le Dimanche 11 mai 2025

Les gains du Parti libéral du Canada à l’élection fédérale de 2025, en comparaison avec celle de 2021, proviennent avant tout d’un vote stratégique et d’une absence de fidélité des électeurs et électrices de centre-gauche.

Le taux de participation est passé de 62,6 % en 2021 à 68,65 % en 2025, une augmentation normale pour une élection qui n’est pas jouée à l’avance. Ce n’est toutefois pas en convainquant davantage de personnes à voter que les libéraux et les conservateurs ont augmenté leur part du vote qui est passée respectivement de 32,6 % à 43,7 % et de 33,7 % à 41,3 %.

La plus grande part des nouveaux votes pour le Parti libéral viendraient des voix qui se seraient autrement exprimées pour le Nouveau Parti démocratique (NPD), dont la part des suffrages est passée de 17,8 % en 2021 à 6,3 %.

Notons aussi une chute moins dramatique pour le Parti vert (de 2,3 % à 1,2 %) et pour le Bloc québécois (de 7,6 % à 6,3 %). Ces pourcentages suggèrent un déplacement de ces votes vers les libéraux. Pris ensemble, ces trois partis ont perdu un peu plus de 2 millions de votes, tandis que le parti mené par Mark Carney en a gagné un peu plus de 3 millions.

Or, seulement 2 373 202 personnes de plus ont voté lors de cette élection fédérale. Les conservateurs ont gagné un nombre de votes très proche de cette augmentation.

À lire : Élection fédérale : Une course à deux se termine par une victoire des libéraux de Mark Carney

Un mouvement conservateur à son apogée?

On a mentionné que Pierre Poilievre a donné aux conservateurs le plus haut pourcentage du vote depuis l’époque de Brian Mulroney, qui avait atteint 50 % en 1984. En comparaison, en 2011, Stephen Harper avait pu former une majorité avec 39,6 % du vote populaire.

Le Parti conservateur a réussi à reprendre une grande partie des voix qui s’étaient tournées vers le Parti populaire du Canada; qui est lui passé de 5 % à 1,7 % des votes. Pierre Poilievre y est arrivé en canalisant le mécontentement contre les libéraux, certes, mais aussi en reprenant plusieurs de ses politiques et en se radicalisant encore plus à droite.

Or, tandis que les libéraux ont plus ou moins maintenu le cap en matière de politiques depuis des décennies, on ne peut comparer le Parti conservateur d’aujourd’hui et le Parti progressiste-conservateur de Brian Mulroney.

Les échecs constitutionnels de ce dernier ont mené à la création du Bloc Québécois. C’est aussi contre ce Parti progressiste-conservateur que s’est dressé le Parti réformiste. Celui-ci a pu grandir suffisamment pour avaler l’ancien parti, l’intégrer et le digérer.

Tandis que Stephen Harper cherchait à courtiser le centre-droit – il aurait sans doute conquis bon nombre des personnes qui ont voté pour Mark Carney – le Parti conservateur ne tente plus de faire taire l’extrême-droite en son sein. Même le chef conservateur Erin O’Toole avait expulsé un membre important du parti pour avoir proféré des propos haineux.

Sous le leadeurship de Pierre Poilievre, les proches du «Convoi de la liberté» trouvent ainsi leur place au sein du parti. La campagne électorale conservatrice s’est rapprochée, dans une certaine mesure, des slogans et de la vision des groupes suprémacistes blancs.

Le parti s’est rapproché des réseaux qui propagent des théories du complot, dont certains réseaux religieux, et a bénéficié de leurs attaques contre Mark Carney. Si bien que la victoire libérale est déjà remise en cause par certaines personnes… par le biais de fabulations.

Entre le travail fait par les théories du complot, une forte organisation bien éprouvée pendant le «Convoi de la liberté», des réseaux de communication et des organes de désinformation comme Rebel News, le Parti conservateur a tous les atouts de son côté. Il ne cherche plus à prendre ses distances de ce mouvement qui l’a presque porté au pouvoir.

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Le Nouveau Parti démocratique, principal parti politique de gauche au Canada, n’a pas fait élire assez de députés pour être reconnu comme un parti officiel lors de l’élection. Le chef Jagmeet Singh, qui n’a pas été élu dans sa circonscription, a démissionné de son poste le soir même. 

