Dans un rapport provisoire publié en juillet, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones recommandait aux organismes gouvernementaux et entités qui ne l’auraient pas encore fait de transférer rapidement les documents liés aux pensionnats pour Autochtones au Centre national pour la vérité et la réconciliation (CNVR).
Comme prévu dans le rapport, le Comité a tenu des audiences au début de l’automne pour demander des comptes aux entités qui n’avaient toujours pas remis les pièces demandées.
À lire aussi : Tombes sans sépulture : le travail continue (Chronique)
Les sénateurs impatients
Le président du Comité, le sénateur Brian Francis, membre de la Première Nation de Lennox Island, située dans l’Île-du-Prince-Édouard, est lui-même un ancien élève de «l’externat indien» de Lennox.
«Les Autochtones font face à de nombreux obstacles pour accéder aux dossiers liés aux écoles résidentielles et les institutions qui y sont associées, explique-t-il en entrevue avec Francopresse. Ça comprend les statistiques de base, les coroners, les rapports médicaux. […] Plusieurs de ces dossiers ont été détruits par les gouvernements et l’Église.»
Pour lui, ces documents sont essentiels dans le chemin de vérité et de réconciliation.
Sans la vérité, il n’y a pas de justice et il ne peut y avoir de réconciliation.
Le Sénateur Brian Francis s’impatiente face au retard de transfert de certains documents en lien avec les pensionnats pour Autochtones.
«Tous les Canadiens devraient se demander, comme le Sénat est en train de le faire aujourd’hui, pour quelle raison des organisations auxquelles la vie des enfants autochtones a été confiée refusent maintenant de faire le nécessaire», a de son côté lancé le vice-président du Comité, David M. Arnot, lors de la séance du 19 septembre.
«Les gens ne vivent qu’un certain temps, a renchéri le sénateur Scott Tannas, également membre du Comité. Il y a beaucoup de gens qui cherchent des réponses.»
À lire aussi : Pensionnats autochtones : comment s’éduquer davantage?
Délai de traitement des documents
Selon la sous-ministre à Bibliothèque et Archives Canada (BAC), Jasmine Bouchard, les délais que présente l’organisme sont principalement liés aux grands nombres de parties prenantes qui sont assises autour de la table.
L’institution gouvernementale possède jusqu’à présent 6 millions de pages de documents liés aux externats pour Autochtones.
«Évidemment, notre intention, c’est de transférer partager les copies le plus possible avec le CNVR… Il y a beaucoup de gens autour de la table [les autres départements fédéraux, le centre, les survivants, etc.]. Il y a beaucoup de gens qui doivent s’entendre à ce qui doit être fait, comment ça doit être fait.»
Bibliothèque et Archives Canada a reçu 25 millions de dollars pour traiter ces documents. Jasmine Bouchard estime que c’est un processus qui peut prendre deux ans.
Avec une soixantaine d’employés sur ce dossier, il y a plusieurs étapes à suivre, précise Jasmine Bouchard. Par exemple : le repérage, la fouille, la numérisation, le traitement des métadonnées et la révision pour tenir compte de la vie privée.
À lire aussi : Langues autochtones et réconciliation : «Qui fait le travail?»
Les lois sur la protection de la vie privée
«Il y a beaucoup d’informations sur les élèves qui ont été dans ces établissements-là qui ne peuvent pas être partagés facilement par ce que ça va à l’encontre des lois sur l’accès à la vie privée, souligne Jasmine Bouchard. Ça, c’est la partie de notre travail qui demande plus de temps souvent.»
Jasmine Bouchard explique que les délais de traitements impliquent différentes étapes.
Au Canada, deux lois ont pour but de protéger la vie privée : la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui s’applique au secteur public, et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, qui concerne au secteur privé, peut-on lire sur le site de la Bibliothèque du Parlement.
Le directeur général de l’entreprise Know History, Ryan Shackleton, et le chercheur Edward G. Sadowski ont aussi déclaré être dans la même situation.
