Le premier ministre Justin Trudeau a demandé au ministre de la Justice, David Lametti, de créer la Stratégie.
Dans sa lettre de mandat de décembre 2021, le premier ministre rappelle au ministre de la Justice et procureur général du Canada, David Lametti, la nécessité de «réformer et moderniser le système de justice pénale, notamment en soutenant des stratégies visant à mettre fin au racisme systémique et à la représentation disproportionnée des Autochtones, des Canadiens noirs et des membres de communautés marginalisées».
Une demande qui fait suite à une déclaration de 2020 du Caucus des parlementaires noirs qui pressait le gouvernement «de mettre en œuvre une stratégie de justice pour les Canadiens noirs en collaborant avec des Canadiens noirs ayant une expérience et une expertise en matière de justice pénale».
Une situation qui ne s’améliore pas
Fernando Belton est membre du Groupe directeur de la Stratégie. «C’est une initiative qui vient de plusieurs constats concernant le système de justice canadien. C’est-à-dire lorsqu’on est en mesure de regarder de quelle façon, au niveau des interpellations et arrestations, le taux des personnes noires versus leur poids dans la population, on retrouve une surreprésentation des personnes noires tous les niveaux de la justice.»
Pour l’avocat, d’importantes disparités raciales et ethniques existent à toutes les étapes de la procédure pénale.
Aussi, d’après les données de l’Enquête canadienne (ESG) de 2019 sur la sécurité des Canadiens (victimisation), environ une personne noire sur 3 (30 %) avait «une perception négative d’au moins un aspect du travail des services de police». Des proportions plus élevées que celles observées chez les non-Autochtones n’appartenant pas à une minorité visible (19 %).
En novembre 2022, un rapport du Bureau de l’enquêteur correctionnel affirmait en outre que «la situation des Noirs dans les pénitenciers fédéraux canadiens ne s’est pas améliorée depuis dix ans».
Le rôle du groupe directeur
«Notre travail est de venir avec des idées sur plusieurs types d’enjeux différents qui touchent la question de la justice pour les personnes noires, explique Me Fernando Belton, membre du groupe. Ensuite, on a la responsabilité de travailler avec les organismes communautaires qui auront à mener des consultations publiques partout au Canada sur ces enjeux-là.»
«On va ensuite travailler avec les auteurs pour peaufiner et alimenter leurs réflexions sur le terrain. On va aussi devoir relire le rapport final et émettre nos suggestions.»
«Racisme antinoir»
Pour Fernando Belton, la surreprésentation des personnes noires dans le système pénal canadien est le visage le plus visible d’un problème social plus grand : le «racisme antinoir», qui structure les rapports entre les personnes racisées et le système de justice criminelle canadien.
Il y a une jurisprudence, et très claire, au niveau de l’action politique, que la source de cela n’est pas seulement la question de criminalisation. Il n’y a pas nécessairement un problème de criminalité au sein des communautés noires, la source vient aussi du racisme antinoir qui existe depuis longtemps au Canada.
On observe aussi un manque de données désagrégées substantielles sur la race ou l’ethnicité, par exemple, en ce qui concerne les interpellations policières.
«Les données nationales ventilées sur l’identité raciale des personnes qui ont des démêlés avec le système de justice pénale demeurent assez limitées, ne sont pas suffisamment déclarées», selon une fiche d’information du ministère de la Justice présentée en décembre 2022.
«Oui, il y a un manque de données à certains égards, consent Fernando Belton. Par exemple au niveau des interpellations routières au Québec. Elles ne sont pas colligées de manière systématique, mais les recherches montrent que le problème des interpellations est réel et perdure depuis longtemps au Canada.»
Mais Fernando Belton veut rester optimiste : «S’il est vrai qu’il y a un manque de données, il faut être conscient que la Cour suprême prend bien soin de le préciser dans plusieurs jugements rendus.»
Les rapports qui traitent de la question de disproportion au niveau des interpellations des personnes noires, au cours des dix dernières années, arrivent toujours aux mêmes conclusions, ce qui amène à croire que c’est un problème qui perdure. C’est un problème beaucoup plus large qui touche l’Amérique du Nord et l’Europe.
Pour l’avocat, «l’ouverture et l’écoute sont là, les fonctionnaires du ministère de la Justice sont à l’écoute de nos réflexions et je pense qu’il y a de la bonne volonté».
«Il faudra rester à l’affut du travail du comité. Après ça, le politique embarque et il aura le loisir de mettre en vigueur nos recommandations», explique-t-il.
58 % des répondantes au sondage âgées de 18 à 54 ans ont déclaré que leur situation financière leur causait des défis de santé mentale.
Des résultats qui n’étonnent pas Nour Enayeh, présidente de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC).
«On sort d’une pandémie et on sait ce que les femmes ont dû vivre pendant cette pandémie, que ce soit de la violence ou la charge mentale. Plus, il y a l’inflation. Je ne suis pas du tout surprise de ce chiffre.»
«Dès qu’il y a une situation financière qui change ou qui baisse, ce sont les femmes qui sont impactées le plus dès le début», poursuit-elle.
L’inégalité salariale toujours d’actualité
En 2022, un rapport sur les écarts salariaux de Statistique Canada révélait qu’entre 1998 et 2021, les femmes canadiennes âgées de 25 à 54 ans «gagnaient 0,89 $ pour chaque dollar gagné par les hommes.» Une différence moyenne de 3,79 $ l’heure.
Pour Nour Enayeh, présidente de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne, il faudrait davantage outiller les femmes pour vaincre les inégalités salariales.
«Les femmes éduquées, les femmes qui se trouvent dans les centres-villes sont moins affectées par cette situation», explique Roger Gervais, professeur agrégé en sociologie à l’Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse. «Les femmes qui travaillent dans des emplois où l’éducation est peu importante gagnent beaucoup moins que les hommes qui travaillent dans des domaines simliaires.»
Une situation qu’observe aussi Sophie Rousseau, chargée de projets au Réseau-Femmes Colombie-Britannique. «Les femmes sont, beaucoup plus que les hommes, amenées à combiner une série de plusieurs emplois qui sont des emplois à temps partiel et qui sont souvent plus précaires, pas permanents, avec moins de protection de syndicats et moins de bénéfices.»
Nour Enayeh de son côté défend la nécessité de «s’assurer qu’on offre des salaires égaux pour les emplois à valeur égale. La présidente de l’AFFC appelle aussi les personnes à s’outiller pour qu’elles réclament des salaires plus adéquats.
«On sait que beaucoup de femmes sont toujours hésitantes à demander des salaires plus élevés de peur de perdre leur travail», constate-t-elle.
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Double journée de travail
Pour Sophie Rousseau, chargée de projet à Réseau-Femmes Colombie-Britannique, en raison de leurs ressources limitées, les femmes ont plus de difficultés à accéder à des soins de santé mentale.
«On n’a pas accès aux soins de santé mentale parce qu’on a des emplois précaires et donc ça se précipite, note Sophie Rousseau. On devient de moins en moins capables de soutenir tout ce surmenage et cette charge mentale et on finit par être malades, perdre son emploi et là, tout de suite, c’est immédiat, ça prend un mois et on a perdu son logement parce qu’on ne peut plus payer son loyer», analyse-t-elle.
«On a beaucoup de femmes qui vivent des crises de santé mentale et qui ne peuvent pas se permettre parce qu’elles ont dans des emplois à temps partiel et précarisé et non syndiqué, sans plan de bénéfice, sans plan d’assurance maladie supplémentaire».
«Les femmes se trouvent souvent à travailler juste pour ne pas perdre leur job et pour payer la garderie. Ce qui impose un stress financier incroyable», observe Sophie Rousseau.