Photo : Wayne Polk – Flickr CC BY-NC 2.0

Une gauche en fin de déclin?

À moins qu’une autre situation tout aussi opportune n’émerge lors du prochain scrutin, les libéraux ne pourront pas répéter leur victoire à l’arraché. Ils devront créer un soutien qui ira plus loin que la peur de Trump et d’un trumpisme canadien.

Le parti devra choisir entre une orientation vers la droite – et ce groupe instable que forment les «torys rouges» et les «libéraux bleus» – ou vers la gauche, qui l’a porté au pouvoir pour bloquer le mouvement conservateur.

Le vote stratégique pourrait avoir des conséquences à long terme pour les politiques sociales et environnementales. Après tout, les libéraux ont pu se faire élire malgré leur silence sur certaines questions, une diminution de la place des femmes et du genre au sein du gouvernement, ainsi qu’une position hostile aux politiques environnementales.

Malgré un appui somme toute considérable pour ses positions politiques, le NPD n’arrive pas à convaincre les mouvements sociaux. Il a perdu le soutien des syndicats et du monde ouvrier. Sans un appui ferme de ces électeurs, le vote stratégique pour le choix «le moins pire» est plus tentant.

La gauche citoyenne qui se préoccupe peu de la politique se trouve devant un dilemme en matière électorale, aux côtés de ses activités au sein de la société civile. Doit-elle travailler au renouvèlement du NPD et risquer une prochaine victoire conservatrice si les libéraux n’arrivent pas à former le gouvernement?

Ou pourrait-elle plutôt militer pour tirer le Parti libéral vers la gauche et enfoncer le clou dans le cercueil d’un parti qui semble parfois moribond et qui a, jusqu’à présent, évité toute perspective de renouvèlement?

Jérôme Melançon est professeur titulaire en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent généralement sur les questions liées à la coexistence, et notamment sur les pensionnats pour enfants autochtones, le colonialisme au Canada et la réconciliation, ainsi que sur l’action et la participation politiques. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).

La petite oasis francophone de Kristen Martell

Autrice-compositrice-interprète de Mahone Bay en Nouvelle-Écosse, Kristen Martell a voulu se rapprocher de ses racines acadiennes avec son quatrième opus, Allume mon courage.

Elle a lancé cet album francophone avec son univers folk rempli de nostalgie à la fin de mars 2025. Tout en douceur, on est séduits par des textes puissants qui nous interpellent sur la fragilité du cœur, les souvenirs parfois heureux, parfois douloureux. Les orchestrations folks aux allures pop sont irrésistibles. Les guitares et le piano sont souvent maitres du jeu et très accrocheurs.

Avec sa voix un peu mielleuse, Kristen Martell charme l’oreille tout au long des six chansons. Comment c’était avant dévoile toute la pureté de sa voix. La pièce titre, Allume mon courage, est un excellent exemple de la richesse de son timbre. L’autrice-compositrice-interprète termine son album avec une superbe version instrumentale de la pièce-titre.

Petite oasis francophone dans la carrière anglophone de l’artiste, ce nouvel album réussit à séduire. Avec beaucoup de musicalité et de justesse dans la voix, la Néoécossaise livre un produit fort réussi qui nous caresse tendrement. Allume mon courage est un univers exceptionnel auquel il faut tendre l’oreille.

Kristen Martell : Allume mon courage
Album : Allume mon courage

Réfléchir à sa protection

L’auteur-compositeur-interprète fransaskois Étienne Fletcher revient avec un quatrième album, cette fois sur le thème de l’espoir d’un monde meilleur où chaque être humain a droit à la liberté d’expression. Il s’inspire de l’extinction des kauaʻi ʻōʻō, une espèce d’oiseau qui vivait sur l’une des iles d’Hawaii, pour décrire le danger de perdre son identité, sa langue.

L’une des chansons maitresses de cet album, Poète, est une quête de vérité. Elle nous invite à tendre davantage l’oreille aux poètes, qui font souvent appel à la fraternité.

Tout au long de ce disque, Étienne Fletcher prêche pour l’espoir et l’importance de la liberté d’expression pour un monde meilleur. Il nous interpelle sur la peur du non-respect, de la différence, de l’incompréhension de l’autre.

