert forcé de milliers d’enfants ukrainiens)? Jamais s’il ne restait que Lviv encerclée à résister? Jamais? Ils ont déjà abandonné l’Ukraine et ils espèrent que Poutine s’arrête là.
Comme en 1938, les dirigeants européens avaient scellé les accords de Munich avec Hitler et Mussolini en se disant qu’Hitler s’arrêterait après l’obtention des Sudètes. La France, qui avait pourtant un traité d’alliance avec la Tchécoslovaquie, avait choisi la voie du déshonneur.
Il faut souligner le courage, mais aussi, et surtout la cohérence, d’Emmanuel Macron qui, après avoir signé un accord de sécurité avec l’Ukraine, en tire les conséquences qui s’imposent.
Que vaut d’ailleurs l’accord bilatéral de sécurité signé en grande pompe par notre premier ministre et le président Zelensky si, quand l’Ukraine est envahie, nous ne sommes même pas capables d’envoyer les vêtements et le matériel d’hiver promis en octobre 2023?
L’urgence d’agir, vraiment
Les lecteurs auront vu venir le parallèle 3. Tout comme Hitler ne s’est pas arrêté aux Sudètes, Poutine ne s’arrêtera pas à l’Ukraine. Les mêmes qui justifient l’invasion de l’Ukraine diront que «mais si, Poutine n’est pas Hitler, c’est différent».
Mais même si on ne peut être certains des intentions du maitre du Kremlin, veut-on prendre un risque ou lui envoyer un message clair? Peut-on tirer une fois encore les leçons du passé?
Moscou est engagé dans un processus de reconstruction de l’Empire en se servant de la présence de minorités russophones pour justifier l’agression. Par conséquent, on peut fortement présumer que la Moldavie et les pays baltes seront les prochains sur la liste.
Il est urgent que l’Europe se réarme, de même que le Canada, car le monde a changé. Le retour de la guerre est bien là. Les dictatures investissent dans leur arsenal. La démocratie est en danger.
La perspective d’un parlement européen où l’extrême droite sera une force de premier plan en juin prochain, tout comme celle de la réélection de Donald Trump aux États-Unis, ne feront qu’accélérer ces processus déjà en cours dans le monde.
Ne faisons pas l’autruche. Soyons réalistes et courageux.
Aurélie Lacassagne est politicologue de formation et doyenne des Facultés de sciences humaines et de philosophie de l’Université Saint-Paul à Ottawa. Elle est membre du Comité de gouvernance du Partenariat Voies vers la prospérité.
Un vaste chantier, selon ONU Femmes, qui estime qu’il faudra près de 300 ans pour atteindre cette égalité si nous n’accélérons pas les efforts. Mais ce thème m’inspire également une tout autre réflexion, plus personnelle, sur l’importance vitale du repos dans nos luttes.
Depuis que j’ai souffert d’épuisement l’année dernière et depuis les épisodes dépressifs qui ont suivi, j’éprouve beaucoup de difficultés à me concentrer. Mon rythme de vie s’en est trouvé fortement affecté.
Finies les longues périodes de travail intensif. Terminé l’agenda rempli du matin au soir. Au revoir les sorties organisées plusieurs mois à l’avance.
Je passe désormais plus de temps à scroller sur Instagram qu’à lire des essais sociologiques, et mes leçons de piano se sont faites aussi rares que des prévisions budgétaires exactes au Nouveau-Brunswick.
Certaines activités, cependant, ont pris davantage de place dans ma vie : jardiner, écrire, cuisiner, discuter avec mes amies et amis, danser, faire l’amour. Des choses simples, qui s’inscrivent dans la durée et la répétition.
J’ai réalisé que ce rythme me convenait davantage et me permettait de mieux ressentir la joie, dans le sens spinozien du terme, c’est-à-dire comme un état mental profond qui découle de ma compréhension de la façon dont le monde fonctionne, plutôt que de mes possessions matérielles ou de l’assouvissement de mes désirs.
Qu’allons-nous faire collectivement de notre surmenage?
