le Mardi 30 mai 2023

Les élections turques montrent plus que jamais la polarisation du pays. Les résultats du deuxième tour qui se déroule le 28 mai ne sont pas seulement importants pour l’avenir démocratique du pays, mais aussi pour la région dans son ensemble.

Résultats des élections

Le séisme d’Antakya, en février dernier, qui a fait plus de 42 000 morts a exposé au grand jour l’incurie du régime d’Erdogan et le niveau très élevé de corruption dans le pays.

Ajoutez à cela l’explosion des prix, comme un peu partout sur la planète, et on sentait un vent de colère inédit en Turquie.

Par ailleurs, pour une fois, plusieurs partis d’opposition s’étaient accordés sur une candidature commune afin de maximiser les chances de se débarrasser de Recep Erdogan, un président dont les tendances autoritaires se multiplient.

À la veille du premier tour, non seulement il ne faisait plus aucun doute qu’un second tour serait nécessaire, mais les observateurs commençaient à croire que Kemal Kiliçdaroglu, le candidat représentant une bonne partie de l’opposition, pourrait remporter les élections.

Une remontée de dernière minute

Las, dans les derniers miles, Erdogan et tout son système ont mis le paquet pour renverser la tendance. Il faut dire que, à force de virer des dizaines de milliers de fonctionnaires pour placer des fidèles, le président sortant a atteint un contrôle sans précédent sur les appareils non seulement sécuritaires mais aussi, sociaux, économiques, éducatifs, bureaucratiques et médiatiques du pays.

En répétant sans cesse que l’inflation n’était pas un problème mais que le vrai problème était les questions de genre et la menace que cela faisait peser sur la Turquie et sa culture, Erdogan a tenu un discours surréaliste qui a réussi à rentrer dans la tête de nombreux Turcs.

Résultats des courses : Recep Erdogan a récolté 49,5% des voix contre 44,9% pour Kemal Kiliçdaroglu.

Erdogan rate donc d’un coche son pari d’être élu au premier tour, mais le résultat est serré et le troisième candidat, Sinan Ogan, avec ses 5%, se place donc en faiseur de roi.

Cela n’a rien d’une bonne nouvelle puisqu’Erdogan est qualifié d’ultranationaliste à faire pâlir une Marine Le Pen. Il veut que la Turquie expulse quelque 3,5 millions de réfugiés.

— Aurélie Lacassagne, chroniqueuse - Francopresse

La question kurde comme symbole des polarisations de la société turque

Plus que jamais la société turque apparait polarisée avec des lignes de divisions nombreuses : population urbaine contre population rurale, personnes instruites contre population non instruite, religieux contre laïcs, démocrates contre partisans d’un régime fort, etc.

Les jeunes en particulier ont fait les frais des politiques conservatrices d’Erdogan, que ce soit le contrôle des universités, l’interdiction des festivals qui a créé un très grand mécontentement, le resserrement des droits fondamentaux, une économie au ralenti.

— Aurélie Lacassagne, chroniqueuse - Francopresse

Tout cela fait en sorte qu’un grand nombre de jeunes Turcs choisissent la voie de l’exil. Le désenchantement est grand pour toute une génération qui vote pour la première fois et qui n’a connu qu’Erdogan au pouvoir.

Ces divisions de la société turque ne sont pas nouvelles, tout comme la question kurde. Les Kurdes sont en fait, on le sait, une force politique de premier plan qui peut véritablement faire pencher la balance.

Contrairement à ce que diffusent les médias occidentaux qui définissent le parti du HDP comme le parti prokurde, la situation politique est plus complexe.

En effet, le parti du HDP (dont le coprésident, Selahattin Demirtas, a été emprisonné pour des raisons fallacieuses par Erdogan) recueille aussi un appui chez les Turcs non kurdes grâce à ses prises de position progressistes, féministes, écologistes et prônant la démocratie participative.

Toujours est-il que les Kurdes, qui ont soutenu ce partisan d’un apaisement (et notons qu’il a effectivement mis en place dans les années 2000 des politiques de libéralisation pour les Kurdes), se sont détournés d’Erdogan depuis qu’il est revenu aux bonnes vieilles habitudes de répression dans le contexte du conflit syrien.

Par conséquent, une mobilisation forte des Kurdes (et de la diaspora) en faveur du candidat de l’opposition pourrait changer la donne, d’autant que Kiliçdaroglu, pourtant à la tête du parti héritier d’Atatürk, a tenu pendant la campagne un discours plutôt favorable aux Kurdes.

Turquie : une puissance régionale au pouvoir de nuisance important

Une chose est sure : quels que soient les résultats, l’avenir de la Turquie ne sera pas synonyme de stabilité.

Si Kemal Kiliçdaroglu remporte les élections, il devra gouverner avec un Parlement acquis au parti d’Erdogan, qui a raflé 266 sièges, avec les 50 sièges du MHP (Parti d’action nationaliste), ce qui lui assure une majorité confortable.

Pas facile dans de telles conditions de détricoter le système mis en place pour revenir à des institutions au fonctionnement démocratique.

Si Erdogan l’emporte, il pourra continuer à transformer la Turquie en démocratie illibérale, voire en régime vraiment autoritaire. Et cela aurait des conséquences sur la scène politique régionale.

En effet, depuis 20 ans qu’Erdogan est aux manettes politiques, il a su habilement accroitre l’influence de son pays partout au Moyen-Orient. Il a usé et abusé de la traditionnelle politique étrangère multivectorielle de la Turquie pour tirer tous azimuts, quitte à opérer des renversements d’alliances fulgurants.

Il tient en joue l’Union européenne en se servant de l’arme migratoire. En échange de gros chèques, Erdogan promet à Bruxelles de prévenir des entrées massives de réfugiés sur le sol européen.

Dans le conflit ukrainien, Ankara s’est posé en médiateur incontournable pour permettre les livraisons de céréales et ainsi éviter une grande famine mondiale et une flambée des prix encore plus importante.

En ouvrant des bases militaires en Lybie et en apportant son soutien depuis 2020 au Gouvernement d’union nationale contre l’Armée nationale libyenne, la Turquie fait partie intégrante du blocage institutionnel du pays qui attend encore des élections.

Dans la crise qui sévit actuellement au Soudan, là encore, la Turquie est une des forces médiatrices qui pourrait être acceptée par les deux parties.

Dans le conflit du Haut-Karabagh, le pouvoir turc reste un allié fidèle et de poids à l’Azerbaïdjan.

Et puis bien sûr, les autorités turques sont toujours prêtes à mater les rébellions kurdes, que ce soit en Syrie ou en Irak.

Si l’Union européenne reste de très loin le premier partenaire commercial de la Turquie, les échanges commerciaux ont été multipliés par dix avec l’Afrique, de même qu’avec la Russie depuis 2003.

On le voit la Turquie est devenue un acteur géopolitique incontournable.

Cependant, étrangement, mais pas inhabituellement, Bruxelles est inaudible dans le dossier turc.

Or, plus que jamais, il aurait fallu envoyer un signal clair aux quelque 64 millions d’électeurs turcs, et encore plus à la jeunesse turque, indiquant qu’ils ont une place en Europe, que le destin de la Turquie et de l’Europe est inextricablement lié, comme il l’est depuis des siècles. Encore une occasion ratée.