Parmi les chansons qui composent cet album, il y a Assis-toi et À quoi on joue?, deux merveilleuses pièces qui soulignent le besoin de garder en soi l’espoir d’arriver à créer un monde meilleur. Étienne Fletcher nous invite aussi à prendre le temps de respirer et de réfléchir à l’essentiel avec Pas le temps.

Berceuse pour Riel tire sa puissance dans le non-dit. Cette trame instrumentale au piano accompagne les mots d’un enfant qui parle seulement en anglais. L’artiste montre ainsi l’importance de se battre afin de garder le français vivant.

Avec des pièces parfois énergiques et d’autres plus en douceur, l’auteur-compositeur-interprète lance un appel au recueillement et à l’écoute de soi afin de prendre la place qui nous revient. L’intériorité des mélodies vient appuyer la puissance du message. Kauai O’o offre un univers musical captivant pour un message important.

Étienne Fletcher : Kauai O’o
Album : Kauai O’o

Plus de victoires que de défaites

Il y a un an déjà, Paul Cournoyer, auteur-compositeur-interprète originaire de Calgary, proposait un deuxième opus solo, Victoires et défaites.

Le bassiste franco-albertain y résume l’ensemble de ses expériences sur 11 plages à saveur folk rock et pop rock où les jeux de guitare et les trames de piano sont des éléments importants qui sont à l’origine de la séduction.

Avec des orchestrations solides, une voix tout en douceur et des textes profonds, l’artiste propose des thèmes comme l’essentiel, la vérité, l’intégrité et le moment présent.

La profondeur des orchestrations n’a d’égale que celle des textes. La plume de Paul Cournoyer ramène à l’essentiel, au moment présent et à l’intégrité.  

L’album a ses moments forts, entre autres la pièce C’est bien comme ça, qui nous rappelle que l’on peut faire plusieurs détours, mais que l’important c’est soi-même. Parfois est une superbe balade sur l’avenir et l’inconnu, alors que l’artiste visite l’univers blues pour parler de nos racines et de notre destin avec Ça coule dans notre sang.

La pièce-titre, Victoires et défaites, rappelle qu’il y a toujours un prix à la réussite, à la victoire.

Paul Cournoyer : Victoires et défaites
Album : Victoires et défaites

Marc Lalonde, dit le Lalonde des ondes, est chroniqueur musical depuis plus de 25 ans et animateur de l’émission radiophonique Can-Rock. Il se fait un malin plaisir à partager la richesse musicale francophone dans 16 stations de radio partout au pays chaque semaine.

Au Yukon, Julian plonge dans un lac gelé avant de concocter des pâtes fraiches. Dans le Nord de l’Ontario, Audrey-Anne pêche sur la glace et joue du ukulélé, tandis que sur la Côte-Nord, au Québec, Shapatu monte sur scène avec une pièce de théâtre innue.

KAPSUR fait le pari de faire découvrir le Canada francophone hors des sentiers battus, à travers le quotidien de 20 jeunes, qui partagent leurs passions, leurs émotions et leur attachement profond à leur territoire, mais aussi à leur langue.

Chaque épisode revient aussi sur l’histoire et la géographie de chaque lieu, ou sur les légendes autochtones qui les peuplent, avec en bonus des jeux-questionnaires ludiques et des capsules.

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Sortir des sentiers battus, en français

Au gré des saisons et d’un océan à l’autre, KAPSUR nous plonge dans une mosaïque de personnages inspirés et inspirants, et ça fait du bien. Loin des discours pessimistes de déclin du français, de jeunes derrière leurs écrans ou d’assimilation, la série dresse un portrait encourageant de la francophonie d’aujourd’hui et de demain.

Qu’ils soient originaires du Canada, du Maroc, de France, d’Ukraine ou du Burundi, ces jeunes dessinent une francophonie loin des statistiques et des grandes villes.

Cout de la vie, postsecondaire, enjeux autochtones : l’immersion n’élude pas les défis auxquels ils font face, parfois contraints de travailler quelques jours par semaine pour financer leurs études.

La série se regarde sans effort, à tout âge, avec en bonus de superbes images qui donnent envie de voir du pays!