L’épuisement professionnel n’est pas simplement le résultat d’une charge de travail excessive ou de responsabilités accablantes. C’est le symptôme d’un système capitaliste malade.
Dans nos sociétés où la productivité et la réussite sont constamment valorisées, il est facile de se retrouver piégé dans un cycle incessant de travail et de stress. Dans un sentiment d’urgence qui nous donne l’impression d’exister, le cerveau noyé sous les endorphines.
Mais combien d’entre nous font face à de réelles urgences? Un rapport administratif à remettre ou une présentation n’ont rien de foncièrement urgent, selon moi.
Nous sommes constamment poussés à en faire plus, à être plus performants, sans jamais prendre le temps de nous reposer ou de nous ressourcer. Résultat : aujourd’hui, au Canada, un adulte sur quatre souffre de dépression, d’anxiété ou de trouble de stress posttraumatique.
Le paradoxe est frappant : nos sociétés sont de plus en plus riches matériellement, mais nous-mêmes sommes de plus en plus déprimés et épuisés. Nous sommes conditionnés à croire que notre valeur dépend de notre productivité et de notre succès matériel, ce qui entraine un sentiment constant d’insatisfaction et d’anxiété.
Le repos comme un acte de résistance radical
La poétesse et militante américaine Tricia Hersey, également connue sous le nom de Nap Bishop, défend le repos comme un acte de résistance radical contre la culture de l’hyperproductivité actuelle.
Selon elle, le repos est bien plus qu’un simple moment de détente : c’est une affirmation de notre droit fondamental à une existence pleine et équilibrée. Dans son ouvrage Rest is Resistance: A Manifesto (Le repos est résistance : un manifeste), elle explore comment le repos perturbe et repousse les systèmes oppressifs du capitalisme et de la suprématie blanche.
Elle avance que le repos est une pratique qui nous permet de nous reconnecter avec notre humanité profonde. En choisissant de nous reposer, nous affirmons notre autonomie et notre valeur intrinsèque en tant qu’êtres humains. C’est un refus de nous laisser définir par notre productivité et notre utilité aux yeux des autres.
En cette Journée internationale des droits des femmes, alors que nous investissons en faveur des femmes et de leur émancipation, rappelons-nous l’importance vitale du repos dans cette lutte.
Le repos nous permet de reprendre notre pouvoir, de réclamer notre temps et notre énergie pour nous-mêmes. C’est une forme de résistance contre les systèmes oppressifs qui cherchent à nous exploiter et à nous aliéner.
Ainsi, en célébrant le 8 mars, engageons-nous à accélérer le rythme vers l’égalité des genres, certes, mais aussi, et peut-être surtout, à nous reposer lorsque cela est nécessaire. Car dans ce repos réside une puissante forme de résistance, une affirmation de notre humanité et de notre droit à une vie pleine de joie, de créativité et de connexion avec nous-mêmes et avec les autres.
Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, voici près de quinze ans qu’elle travaille dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.
Ce programme d’assurance médicaments faisait partie des principales exigences formulées par le Nouveau Parti démocratique (NPD) pour maintenir son alliance avec le Parti libéral.
Mais ce programme coute cher.
Le directeur parlementaire du budget avait estimé l’automne passé qu’un régime universel d’assurance médicaments couterait plus de 11 milliards de dollars dès la première année.
Par ailleurs, la plupart des provinces n’en veulent pas, jugeant plus important d’augmenter les budgets consacrés aux services de santé actuels que d’en financer de nouveaux.
On est cependant parvenu à un accord. La perspective d’un déclenchement d’élections fédérales anticipées semble être évitée pour le moment.
Mais c’est en théorie seulement, car rien n’empêche l’un des deux partis de mettre fin à l’entente de façon unilatérale quand bon lui semble. C’est d’ailleurs la menace qu’avait brandie le chef néodémocrate, Jagmeet Singh, il y a quelques semaines à peine devant la lenteur des négociations au sujet de l’assurance médicaments.