Ryan Schackleton a soutenu qu’il détient des accès à tous les dossiers des ministères. Toutefois, les documents sont largement caviardés.
«Ce sont des documents qui peuvent nous aider à retracer des lieux de sépulture, mais ils sont en grande partie inaccessibles», a-t-il déclaré devant les membres du Comité.
Selon lui, pour accéder aux informations complètes, il faudrait faire signer par chaque personne un document qui permettrait de retracer et de communiquer les informations en question.
«Mais nous ne pouvons même pas voir les informations qui nous indiqueraient quelles sont les personnes qui devraient signer les documents», assure le directeur général.
Pour sa part, Edward G. Sadowski va plus loin. «Les droits de propriété intellectuelle autochtones n’ont été cédés au titre d’aucun traité», a-t-il lancé.
Ces documents appartiennent aux Autochtones. Nous travaillons dans le cadre de structures coloniales qui empêchent les peuples autochtones d’accéder à leurs propres documents.
À lire aussi : Des processus d’identification autochtone remis en question
Le manque de financement : un obstacle, mais pas le moindre
La recherche de financement reste en outre un enjeu important pour plusieurs des entités convoquées, comme le Musée royal de la Colombie-Britannique et la Société historique de Saint-Boniface.
Selon Jodi Giesbrecht, vice-présidente Archives, Collections et Recherche au Musée royal de la Colombie-Britannique, la recherche des archives reçoit un financement provincial. Néanmoins, celui-ci reste insuffisant.
«Nous sommes à la recherche d’autres possibilités de financement pour accélérer le processus de numérisation et de transfert», a-t-elle fait savoir lors de la séance du 20 septembre.
Notre financement opérationnel issu des gouvernements provincial et fédéral n’a pas augmenté depuis près de 25 ans.
«Sans un financement accru et des ressources humaines pour entreprendre cette tâche à temps plein, ce processus pourrait prendre des décennies», a-t-elle lancé, ajoutant que ce manque de financement retarde «la justice pour ces communautés».
Brian Francis se veut compréhensif de cette situation. Cependant, il presse les gouvernements et l’Église catholique d’allouer le soutien financier nécessaire afin d’expédier tous les documents.
Le Comité prévoit de produire un prochain rapport à ce sujet au début de l’année 2024.
Au début d’octobre, j’ai eu l’occasion de me rendre en Louisiane pour aider la jeune équipe du Louisianais à lancer son média numérique francophone. Les membres de l’équipe du journal se donnent le mandat d’écrire en français louisianais – et ils y tiennent – pour assurer la pérennité de leur langue et de leur culture.
Ils vont même plus loin en faisant paraitre certains articles en créole louisianais. L’article Ki çé Kouri-Vini? est le premier texte publié entièrement dans cette langue sur le site du journal.
L’article s’amorce ainsi : «Ent 1791 é 1815, dê mil zimmigran ki sòr ansyin kolonni-la de Sin-Doming, ça yé pèl Ayiti ojòddi, té rivé endan Lalwizyàn.» Vous comme moi, en lisant à voix haute, pouvons comprendre qu’entre 1791 et 1815, deux-mille immigrants de l’ancienne colonie de Saint-Domingue, qui s’appelle Haïti aujourd’hui, sont arrivés en Louisiane.
Choisir de publier en français et créole louisianais est un geste d’affirmation clairement indiqué dans la mission du journal :
«Le français louisianais est un dialecte régional du français, porteur d’une culture forte et rassembleuse, mais aussi immergé dans une mer anglophone qui menace sa survie. […] Le Louisianais met également en valeur le créole louisianais, une de nos langues patrimoniales, en couvrant des histoires sur la communauté créolophone ou en rédigeant des articles en créole louisianais.»
À lire aussi : Aux États-Unis, la francophonie n’a pas dit son dernier mot
Symbole d’une résistance
La réalisation de ce projet montre la résilience, ou plutôt la résistance, du peuple cajun au cours du dernier siècle.