«Il y a surtout le travail qui se poursuit après le travail, à la maison, ajoute Nour Enayeh. La charge mentale, le travail invisible. Beaucoup de travail qu’elles font est non rémunéré. Ça rajoute un poids en plus du stress salarial. Il y a des femmes qui travaillent presque une deuxième journée de travail.»
Le travail non rémunéré à reconnaitre
Dans un rapport de 2021, le Comité permanent de la condition féminine recommande une reconnaissance du travail non rémunéré chez les femmes.
«La répartition inégale du travail non rémunéré peut avoir une incidence négative sur l’égalité entre les sexes ainsi que sur les femmes, notamment en ce qui a trait à leur salaire, à leur participation au marché du travail, à leur avancement professionnel et à leur sécurité financière à diverses étapes de leur vie.»
Le rapport recommande notamment une meilleure collaboration du fédéral avec les provinces et territoire afin de reconnaitre, réduire et redistribuer la responsabilité disproportionnée des femmes au chapitre du travail non rémunéré et de la prestation des soins.
En 2021, Roger Gervais s’est penché sur la question de la double journée de travail pour le compte de la Fédération des femmes acadiennes de la Nouvelle-Écosse (FFANE).
«Pour expliquer la double journée de travail de la femme, une première idée récurrente est liée à la perception que les hommes sont incapables de bien faire le travail domestique et que, pour économiser du temps, c’est plus facile pour la femme de le faire», indique le rapport auquel 49 femmes de la province ont participé.
Selon Roger Gervais, professeur adjoint en sociologie à l’Université Sainte-Anne, les femmes avec peu d’éducation gagnent moins que les hommes qui ont le même niveau d’études.
Selon le chercheur, les perceptions qui existent encore aujourd’hui sur la charge de travail réservée aux hommes et aux femmes à l’extérieur du milieu professionnel trouvent leurs sources profondes dans l’histoire sociale.
«Lorsqu’elles sont arrivées sur le marché du travail, [les femmes] l’ont fait en maintenant le travail à domicile que leurs mères faisaient avant elles. Elles le maintiennent encore aujourd’hui», indique Roger Gervais.
Selon lui, la reconnaissance et la prise de conscience de notre histoire sociale fait partie de la solution. «Il y a une société qui nous influence, et cette société historiquement avait des structures sexistes. Ces structures ont un impact sur moi, ont un impact sur toi, et en même temps ce sont des choix et des comportements, des fois de manière non conscientes et des fois de manière très conscientes qui vont nous faire continuer à reproduire ces structures», déclare-t-il.
Plus sur la francophonie
La ministre des Langues officielles a vu son projet de loi C-13 sur la modernisation des langues officielles passer au Sénat cette semaine.
Lundi, tous les partis de la Chambre des Communes ont voté en faveur du projet de loi C-13 portant la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
La ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor n’a toutefois pas eu l’unanimité au sein de son parti, puisque le député libéral anglo-québécois Anthony Housefather a voté contre le projet de loi.
Selon lui, le texte contient des références à la Charte de la langue française. Ce à quoi l’élu s’était opposé.
Jeudi, le Sénat a entrepris la seconde lecture.
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Le ministre des Transports Omar Alghabra a annoncé mardi la nomination de Mario Péloquin comme président et chef de la direction de VIA Rail Canada Inc., une entreprise assujettie à la Loi sur les langues officielles. Il entrera en fonction le 12 juin prochain.
Ce dernier aurait une expertise de 40 ans dans le secteur du transport.
VIA Rail amorce un virage après la polémique visant Air Canada et son PDG unilingue anglophone Michael Rousseau à la fin de 2021.
À la suite d 39;un processus de sélection ouvert, transparent et fondé sur le mérite, nous annonçons la nomination de M. Mario Péloquin au poste de nouveau président & PDG de @VIA_Rail! Il apportera un large éventail de connaissances & d'expertise au poste.⬇️https://t.co/qxY8cEyLY8
— Omar Alghabra (@OmarAlghabra) May 16, 2023
Cette polémique avait notamment conduit le Bloc québécois à proposer un amendement au Comité permanent des langues officielles pour que les administrateurs ou «tout autre responsable administratif de l’institution fédérale», ainsi que les premiers dirigeants de grandes entreprises assujetties à la Loi sur les langues officielles comprennent le français au moment de leur nomination.
L’amendement avait été appuyé par le NPD, mais rejeté par les libéraux et les conservateurs en comité.
La sénatrice franco-manitobaine Raymonde Gagné est la troisième femme à accéder à la présidence du Sénat dans l’Histoire du Canada.
Vendredi dernier, la sénatrice franco-manitobaine Raymonde Gagné a été nommée présidente du Sénat par la gouverneure générale Mary Simon, sur recommandation du premier ministre Justin Trudeau. Elle succède à George J. Furey, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador, qui prend sa retraite.
Ce dernier a été nommé au Conseil privé du Roi pour le Canada, «en reconnaissance des nombreuses années qu’il a consacrées au service des Canadiens», rapporte le communiqué du bureau du premier ministre.
Raymonde Gagné est la deuxième Manitobaine à occuper ce poste et la troisième femme à être présidente du Sénat. Cela n’avait pas été le cas depuis 44 ans.
Les libertés sous caution réformées et rejet d’une motion sur les seuils d’immigration
Le gouvernement fédéral doit «décourager les passages irréguliers à la frontière par le chemin Roxham et ailleurs» concernant les demandeurs d’asile. C’est l’essence d’un rapport de 13 recommandations déposé mardi par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration (CIMM).
Le document dresse le bilan de 2022, avec «un nombre potentiellement record de 50 000 demandeurs d’asile [qui] auront traversé la frontière du Canada de façon irrégulière», notamment via le chemin Roxham.
Les constats du rapport ont été émis avant l’élargissement de l’Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis. Le 25 mars dernier, les deux pays se sont entendus pour fermer la frontière canado-américaine aux traversées irrégulières et renvoyer les immigrants au poste frontalier le plus proche. Le Canada a affirmé qu’il allait recevoir toutefois 15 000 migrants réguliers en provenance des pays des Amériques.
Le rapport enjoint toutefois le fédéral à affirmer que «les États-Unis sont un tiers pays sûrs», afin que les immigrés clandestins arrivés aux États-Unis demandent «une protection à titre de réfugiés aux États-Unis au lieu du Canada».
Des recommandations visant la poursuite de traite des personnes et des exceptions pour celles visées par des discriminations fondées sur le genre nuancent le rapport.
C’est le ministre de la Justice David Lametti qui porte la réforme des libertés sous caution.
Le gouvernement Trudeau a déposé mardi son projet de loi C-48 sur les libertés sous caution visant principalement à rendre ces libérations plus complexes pour certains récidivistes. Notamment dans les affaires impliquant l’usage d’armes à feu et de couteaux.
Les provinces et territoires, qui s’étaient réunis en mars pour exprimer leurs «préoccupations» quant à la récidive violente, attendaient ce projet de loi.
L’inversion du fardeau de la preuve est l’un des éléments centraux de ce projet de loi. Actuellement, ce sont les procureurs qui ont la tâche d’apporter la preuve qui justifierait que le détenu reste en prison en attendant la suite de la procédure judiciaire.
Avec le nouveau texte, ce serait à l’accusé d’apporter la preuve de sa libération sous caution. Cette mesure est élargie aux crimes présumés avec violence sur un ou une partenaire intime.
Adopté en troisième lecture à la Chambre des Communes jeudi, le controversé projet de loi C-21 a été envoyé en première lecture au Sénat.
Après un rétropédalage du gouvernement fédéral en février à la suite de la levée de boucliers venant d’Autochtones et de chasseurs, le gouvernement a introduit, début mai, une nouvelle définition des armes prohibées.