Mais maintenant que le dossier de l’assurance médicaments est en voie d’être réglé, quelles seront les prochaines étapes pour le NPD?
Une entente peut-être vaine
Le gouvernement libéral a répondu à la plupart des demandes des néodémocrates.
Il a adopté une loi antibriseurs de grève, a fourni de l’aide financière pour aider la population canadienne à faire face à l’inflation, a créé un programme national de garderies à 10 dollars par jour ainsi qu’un programme national de soins dentaires, s’est engagé à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, a annoncé la fin des subventions au secteur des combustibles fossiles, a imposé une surtaxe aux banques et aux compagnies d’assurance, et finance actuellement la construction accélérée de logements, notamment des logements sociaux.
Il reste donc maintenant bien peu d’éléments de l’entente à mettre en œuvre.
On devrait sans doute voir le NPD revenir à la charge pour faire pression sur le gouvernement pour qu’une loi sur les soins de longue durée soit adoptée.
Mais les libéraux ont déjà annoncé qu’ils appuyaient une telle initiative. Le NPD pourrait aussi se montrer impatient envers la lenteur des progrès obtenus en matière de réconciliation et d’aide aux communautés autochtones. Par contre, ils n’ont pas vraiment de solutions à offrir pour régler ce problème.
Il sera donc difficile pour les néodémocrates de mettre de la pression sur les libéraux pendant les quelque 18 mois restants avant la prochaine élection, puisque la plupart de leurs demandes ont maintenant été satisfaites.
Il y aura ainsi peu d’occasions pour faire la démonstration aux électeurs que le NPD parvient à accomplir de nombreuses choses.
Une situation problématique?
Mais en même temps, on peut se demander si cette situation ne pourrait pas être avantageuse pour les néodémocrates.
Ceux-ci pourraient se démarquer davantage des libéraux et présenter leurs propres initiatives. Ils pourraient aussi être plus critiques vis-à-vis des actions du gouvernement, ce qui est difficile à faire quand celui-ci répond à nos demandes.
On l’oublie souvent, mais le rôle des partis d’opposition est non seulement d’exiger que le gouvernement rende des comptes sur ses actions, mais aussi d’offrir à l’électorat une solution de rechange au parti politique actuellement au pouvoir.
À en croire les récents sondages, la population canadienne serait justement à la recherche d’une autre voie que celle des libéraux de Justin Trudeau.
Cependant, la plupart des électeurs canadiens ne perçoivent pas le NPD comme étant cette solution de rechange.
Les sondages les plus récents montrent que le NPD demeure toujours au troisième rang des intentions de vote, recevant près de 20 % des appuis, derrière les libéraux qui, eux, en obtiennent autour de 25 % et les conservateurs plus de 40 %.
Rappelons qu’aux dernières élections fédérales, les néodémocrates avaient obtenu 18 % des votes, les libéraux 33 % et les conservateurs 34 %.
Que faire en 2024?
Cependant, il reste encore passablement de temps avant les prochaines élections. L’année 2024 pourrait donc être l’occasion pour le NPD de se redéfinir.
La tâche ne sera pas facile, car il lui faudra à la fois se démarquer des libéraux, qui ont pris l’habitude ces dernières années de s’inspirer des idées proposées par les néodémocrates, et convaincre les électeurs de ne pas appuyer le Parti conservateur.
Plusieurs électeurs qui ont voté pour les libéraux en 2019 et en 2021 semblent maintenant prêts à soutenir les conservateurs de Pierre Poilievre. Ce dernier cependant espère aussi attirer les travailleurs, notamment ceux des milieux manufacturiers.
Il faut dire que plusieurs syndicats, mais pas tous, ont appuyé le conservateur Doug Ford lors des élections provinciales ontariennes de 2022. Cet appui n’a certainement pas échappé à Pierre Poilievre. Le NPD devra aussi y prêter attention.
Comment le NPD peut-il donc se distinguer à la fois des libéraux et des conservateurs? La réponse se trouve sans doute dans le dossier de l’environnement.