Notice biographique

Aurélie Lacassagne est politicologue de formation et doyenne des facultés de Sciences humaines et de Philosophie de l’Université Saint-Paul à Ottawa. Elle est membre du Comité de gouvernance du Partenariat Voies vers la prospérité.

À moins que les élus républicains et démocrates ne parviennent à s’entendre d’ici le 1er juin, les États-Unis pourraient se retrouver en défaut de paiement. C’est l’équivalent pour un État de déclarer faillite. Les conséquences économiques advenant que la première puissance mondiale ne parvienne plus à payer les intérêts sur sa dette de plus de 31 billions (31 mille-milliards) de dollars sont difficiles à imaginer.

Cela causerait une crise financière majeure qui entrainerait assurément une récession aux États-Unis, la mise à pied de millions de travailleurs, une chute radicale des indices boursiers ainsi qu’une forte hausse des taux d’intérêt. De plus, le statut exceptionnel de devise de réserve dont jouit le dollar américain serait mis à mal.

Les États-Unis n’ont pourtant aucune difficulté à financer leur dette à cout très bas. Ceci n’est pas une crise économique, mais une crise politique créée de toute pièce par les républicains. Il est dur de croire que les élus à Washington risqueraient une telle catastrophe, et pourtant…

Rehaussement du plafond de la dette 101

Dans la plupart des pays, le Parlement n’a pas à rehausser le plafond de la dette. C’est le cas au Canada où il n’existe pas de tel plafond. Lorsque les élus votent le budget, ils approuvent les dépenses du gouvernement.

À moins d’un grave imprévu, ils savent déjà dans quelle mesure le budget sera déficitaire ou non. Le gouvernement s’endette ensuite au besoin pour acquitter ses obligations.

Mais aux États-Unis, les membres du Congrès, en plus de voter le budget, doivent augmenter le plafond de la dette. La limite de la dette fédérale a été augmentée 78 fois depuis 1960. C’est donc une simple formalité.

Vous vous rappelez la crise entourant le rehaussement du plafond de la dette sous Donald Trump? Non? Et bien c’est normal, il n’y en a pas eu.

Lorsque les républicains ont le contrôle du Congrès et de la présidence, ils augmentent le plafond de la dette sans broncher. Mais lorsqu’ils ont le contrôle du Congrès et que la présidence est démocrate, comme c’est le cas actuellement, ils se servent de ce pouvoir pour faire du chantage et tenter d’imposer leurs priorités budgétaires.

Cette dynamique est renforcée par la division de la société américaine depuis l’émergence du Tea Party et ensuite de Donald Trump et de ses partisans du mouvement Make America Great Again (MAGA).

Une crise qui prend ses racines sous Obama

Déjà en 2011, les États-Unis avaient frôlé la catastrophe. Joe Biden, alors vice-président de Barack Obama, était parvenu à une entente in extrémis avec les élus républicains qui avaient forcé le gouvernement à réduire ses dépenses de centaines de milliards de dollars. Ces compressions avaient mis un frein à l’importante bonification du filet social entamée par le président Obama.

Même si les États-Unis avaient évité le défaut de paiement, la réaction des marchés à cette incertitude et au recul des dépenses avait été très négative. Les principaux indices boursiers avaient dégringolé et l’agence Standard and Poor’s avait réduit la cote de crédit des États-Unis, ce qui a augmenté le cout des emprunts du gouvernement. Joe Biden s’était promis qu’on ne le reprendrait plus à faire des concessions aussi importantes.

Aujourd’hui, Joe Biden est président et les républicains sont encore plus radicaux qu’il y a douze ans. En échange d’augmenter le plafond de la dette, ils exigent que l’administration Biden abandonne la plupart de ses mesures phares, notamment les centaines de milliards que le gouvernement a promis d’investir pour lutter contre les changements climatiques.

Les premières rencontres entre le président Biden et le leadeurship républicain n’ont servi qu’à montrer le gouffre qui sépare les deux parties. Plus que jamais, l’impasse politique pourrait mener les États-Unis vers un défaut de paiement, même si cette option reste peu probable.

Les constitutionnalistes et les économistes débattent depuis déjà plusieurs semaines de voies de contournement possibles. Est-ce que le Trésor américain pourrait frapper une pièce de 1 billion de dollars? Est-ce que le gouvernement pourrait contester la constitutionnalité du pouvoir du Congrès à rehausser le plafond de la dette?

Plusieurs possibilités sont sur le tapis, mais il serait étonnant que l’administration Biden risque les conséquences désastreuses d’un défaut.

Pourquoi s’en faire au Canada?

L’adage veut que quand les États-Unis éternuent, le Canada attrape la grippe. C’est une façon imagée d’exposer la relation de dépendance économique du Canada avec son voisin du Sud.

Malgré tous les efforts de diversification économique déployés par nos gouvernements, les États-Unis sont la destination de la grande majorité de nos exportations (76,4 %). C’est le principal marché pour l’exportation du pétrole canadien, la vache à lait du gouvernement fédéral.

Les succursales et les filiales de multinationales américaines sont très présentes au pays. Les réserves en devises étrangères du gouvernement fédéral sont principalement en dollars américains (71 %).

Si l’impensable venait à se produire, la première répercussion au Canada serait une hausse des taux d’intérêt parce que les chaines de crédit entre institutions financières seraient déstabilisées.

La hausse des couts d’emprunt réduirait la croissance. La baisse des exportations suivrait rapidement et réduirait encore l’activité économique au Canada. Les épargnants devraient s’attendre à voir la valeur de leur portefeuille grandement affectée par la chute des indices boursiers et de la valeur des bons du Trésor américain.

L’ampleur de ces chocs éventuels est difficile à prévoir. Une chose est certaine, le Canada se tire plutôt bien d’affaire malgré la hausse des taux d’intérêt actuelle et n’a pas les moyens de subir un tel choc.

Il reste à souhaiter que les élus républicains retrouvent la raison et que le gouvernement américain trouve une solution à long terme à ces crises récurrentes et auto-infligées.

David Dagenais est journaliste économique indépendant et entrepreneur. Auparavant, il a été journaliste à Radio-Canada après avoir terminé des études supérieures en économie politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université d’Ottawa.

Bien que le monarque et sa représentation aux niveaux fédéral et provincial jouent un rôle limité dans les structures politiques, l’existence même du pays dépend du concept légal de la Couronne. Et l’abolition de la Couronne serait le véritable test de nos principes démocratiques.

Certes, il serait possible de faire disparaitre toute référence à la monarchie, faire du Canada (ou du Québec) une république, et transférer tous les pouvoirs et la propriété qui dépendent de la Couronne vers un autre concept ou corps politique. Mais rien ne changerait dans les faits ni dans la réalité juridique du pays.

Comme d’autres pays l’ont déjà fait, l’abolition de la monarchie et de la Couronne exigerait une révolution, c’est-à-dire une transformation entière de l’ordre politique et de l’ordre économique dont l’État est le garant. Et cette transformation commencerait par une renégociation des relations de nation à nation entre le Canada et les Premiers Peuples, qui n’ont jamais cédé leurs territoires.