Mais celles-ci ne seront interdites sur le marché que lors de l’entrée en vigueur du projet de loi C-21. Les armes qui circulent actuellement sur le marché ne sont donc pas concernées, ce que plusieurs groupes, dont PolySeSouvient, ont dénoncé.
Jeudi, le groupe a envoyé un communiqué assurant que malgré des «mesures solides pour améliorer la protection des victimes de violence conjugale contre la violence armée […], le plus désolant pour nous, c’est l’absence dans le C-21 de la mesure maintes fois promise aux survivants et aux familles des victimes de fusillades de masse, soit l’interdiction des armes d’assaut».
C’est une première depuis l’atteinte de son sommet à 8,1 % en juin 2022. En avril, l’indice des prix à la consommation a grimpé à 4,3 %, progressant ainsi de 0,7 % en avril, après avoir crû de 0,5 % en mars.
Après une annonce de la réduction de la production de pétrole des pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole Plus (OPEP+), les prix sur l’essence ont augmenté de 6,3 % en avril.
La motion portée par le Bloc québécois pour rejeter les seuils d’immigration proposés par l’Initiative du siècle a été rejetée lundi par la Chambre des Communes. Le groupe de pression avait conseillé au gouvernement de cibler une population de 100 millions de Canadiens d’ici 2100.
Les libéraux et le NPD ont voté contre la motion totalisant 170 voix. Le Bloc et les conservateurs ont ensemble voté en faveur, avec 138 voix.
«Il ne faut pas voir l’immigration comme une menace», a commenté Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien, en mêlée de presse mercredi.
Le ministre a pris l’exemple de sa propre famille, qui a quitté l’Argentine pour le Canada, pour insister sur le fait qu’il ne «faut pas mettre en contradiction intégration et fait français. On peut travailler collectivement avec Québec au niveau de la francisation et avoir un plus grand nombre d’immigrants à l’expression du Québec».
À moins que les élus républicains et démocrates ne parviennent à s’entendre d’ici le 1er juin, les États-Unis pourraient se retrouver en défaut de paiement. C’est l’équivalent pour un État de déclarer faillite. Les conséquences économiques advenant que la première puissance mondiale ne parvienne plus à payer les intérêts sur sa dette de plus de 31 billions (31 mille-milliards) de dollars sont difficiles à imaginer.
Cela causerait une crise financière majeure qui entrainerait assurément une récession aux États-Unis, la mise à pied de millions de travailleurs, une chute radicale des indices boursiers ainsi qu’une forte hausse des taux d’intérêt. De plus, le statut exceptionnel de devise de réserve dont jouit le dollar américain serait mis à mal.
Les États-Unis n’ont pourtant aucune difficulté à financer leur dette à cout très bas. Ceci n’est pas une crise économique, mais une crise politique créée de toute pièce par les républicains. Il est dur de croire que les élus à Washington risqueraient une telle catastrophe, et pourtant…
Rehaussement du plafond de la dette 101
Dans la plupart des pays, le Parlement n’a pas à rehausser le plafond de la dette. C’est le cas au Canada où il n’existe pas de tel plafond. Lorsque les élus votent le budget, ils approuvent les dépenses du gouvernement.
À moins d’un grave imprévu, ils savent déjà dans quelle mesure le budget sera déficitaire ou non. Le gouvernement s’endette ensuite au besoin pour acquitter ses obligations.
Mais aux États-Unis, les membres du Congrès, en plus de voter le budget, doivent augmenter le plafond de la dette. La limite de la dette fédérale a été augmentée 78 fois depuis 1960. C’est donc une simple formalité.
Vous vous rappelez la crise entourant le rehaussement du plafond de la dette sous Donald Trump? Non? Et bien c’est normal, il n’y en a pas eu.
Lorsque les républicains ont le contrôle du Congrès et de la présidence, ils augmentent le plafond de la dette sans broncher. Mais lorsqu’ils ont le contrôle du Congrès et que la présidence est démocrate, comme c’est le cas actuellement, ils se servent de ce pouvoir pour faire du chantage et tenter d’imposer leurs priorités budgétaires.
Cette dynamique est renforcée par la division de la société américaine depuis l’émergence du Tea Party et ensuite de Donald Trump et de ses partisans du mouvement Make America Great Again (MAGA).
Une crise qui prend ses racines sous Obama
Déjà en 2011, les États-Unis avaient frôlé la catastrophe. Joe Biden, alors vice-président de Barack Obama, était parvenu à une entente in extrémis avec les élus républicains qui avaient forcé le gouvernement à réduire ses dépenses de centaines de milliards de dollars. Ces compressions avaient mis un frein à l’importante bonification du filet social entamée par le président Obama.
Même si les États-Unis avaient évité le défaut de paiement, la réaction des marchés à cette incertitude et au recul des dépenses avait été très négative. Les principaux indices boursiers avaient dégringolé et l’agence Standard and Poor’s avait réduit la cote de crédit des États-Unis, ce qui a augmenté le cout des emprunts du gouvernement. Joe Biden s’était promis qu’on ne le reprendrait plus à faire des concessions aussi importantes.
Aujourd’hui, Joe Biden est président et les républicains sont encore plus radicaux qu’il y a douze ans. En échange d’augmenter le plafond de la dette, ils exigent que l’administration Biden abandonne la plupart de ses mesures phares, notamment les centaines de milliards que le gouvernement a promis d’investir pour lutter contre les changements climatiques.
Les premières rencontres entre le président Biden et le leadeurship républicain n’ont servi qu’à montrer le gouffre qui sépare les deux parties. Plus que jamais, l’impasse politique pourrait mener les États-Unis vers un défaut de paiement, même si cette option reste peu probable.
Les constitutionnalistes et les économistes débattent depuis déjà plusieurs semaines de voies de contournement possibles. Est-ce que le Trésor américain pourrait frapper une pièce de 1 billion de dollars? Est-ce que le gouvernement pourrait contester la constitutionnalité du pouvoir du Congrès à rehausser le plafond de la dette?
Plusieurs possibilités sont sur le tapis, mais il serait étonnant que l’administration Biden risque les conséquences désastreuses d’un défaut.
Pourquoi s’en faire au Canada?
L’adage veut que quand les États-Unis éternuent, le Canada attrape la grippe. C’est une façon imagée d’exposer la relation de dépendance économique du Canada avec son voisin du Sud.
Malgré tous les efforts de diversification économique déployés par nos gouvernements, les États-Unis sont la destination de la grande majorité de nos exportations (76,4 %). C’est le principal marché pour l’exportation du pétrole canadien, la vache à lait du gouvernement fédéral.
Les succursales et les filiales de multinationales américaines sont très présentes au pays. Les réserves en devises étrangères du gouvernement fédéral sont principalement en dollars américains (71 %).
Si l’impensable venait à se produire, la première répercussion au Canada serait une hausse des taux d’intérêt parce que les chaines de crédit entre institutions financières seraient déstabilisées.
La hausse des couts d’emprunt réduirait la croissance. La baisse des exportations suivrait rapidement et réduirait encore l’activité économique au Canada. Les épargnants devraient s’attendre à voir la valeur de leur portefeuille grandement affectée par la chute des indices boursiers et de la valeur des bons du Trésor américain.
L’ampleur de ces chocs éventuels est difficile à prévoir. Une chose est certaine, le Canada se tire plutôt bien d’affaire malgré la hausse des taux d’intérêt actuelle et n’a pas les moyens de subir un tel choc.
Il reste à souhaiter que les élus républicains retrouvent la raison et que le gouvernement américain trouve une solution à long terme à ces crises récurrentes et auto-infligées.