Les changements climatiques sont réels et bien des Canadiens en sont maintenant conscients. Pourtant, peu de propositions intéressantes ont été avancées par les libéraux et par les conservateurs jusqu’à présent. Avec un Parti vert qui ne parvient pas à séduire l’électorat canadien, le NPD pourrait devenir le parti de la cause environnementale.
En somme, l’année 2024 pourrait bien profiter au NPD. Au lieu de devoir défendre constamment l’entente qu’il a conclue avec les libéraux, le NPD pourra se concentrer sur ses propres idées et monter sa propre stratégie pour la prochaine élection. En commençant avec l’enjeu des changements climatiques.
Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.
L’immigration au Canada vise à servir les intérêts du pays et, avant tout, ses intérêts économiques. Les critères de sélection favorisent les personnes immigrantes qui peuvent répondre rapidement aux besoins de main-d’œuvre – même si leurs diplômes ne sont souvent pas reconnus.
Il demeure difficile d’obtenir le statut de réfugié, surtout dans les cas où les candidats et candidates n’ont pas encore eu à quitter leur pays. Et si l’immigration initiale mène à des séparations familiales, de longs délais alourdissent le programme de réunification et posent un poids important sur la vie des familles.
La Politique en matière d’immigration francophone vise elle aussi l’immigration économique et cherche à la diriger vers les communautés francophones en situation minoritaire (CFSM).
Son but premier est de contribuer à la vitalité et à l’épanouissement de ces communautés, ainsi qu’à leur développement, tandis que son but second est d’assurer l’intégration au sein de ces communautés et de veiller à renforcer leur capacité d’accueil.
L’approche actuelle est pensée comme un continuum. Celui-ci est généralement présenté comme passant du recrutement à l’accueil puis à la rétention.
En participant aux efforts d’augmentation du nombre de candidats et candidates à l’immigration et à leur rétention, les CFSM cherchent à convaincre des francophones de s’établir chez elles et à leur offrir des perspectives qui leur permettront de s’y installer plutôt que d’aller ailleurs.
S’il n’est pas surprenant que l’intérêt canadien ou communautaire prime dans les lois et politiques du pays, rien dans cette perspective n’assure que les intérêts et besoins des personnes immigrantes trouveront réponse. Rien ne prévoit non plus que leurs désirs seront satisfaits.
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Adopter la perspective des personnes immigrantes
L’initiative Communautés francophones accueillantes a pour objectif de mettre en place des stratégies développées au niveau local afin de retenir les immigrants et immigrantes dans les communautés de petite taille et souvent rurales. L’un des succès de cette initiative semble être son appui direct aux groupes ethnoculturels.
Ce succès devrait montrer l’importance non seulement d’une approche localisée, mais également de la participation des personnes immigrantes déjà établies et actives au sein des CFSM et de la société canadienne.
Toutefois, la Politique en matière d’immigration francophone se concentre sur les liens entre les ministères et avec les organismes communautaires, sans faire une place à celles et ceux qui connaissent le mieux les réalités de l’immigration francophone.
À lire : Régulariser l’immigration au Canada (Chronique)
Permettre aux organismes ethnoculturels de s’outiller
Une étude que j’ai menée avec deux collègues a montré que certains des besoins liés à l’ajustement des immigrants et immigrantes à un nouvel environnement de vie et leurs besoins de participer de manière diverse à la vie communautaire francophone, mais aussi au-delà de la francophonie passent généralement inaperçus.
Nous avons également pu voir qu’en fait, une grande partie de l’accompagnement à l’établissement se fait par les membres bénévoles d’organismes ethnoculturels, qui se concentrent sur l’ajustement à la vie au Canada.
Les organismes ethnoculturels, en organisant des regroupements, donnent la possibilité à leurs membres d’apprendre des trucs et astuces pour répondre à leur nouvelle situation et leur offrent aussi des occasions de se retrouver en compagnie de personnes qui ont de longues expériences de vie similaires.