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Audrey-Anne, 15 ans, vit à Dubreuilville, en Ontario, entre son travail, la musique, la motoneige, les descentes en luge à toute vitesse et la pêche sur glace en famille. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

Shapatu est un jeune artiste innu qui vit dans le nord du Québec. Entre radio, théâtre et musique, il partage ses passions et la vie de sa communauté. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

Julian vit à Whitehorse, au Yukon, entre descentes sur la neige, concoction de pâtes maison et plongée en eaux glacées. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

Holy-Grace vit à Ponteix, en Saskatchewan, entourée de ses amis, de son trampoline et des découvertes au cœur de la ferme. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

Romie, vit à Blind River, sur les rives du lac Huron, en Ontario. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

KAPSUR

Deux nouveaux épisodes sont diffusés chaque mardi sur TFO. Toutes les capsules restent disponibles sur la plateforme.

Pas toujours facile de trouver l’âme sœur sur l’asphalte. Proche cousine de L’amour est dans le pré, la téléréalité Cœur de trucker suit quatre camionneurs et camionneuses en quête d’une personne avec qui partager leur quotidien atypique, sur les routes du Québec, de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick, en passant par la Nouvelle-Écosse.

Dans cette troisième saison, toujours animée par l’humoriste québécois P-A Méthot, on suit Jérémie (28 ans), Josiane (24 ans), Nathalie (52 ans) et Christian (41 ans) lors de leur première date, leurs interrogations, et, surtout, leur passion.

«Un métier de pauvre et un métier dur»

Jérémie, veuf et orphelin depuis peu, ne lâcherait son bolide pour rien au monde. Pourtant, son père, lui-même amateur de moteur, a toujours espéré qu’il ne deviendrait pas camionneur, «parce que c’était un métier de pauvre et un métier dur», disait-il à la mère de Jérémie. Le décor est planté.

Dès les premières minutes, accompagnées de riffs de guitare électrique et d’une voix off dramatique façon doublage de téléréalité américaine, on redoute le pire. Et pourtant, que nenni! Derrière ses airs de téléréalité calibrée pour les initiés, Cœur de trucker se révèle vite être un concentré de sensibilité et d’authenticité.

Car derrière leur carapace, ces aventuriers et aventurières de la route cachent des parcours de vie parfois émouvants. L’occasion aussi de déconstruire au passage quelques clichés qui collent à ce métier indispensable à l’économie canadienne.

Un peu comme certains prétendants et prétendantes, on plonge dans un monde dont on ne connait pas forcément les codes, mais un monde qui a beaucoup à nous apprendre.

Loin des émissions cantonnées aux grandes villes et à leur public citadin, Cœur de trucker bifurque vers d’autres chaussées, où résonnent différents accents et réalités. Comme pour nous rappeler que la vie, avec ses virages serrés et ses nids-de-poule, reste un long trajet où chaque détour a son histoire. À voir si l’amour sera au rendez-vous…

La troisième saison de Cœur de trucker est diffusée tous les jeudis à 21 h sur Unis TV et reste disponible sur TV5Unis, comme les deux éditions précédentes. L’émission comprend dix épisodes de 60 minutes, réalisés par Stéphane de Grosbois.

Des couches transformées en litière, une piste de ski sur le toit d’une centrale ou de vieux néons recyclés : dans la nouvelle saison d’Espèces d’ordures, l’animateur Frédéric Choinière poursuit son tour du monde des poubelles.

À Dakar, Paris, Bogota, Las Vegas ou encore Montréal, cette série documentaire va à la rencontre de celles et ceux qui innovent, recyclent et bousculent les mentalités, comme cet «homme plastique» sénégalais ou ce tiktokeur éboueur parisien, qui lâche un «j’en ai marre de marcher dans la merde» bien senti.

Ce dernier met en garde contre les micros-déchets, et pour cause : à Paris, 4 millions de mégots de cigarette sont ramassés chaque jour.

À la recherche des bacs de recyclage à Las Vegas – quasi inexistants –, on réalise aussi à quel point les mentalités peuvent être différentes d’un bout à l’autre de la planète.