David Dagenais est journaliste économique indépendant et entrepreneur. Auparavant, il a été journaliste à Radio-Canada après avoir terminé des études supérieures en économie politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université d’Ottawa.
«Tu n’es pas insecure, tu le deviens», explique Laurence Arrighi, sociolinguiste et professeure à l’Université de Moncton.
Pour Laurence Arrighi, sociolinguiste et professeure à l’Université de Moncton, il est encore trop tôt pour statuer sur l’évolution actuelle du français au Canada.
Le discours sur le déclin du français nourrit l’insécurité linguistique selon Julie Boissonneault, professeure émérite à l’Université Laurentienne de Sudbury et chercheuse en résidence au Centre de recherche sur les francophonies canadiennes (CRCCF). «Les locuteurs, les francophones, ont l’impression qu’ils parlent mal ou qu’ils ne savent pas parler.»
«En contexte informel en milieu minoritaire, l’usage du franglais est tout à fait fonctionnel et est même nécessaire chez les jeunes par exemple, décrit Sandrine Hallion, professeure de linguistique à l’Université de Saint-Boniface, au Manitoba. Mélanger les langues c’est normal, c’est fonctionnel, dans le cadre où ça remplit une fonction de cohésion sociale».
Si le français arbore parfois des teintes d’anglais, cela ne change pas sa couleur principale. «Ce n’est pas parce que l’usage d’une langue se développe que cela se fait au détriment d’une autre», nuance Laurence Arrighi.
Sentiments de «frustration», voire de «rejet»
«Pour le francophone en milieu minoritaire, il va y avoir un sentiment de non-légitimité d’être francophone sous prétexte qu’on mélange les langues. On leur refuse une identité francophone, on les identifie à des anglophones», complète Sandrine Hallion.
La sociolinguiste cite un exemple que lui rapportent souvent ses étudiants. Quand ils se rendent en contexte majoritaire, comme au Québec, et parlent français, on leur répond en anglais.
Ce genre de situation peut créer un sentiment de «frustration», voire de «rejet», de «non-acceptation de soi», note la professeure.
«Ça leur dit : “Tu n’es pas francophone ou tu n’as pas un niveau de français qui, je pense, est assez bon pour que je te parle en français”. […] Ces formes de comportements délégitiment l’identité et les pratiques linguistiques des francophones en milieu minoritaire.»
Répondre dans la même langue
Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, l’artiste fransaskoise Alexis Normand évoque une anecdote où, lors d’un séjour à Québec, elle a commandé un café en français et on lui a répondu en anglais.
«Une chose qui me tape vraiment sur les nerfs, c’est quand j’adresse la parole à quelqu’un en français et qu’on me réponde en anglais», partage l’autrice-compositrice-interprète.
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Attention aux chiffres
Pourtant, les chiffres ne sont pas très engageants. Selon le dernier recensement de Statistique Canada, les francophones hors Québec représentaient 3,3 % de la population canadienne en 2021, alors qu’ils formaient 3,6 % de la population en 2016, soit un recul de 0,3 %.
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Pour la sociolinguiste Julie Boissonneault, le discours sur le déclin du français participe à l’insécurité linguistique.
Le pourcentage baisse, mais la nombre de francophones augmente en raison de la croissance de la population, relativise Julie Boissonneault. «Il y a de plus en plus de francophones, de gens qui parlent français. Ils peuvent le parler comme langue première, comme l’une de leurs langues premières ou comme langue seconde.»
Aussi, ce n’est pas parce qu’une personne ne déclare pas parler français à la maison qu’elle ne le parle pas du tout.
«Souvent, les gens vont dire que les jeunes ou tel groupe ou telle personne parlent de plus en plus l’anglais. En effet, il y a peut-être des mots, des expressions qui se glissent dans la langue, mais on oublie de vérifier quel est le maintien de l’autre langue. […] On ne tient pas compte que le répertoire linguistique d’une personne peut comprendre plusieurs langues», explique la chercheuse.
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«Ça fait que, donc, alors, en tous cas, so, anyway, like.»
Julie Boissonneault a analysé et comparé l’utilisation de ces marqueurs langagiers chez des francophones du nord-est de l’Ontario, entre 1970 et 2020.
«Depuis plus de 50 ans, les chercheurs, surtout les linguistes, s’intéressent à ces marqueurs pour savoir lesquels on choisit, quel usage on en fait», a amorcé la chercheuse lors de la présentation de ses travaux le 5 avril dernier.
L’objectif de cette recherche était de vérifier le maintien ou la perte de certains de ces marqueurs dans le parler de ces Franco-Ontariens. «Tous les marqueurs de langue anglaise sont en croissance, mais ceux de langue française se portent bien», a-t-elle résumé à l’issue de la rencontre.
«À partir de 2005 jusqu’en 2015, on confirme la variation intergénérationnelle de so qui se produit les jeunes […] On va remarquer que “ça fait que” est en train de s’étioler au profit de so qui prend de la croissance», a détaillé Julie Boissonneault. Mais le marqueur «donc» revient aussi en force.
Like est également plus utilisé chez les plus jeunes générations.
«Les marqueurs français se maintiennent davantage chez ceux qui sont scolarisés en français et ceux qui habitent dans les communautés francomajoritaires», a toutefois nuancé l’universitaire.
Un déclin à nuancer
Pour Sandrine Haillon, si la notion de «déclin» du français peut être légitime, ce terme, dépréciatif, renvoie également au «spectre permanent de la disparition qui pèse sur le Canada» et participe à une vision négative de la francophonie.
Quand, régulièrement, à la suite des recensements de la population, on répète et on ressasse le fait que les communautés francophones sont de plus en plus petites et en proportion de moins en moins importantes, ça renvoie l’image qu’il y a un déclin et une disparition probable. Mais en fait, c’est toujours les statistiques, on peut bien leur faire dire ce qu’on veut.
Quant au fait que le français aurait perdu en qualité — une autre façon d’envisager le «déclin» — Laurence Arrighi y croit peu. «En Acadie, comme ailleurs, à partir des années 70, il y a eu une augmentation de la scolarisation générale. On voit pas mal comment. L’éducation ne cessant d’augmenter […] le français perdrait en qualité.»
Bilinguisme et assimilation
Sandrine Hallion est professeure de linguistique au Département d’études françaises, de langues et de littératures de l’Université de Saint-Boniface, au Manitoba.
Pour Sandrine Hallion, le bilinguisme ne doit pas forcément être déprécié. «C’est simplement le fait d’une certaine réalité. […] Les francophones sont bilingues. Est-ce que si on se définit davantage comme bilingue que comme francophone, c’est le signe de déclin? Je ne crois pas», tranche la spécialiste.
«On a toujours cette idée que l’anglais c’est l’ennemi, ça, c’est très enraciné dans l’imaginaire linguistique», ajoute la sociolinguiste.
Or, d’après elle, «il y a d’autres moyens de rester francophone et de pratiquer la langue que de faire peser la culpabilité sur le francophone qui devrait utiliser la langue française, qui devrait ne pas mélanger.»
Gare aussi aux conclusions trop hâtives. «Faire un lien direct entre la perte d’une identité francophone pour une identité bilingue et y voir un signe inéluctable d’assimilation, je crois qu’il faut être prudent par rapport à ça», souligne Sandrine Hallion.
Être bilingue, ça ne veut pas dire être en voie d’assimilation.
Identités francophones
Et si le déclin ne se trouvait pas nécessairement dans la langue? Pour Sandrine Hallion, la question du déclin se situe davantage du côté de la transmission de la langue aux générations futures, plutôt que dans le jugement de sa qualité ou du degré de présence de l’anglais.