On ne peut abolir la monarchie sans abolir la Couronne, et on ne peut abolir la Couronne sans prévoir un renouvèlement des traités avec les peuples autochtones qui ont permis la colonisation européenne puis canadienne.

— Jérôme Melançon, chroniqueur - Francopresse

Le mouvement Idle No More avait notamment demandé de rencontrer le gouverneur général David Johnston, en tant que représentant de la Couronne. Une délégation de chefs autochtones vient d’ailleurs tout juste de rencontrer le roi Charles III afin d’approfondir la relation avec la Couronne.

D’autres chefs autochtones espèrent que le nouveau monarque répudiera la doctrine de la découverte, tandis que la gouverneure générale Mary Simon met l’accent sur la discussion et la création d’une relation.

D’autres nations encore ont déclaré qu’elles auraient refusé de participer au couronnement si elles avaient été invitées.

À lire : Une transition vers un nouveau règne

La Couronne, plus qu’une abstraction

Une excursion rapide dans le domaine du droit constitutionnel montre qu’il y a une différence entre le monarque et la Couronne.

Le monarque occupe une fonction, qui lui revient de manière héréditaire, tandis que la Couronne est plus vaste et a un ensemble de représentations (gouverneure générale, lieutenants-gouverneurs) et de pouvoirs qu’elle délègue ou qui sont simplement exercés par le gouvernement en son nom.

À lire : 70 ans de règne…

La Couronne est à tel point imbriquée dans le fonctionnement de l’État et notamment du gouvernement qu’il serait impossible de la retirer sans tout bouleverser.

C’est la Couronne qui est propriétaire de 89 % du territoire canadien (ce sont les terres de la Couronne).

Et ce n’est pas tout : à proprement parler, tout le territoire canadien (y compris les réserves autochtones) appartient au domaine de la Couronne, d’où sa capacité à prélever des impôts et à céder des droits d’exploitation minière ou autre à des compagnies privées.

C’est toujours elle qui a la responsabilité de lancer les poursuites judiciaires. Pour cette raison, notre système juridique compte des procureurs de la Couronne.

Tout compte fait, le monarque est souverain, et le peuple canadien ne l’est pas. La population peut simplement choisir qui exercera la plupart des pouvoirs de la Couronne.

Les traités et l’existence du Canada

Tant à l’époque de Louis XIV qu’à l’époque victorienne, l’entité politique qui s’appelle maintenant «Canada» s’est établie sur la base de traités qui reconnaissent au moins implicitement la souveraineté des peuples autochtones.

Étant donné le principe que les États successeurs maintiennent les obligations de ceux qui les précèdent, la Couronne britannique a hérité des traités négociés par la Couronne française, et la Couronne canadienne en est aujourd’hui la garante.

La souveraineté à proprement dite canadienne ne s’établit qu’à partir du début du XXe siècle, alors que la Couronne a pris pour conseiller non plus le gouvernement de la Grande-Bretagne, mais bien celui du Canada. La reine Elizabeth II fut ainsi la première reine du Canada.

Cette souveraineté canadienne s’établit toutefois sur des fondations instables.

D’abord, les traités avec les Premiers Peuples n’ont pas inclus la négociation d’une cession des terres (à part peut-être certains des «traités modernes»).

Le territoire demeure ainsi autochtone, malgré le fait que le transfert des terres ait été ajouté au texte des traités après les négociations, comme le montre l’historien Sheldon Krasowski et comme l’affirment depuis longtemps les Premiers Peuples.

Ces derniers n’ont jamais accepté de devenir des sujets britanniques ni des citoyens canadiens, mais devaient plutôt maintenir leur propre souveraineté.

Ensuite, les traités ont souvent été brisés ou violés, ce qui remet en question la validité de la souveraineté qu’ils devaient rendre possible.

Le débat sur le serment, un simple contrespectacle

Il y a une forme d’hypocrisie dans la nouvelle loi québécoise qui retire l’obligation du serment au roi et chez les politiciens refusant de prêter ce serment, mais qui continuent de mettre de l’avant des projets dépendants de la souveraineté portée par la Couronne ou encore qui vont à l’encontre des traités.

C’est avant tout une manière de s’opposer à un Canada imaginaire – imaginé comme un Canada anglais et monarchiste, alors qu’une opposition à la monarchie est tout autant présente hors du Québec qu’elle ne l’est en son sein.

À l’extérieur du Québec, en langue anglaise, un débat sur la monarchie a cours depuis longtemps, et la question demeure avant tout de savoir par quoi remplacer la Couronne.

Ce qu’on abolirait avec la monarchie

Une véritable abolition de la monarchie supposerait plutôt l’invalidation de la souveraineté qui se trouve hors de la population canadienne, du régime de propriété des terres, ainsi que du système juridique en place.

Une telle abolition libèrerait l’imagination pour dépasser les tièdes propositions de réforme des institutions «démocratiques» actuelles.

Nous pourrions alors commencer par reprendre les traités, afin que la loi, la propriété et le pouvoir reviennent au peuple – et, dans le contexte d’un pays dont l’existence dépend de traités, qu’ils reviennent aux peuples qui le composent, en commençant par les Premiers Peuples.

Notice biographique

Jérôme Melançon est professeur agrégé en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont «La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie» (Metispresses, 2018).

Les plans d’action quinquennaux pour les langues officielles sont le principal moyen du gouvernement fédéral pour définir ses priorités en la matière et mettre en place des outils et des programmes en vue d’appuyer la vitalité des communautés francophones en ciblant de multiples secteurs, dont l’éducation, l’immigration, la petite enfance, la justice, la santé, la culture, le développement économique, etc.

Depuis la publication du dernier plan quinquennal en 2018, le gouvernement a entrepris un travail de fond en matière de langues officielles dans le contexte de la modernisation de la Loi sur les langues officielles. D’importants besoins dans des secteurs-clés à la vitalité des communautés francophones ont ainsi été mis en lumière. 

Les attentes étaient donc élevées à l’égard du plan de la ministre Petitpas Taylor. Une reconduction des sommes précédentes aurait été loin d’être suffisante.

À lire aussi : La francophonie plutôt satisfaite du Plan d’action

Un investissement inégalé

Le nouveau plan d’action 2023-2028 prévoit un financement total de 4,1 milliards de dollars sur cinq ans, dont 1,4 milliard de nouveaux fonds.

Dans l’histoire du pays, il s’agit de l’investissement le plus important jamais consenti par le gouvernement fédéral pour les langues officielles, et ce, même en tenant compte de l’inflation.

Le record précédent à cet effet remontait au premier plan d’action pour les langues officielles 2003-2008, élaboré par Stéphane Dion, alors ministre dans le gouvernement libéral de Jean Chrétien.

Avant la publication du premier plan, en 2003, les dépenses quinquennales du gouvernement fédéral pour les langues officielles s’élevaient à environ 1,1 milliard de dollars. Cette somme a été bonifiée de 800 millions pour atteindre 1,9 milliard pour la période de 2003 à 2008.

Sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper, les nouveaux investissements ont été beaucoup plus limités. Après une augmentation de 300 millions de dollars dans la Feuille de route 2008-2013, il n’y a eu qu’une reconduction des fonds dans celle de 2013-2018.