Néanmoins, Espèces d’ordures prouve que, face à la montagne de déchets que nous produisons dès la naissance, chacun et chacune peut agir. Un tour du monde ludique, humain et nécessaire.

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Les 10 épisodes sont diffusés les mardis à 19 h depuis le 22 avril sur TV5. Ils sont aussi disponibles sur TV5Unis.

René Arseneault, député libéral sortant de la circonscription Madawaska—Restigouche au Nouveau-Brunswick, Alupa Clarke, député conservateur de la circonscription de Beauport—Limoilou au Québec de 2015 à 2019, et Carol Hughes, députée néodémocrate sortante de la circonscription d’Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, répondent aux questions de la journaliste parlementaire Inès Lombardo.

Les trois personnalités politiques ont discuté du débat sur les enjeux en francophonie minoritaire, de l’incidence de Donald Trump sur la campagne et des observations qu’elles ont faites dans leur coin de pays au cours des dernières semaines. Les échanges sympathiques les ont même menées à féliciter ou à critiquer les autres partis tout autant que le leur.

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Le débat a réuni à Ottawa des représentants des cinq principaux partis politiques.

Pendant une heure, ils ont débattu d’un grand nombre de sujets : seuils d’immigration, santé et places dans les garderies bien entendu, mais aussi fonction publique, traduction, médias, commissaire aux langues officielles, financement des petits établissements universitaires, ayants droit, réconciliation avec les communautés autochtones (et gouverneure générale), etc.

Alors que toute notre attention est accaparée par la question de l’incertitude économique et des relations commerciales avec les États-Unis, le Canada est pourtant confronté à d’autres défis, à commencer par la question de la protection, si ce n’est de la survie, des communautés francophones partout au pays.

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Un débat très animé

Le moins que l’on puisse dire c’est que ce débat a été très animé.

À plusieurs reprises, les candidats parlaient en même temps, ne se gênant pas pour interrompre leurs adversaires ou pour parler plus longuement que le temps qui leur avait été alloué.

Le débat sur la francophonie a été animé, mais en fin de compte, les réponses à chaque question livraient plus une promesse similaire des beaux jours à venir. 

Photo : Olivier Plante – Radio-Canada

La vivacité des échanges pourrait donner l’impression que les choses vont mal et il faut y remédier le plus rapidement possible. D’ailleurs, n’est-ce pas ce que l’on entend lorsque l’on parle de francophonie au Canada? La population francophone est en déclin. L’offre des services en français aussi. Des communautés disparaissent.

Pourtant je n’ai pas perçu que les partis politiques partageaient ce sentiment d’inquiétude, pour ne pas dire d’urgence. J’y ai plutôt vu un large consensus.

À lire : Campagne électorale : les circonscriptions et les enjeux francophones à suivre

Une réponse à tout

Si on leur avait posé la question «Trouvez-vous que les choses vont bien en matière de francophonie?», je pense bien que tous les candidats, peu importe leur affiliation politique, auraient plutôt répondu oui.

Car les réponses fournies à la plupart des questions étaient essentiellement les suivantes : oui, il y a des défis, mais on fait des efforts qui vont éventuellement donner des résultats.

Oui, des seuils d’immigration francophone sont difficiles à atteindre, mais on s’améliore et on y parviendra. On va même les augmenter.

Oui, l’offre et la qualité des services de santé et d’éducation laissent à désirer, mais soyez patients, car la main-d’œuvre s’en vient. D’autant plus que l’on va atteindre nos seuils d’immigration.

Oui, le bilinguisme dans la fonction publique fédérale et l’offre de services publics posent problème, mais les règlements internes du gouvernement qui seront bientôt adoptés vont transformer la situation. En plus, on aura un nouveau commissaire aux langues officielles qui aura plus de «mordant» (le mot est revenu souvent lors des échanges).

Oui, on est d’accord, l’intelligence artificielle ne peut pas remplacer des traducteurs, alors on va faire les ajustements nécessaires en donnant plus de ressources.

Oui, plusieurs médias francophones risquent de devoir cesser leurs activités bientôt, mais on est en train de mettre au pas les géants du Web.

Oui, la survie des petites universités est en péril, mais le financement sera éventuellement au rendez-vous.