«On a toutes sortes de pratiques de la langue. Rien n’empêche qu’au niveau identitaire, on est francophone même si on pratique moins notre langue au quotidien, il y a d’autres facteurs qui font qu’on se considère comme francophones.»
L’utilisation d’un idiome dépend en outre du contexte, autant professionnel que personnel. «Les situations sont multiples. La langue s’adapte à nos situations et pas l’inverse, analyse Sandrine Hallion. Si on n’a pas besoin d’un français standard dans notre vie quotidienne, on va parler un français plus informel, qui nous est utile, qui est fonctionnel.» Un français bien vivant, pas encore disparu.
Le projet de loi C-13 a passé l’étape de la troisième lecture en Chambre, avec un vote libéral contre : celui du député de Mont-Royal, Anthony Housefather. Les autres députés libéraux anglo-québécois, tels que le ministre Marc Miller, Patricia Lattanzio ou encore Emmanuella Lambropoulos, ont finalement voté en faveur virtuellement.
Le député anglo-québécois Anthony Housefather a été le seul libéral à s’opposer à l’adoption de C-13 en troisième lecture à la Chambre des Communes.
«Mon collègue a eu la chance de partager ses inquiétudes de certains de ses commettants. Finalement aujourd’hui il a pris sa décision finale. […] Je ne suis pas rancunière», a répondu la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor à la question d’éventuelles sanctions contre M. Housefather.
Elle a par la suite reconnu que la langue française «est la seule langue menacée au Canada», mais a tenu à rassurer la minorité anglophone : «La modernisation de la Loi sur les langues officielles n’enlève aucun droit aux anglophones du Québec.»
Du côté des conservateurs, le député Joël Godin a expliqué en entrevue que son parti n’avait pas dévoilé ses intentions de vote en raison de «certains libéraux frileux» à voter.
La deuxième lecture au Sénat devrait avoir lieu ce jeudi 18 mai, selon le bureau du sénateur indépendant du Nouveau-Brunswick, René Cormier, président du Comité permanent des langues officielles à la Chambre haute.
«Du travail à faire» au Sénat avant juin
«Nous reconnaissons que le Sénat a du travail à faire», a lâché Ginette Petitpas Taylor, qui espère voir la sanction royale apposée sur son projet de loi avant la pause parlementaire estivale, le 23 juin.
Le porte-parole conservateur pour les Langues officielles, Joël Godin, pense toutefois que le projet de loi a de bonnes chances d’être adopté avant cette échéance.
Parcours à venir du projet de loi
Le projet de loi C-13 validé en troisième lecture à la Chambre des Communes passe en deuxième lecture au Sénat. Il cheminera ensuite vers le Comité sénatorial des langues officielles qui entendra des témoins si besoin et rendra un rapport, qui sera remis en troisième et dernière lecture au Sénat, avant la sanction royale.
«Malgré l’enthousiasme qu’on peut avoir pour un projet de loi, il y a toujours des considérations qui ne dépendent pas de nous», déclare le sénateur du Nouveau-Brunswick, René Cormier, à propos de C-13.
«Les sénateurs ont mené une préétude du projet de loi C-13, ils ont quand même déjà entendu des témoins. J’espère qu’on pourra voir l’adoption dans les plus brefs délais, mais on respecte le travail des sénateurs et sénatrices», a précisé la ministre des Langues officielles.
Bien que René Cormier espère une adoption rapide de C-13, il rappelle toutefois que les prochaines étapes au Sénat ne seront pas accessoires.
«Ce sont les mêmes étapes qu’à la Chambre des Communes, observe-t-il. Dire que c’est une formalité, c’est sous-estimer l’expertise du Sénat et [le fait] que les sénateurs ont la responsabilité constitutionnelle d’examiner les projets de loi avec un second regard attentif pour s’assurer que les enjeux qui touchent la population canadienne soient pris en compte.»
«On sait dans quel état C-13 nous arrive. C’est sûr que le travail en comité va aussi dépendre des discours des sénateurs et sénatrices en 2e lecture», ajoute René Cormier.
Pour le sénateur acadien, C-13 au Sénat est une question «d’équilibre» : «Il y a une volonté qu’on fasse notre travail avec rigueur, mais en même temps, qu’on ne retarde pas indument l’adoption du projet de loi.»
Toutefois, selon lui, une adoption trop rapide viendrait «à l’encontre de l’esprit de travail du Sénat».
Un travail facilité par la Chambre
Par ailleurs, le travail réalisé à la Chambre des communes «facilite en un sens» le travail à venir du Sénat, au vu des amendements votés et du temps passé en comité.
«Il faut applaudir ce travail-là, souligne encore René Cormier. [Les députés] ont déjà fait une partie importance de la réflexion sur certaines dispositions. À nous de voir si tous les amendements proposés respectent l’esprit de la loi et la constitutionnalité.»
Selon lui, les membres du Comité permanent des langues officielles du Sénat sont «bien équipés» et ont l’expertise pour s’attaquer aux amendements de C-13.
À cela s’ajoute le fait que le Sénat a déjà étudié la question de la modernisation en 2017, rendu plusieurs rapports en 2019 et fait une étude préalable l’automne dernier sur C-13.
Les demandes des communautés francophones en situation minoritaire sont claires et ont été entendues au comité sénatorial. Les anglophones minoritaires demeurent toutefois inquiets, notamment à propos de la référence à la Charte de la langue française du Québec dans la Loi sur les langues officielles modernisée.
«C’est important que [ces] inquiétudes et demandes soient prises en compte par l’étude qui sera faite au Sénat», rapporte René Cormier.
La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) craint qu’il y ait un «risque» que le projet de loi ne reçoive pas la sanction royale avant l’automne. «Présumer que le projet de loi sera adopté dans les deux ou trois semaines qui viennent est impossible, ça va à l’encontre de l’esprit de travail du Sénat», tempère René Cormier.
«Un défi» de faire de la recherche en français selon Selma Zaiane-Ghalia, présidente de la section Acfas-Acadie et professeure agrégée à l’Université Moncton.
Selon Stéphanie Chouinard la vulgarisation du savoir permet de révéler à la population la valeur sociétale derrière leurs travaux.
«Est-ce que je fais de la recherche en français avec ma communauté minoritaire, parce que je veux aider ma communauté minoritaire? Ou est-ce que je laisse tomber ma communauté minoritaire et je m’en vais rejoindre un groupe anglophone parce que là je vais pouvoir publier, je vais pouvoir être visible et continuer une carrière?»
Stéphanie Chouinard, professeure adjointe en science politique au Collège militaire royal du Canada à Kingston et à l’Université Queen’s en Ontario, abonde dans le même sens. «Ça fait longtemps que la communauté des chercheurs francophones sonne l’alarme sur le fait qu’il y a de moins en moins de recherches scientifiques produites en français.»
Vers la démocratisation du savoir
Pour la 90e édition de son congrès annuel, l’Association francophone pour le savoir (Acfas), propose plus de 600 communications scientifiques gratuitement en ligne dans cinq disciplines.
«L’objectif, c’est de ramener du savoir, c’est de démocratiser la connaissance, partager le milieu de la recherche avec l’ensemble de la population», indique le président de l’Acfas, Jean-Pierre Perreault.
Répartition des chercheurs au Canada.
Publier en anglais pour être lu
«En ce moment au Canada, continuer de faire de la recherche en français et publier en français, c’est un geste politique parce que c’est un choix qu’on fait et qu’on fait parfois au détriment de notre carrière», indique Stéphanie Chouinard.
Les chercheurs Éric Forgues et Sylvain St-Onge, de l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques (ICRML), ont mené une étude auprès des chercheurs scientifiques canadiens pour mieux comprendre les pratiques de recherche et de diffusion en français en milieu minoritaire.