Après 10 ans de stagnation sous les conservateurs, les libéraux, de retour au pouvoir, ont cherché à rompre avec le gouvernement précédent en injectant 500 millions de dollars supplémentaires au plan d’action 2018-2023.

Une réforme qui n’est pas seulement législative

Le montant du financement cette année marquera certes l’histoire, mais le contexte dans lequel s’inscrit le lancement du plan restera aussi dans les annales.

Le Comité permanent des langues officielles a mené l’étude du projet de loi C-13 visant à moderniser la Loi sur les langues officielles. Le texte fera l’objet sous peu d’un vote en troisième lecture à la Chambre des communes.

Or, même si le volet législatif a fait couler beaucoup d’encre, la réforme des langues officielles à Ottawa n’est pas que législative. Elle doit s’accompagner d’actions concrètes pour protéger le français au Canada et appuyer la vitalité des communautés francophones.

Le guide de discussion qui a servi aux consultations pancanadiennes sur les langues officielles en 2022 soulignait d’ailleurs que la modernisation de la loi et la présentation du nouveau plan d’action «vont de pair et font partie d’un continuum».

Le tout s’inscrit dans un contexte où le gouvernement canadien a reconnu, dans le discours du Trône de septembre 2020, la situation particulière du français au pays. Bien que l’on ait deux langues officielles, c’est le français qui est dans une situation précaire et le gouvernement reconnait sa responsabilité «de protéger et de promouvoir le français non seulement à l’extérieur du Québec, mais également au Québec».

Vers une politique en immigration francophone à caractère réparateur

Cet engagement à protéger le français se reflète dans le contenu du plan d’action. Par exemple, par rapport au pilier sur l’immigration francophone, le premier ministre Trudeau a affirmé que l’objectif est le «rétablissement démographique des francophones au Canada».

Les données du recensement de 2021 ont montré que le poids démographique des francophones à l’extérieur du Québec poursuit son déclin, une tendance lourde observée depuis une cinquantaine d’années.

Rappelons que le Commissariat aux langues officielles a montré que la cible actuelle de 4,4 % en matière d’immigration francophone, atteinte pour la première fois en 2022, est largement insuffisante pour maintenir, et encore moins accroitre, le poids démographique des francophones.

À lire aussi : Un Plan d’action pour les langues officielles, à quoi ça sert?

Reste à voir les mesures concrètes qui seront mises en place pour atteindre un objectif très ambitieux à caractère réparateur concernant le poids démographique des francophones.

Pour ce faire, le plan d’action prévoit un financement total de 221,5 millions de dollars sur cinq à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, dont 137,2 millions de nouveaux fonds.

L’ombre au tableau : le financement du postsecondaire

Malgré d’importantes avancées à noter, le principal point faible du plan d’action 2023-2028 est l’appui insuffisant prévu pour les établissements d’enseignement postsecondaire.

Le contenu du plan n’est pas à la hauteur des attentes pour ce secteur, et les libéraux n’ont qu’eux-mêmes à blâmer pour avoir rompu une promesse électorale.

De prime abord, les investissements de 128 millions de dollars sur quatre ans en appui au secteur peuvent paraitre importants, mais ils sont bien en dessous de ce que les libéraux avaient promis lors de la campagne électorale de 2021.

Dans leur plateforme, ils s’étaient engagés à octroyer un financement permanent de 80 millions de dollars par année aux établissements d’enseignement postsecondaire dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Cela représente 400 millions de dollars sur cinq ans, une somme de largement supérieure à ce qui a finalement été annoncé.

Les États généraux sur le postsecondaire en contexte francophone minoritaire ont pourtant fait la preuve que les besoins dans le secteur sont réels et que les montants promis auraient été de l’argent bien investi.

NOTICE BIOGRAPHIQUE

Guillaume Deschênes-Thériault est doctorant en science politique à l’Université d’Ottawa. Il détient un baccalauréat de l’Université de Moncton et une maitrise de l’Université d’Ottawa. Dans le cadre de ses recherches, il s’intéresse aux communautés francophones en situation minoritaire, avec un intérêt particulier pour l’enjeu de l’immigration. Depuis mai 2021, il est conseiller à la municipalité de Kedgwick au Nouveau-Brunswick.

Une énergie contagieuse, des mots qui sonnent vrai

Le groupe de musique acadien Les Gars du Nord propose un nouvel opus, Les fils du Père

Photo : Julien Faugère

Le groupe de musique acadien Les Gars du Nord nous propose un nouvel opus, Les fils du Père. L’album met en vedette les voix puissantes de Danny Boudreau, Wilfred LeBouthillier et Maxime McGraw, accompagnés de musiciens talentueux.

Le disque à l’énergie contagieuse est réalisé par le duo Jean-Frédéric Lizotte et Wilfred LeBouthillier. Ce dernier a coécrit les musiques et les textes avec Danny Boudreau, l’un des meilleurs auteurs-compositeurs de l’Acadie.

Les textes travaillés nous transportent dans l’univers de la mer et des souvenirs ; ils nous parlent du quotidien des pêcheurs d’antan.

De la musique bretonne au country, en passant par le bluegrass, nous sommes emportés dans un univers puissant, aux influences acadiennes et celtiques.

Dès les premières notes, Les hardes cirées nous invitent à chanter en chœur avec Les Gars du Nord.

La magie opère à l’écoute de Je m’en souviens, une belle valse country dans laquelle le trio vocal chante en chœur. Le meilleur texte est sans aucun doute Le bar des naufragés, une autre excellente valse. L’album se termine par l’extrait Adieu, une interprétation à capella, suivie d’une musique instrumentale endiablée.

Les hardes cirées
Album : Les fils du Père

Des mots lourds avec un brin despoir

Marc Antoine Joly, dit Joly, est un guitariste et auteur-compositeur-interprète franco-ontarien. 

Photo : Mylène Desbiens

Membre de plusieurs formations rocks, le guitariste et auteur-compositeur-interprète Marc Antoine Joly, dit Joly, présente un premier opus en solo. Deuil est musicalement puissant et profond.

Ce disque concept parle de santé mentale, de perte de repères et de vide soudain. Une intro instrumentale précède chaque chanson, installant une émotion propice à l’écoute des paroles. Ce procédé intéressant amène souvent de belles petites trouvailles musicales.

Au niveau de la plume, Joly réussit à livrer des textes profonds et touchants sur la santé mentale et les blessures intérieures, tout en gardant une lueur d’espoir. Des jeux de guitares solides accompagnent la voix singulière et envoutante de l’artiste franco-ontarien.

Quelques chansons m’ont énormément touché, entre autres Rêve d’enfant. Quelle que soit la situation, ce morceau nous rappelle qu’il est important de s’accrocher à ses rêves.

Dans Les murs saignent, la pièce maitresse de l’album, les fondations d’une maison abimée évoquent les blessures de l’intérieur. Il s’agit d’un crescendo d’une immense intensité.

Tu t’en fous, l’un des succès du disque, a des sonorités plus folks aux couleurs rocks. On y remarque la puissante voix de Céleste Lévis dans le refrain.