Bref, toutes les réponses fournies par les candidats reprenaient essentiellement le même argument : il manque actuellement d’argent et de ressources humaines (la main-d’œuvre), mais on va investir plus et ça donnera des résultats.

À lire : Les finances des organismes francophones toujours dans le rouge

Élection fédérale 2025

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du point de vue de la francophonie canadienne.

Si les choses étaient aussi faciles…

Mais ce raisonnement est profondément fallacieux. À répéter sans cesse que les problèmes se résorberont lorsqu’il y aura plus d’argent, on confine d’emblée les communautés linguistiques les plus vulnérables à être dans une position perpétuelle de demandeurs. Elles sont ainsi à la merci du bon vouloir des bailleurs de fonds.

Mais ça fait des années que les communautés linguistiques minoritaires demandent ces ressources, sans obtenir de réels résultats.

La solution n’est tout simplement pas là. Elle passe par une refonte des modèles de gouvernance. Les francophones doivent avoir une place dans les centres de décisions, là où les véritables enjeux font l’objet de discussions.

Ils doivent, par exemple, être présents dans les conseils d’administration des établissements de santé, du milieu scolaire – de la petite enfance à l’université –, et rendre compte de leurs actions aux communautés qu’ils représentent.

Ils doivent pouvoir se prononcer et même approuver les choix du diffuseur public (Radio-Canada) et pour les autres médias (le CRTC), aussi sur les orientations de la fonction publique (que ce soit à propos du commissariat aux langues officielles ou des décisions du secrétariat du Conseil du trésor, l’employeur de la fonction publique fédérale).

Bref, la francophonie canadienne doit être traitée comme un décideur de politiques publiques de plein droit.

Si on devait s’en convaincre, il n’y a qu’à observer l’influence qu’a eue la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) durant le débat. À de nombreuses reprises, ses propositions ont été mentionnées par les candidats. Voilà qui illustre bien l’importance de recevoir des avis des communautés francophones.

À une exception près, aucun parti n’a présenté de telles solutions lors de ce débat. L’exception a été le Bloc québécois, qui a rappelé que les décisions concernant l’avenir du français au Québec devaient être prises par le gouvernement du Québec et non par le gouvernement fédéral.

Cette solution n’aidera évidemment pas les communautés francophones hors Québec.

Commencer par donner l’exemple

Par ailleurs, tous les partis politiques ont manqué une excellente occasion de faire preuve de leadeurship sur l’enjeu de la gouvernance lors du débat.

Aucun des candidats n’était un francophone hors Québec.

Sans enlever aucun mérite aux candidats qui ont participé à ce débat (ils ont tous un CV impressionnant), on ne peut s’empêcher de penser qu’il existe d’excellents candidats francophones de l’extérieur du Québec qui auraient pu prendre part à un débat sur des enjeux qui les touchent directement.

Le débat était le fruit d’une collaboration entre Radio-Canada, les médias écrits membres de Réseau.Presse et Francopresse, qui ont participé à l’élaboration des questions.

Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.

«Le sport, une affaire d’État(s)?» Fin juin 2012, c’était la question posée à tous les candidats et candidates au concours d’entrée d’une prestigieuse école de sciences politiques en France.

Je faisais partie de ces personnes et je me triturais les méninges pour mettre à profit, de la façon la plus pertinente possible, mes connaissances sportives. Dans mes souvenirs, je m’en étais sorti honorablement.

Treize ans plus tard, me revoilà devant ma copie, avec un nouvel exemple pertinent en tête. J’étais devant ma télé pour les deux matchs de hockey entre le Canada et les États-Unis qui se sont déroulés en février à l’occasion de la Confrontation des 4 nations.

Ce minitournoi, organisé par la Ligue nationale de hockey (LNH) pour la première fois cette année pour remplacer le Match des étoiles, s’annonçait plutôt anecdotique. C’était sans compter sur la réélection de Donald Trump et sa nouvelle politique commerciale, qui a mis le feu aux poudres.

D’un seul coup, ces deux rencontres sont devenues une affaire d’États.

À lire : Feuilleton de la Colline : les premiers ministres face à Trump et les candidats libéraux

«C’est plus qu’un sport : c’t’une métaphore de notre sort», chante le groupe de rap québécois Loco Locass dans sa chanson Le but, un hymne à l’équipe des Canadiens de Montréal. La métaphore de la guerre était toute trouvée.