«De façon générale, les participant-e-s de notre étude jugent qu’il est plus important de publier en anglais (62 %) qu’en français (49 %) ; c’est surtout l’opinion de la majorité (85 %) des répondant-e-s des sciences naturelles, dont seulement 20 % d’entre eux considèrent qu’il est important de publier en français», indique le document.
Le financement plus accessible en anglais
Selma Zaiane-Ghalia, présidente de la section Acfas-Acadie depuis 2019.
Selma Zaiane-Ghalia est en attente depuis plus de deux ans et demi pour faire publier un article dans une revue bilingue. La chercheuse en tourisme et récréologie ne considérait pas que la présentation de ses résultats en français retarderait leur publication.
«Il a fallu que je les relance et ils ont dit, après beaucoup de mois de silence, qu’ils avaient eu de la difficulté à trouver des évaluateurs, des pairs francophones», témoigne-t-elle.
Elle voit aussi un problème au niveau des sources mentionnées dans les articles francophones. «Quand vous prenez des articles en français, regardez les références qui sont placées. Ce sont souvent des auteurs qui ont publié en anglais. Donc, nous-mêmes, francophones, on fait référence à des publications en anglais. Comment voulez-vous qu’on se soutiennent les uns les autres si nos propres références sont en anglais», affirme-t-elle.
Une clé dans l’intelligence artificielle?
Le Canada compte trois conseils de recherche qui remettent des subventions aux chercheurs scientifiques : L’Institut de recherche en santé du Canada (IRSC), le Conseil de recherches en sciences naturelles en génie du Canada (CRSNG) et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH).
«Lorsque les demandes de subventions déposées en français tombent dans les mains d’un unilingue anglophone, explique Stéphanie Chouinard, alors là ça doit être traduit et la traduction ne rend pas justice en fait à la qualité de la demande.»
La solution se trouve dans «la traduction des travaux de part et d’autre [ce qui] réduirait la pression de publier en anglais, affirme-t-elle. […] Ça ouvrirait l’accessibilité des recherches effectuées en français pour un public plus large sans que la pression soit mise sur les chercheurs eux-mêmes.»
Le président de l’Acfas, Jean-Pierre Perreault, voit potentiellement une solution dans les technologies.
Peut-être que l’intelligence artificielle pourra nous aider dans toute la traduction des textes. C’est essentiel, car si je veux faire de la vulgarisation et de la communication, mais que tous les textes sont en anglais, avec quoi vais-je vulgariser?
Selma Zaiane-Ghalia apporte une nuance en réunissant l’intelligence artificielle et l’humain pour encourager la recherche francophone, mais «Si ce sont des textes compliqués, des humains sont là pour voir les émotions dans le texte. Dans la traduction il ne s’agit pas de traduire mot à mot y a aussi de l’émotion dans le texte», apporte-t-elle.
Elle continue toutefois à encourager les chercheuses et les chercheurs à utiliser des sources francophones dans leurs publications pour être plus solidaires.
Plus sur la francophonie
Les députés du Comité permanent des langues officielles ont commencé mardi une étude sur l’accroissement de l’immigration francophone au Canada.
Jeudi, le député Anthony Housefather s’est opposé au passage du projet de loi C-13 à la 3e lecture en chambre.
Les prochaines semaines seront consacrées aux problématiques de l’établissement des immigrants ainsi qu’aux perspectives d’immigration pour le bassin de l’ouest de l’Afrique.
Témoin au comité, le directeur général des politiques en immigration francophone et langues officielles à IRCC, Alain Desruisseaux, a mis l’accent sur une prochaine politique en cours d’établissement sur l’immigration francophone.
Celle-ci devrait se concentrer sur la promotion de l’immigration ailleurs dans le monde et sur les enjeux de l’établissement des immigrants francophones.
Le projet de loi C-13, qui modernise la Loi sur les langues officielles, a été adopté à l’étape du rapport jeudi et est ainsi passé en troisième lecture pour le lendemain.
Les motions d’amendements du gouvernement ont été adoptées par tous les partis. Le libéral anglo-québécois Anthony Housefather s’est opposé à faire passer le projet de loi en troisième lecture.
Anthony Housefather est connu pour s’être opposé à la mention de la Charte de la langue française dans le projet de loi lors de l’étude en comité parlementaire. Il fait partie des députés libéraux qui ont fait planer le doute sur leur approbation finale de C-13.
À lire aussi : C-13 «glisse entre les mains des libéraux»
Le vote de troisième lecture devrait aura lieu le lundi 15 mai.
«Permettez-moi d’être clair. L’Initiative du siècle ne crée pas le plan [d’immigration] du gouvernement. Il y a beaucoup de politiques dans mon plan [dont] celui de Century initiative. […] Le plan est pour le gouvernement, pas pour l’Initiative du Siècle.»
– Le ministre de l’Immigration Sean Fraser, jeudi en Chambre en réponse à la motion du Bloc québécois sur les seuils d’immigration.
Droit à l’avortement au Canada et intimidation de la Chine
Mardi, la députée conservatrice de Yorkton–Melville, en Saskatchewan, Cathay Wagantall, a défendu son projet de loi C-311, sur les violences contre les femmes enceintes.
Le texte propose une modification au Code criminel pour imposer des peines plus sévères aux personnes qui tuent ou blessent physiquement ou psychologiquement une femme enceinte.
Les libéraux y voient néanmoins une manière de donner un statut juridique au fœtus et d’ainsi rouvrir le débat sur le droit à l’avortement. Ce qu’a rejeté la députée conservatrice, assurant que le projet de loi n’avait pas ce pouvoir ni ce but. Cathay Wagantall avait pourtant tenté de rouvrir le débat avec un autre projet de loi en 2021.
Mardi toujours, Marci Ien, la ministre des Femmes et de l’Égalité des genres et de la Jeunesse, a annoncé l’octroi de plus de 4,2 millions de dollars à des organisations qui dispensent des services d’accès à l’avortement.
Le lendemain, le premier ministre a assuré que son gouvernement allait «toujours rester pro-choix», ce que sa ministre avait également assuré.
Un article du Globe and Mail affirmait récemment que la Chine avait mené une campagne d’intimidation contre Michael Chong, député conservateur de Wellington–Halton Hills en Ontario, ainsi que sa famille restée à Hong Kong. Cette campagne aurait été articulée par Zhao Wei, diplomate du consulat de Chine au Canada.
Le député conservateur Michael Chong aurait subi une campagne d’intimidation de la part de la Chine après avoir présenté, en 2021, une motion pour reconnaitre le génocide des Ouïgours.
Cette intimidation serait liée au fait que l’élu conservateur a présenté, il y a deux ans, une motion pour reconnaitre le génocide des Ouïgours.
Lundi, une première motion conservatrice demandait entre autres d’expulser «tous les diplomates de la République populaire de Chine». La motion a été adoptée par 170 députés grâce à l’appui du Bloc québécois, du NPD et du Parti vert du Canada.
Malgré que les libéraux présents n’aient pas voté en faveur de la motion, quelques heures plus tard, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, annonçait l’expulsion de Zhao Wei, par voie de communiqué, en le déclarant persona non grata. La Chine a répliqué en faisant de même avec Jennifer Lynn Lalonde, consule au consulat général du Canada à Shanghai.
La motion réclamait également la création d’un registre des agents étrangers «comme ceux de l’Australie et des États-Unis d’Amérique».
Jeudi matin, Ottawa a annoncé qu’un projet de loi allait être déposé à cet égard avant la fin de la session parlementaire, le 23 juin, selon des informations rapportées par Radio-Canada et La Presse.