Les murs saignent
Album : Deuil

Souvenir dune dualité de styles et de mots

Pochette de l’album Le détroit, de l’artiste franco-albertain Paul Cournoyer.

Photo : paulcournoyer.ca

Il y a quatre ans, l’auteur-compositeur-interprète franco-albertain Paul Cournoyer nous offrait son album Le détroit. Dans cet opus, l’artiste au timbre de voix tout en retenue, presque un chuchotement, livre une dizaine de chansons, fruit d’une plume remplie de tendresse et d’espoir.

Les mélodies captivantes, parfois folks, parfois pop, tantôt guitare, tantôt piano, s’enchainent parfaitement du début à la fin. Pièce après pièce, des paroles poétiques et engagées nous interpellent.

Sale serpent, qui prend sa force dans la puissance d’un solide riff de guitare, est l’un de mes coups de cœur. Il s’agit d’un superbe texte sur ceux qui sont en faveur du pétrole brut, ceux pour qui la planète vaut moins que les revenus tirés de l’exploitation de l’or noir.

S’il y a une chanson qui a tout d’un succès radio, c’est bel et bien Fou. Le ver d’oreille est garanti avec le riff très pop et la mélodie accrocheuse, qui ne manquera pas de tourner en boucle dans toutes les têtes.

J’adore Le vent, les champs pour son beau crescendo, qui passe aisément d’un folk doux à une pop rock très rythmique. La pièce titre, Le détroit, vaut également le coup d’être écoutée pour la profondeur du texte et l’émotion de l’interprétation.

Fou
Album : Le détroit

Marc Lalonde, dit Lalonde des ondes, est chroniqueur musical depuis plus de 25 ans au sein de la francophonie musicale canadienne et animateur de l’émission radiophonique Can-Rock. Il se fait un malin plaisir de partager cette richesse dans 16 stations de radio à travers le pays chaque semaine.

L’usine de St. Thomas devrait être opérationnelle en 2027 et pourrait créer jusqu’à 3 000 emplois. Une petite règle de trois permet vite de conclure que chacun de ses présumés emplois coutera un peu plus de 4,5 millions de dollars. Ça fait cher la job… mais il serait réducteur d’analyser cette subvention seulement à la lumière des emplois créés.

Parier sur l’effet structurant

L’objectif du gouvernement fédéral est de créer un maillon clé de la chaine de production des véhicules électriques au pays. Le Canada est déjà un joueur majeur dans l’industrie automobile nord-américaine, mais rien ne garantit que cette position enviable se perpétuera avec l’électrification du secteur.

Les batteries sont la principale composante technologique des véhicules électriques. Le Canada a les ressources nécessaires à la production des cellules de batteries – lithium, graphite, cobalt, etc. –, mais sans une industrie de transformation locale de ces composants, le pays risque de devenir un simple exportateur de matières premières et de passer à côté de la plus-value importante générée par leur transformation.

Plus de 75 % des batteries conçues pour les véhicules électriques dans le monde sont produites en Chine. La domination chinoise sur toute la chaine de production est sans commune mesure.

C’est donc la crainte de devenir une simple succursale minière qui a poussé le gouvernement fédéral à sortir le chéquier. À cette raison s’ajoutait aussi la concurrence créée par les Américains avec leurs subventions à cout de centaines de milliards de dollars au secteur des énergies vertes.

L’Inflation Reduction Act américain adopté à l’été 2022 pose un défi unique au Canada. C’est que les Américains ont prévu de généreuses subventions à la production ; le gouvernement octroie un montant pour chaque éolienne, panneau solaire, voiture électrique qu’une entreprise produit.

Traditionnellement, le gouvernement canadien subventionne les investissements en capitaux ou en recherche et développement des entreprises. Vous voulez construire une usine ou remplacer votre machinerie, vous obtenez un crédit d’impôt.

Ce type de subvention est moins onéreux et plus propice à générer des investissements à long terme, mais leur montant total est bien moins grand que ce qui est prévu dans la loi américaine.

Le gouvernement Trudeau a donc décidé de jouer à armes égales avec Washington et prévoit des subventions à la production pour l’usine de Volkswagen, ce qui fait gonfler la facture.

D’un autre côté, Ottawa a limité ses risques en prévoyant une clause d’arrimage de ses subventions à celles des États-Unis. Si le gouvernement de l’Oncle Sam change et revoit à la baisse le montant de son aide financière, les sommes versées par Ottawa à Volkswagen seront réduites d’autant.

Un jeu risqué

Néanmoins, le jeu est risqué pour le gouvernement fédéral qui allonge l’essentiel de l’argent. Il avance des retombées de 30 000 emplois indirects, des investissements dans l’extraction des matières premières, dans le développement des piles qui composent les batteries ou dans l’assemblage de véhicules, mais rien ne garantit que tous ces investissements se réaliseront.

Vous vous attendriez peut-être à ce que les gouvernements examinent attentivement si les subventions sont rentables avant de distribuer des milliards de dollars à une entreprise privée comme Volkswagen.

Les plus cyniques d’entre vous ne seront pas surpris d’apprendre qu’il n’en est rien.

Le gouvernement ne fournit aucune information à ce sujet. La littérature économique nous met en garde contre ce genre de subvention, mais de s’attarder sur ces questions rationnelles et scientifiques serait mal comprendre la nature de la bête.

Dans les secteurs économiques mondialisés comme l’automobile, non seulement les entreprises magasinent les subventions, mais elles en tiennent compte dans leur cout de production.

Les gouvernements nationaux sont divisés en deux camps : soit ils sont dans le groupe des pays qui peuvent compétitionner pour obtenir l’usine, soit ils sont dans le groupe des pays moins développés qui ne peuvent pas se le permettre.

On peut certainement déplorer cette situation qui donne un pouvoir démesuré aux grandes multinationales, mais c’est un fait.

Ce qui n’empêche pas de se demander si le Canada peut se permettre de jouer ce jeu.

Il y a deux grands joueurs dans le secteur des énergies vertes. La Chine a un avantage concurrentiel évident, avec son gouvernement totalitaire qui dirige ses énormes ressources où bon lui semble et qui fait peu de cas des droits des travailleurs ou de l’environnement.

De l’autre côté, les États-Unis peuvent se permettre de payer la facture à cause du rôle du dollar américain comme devise de réserve. Il n’y a presque aucune conséquence aux déficits budgétaires astronomiques que Washington accumule année après année.

Le Canada n’est pas du même calibre. Le gouvernement fédéral fait cependant le pari qu’il peut compétitionner coup pour coup dans des secteurs précis de l’économie.

Espérons qu’il ait raison, parce que le nombre de subventions de cette ampleur qu’Ottawa peut sortir de sa bourse est limité. Le Canada n’a pas le luxe de manquer son coup dans ce genre de jeu.

David Dagenais est journaliste économique indépendant et entrepreneur. Auparavant, il a été journaliste à Radio-Canada après des études supérieures en économie politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université d’Ottawa.

À la mi-avril, l’UNICEF faisait état de son inquiétude dans un rapport soulignant qu’au Canada 82,5 % des Canadiens interrogés pensaient que la vaccination était importante contre 90,5 % en 2019, des chiffres comparables à ceux de l’Allemagne, mais une baisse modérée comparée à celle de 13,6 points de pourcentage observés aux États-Unis ou encore de 20,6 points aux Pays-Bas.