Sur les réseaux sociaux, les deux généraux, Donald Trump et Justin Trudeau, haranguent leurs troupes. Les patinoires sont, elles, transformées en champ de bataille.

Hymne national américain hué et trois échanges de coups de poing en quelques minutes lors de la première rencontre, au Centre Bell, à Montréal, le 16 février. Victoire américaine.

Quatre jours plus tard, pour la finale à Boston, c’était au tour de l’hymne canadien d’être conspué. Le TD Garden a été le théâtre d’une des rencontres les plus intenses de l’histoire. En prolongation, le Canada l’emporte, grâce au joueur de centre Connor McDavid.

Cerise sur le sundae : le micromessage rageur de Justin Trudeau, que l’on imagine préparé avant le match : «Vous ne pouvez pas prendre notre pays – et vous ne pouvez pas prendre notre sport.»

La victoire sportive s’efface devant une autre victoire, symbolique. À nos yeux, ce ne sont pas les joueurs des États-Unis qui ont perdu. C’est Donald Trump et sa politique agressive à notre égard. Ceux que le président nargue en disant qu’ils seraient un bon «51e État» ont battu les 50 autres.

Au lendemain de la victoire, les grands titres des médias étaient très éloquents : «Une victoire du Canada sous le signe de la résistance» (Radio-Canada), «Une victoire pour 40 millions de Canadiens» (Le Journal de Montréal), «Connor McDavid et Jordan Binnington, héros canadiens en prolongation» (RDS).

À lire : La LPHF, lueur d’espoir pour le sport féminin canadien (chronique)

Les Jeux, épicentre des liens entre sport et diplomatie

L’incursion de la géopolitique sur le terrain du sport ne date pas d’aujourd’hui. Ni même d’hier. Dès leur origine, au VIIIe siècle avant Jésus-Christ, les Jeux olympiques étaient une compétition entre États grecs et offraient déjà la fameuse trêve olympique, qui permettait aux participants de traverser sans être inquiétés les zones de conflit.

Depuis le création par les Grecques, les Jeux olympiques sont plus qu’une compétition sportive. 

Photo : Michele Petino – Wikimedia Commons

Dans notre ère moderne, les Jeux olympiques constituent l’épicentre des liens entre sport et diplomatie. De l’opération séduction menée par Adolf Hitler aux Jeux de Berlin en 1936, à la marginalisation des athlètes russes aujourd’hui, les exemples pullulent.

Le plus marquant est sans doute celui de la guerre froide. Le sport a servi de terrain de confrontation directe entre deux superpuissances militaires, idéologiques et sportives.

Aux Jeux de Munich en 1972, l’URSS a battu les États-Unis lors de la finale du tournoi de basketball après une fin de match hautement controversée. Les Américains ont refusé leur médaille d’argent. Huit ans plus tard, les États-Unis ont boycotté les Jeux de Moscou. En 1984, c’est au tour de l’URSS de snober ceux de Los Angeles.

À lire : L’éclipse olympique (chronique)

Mais pourquoi diable le sport, plus que tout autre divertissement, titille-t-il autant notre fierté nationale et fait-il autant ressurgir nos pulsions les plus guerrières?

L’historien Patrick Clastres, que j’avais interrogé à l’occasion du rapprochement diplomatique entre les deux Corées lors des Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang, en 2018, propose un élément de réponse :

Le sport est à l’image des autres formes de culture. Il peut être au service des plus nobles causes ou des pires régimes. Il déchaine des passions plus vives parce que ses expressions sont nationales. Quand on a des compétitions de cinéma ou de littérature, les artistes ne viennent pas avec un maillot aux couleurs du pays. Les créateurs se sont, depuis très longtemps, dégagés de l’impératif national, sauf dans le cas des dictatures. Le monde du sport n’y arrive pas.

— Patrick Clastres

Mais le sport doit-il vraiment s’affranchir de cet impératif? Finalement, laisser nos frustrations et notre nationalisme s’exprimer dans un cadre règlementé et sécuritaire n’est-il pas un moindre mal?

Vous avez quatre heures pour y répondre.

Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.