Mardi, le principal concerné, Michael Chong, a introduit une motion de privilège qui avait pour but l’étude de cette affaire par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Tous les députés de tous les partis ont appuyé la motion.
Maxime Bernier était venu montrer son soutien aux camionneurs lors du convoi qui a bloqué Ottawa en février 2022.
Maxime Bernier sera candidat au Manitoba
Le chef du Parti populaire du Canada (PPC), Maxime Bernier, sera candidat lors des prochaines élections partielles dans la circonscription de Portage-Lisgar, au Manitoba.
Le siège de la circonscription avait été laissé vacant en février dernier par Candice Bergen, qui avait assuré l’intérim à la direction du Parti conservateur après la démission d’Erin O’Toole.
Le PPC avait obtenu 22 % des votes dans cette circonscription lors des élections fédérales de 2021. Le meilleur résultat du parti.
Maxime Bernier, qui se présente loin de la Beauce, sa circonscription d’origine, fera face au conservateur Branden Leslie.
S’il réussit à se faire élire, le chef du PPC damera un pion au chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre.
La ministre des Sports Pascale St-Onge souhaite «un changement de culture» dans le monde du sport canadien.
Le gouvernement fédéral a annoncé de nouvelles mesures pour les conseils d’administration des fédérations sportives au Canada. L’objectif est d’améliorer leur gouvernance en les rendant plus transparentes et les aider à renforcer la pratique sécuritaire de sport et accroitre le rôle des athlètes dans le processus décisionnel.
En outre, les accords de non-divulgation ou les clauses de non-dénigrement ne devront pas empêcher les sportifs de dénoncer des abus subis ou dont ils ont été témoins.
Dans le viseur, un «changement de culture» pour améliorer le «bienêtre des participantes et participants», a fait savoir le ministère des Sports par voie de communiqué. Cette annonce intervient après plusieurs scandales dans le monde du sport l’an dernier, notamment à Hockey Canada.
Si les fédérations ne se sont pas alignées sur les directives du ministère d’ici 2025, elles perdront leur financement d’Ottawa.
Bien que le monarque et sa représentation aux niveaux fédéral et provincial jouent un rôle limité dans les structures politiques, l’existence même du pays dépend du concept légal de la Couronne. Et l’abolition de la Couronne serait le véritable test de nos principes démocratiques.
Certes, il serait possible de faire disparaitre toute référence à la monarchie, faire du Canada (ou du Québec) une république, et transférer tous les pouvoirs et la propriété qui dépendent de la Couronne vers un autre concept ou corps politique. Mais rien ne changerait dans les faits ni dans la réalité juridique du pays.
Comme d’autres pays l’ont déjà fait, l’abolition de la monarchie et de la Couronne exigerait une révolution, c’est-à-dire une transformation entière de l’ordre politique et de l’ordre économique dont l’État est le garant. Et cette transformation commencerait par une renégociation des relations de nation à nation entre le Canada et les Premiers Peuples, qui n’ont jamais cédé leurs territoires.
On ne peut abolir la monarchie sans abolir la Couronne, et on ne peut abolir la Couronne sans prévoir un renouvèlement des traités avec les peuples autochtones qui ont permis la colonisation européenne puis canadienne.
Le mouvement Idle No More avait notamment demandé de rencontrer le gouverneur général David Johnston, en tant que représentant de la Couronne. Une délégation de chefs autochtones vient d’ailleurs tout juste de rencontrer le roi Charles III afin d’approfondir la relation avec la Couronne.
D’autres chefs autochtones espèrent que le nouveau monarque répudiera la doctrine de la découverte, tandis que la gouverneure générale Mary Simon met l’accent sur la discussion et la création d’une relation.
D’autres nations encore ont déclaré qu’elles auraient refusé de participer au couronnement si elles avaient été invitées.
À lire : Une transition vers un nouveau règne
La Couronne, plus qu’une abstraction
Une excursion rapide dans le domaine du droit constitutionnel montre qu’il y a une différence entre le monarque et la Couronne.
Le monarque occupe une fonction, qui lui revient de manière héréditaire, tandis que la Couronne est plus vaste et a un ensemble de représentations (gouverneure générale, lieutenants-gouverneurs) et de pouvoirs qu’elle délègue ou qui sont simplement exercés par le gouvernement en son nom.
La Couronne est à tel point imbriquée dans le fonctionnement de l’État et notamment du gouvernement qu’il serait impossible de la retirer sans tout bouleverser.
C’est la Couronne qui est propriétaire de 89 % du territoire canadien (ce sont les terres de la Couronne).
Et ce n’est pas tout : à proprement parler, tout le territoire canadien (y compris les réserves autochtones) appartient au domaine de la Couronne, d’où sa capacité à prélever des impôts et à céder des droits d’exploitation minière ou autre à des compagnies privées.
C’est toujours elle qui a la responsabilité de lancer les poursuites judiciaires. Pour cette raison, notre système juridique compte des procureurs de la Couronne.
Tout compte fait, le monarque est souverain, et le peuple canadien ne l’est pas. La population peut simplement choisir qui exercera la plupart des pouvoirs de la Couronne.
Les traités et l’existence du Canada
Tant à l’époque de Louis XIV qu’à l’époque victorienne, l’entité politique qui s’appelle maintenant «Canada» s’est établie sur la base de traités qui reconnaissent au moins implicitement la souveraineté des peuples autochtones.
Étant donné le principe que les États successeurs maintiennent les obligations de ceux qui les précèdent, la Couronne britannique a hérité des traités négociés par la Couronne française, et la Couronne canadienne en est aujourd’hui la garante.
La souveraineté à proprement dite canadienne ne s’établit qu’à partir du début du XXe siècle, alors que la Couronne a pris pour conseiller non plus le gouvernement de la Grande-Bretagne, mais bien celui du Canada. La reine Elizabeth II fut ainsi la première reine du Canada.
Cette souveraineté canadienne s’établit toutefois sur des fondations instables.
D’abord, les traités avec les Premiers Peuples n’ont pas inclus la négociation d’une cession des terres (à part peut-être certains des «traités modernes»).
Le territoire demeure ainsi autochtone, malgré le fait que le transfert des terres ait été ajouté au texte des traités après les négociations, comme le montre l’historien Sheldon Krasowski et comme l’affirment depuis longtemps les Premiers Peuples.
Ces derniers n’ont jamais accepté de devenir des sujets britanniques ni des citoyens canadiens, mais devaient plutôt maintenir leur propre souveraineté.
Ensuite, les traités ont souvent été brisés ou violés, ce qui remet en question la validité de la souveraineté qu’ils devaient rendre possible.
Le débat sur le serment, un simple contrespectacle
Il y a une forme d’hypocrisie dans la nouvelle loi québécoise qui retire l’obligation du serment au roi et chez les politiciens refusant de prêter ce serment, mais qui continuent de mettre de l’avant des projets dépendants de la souveraineté portée par la Couronne ou encore qui vont à l’encontre des traités.
C’est avant tout une manière de s’opposer à un Canada imaginaire – imaginé comme un Canada anglais et monarchiste, alors qu’une opposition à la monarchie est tout autant présente hors du Québec qu’elle ne l’est en son sein.
À l’extérieur du Québec, en langue anglaise, un débat sur la monarchie a cours depuis longtemps, et la question demeure avant tout de savoir par quoi remplacer la Couronne.
Ce qu’on abolirait avec la monarchie
Une véritable abolition de la monarchie supposerait plutôt l’invalidation de la souveraineté qui se trouve hors de la population canadienne, du régime de propriété des terres, ainsi que du système juridique en place.
Une telle abolition libèrerait l’imagination pour dépasser les tièdes propositions de réforme des institutions «démocratiques» actuelles.