En 1812, lors de son annexion aux États-Unis, la Louisiane était le seul État américain où l’anglais n’était pas la langue de la majorité. Le français est même demeuré langue majoritaire jusqu’en 1940.
Mais, en 1921, la nouvelle constitution de la Louisiane stipulait que l’anglais devenait la seule langue d’usage enseignée à l’école publique, interdisant ainsi l’enseignement du français, du créole et des langues autochtones. C’était le début d’une lente assimilation.
Cent ans plus tard, malgré ces tentatives d’assimilation, la Louisiane compte environ 200 000 personnes qui parlent le français ou le créole.
Aujourd’hui, les Franco-Louisianais ont leur journal, mais ils ont aussi leur chaine de télévision, Télé-Louisiane, et ils ont accès à des programmes en français à l’Université de la Louisiane.
Cent ans plus tard, des parents font des pieds et des mains pour fonder des écoles d’immersion française où l’on y enseigne le français de la Louisiane. Aujourd’hui, il y aurait 5 000 enfants qui apprennent la langue de leurs ancêtres.
Tout ça existe parce que des gens ont le désir profond de pouvoir vivre dans leur langue et leur culture et parce qu’ils se donnent les moyens de le faire.
À lire aussi : il y a 100 ans, le français subissait l’omerta en Louisiane
Parler français sans s’excuser
Au-delà des institutions officielles, le français se vit aussi en communauté et sans jugement.
Pendant mon court séjour à Lafayette, j’ai rencontré des gens natifs de la région qui renouent avec la langue de leurs parents ou de leurs grands-parents. Au cours de ces conversations, personne ne s’est excusé de ne pas parler «un français sans faute».
Ils ont cette fierté de pouvoir parler une langue qui trouve racine dans leur histoire, dans leur identité. Ils sont conscients qu’elle a évolué dans une direction bien à elle, qu’elle est différente du français normatif. Mais qu’importe, ils vont de l’avant et parlent français, point final.
On est loin du «sorry, my French is not good enough» qui s’entend trop souvent au Canada.
L’identité franco-louisianaise ne passe pas que par la langue. En fait, savoir s’exprimer en français n’est même pas un prérequis. L’identité s’exprime par la culture, la musique et la cuisine ; elle passe par la danse, le zydeco et le gombo. C’est là la recette secrète pour gagner le cœur des gens.
Contrairement à ce que nous vivons ici, le français de la Louisiane n’est pas politisé. Il ne divise pas. La langue et la culture se vivent par choix et surtout avec plaisir.
Nous devons nous inspirer de cette fierté et ignorer le jugement d’autrui, cesser de nous empêcher de reconnecter avec qui nous sommes, et nous exprimer sans nous excuser.
«Sans justice, il ne peut y avoir de paix.» C’est par ces mots que le révérend Mitri Raheb, docteur en théologie et recteur de l’Université Dar Al-Kalima de Bethléem, concluait son message envoyé aux participants du congrès «Land, People and Culture» auquel j’ai participé il y a quelques semaines.
Ce message nous informait que tous les conférenciers étaient parvenus à rentrer à bon port et que Bethléem était coupé du monde par le blocage des sorties de la ville instauré par l’armée israélienne, comme toutes les autres villes de la Cisjordanie occupée.
Aucune justification
Rien ne justifie les atrocités commises par le Hamas.
Rien.
Même pas les souffrances, nombreuses, atroces et injustifiables, subies par le peuple palestinien depuis 75 ans.
Même pas le fait que la bande de Gaza, avec ses 2,2 millions d’habitants sur 365 km2 (à titre de comparaison, le Grand Sudbury, en Ontario, fait 3 228 km2!), ait été transformée en prison à ciel ouvert depuis le blocus imposé par Israël en 2007.