Cet effritement de la confiance se retrouve également dans certains pays africains, mais aussi dans les pays riches d’Asie (-33,1 points au Japon par exemple).

On remarque que, c’est heureux, les deux pays les plus peuplés de la planète, voient eux une augmentation de la confiance envers les vaccins : la confiance est passée de 86 à 94,9 % en Chine et de 95,1 à 97,6 % en Inde.

Le rapport de l’UNICEF montre aussi que cette tendance inquiétante est plus marquée chez les moins de 35 ans, ceux qui naturellement sont plus susceptibles d’avoir des enfants qu’il faudrait vacciner.

Comment expliquer cette détérioration?

Les vaccins traditionnels (rougeole-oreillons-rubéole (ROR), diphtérie-tétanos-coqueluche (DTC) et poliomyélite) ont fait les frais des doutes farfelus exprimés à l’encontre des vaccins contre la COVID-19. Il y a eu une libération de la parole délétère antivaccin et beaucoup de confusion.

Si l’on peut comprendre des doutes exprimés sur des vaccins efficaces à 60 ou 70 %, produits très rapidement et sans que l’on soit en mesure d’en connaitre tous les effets à long terme, cela n’a strictement rien de comparable avec les vaccins infantiles utilisés depuis des décennies et dont l’efficacité se situe bien au-delà de 90 %.

La pandémie de COVID a entrainé un déchainement des discours antiscientifique et les médias sociaux avec leurs chambres d’écho ont fait le reste. Ajoutez à cela la montée du populisme et un individualisme postmoderne forcené promouvant l’idée que seule sa personne compte et que toutes les opinions se valent et vous avez tous les ingrédients réunis.

Il y a là une importante leçon à retenir pour les décideurs publics. Plutôt que des injonctions, il aurait fallu beaucoup plus de sensibilisation auprès des citoyens pendant la pandémie. Certains gouvernements ont aussi fait preuve d’antiscience pour défendre leurs mesures prises à la hâte.

Pourquoi l’enjeu est-il important?

Il faut tout d’abord souligner que ces mauvais chiffres sur la confiance vaccinale arrivent au pire moment puisqu’en raison de la pandémie, l’accès aux réseaux de la santé a diminué et que donc la couverture vaccinale a elle aussi baissé.

Dans beaucoup de pays, les services de vaccination ont été mis sur pause, tout comme les grandes campagnes de vaccination dans les pays pauvres.

En juillet 2022, l’OMS et l’UNICEF tiraient déjà la sonnette d’alarme sur le fait que la pandémie était responsable du plus grand recul en 30 ans de la vaccination dans le monde. Ils soulignaient qu’en 2021, 25 millions de nourrissons n’avaient pas reçu les vaccins vitaux.

Le rapport d’avril 2023 de l’UNICEF a actualisé ces chiffres : 67 millions d’enfants ont été privés de leurs vaccins entre 2019 et 2021. La couverture vaccinale a baissé dans 112 pays, y compris au Canada.

Or, si l’on prend le cas de la rougeole, maladie extrêmement contagieuse et mortelle, il faut que 95 personnes dans un groupe de 100 soient vaccinées pour éviter la propagation de la maladie.

Il y a donc un important effort de rattrapage à effectuer dans un contexte difficile étant donné que les systèmes de santé sont tous, et partout, en déliquescence, et justement en mode rattrapage dans tous les domaines.

Les conséquences sanitaires n’ont pas tardé à se manifester. Toujours d’après le rapport de l’UNICEF, en 2022, les cas de rougeole ont été multipliés par deux par rapport à l’année précédente. La polio est elle aussi en forte augmentation.

On assiste, notamment en Afrique, à une multiplication des épidémies, car seuls 67 % des enfants d’Afrique de l’Ouest et du Centre ont reçu leur vaccination contre la DTC, par rapport à 80 % en moyenne dans le monde.

Faut-il rappeler que ces maladies infantiles sont mortelles dans de nombreux cas et laissent de très graves séquelles dans bien d’autres?

Comment remédier au problème?

Dans les pays riches comme le Canada, ces maladies ont été quasiment éradiquées grâce à la vaccination. Dans les pays pauvres, des millions d’enfants meurent encore chaque année de ces maladies.

Cette iniquité est une des plus grandes injustices du monde.

Il faudrait vraiment peu si l’on voulait sincèrement vacciner tous les enfants dans le monde. Il suffirait de quelques voyages en moins dans l’espace. Ce serait bien peu cher payé.

Alors voilà que, pour des raisons parfaitement absconses, la population dans les pays du Nord fait maintenant la fine bouche sur des vaccins qui lui sont offerts gratuitement.

C’est le symbole même de l’hyperindividualisme crasse. Sous prétexte d’avoir le droit de «croire ce que l’on veut», on fait fi de l’intérêt général. Se faire vacciner sert d’abord et avant tout à protéger les autres.

Il y a plusieurs pistes d’action possibles. La première consiste à revenir à de véritables politiques de vaccination obligatoire pour la fréquentation des établissements scolaires. Il ne devrait pas être possible de contourner cette obligation en signant une simple lettre argüant de motifs religieux ou pseudoreligieux.

La France, par exemple, exige que les enfants soient vaccinés pour l’entrée à l’école, sans dérogation possible «sauf contrindication médicale».

Certains trouveront qu’il s’agit d’une mesure qui va trop loin, mais pensons-y un instant. Quand les employeurs, notamment le gouvernement canadien, ont rendu la vaccination de leurs employés obligatoire pendant la pandémie, les tribunaux leur ont donné raison.

La deuxième piste d’action concerne la mobilisation des chefs de file cultuels pour que l’argument religieux ne soit pas utilisé à des fins d’évitement de la vaccination.

La troisième piste, plus radicale certes, mais très séduisante, a trait à un aspect pécuniaire et repose sur une logique simple. Si une personne refuse de faire vacciner son enfant, elle doit payer une taxe (quand le gouvernement du Québec avait proposé une telle taxe pour le vaccin contre la COVID, avant de faire marche arrière, les sondages montraient qu’une forte majorité de Québécois appuyaient cette idée).

Les sommes perçues par cette taxe seront entièrement affectées à l’achat de vaccins pour les enfants des pays pauvres.

Selon l’OMS, 33 millions d’enfants africains doivent être vaccinés d’ici à 2025 pour atteindre «les objectifs mondiaux de vaccination pour 2030, notamment la réduction de la morbidité et de la mortalité dues aux maladies évitables par la vaccination».

Aurélie Lacassagne est politicologue de formation et doyenne des facultés de Sciences humaines et de Philosophie de l’Université Saint-Paul à Ottawa. Elle est membre du Comité de gouvernance du Partenariat Voies vers la prospérité.

La dernière année n’a pas été de tout repos pour la ministre Petitpas Taylor. Au moment du dépôt du projet de loi C-13 modernisant la Loi sur les langues officielles, le 1er mars 2022, peu de personnes s’attendaient à ce qu’un an plus tard, cette mesure législative ne soit toujours pas adoptée.