Nous pourrions alors commencer par reprendre les traités, afin que la loi, la propriété et le pouvoir reviennent au peuple – et, dans le contexte d’un pays dont l’existence dépend de traités, qu’ils reviennent aux peuples qui le composent, en commençant par les Premiers Peuples.
Notice biographique
Jérôme Melançon est professeur agrégé en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont «La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie» (Metispresses, 2018).
Le bassin versant des Grands Lacs et du Saint-Laurent draine plus de 25 % des réserves mondiales d’eau douce.
Sur une carte, le bassin versant des Grands Lacs et du Saint-Laurent est un trait d’union géographique qui s’étire du nord de l’Ontario à la côte nord du Québec, en passant par Toronto et Montréal.
Cet enchevêtrement de lignes bleues aux innombrables ramifications représente à lui seul plus de 25 % de l’eau douce de la planète et alimente un territoire équivalent à la superficie du Québec tout entier.
L’eau s’écoule à travers les cinq Grands Lacs avant de prendre le chemin du fleuve Saint-Laurent jusqu’au golfe de l’Atlantique.
«Les habitants des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent partagent la même ressource, mais ils n’en sont pas conscients. Ils vivent des réalités extrêmement différentes et n’ont pas de sentiment d’appartenance à un bassin versant», observe Lauren Touchant, professeure en études politiques à l’Université Vancouver Island.
«Les gens ne savent pas ce qu’est un bassin versant, ce n’est pas une unité territoriale ancrée dans l’imaginaire collectif», abonde Alexandre Lillo, professeur au Département des sciences juridiques de l’Université du Québec à Montréal.
Un bassin versant, qu’est-ce que c’est?
Un bassin versant est d’abord une notion géographique. C’est l’ensemble du territoire drainé par un cours d’eau principal et ses tributaires, lesquels s’écoulent et convergent vers un même point de sortie, appelé exutoire.
Le bassin versant a des frontières naturelles qu’on appelle lignes de partage des eaux et qui suivent la crête des montagnes. Nous habitons tous un bassin versant : celui d’un lac ou d’un ruisseau, qui s’imbrique dans celui d’une rivière, qui s’imbrique dans celui d’un fleuve ou encore d’une mer.
Kathryn Furlong, professeure titulaire au Département de géographie à l’Université de Montréal est aussi du même avis : «Les Canadiens ne pensent pas aux Grands Lacs et au fleuve Saint-Laurent comme à un seul système d’eau où tout est relié.»
Kathryn Furlong est professeure titulaire au Département de géographie à l’Université de Montréal.
Les catastrophes tissent des liens
«Les habitants du lac Huron ou du lac Érié ne réalisent pas que les activités dans leur région ont des conséquences sur la qualité et la quantité d’eau en aval, parfois jusqu’à l’embouchure du fleuve au Québec», poursuit la géographe.
Lauren Touchant explique, elle, que les riverains sont avant tout attachés à l’eau «qui est à proximité». Le lac Ontario est constitutif de l’identité torontoise, tandis que les habitants de Thunder Bay s’identifient au lac Supérieur, et ceux de Kingston à l’archipel des Mille-Îles.
En aval, les Québécois sont, eux, fortement liés au fleuve Saint-Laurent, «auquel ils accordent une valeur culturelle et patrimoniale très importante», détaille Alexandre Lillo.
Au-delà des clivages provinciaux et des différences culturelles, les habitants ont pourtant des préoccupations similaires. Les questions de transport maritime, de pollution des eaux, d’impacts des changements climatiques, d’érosion des côtes, d’inondation et de sècheresse se retrouvent ainsi aux quatre coins du bassin versant.
«Ce sont souvent les catastrophes naturelles qui rassemblent les riverains d’un bassin versant, constate Karine Dauphin, directrice générale du Regroupement des organismes de bassins versants du Québec (ROBVQ). Ils s’aperçoivent que leur eau vient d’ailleurs, de l’amont, et qu’ils vivent dans un système d’eau bien plus grand qu’ils ne l’imaginaient.»
«Il faut se servir de ces enjeux pour susciter un sentiment d’appartenance commun et développer une solidarité amont-aval», estime Lauren Touchant.
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Alexandre Lillo est professeur au Département des sciences juridiques de l’Université du Québec à Montréal.
Voyager dans son bassin versant
En réalité, rapprocher les riverains commence dès le plus jeune âge, à l’école, pendant les cours de géographie, d’histoire ou de sciences politiques.
«L’éducation, c’est la clé, affirme Alexandre Lillo. Si les élèves ont de bonnes connaissances de leur bassin versant, s’ils comprennent qu’ils le partagent avec d’autres Canadiens, ils développeront un sentiment identitaire fort.»
Les spécialistes reconnaissent néanmoins que cet enseignement théorique est insuffisant. Tisser des liens passe aussi par la promotion du tourisme local et le développement de programmes d’échanges interprovinciaux, à destination des jeunes notamment.
Les citoyens doivent voyager dans leur bassin versant pour apprendre à se connaitre, pour s’approprier le territoire et ses enjeux, pour agir ensemble face aux menaces.
Lauren Touchant évoque de son côté l’intérêt des projets de science participative à l’échelle du bassin versant pour encourager le dialogue entre citoyens.
Mais écrire une histoire collective reste un défi. La gouvernance fragmentée du bassin versant constitue le principal obstacle.
Un millefeuille administratif
Karine Dauphin est directrice générale du Regroupement des organismes de bassins versants du Québec.
Sept ordres administratifs, à cheval sur deux pays, se partagent la gestion. Ce millefeuille institutionnel comprend les organismes communautaires locaux, les Premières Nations, les municipalités, les régions, les provinces canadiennes, les États américains, les gouvernements fédéraux à Ottawa et Washington.
La Commission mixte internationale, qui traite des enjeux transfrontaliers des Grands Lacs entre les États-Unis et le Canada, vient ajouter une énième strate administrative.
«Il y a un manque de stratégie et de leadeurship fédéral et provincial pour développer une vision commune à l’échelle du bassin versant, déplore Lauren Touchant. Dans les discours politiques, les responsables parlent seulement d’enjeux de proximité.»
La chercheuse pointe en particulier le manque de collaboration entre les provinces canadiennes. Elle plaide à cet égard en faveur de la mise en place de tables de concertation interprovinciales dédiées à la gouvernance de l’eau.
«C’est difficile pour le Québec de coopérer avec l’Ontario, on n’a pas la même langue et nos législations diffèrent fortement», réagit Karine Dauphin du ROBVQ.
Les maires prennent l’initiative
Les municipalités sont les premières à avoir pris conscience de la nécessité de repenser le territoire en fonction des écosystèmes. Elles sont devenues le fer de lance de la gestion intégrée du bassin versant.
Dès 2005, le maire de Toronto, David Miller, et celui de Chicago, Richard M. Daley, fondent l’Alliance des Villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent, qui compte aujourd’hui 200 municipalités membres.
L’archipel des Mille-Îles est un ensemble d’iles situées dans le fleuve Saint-Laurent. Elles définissent la frontière entre le Canada et les États-Unis.
L’objectif de l’organisme est double : mener des initiatives de restauration de l’écosystème de manière coordonnée et parler d’une seule et même voix.
«Les villes se sont rendu compte que c’était le seul moyen efficace de protéger la nature, car les frontières provinciales et politiques ne représentent rien au niveau hydrographique», souligne Lauren Touchant.
La création d’une Agence nationale de l’eau, prévue dans le budget fédéral de 2023-2024, pourrait répondre à ce besoin de coopération et d’harmonisation de la gouvernance.
«Mais on a besoin de financements importants et d’une volonté politique forte», prévient le juriste Alexandre Millo.