Même pas la résistance à l’oppression. Il ne faut pas salir l’esprit de la résistance, un acte notable qui n’a rien à voir avec des attaques sauvages et délibérées sur des civils.
Rien ne justifie le siège décrété par les autorités israéliennes de la bande de Gaza et les nombreuses violations du droit international humanitaire commises par les forces de l’État hébreu depuis une semaine.
Cette spirale de violence, dans laquelle Tel-Aviv est tombée, le piège grossier tendu par le Hamas, ne mènera à rien. Elle ne fera revenir ni les morts ni les otages. Elle ne sert qu’à alimenter la haine et à former une nouvelle génération de militants qui, à leur tour, prendront les armes.
Elle souligne cependant un premier point fondamental à comprendre : le fait que les actes abjects commis de part et d’autre relèvent d’une logique fondamentaliste religieuse. Ce que l’on voit à l’œuvre, c’est l’odieuse loi du Talion.
Il s’agit d’une très ancienne ineptie que l’on retrouve déjà à l’époque de Babylone, que les rédacteurs de la Torah, le Pentateuque pour les chrétiens, ont reprise à leur compte, et qui sera logiquement reprise dans le Coran. D’où une première porte de sortie : exclure tous discours et acteurs religieux des discussions.
Rentrer dans la modernité
On n’en serait pas là si, depuis deux décennies, les fondamentalistes religieux des deux côtés ne menaient pas le bal.
Le Hamas s’est évertué depuis plus de 30 ans à voiler les femmes palestiniennes et à défendre un projet politicoreligieux néomédiéval qui n’a aucun intérêt pour penser le politique ni la paix, au XXIe siècle.
Les fondamentalistes religieux juifs ont de leur côté durablement affaibli Israël, aujourd’hui une société profondément divisée. D’une part, il y a une majorité (encore) d’Israéliens qui travaillent, se comportent en citoyens modernes, débattent et souhaitent une solution politique.
D’autre part, il y a des communautés ultraorthodoxes qui passent leurs journées à étudier les textes religieux et qui ne contribuent que très peu à l’édification d’un pays, ni en travaillant, ni en payant des impôts, ni en faisant le service militaire.
Dire que les tensions en Israël entre ces groupes sont fortes serait un euphémisme.
Le problème c’est qu’au fil du temps, ces communautés ultraorthodoxes se sont installées dans le paysage politique israélien et que leurs partis servent de forces d’appoint aux gouvernements successifs dirigés par Nétanyahou.
Le signal était pourtant clair
Le monde aurait dû comprendre que la situation avait atteint un point de non-retour il y a près d’un an quand le gouvernement Nétanyahou VI a nommé le chef du Parti sioniste religieux, Bezamel Smotrich, comme ministre des Finances et le chef du parti Force juive, Itamar Ben Gvir – qui, précisons-le, n’a jamais fait son service militaire –, comme ministre de la Sécurité nationale.
Ces deux sinistres personnages d’extrême droite ne sont en fait que les deux faces d’une même pièce de monnaie avec le Hamas.
Smotrich est un suprémaciste juif défendant ouvertement la ségrégation (qui, de toute façon, est un fait accompli, comme j’ai pu le constater en Cisjordanie et en Israël pendant une semaine) et souhaitant l’annexion pure et simple des territoires palestiniens.
Quant à Ben Gvir, il s’agit d’un multirécidiviste dont on ne compte plus les condamnations notamment pour racisme, et dont le président israélien Isaac Herzog disait en novembre dernier que «le monde entier s’inquiétait de ce personnage».
Eh bien non, M. Herzog, le monde ne s’en est pas inquiété!
Les Occidentaux se sont entêtés dans leur soutien inconditionnel au premier ministre Nétanyahou, malgré toutes les bavures des derniers mois.
Parmi ces bavures, deux doivent être soulignées.
Premièrement, il y a les changements législatifs visant à diminuer le rôle de la Cour suprême israélienne. Primo, ces changements témoignent de l’effacement de la démocratie israélienne (déjà parcellaire) et secundo ils ont affiché au grand jour la coupure claire et nette du pays en deux.