Ces organismes vont au-delà de ce qui est possible en atelier. En plus de la possibilité de continuer ses pratiques culturelles, ils permettent à ceux et celles qui les fréquentent de bénéficier d’un répit d’avoir à parler une nouvelle langue, à s’adapter aux attentes des autres et à deviner les comportements d’autrui et les codes sociaux. On peut même y obtenir de l’aide pour trouver de nouveaux repères culinaires.
De tels répits sont importants pour se sentir à l’aise et maintenir l’énergie pour s’ajuster et s’habituer à un nouveau milieu.
L’entraide qui a lieu au sein de plusieurs de ces organismes permet par ailleurs aux personnes immigrantes établies de contribuer à l’ajustement des nouveaux arrivants, d’offrir en retour ce qui leur a été donné – le tout, sans les limites imposées par les structures bureaucratiques formelles.
Une telle souplesse est essentielle étant donné que chaque personne a un parcours distinct et doit s’ajuster à différents aspects de la vie en communauté.
Plus encore, des organismes actifs permettent une participation citoyenne. Cette participation peut avoir lieu en leur sein sans que les personnes immigrantes doivent s’adapter à de nouvelles manières de s’associer, de travailler en groupe, d’établir des buts et de poursuivre des objectifs, ou même d’argumenter et d’écouter les autres.
Cette participation aide également les personnes immigrantes à apprendre de celles et ceux qui sont déjà en action dans d’autres organismes communautaires.
De telles occasions de partager sont surtout importantes pour les personnes qui ne sont pas originaires d’Europe, dont les modes de vie diffèrent davantage de ceux de leur communauté francophone d’accueil, pour qui de longues habitudes d’intégration n’existent pas et qui sont moins valorisées.
Les organismes ethnoculturels fournissent également un milieu important pour contrer les pratiques discriminatoires en place au Canada et dans le recrutement, qui pourraient limiter le succès de la nouvelle politique d’immigration francophone.
Une force à maintenir
C’est souvent par le biais des relations que l’on s’inscrit dans une nouvelle communauté. Or, les relations avec la population majoritaire (y compris au sein des CFSM) sont plus difficiles à établir, tant du fait des différences que de la résistance à l’immigration et du racisme qui existent dans nos sociétés.
De la sorte, une part de l’intégration dans un pays d’immigration passe par les groupes ethnoculturels.
Toute personne appartient à plusieurs groupes à la fois et il ne peut être question d’exiger une appartenance première ou exclusive aux espaces francophones.
En reconnaissant l’engagement de ces organismes dans les processus formels d’immigration, on doit toutefois éviter deux risques.
D’abord, il est probable que le gouvernement et des organismes communautaires plus solidement établis servent de gardiens à l’accès au financement et décident des organismes ethnoculturels qui recevront un soutien, ce qui pourrait amener ces derniers à se transformer pour répondre aux objectifs d’autres entités plutôt qu’à ceux qui ont fait leur succès.
Ensuite, le besoin de spécialisation dans l’accueil et l’établissement risque lui aussi de détourner les organismes de leurs forces. L’engagement bénévole qui existe déjà offre tout autre chose que la professionnalisation et il doit être vu comme une force à ne pas abandonner.
Jérôme Melançon est professeur agrégé en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).
En préparation d’une récente entrevue pour la troisième édition de l’indice pâté chinois de Francopresse, j’ai eu l’occasion de me replonger dans les données de l’inflation alimentaire.
Après deux ans d’inflation anormalement élevée, il est rassurant de constater que le prix des denrées se stabilise. Nous avons tous pu constater combien une hausse des prix de 10 ou 20 % pouvait faire mal au portefeuille.
Mais un danger drôlement plus important qu’une pandémie ou qu’un conflit à l’autre bout du monde menace le prix de nos aliments et même l’offre : les changements climatiques.
Aura-t-on encore du café au déjeuner?
Le café, le chocolat ou le vin, tels qu’on les connait, sont appelés à disparaitre, ou du moins à connaitre des baisses de production tellement fortes qu’ils pourraient devenir hors de prix.