Après plusieurs retards, et des débats parfois houleux, l’examen du projet de loi au Comité permanent des langues officielles s’est enfin conclu le 31 mars dernier. Le texte de loi pourra maintenant faire l’objet d’un troisième et dernier vote aux Communes avant d’être envoyé au Sénat.

L’élément qui a permis en grande partie de faire débloquer les travaux est une entente entre les gouvernements du Canada et du Québec concernant une série d’amendements sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale.

Au départ, le gouvernement québécois souhaitait que les entreprises situées au Québec soient obligatoirement assujetties à la Charte de la langue française du Québec. Ce ne sera pas le cas. Toutefois, les amendements adoptés font en sorte que le projet de loi C-13 comprend désormais des obligations très similaires à la législation québécoise sur ce sujet.

La ministre Petitpas Taylor et le ministre québécois de la Langue française, Jean-François Roberge, ont tous deux mis de l’eau dans leur vin pour trouver un terrain d’entente plutôt que de rester campés sur leur position de départ.

Dans une époque marquée par le cynisme en politique, ce type d’entente est un vent de fraicheur. Ce sont les francophones de partout au pays et la langue française qui en ressortent gagnants.

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Une stratégie politique à point

En obtenant l’appui du gouvernement du Québec à son projet de loi, la ministre Petitpas Taylor s’assure de son adoption aux Communes.

Sur Twitter, le ministre Roberge a qualifié la version amendée du projet C-13 «d’avancée majeure pour la vitalité du français au Québec et au Canada».

Les troupes de Pierre Poilievre souhaitent faire des gains au Québec lors des prochaines élections fédérales. Ce serait partir d’un bien mauvais pied pour eux que de voter contre un projet qui renforce la protection du français, pas seulement selon les dires des libéraux, mais aussi ceux du gouvernement du Québec.

— Guillaume Deschênes-Thériault, chroniqueur - Francopresse

Des élus conservateurs du Québec se sont d’ailleurs posés à plusieurs reprises en tant que défenseurs des communautés francophones au Canada dans les derniers mois.

Cette entente à caractère historique entre Québec et Ottawa sur la protection du français place le Bloc québécois dans une position délicate. La formation politique exploite généralement à son avantage les désaccords entre les deux ordres de gouvernement, en particulier sur les questions linguistiques ou identitaires.

Après cette sortie du ministre Roberge, il serait aussi malaisé pour les bloquistes de voter contre le projet de loi C-13 sans entacher leur crédibilité.

Un vote contre le projet serait associé à une préférence pour la perpétuation des disputes entre Ottawa et Québec plutôt que la recherche de solution gagnant-gagnant.

Enfin, l’appui des néodémocrates au projet ne fait aucun doute.

Un vote unanime?

Rappelons qu’au cours des derniers mois, ce ne sont pas seulement les partis d’opposition qui ont mis des bâtons dans les roues au gouvernement dans le dossier de la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Des députés libéraux montréalais ont remis en question publiquement le projet de loi au nom de la protection de la minorité anglophone du Québec.

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Le premier ministre Justin Trudeau devrait imposer la ligne de parti à l’ensemble de son caucus. Il s’agirait d’une reconnaissance du travail accompli par la ministre Petitpas Taylor, qui a mené à bien un engagement électoral du Parti libéral.

De plus, un vote unanime de la Chambre des communes sur le projet de loi C-13 aurait une forte portée symbolique quant à l’importance des langues officielles au Canada. Il serait malvenu que les seuls votes défavorables à ce projet proviennent des rangs des libéraux.

Des fonds supplémentaires pour les langues officielles

Par un concours de circonstances, quelques jours avant la fin des travaux en comité entourant C-13, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a dévoilé le budget fédéral de 2023.

Ce budget prévoit une enveloppe de 1,1 milliard de dollars supplémentaires pour les langues officielles au courant des cinq prochaines années.

Les détails concernant ces nouveaux investissements seront dévoilés lors du dépôt du Plan d’action pour les langues officielles, prévu en principe d’ici la fin avril. Une partie de ces fonds pourrait aussi être consacrée à la mise en œuvre de la loi modernisée.

Pour la ministre Petitpas Taylor, l’obtention de fonds supplémentaires dans cet exercice financier est un autre bon coup. Il s’agit certainement du fruit d’un important travail en coulisses pour s’assurer que les langues officielles obtiennent leur part du gâteau.

NOTICE BIOGRAPHIQUE

Guillaume Deschênes-Thériault est doctorant en science politique à l’Université d’Ottawa. Il détient un baccalauréat de l’Université de Moncton et une maitrise de l’Université d’Ottawa. Dans le cadre de ses recherches, il s’intéresse aux communautés francophones en situation minoritaire, avec un intérêt particulier pour l’enjeu de l’immigration. Depuis mai 2021, il est conseiller à la municipalité de Kedgwick au Nouveau-Brunswick.

Je ne répèterai pas les énormités et les mensonges qui servent à soutenir les mouvements antitrans ni les calomnies qui se répandent. Je rappellerai plutôt que les personnes trans ont toujours existé, même si leurs modalités d’expression et de compréhension de leur genre ont pu changer au fil des époques et des cultures.

Toutefois, leur présence au sein de la société canadienne n’est souvent soulignée publiquement que par une participation mitigée à la journée du souvenir trans, qui marque la violence inouïe à laquelle les personnes trans sont exposées, ou encore à la journée de la visibilité transgenre, visibilité qui peut d’ailleurs ouvrir à de nouvelles menaces lorsqu’elle ne s’accompagne pas de davantage de mesures pour assurer leur sécurité.

Comme l’explique la militante et autrice Lexie, «[o]n ne voit pas les personnes trans, on voit ce qui intéresse les personnes cisgenres sur les personnes trans» : les questions «choquantes», les suicides, les assassinats.

Être visible dans un contexte où la violence demeure encore plus présente que pour la plupart des autres catégories sociales reste un danger ; mais n’être visible que par ces dangers ne contribue pas à faire connaitre les diverses manières de vivre et de comprendre le genre qui ont pu exister au fil de l’histoire. Il en faut encore davantage pour appuyer les personnes trans, qu’elles soient jeunes ou vieillissantes.

Le Canada peut-il répondre à la situation américaine?

La mécompréhension et la haine n’existent pas que du fait de l’ignorance.

Aux États-Unis, une jeune personne trans sur quatre vit dans des États où les soins d’affirmation de genre ont été bannis, et une autre sur les mêmes quatre risque de perdre l’accès à ces soins. Dans certains cas, un enfant trans pourrait même être enlevé à ses parents.

Ces lois et projets de loi sur les soins de santé ne représentent qu’environ un quart des mesures législatives qui visent les personnes trans ou non conformes au genre.

Notons que si certains États – comme le Minnesota – avancent dans la direction opposée, se présentant même comme États refuges pour les personnes trans et leur famille, il est loin d’être certain que ces mesures suffiront à les protéger.

Heureusement, la situation est tout autre au Canada.

Une loi adoptée en 2017 a rendu illégale la discrimination ainsi que la propagande haineuse sur la base de l’identité ou de l’expression de genre, et fait des préjugés et de la haine en relation au genre, une circonstance aggravante lorsqu’un crime est commis.