Deuxièmement, la présence de ces extrémistes, de ces fondamentalistes messianiques, au gouvernement a poussé Nétanyahou à se concentrer uniquement sur la Cisjordanie, l’objet des convoitises de ces colons, et donc à ignorer tous les signes avant-coureurs de ce qui se tramait à Gaza, y compris les avertissements de l’Égypte.
Laisser la place aux gens de raison pour négocier la paix
Dès le premier jour, toutes les voix israéliennes de la raison ont souligné la responsabilité immense que Nétanyahou portait dans cette effroyable catastrophe.
Un sondage mené pour le compte du Jerusalem Post confirme qu’un nombre écrasant d’Israéliens (65 % des répondants) sont de cet avis. Et 56 % des répondants pensent que Nétanyahou doit démissionner.
Ce serait la moindre des choses.
Ce n’est pas tant pour le fait qu’il a ignoré les avertissements, déjà en soi un acte criminel, que pour ses politiques absolument calamiteuses des 20 dernières années qui ont conduit Israël au bord du gouffre, qui nous ont éloignés comme jamais de la paix.
Il se trouve en Israël, encore, bien des personnes de bonne volonté et raisonnables, des personnes qui savent que non seulement une paix est possible, mais qu’elle constitue la seule voie de sortie.
Des personnes qui savent que la colonisation des terres palestiniennes au profit d’illuminés religieux ne peut pas continuer.
Des personnes qui savent que la solution vient du dialogue avec leurs voisins palestiniens et non de Washington.
Des personnes qui savent qu’ériger des murs ne garantit pas la paix.
Il se trouve en Palestine, encore, plein de personnes de bonne volonté et raisonnables, qui veulent la paix.
Des personnes qui savent que les Israéliens juifs sont là pour de bon et qu’il faudra coexister.
Des personnes qui savent que la coexistence est possible puisqu’elles la vivent au quotidien ; à Bethléem où Arabes musulmans, protestants et catholiques vivent ensemble et étudient ensemble ; à Majdal Shams où Druzes, chrétiens et musulmans survivent ensemble.
Des personnes qui savent qu’il faut commencer par nettoyer dans sa cour et se trouver un président digne de ce nom (il est plus que temps que le président palestinien Abbas prenne sa retraite).
Des personnes qui savent que ni l’Égypte, ni aucun autre État arabe, ni l’Iran ne se soucient réellement d’eux et que seul un processus local par des acteurs locaux non inféodés sera à même d’aboutir à une paix pérenne.
Ces personnes raisonnables savent aussi qu’il faut en finir avec les chimères des plans de partage. C’était inique en 1947 ; c’était ridicule à Oslo en 1995 ; cela ne sera pas plus censé demain.
La Palestine n’est pas un gruyère. Les ressources en eau sont trop rares pour envisager un partage territorial. Il faudra penser une solution à un État avec des mécanismes de partage du pouvoir. Les exemples sont nombreux. Ce n’est pas une solution idéale, mais c’est la moins pire.
Sans justice, sans égalité, sans liberté pour toutes et tous, entre toutes et tous, il ne peut y avoir de paix.
Aurélie Lacassagne est politicologue de formation et doyenne des Facultés de sciences humaines et de philosophie de l’Université Saint-Paul à Ottawa. Elle est membre du Comité de gouvernance du Partenariat Voies vers la prospérité.
La ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, affirme que les négociations sont toujours en cours avec Google sur la loi C-18.
«On est encore à l’étape d’analyser les commentaires que Google a faits et de chercher la voie de passage pour répondre aux interrogations de Google», a expliqué Pascale St-Onge en mêlée de presse mercredi.
Alors que Patrimoine canadien travaille actuellement sur la version finale de la règlementation, le géant du numérique demande plus de clarifications entourant le processus d’exemption.