Ce n’est pas un scénario de science-fiction ni une hypothèse pour le XXIIe siècle.
La hausse des températures dans le monde affecte déjà la production des fruits qui servent à fabriquer le café, le vin ou le chocolat, et il faut s’attendre au cours des prochaines années à voir les prix monter à mesure que les récoltes seront affectées.
Quand on parle de changements climatiques, on fait souvent référence à la hausse moyenne des températures. Selon l’ONU, le monde s’est déjà réchauffé de 1,2 °C par rapport à l’ère préindustrielle et il faut limiter le réchauffement à 1,5 °C pour en éviter les pires effets.
Dans la réalité cependant, les changements climatiques n’entrainent pas une hausse égale et continue des températures, mais plutôt une croissance des évènements météorologiques extrêmes. Pensez par exemple aux feux de forêt qui ont dévasté de grandes régions du pays à l’été 2023.
Les sècheresses, les pluies abondantes, les périodes de canicule exceptionnelles… tout cela affecte les plantes que l’on cultive ou les animaux que l’on pêche ou élève.
Normalement, la nature a un moyen de défense efficace contre des transformations radicales de l’environnement : la diversité génétique. Si une variété de café supporte mal la chaleur extrême, elle finira généralement par disparaitre au profit d’une autre qui est plus résistante.
Or, pour maximiser la productivité des cultures, on a eu tendance à faire exactement l’inverse et à miser sur un nombre très limité de cultivars, ce qui accroit notre vulnérabilité aux changements climatiques.
La vaste majorité du café (Arabica), des bananes (Cavendish) et des avocats (Hass) consommés chez nous et aux quatre coins du monde proviennent d’un seul cultivar.
D’ici 2050, la moitié de toutes les terres où pousse le café aujourd’hui sera impropre à sa culture.
Cette transformation n’arrivera pas du jour au lendemain. On peut supposer que le prix augmentera graduellement à mesure que les changements climatiques affecteront les zones de production en Afrique et en Amérique centrale.
Le Canada est-il prêt à faire face à ces changements?
Le Canada, grâce à sa géographie diversifiée, à son vaste territoire et à l’importance de son industrie agroalimentaire, est moins vulnérable que d’autres pays à l’insécurité alimentaire.
Cela n’empêche pas qu’il y aura d’importantes transformations dans nos pratiques agricoles et dans notre assiette au cours des prochaines années. Une partie de ces changements seront dictés par les prix. Il faudra accepter que certains aliments deviennent inabordables.
La variété à laquelle nous avons été habitués pourrait en souffrir. La vaste majorité des fruits et légumes que nous mangeons sont importés des États-Unis et du Mexique, ce qui nous rend vulnérables aux transformations du climat dans ces pays.
Le prix de certains aliments est aussi déterminé par des marchés mondiaux. L’année dernière, le prix du blé a presque doublé sous la pression combinée de la guerre en Ukraine et des conditions météo extrêmes au Canada. C’était vrai chez nous comme ailleurs.
Déjà, après une hausse modeste des prix au cours des dernières années, nos habitudes de consommation se sont transformées. Les épiceries au rabais sont plus populaires que jamais. Un ménage sur dix au Canada dépend des banques alimentaires pour se nourrir convenablement, presque le double d’il y a cinq ans.
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Ce n’est qu’un début. Il faut se préparer à une hausse des prix de certains aliments bien plus importante dans un avenir rapproché.
Je ne suis pas certain que nous soyons prêts en tant que société à ce choc des prix. Nous avons vécu dans un monde où tout était offert dans nos épiceries et dans nos restaurants.
Nous n’avons pas l’habitude de nous plier à des restrictions ni à une régression de nos conditions de vie. Mais à moins d’une transformation radicale de nos modes de vie, il est peu probable que nos assiettes échappent à l’incidence des changements climatiques.
David Dagenais est journaliste économique indépendant et entrepreneur. Auparavant, il a été journaliste à Radio-Canada après avoir terminé des études supérieures en économie politique à l’UQAM et à l’Université d’Ottawa.