Afin d’étendre ces protections aux populations des États-Unis et du Royaume-Uni, où des mesures législatives similaires à celles des États-Unis sont en cours de préparation, une pétition a récemment été lancée afin de faciliter l’accès au statut de réfugié pour les personnes trans de ces pays jugés sécuritaires – et de tout pays.

Mais même si, à terme, la pétition pourrait mener à des mesures législatives, il faudra plusieurs changements pour offrir un refuge aux Américains et Américaines, qui se le voient refuser la plupart du temps.

Le Canada répond-il à sa propre situation?

Notons toutefois que l’état des choses au Canada est loin d’être si propice à une bonne vie pour les personnes trans et plus largement pour les communautés de la diversité sexuelle et de genre.

Les délais demeurent longs pour avoir accès aux chirurgies d’affirmation de genre : il faut environ deux ans simplement pour avoir accès aux cliniques spécialisées de Montréal et de Vancouver – les deux seules au pays. Les personnes réfugiées 2ELGBTQIA+ ne reçoivent pas le soutien nécessaire pour surmonter les obstacles posés par une discrimination qui demeure bien réelle.

Cette discrimination s’étend aux soins de santé – et même au système juridique, qui devrait pourtant servir à l’enrayer.

Une campagne est en cours pour influencer les conseils scolaires et les conseils d’école, voire prendre leur contrôle afin d’empêcher l’enseignement des connaissances liées au genre et à la sexualité.

Et on voit aussi au Canada une augmentation du nombre de crimes haineux commis contre les personnes trans, en particulier et plus généralement contre les personnes 2ELGBTQIA+.

Comment savoir?

Ces remises en question des connaissances qui ont été développées au sein des milieux médicaux ainsi que les communautés de la diversité sexuelle et de genre sèment la confusion et la haine. Elles contribuent à réduire l’appui pour les mesures qui visent à protéger les personnes trans et pour les programmes qui cherchent à démanteler les obstacles aux services dont profite déjà le reste de la population (pensons au traitement hormonal substitutif).

C’est ainsi qu’une centaine de personnes se sont exprimées à Saskatoon sur la question de l’accès aux toilettes : on y a créé un débat qui fait place autant aux perspectives informées qu’à celles qui sont la conséquence de préjugés et de l’incitation à la haine.

Pourtant, y a-t-il mieux comme spécialistes de ces enjeux que les personnes qui vivent une vie trans, c’est-à-dire qui ont eu à se questionner, à faire des essais, à se renseigner, à théoriser, à échanger avec leurs proches, à créer de nouvelles relations ; qui ont dû tenir ferme souvent devant l’abandon par leurs proches ou encore devant le harcèlement, la perte d’emploi, les menaces, la violence subie, la mort violente des autres personnes trans?

Il faut ainsi célébrer la création d’un programme de mentorat par les pairs à Regina (notamment grâce au soutien de l’entreprise bilingue Ivy + Dean Experts-Conseils) ou encore l’embauche (en 2017) du professeur transgenre Alexandre Baril à l’Université d’Ottawa.

Avec le succès de la littérature trans, on peut également se tourner vers le roman de Gabrielle Boulianne-Tremblay ou encore les recueils de poésie de Pascale Bérubé et de Xavier Gould, dans lesquels ces artistes littéraires explorent tant les réalités vécues que leurs espoirs.

Jérôme Melançon est professeur agrégé en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont «La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie» (Metispresses, 2018).

Dans certaines communautés du Népal, par exemple, les femmes sont contraintes de s’exiler dans une hutte à l’écart du village durant toute la durée de leurs règles. Une pratique dangereuse interdite par la loi, mais qui semble perdurer, hélas, dans certaines régions reculées.

Cette notion d’impureté se retrouve dans la plupart des religions, qui ont interdit ou interdisent encore l’accès de leurs lieux sacrés aux personnes menstruées.

Plus proche de nous, un sondage américain montre que plus d’une femme sur deux se sent honteuse pendant ses règles, et qu’une sur dix a déjà été humiliée par un membre de sa famille à ce sujet.

Au Canada, un récent rapport révèle qu’à peine 46 % de la population se sent à l’aise de parler ouvertement de menstruations. Les jeunes filles apprennent d’ailleurs vite à utiliser des métaphores pour désigner leurs règles : avoir ses «ragnagnas» ou «être dans sa semaine», par exemple.

Même les publicités pour protections hygiéniques évitent soigneusement de décrire les menstruations, préférant souvent un liquide bleu jugé moins choquant.

Si ces pratiques peuvent sembler inoffensives, elles renforcent l’idée que les règles sont quelque chose de sale, dont on ne peut parler en public – une stigmatisation qui puise ses origines dans le patriarcat et qui vise à contrôler le corps des femmes en les obligeant à se plier à certaines normes sociales.

Cette stigmatisation entraine un retard dans les connaissances et un manque d’information quant à la santé menstruelle, tant parmi le grand public que chez les spécialistes. Elle peut se traduire par des jours d’école et de travail manqués, des infections et des grossesses non désirées.

Les maladies liées aux menstruations sont elles aussi régulièrement passées sous silence ou ignorées. Par exemple, on a découvert qu’au Canada, plus de 500 000 femmes, soit 7 % des Canadiennes, souffrent d’endométriose, un trouble courant qui cause des douleurs menstruelles intenses, des crampes, des règles abondantes et l’infertilité.

Vu que cette maladie est méconnue, il faut généralement plus de cinq ans avant que les femmes obtiennent un diagnostic, ce qui les prive d’un traitement approprié.

La stigmatisation des règles peut également avoir des répercussions économiques et pratiques. Suivant les produits menstruels choisis, les dépenses à l’échelle d’une vie peuvent atteindre 5 000 $ pour les personnes menstruées, et ce, sans compter les éventuels médicaments contre la douleur et les lessives supplémentaires nécessaires.

Des couts que tout le monde ne peut pas se permettre : une enquête a montré qu’une personne menstruée sur cinq au Canada a du mal à s’offrir les produits hygiéniques dont elle a besoin, et que 34 % des Canadiennes ont déjà dû sacrifier quelque chose dans leur budget pour pouvoir s’offrir des produits menstruels.

Ce phénomène porte un nom : la précarité menstruelle. Elle a d’importantes répercussions psychologiques, sociales, scolaires et professionnelles, notamment en raison du double tabou des règles et de la précarité.

Pour pallier ce problème, en Écosse, des tampons et serviettes hygiéniques sont offerts gratuitement depuis 2022 à toutes les personnes qui en ont besoin, grâce à l’entrée en vigueur d’une loi contre la précarité menstruelle.

Au Canada, dans certaines provinces, comme en Colombie-Britannique, en Ontario et en Nouvelle-Écosse, les établissements scolaires distribuent gratuitement des produits menstruels aux élèves.

Il est grand temps que d’autres provinces emboitent le pas. Que les personnes puissent avoir accès à des informations claires et précises sur leur santé et leur corps, et qu’elles n’éprouvent aucune gêne à parler de leurs règles.

Julie Gillet est directrice du Regroupement féministe du Nouveau-Brunswick. Ses chroniques dans Francopresse reflètent son opinion et non celle de son employeur.