«Nous pensons, comme d’autres, qu’il existe des approches constructives pour élaborer un régime qui soutienne une industrie canadienne de l’information diversifiée, indépendante et durable», peut-on lire dans la soumission de Google Canada.
Depuis plusieurs mois, le géant du Web dit plutôt favoriser le concept d’un fonds comme celui du Fonds des médias du Canada «auquel Google contribuerait, mais ne gouvernerait pas», a déclaré le président des affaires mondiales et directeur juridique, Kent Walker lors de son témoignage au Comité permanent du Patrimoine canadien le 20 avril dernier.
«Ce fonds serait distribué selon des critères clairs, régis par un conseil d’experts indépendants, conformément à l’approche déjà adoptée par le Canada par le biais de son crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique», écrit dans le discours de Kent Walker.
Pour sa part, Pascale St-Onge a assuré travailler pour éclaircir le processus d’arbitrage souhaité par Google Canada.
Menace de blocage
La Loi sur les nouvelles en ligne (C-18) obligerait les géants du Web comme Meta (maison mère de Facebook et Instagram) et Google à indemniser les médias canadiens pour l’utilisation de leurs contenus sur leurs plateformes.
Selon Google, l’hypothèse du gouvernement selon laquelle les géants du Web génèrent des revenus significatifs à partir des contenus médiatiques est fausse. «Bien que les nouvelles comportent une valeur sociale énorme, elles sont difficiles à rentabiliser», détaille Google dans son document.
Pour riposter au projet de loi, Meta a bloqué l’accès aux nouvelles sur ses plateformes Facebook et Instagram.
De son côté, Google maintient toujours sa menace de poser une action similaire si aucune entente n’est conclue entre les deux parties. Si la menace est mise à exécution, l’entreprise ne sera pas soumise à la nouvelle loi.
Mais contrairement à Meta, Google est toujours à la table de négociations.
La situation économique actuelle choque bon nombre d’organismes francophones, soutient Isabelle Salesse, directrice générale de l’Association franco-yukonaise (AFY).
Tout a augmenté […], mais on n’a pas nécessairement eu une augmentation encore dans nos sources de financement.
«On n’a pas assez de personnel, puis il faut répondre à tous les besoins même au niveau administratif, au niveau technique, etc.», corrobore Jules Chiasson, lui-même obligé d’interrompre son entrevue avec Francopresse pour gérer des questions administratives, faute de collègue disponible.
Avantages sociaux
Les organismes ont de la difficulté à offrir des salaires compétitifs aux employés, confie Isabelle Salesse. «On a beaucoup d’employés qui quittent leur poste pour aller travailler pour d’autres […] qui leur permettent de mieux vivre au Yukon», se désole-t-elle.
Cédric Doucet est l’ancien président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB).
Même son de cloche du côté du directeur général de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Peter Hominuk. Il ajoute que «l’inflation apporte beaucoup de pression» sur son organisme.
Pour Alexandre Cédric Doucet, il faut augmenter les salaires des employés pour les retenir. «Il faut aussi être vraiment créatif au niveau des avantages sociaux qu’on avance auprès des employés et ça, l’argent sera le nerf de la guerre», soutient l’ancien président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB).
À l’AFY par exemple, en plus d’une augmentation salariale de 3 %, les employés peuvent, depuis septembre, travailler quatre jours par semaine pour le même salaire, soit celui d’un salaire de cinq jours semaine.
Les organismes ontarien et néobrunswickois ont assuré avoir réévalué l’offre d’avantages sociaux de leurs associations. «On va regarder la question du télétravail pour réduire les couts», ajoute Peter Hominuk.
À lire aussi : Quand le télétravail devient la norme dans les organismes francophones
Le cout des opérations plus importantes
L’inflation a des conséquences sur la tenue des opérations, mais aussi sur les évènements communautaires, comme les déplacements. «Tous les couts augmentent ; les couts de ressources humaines, les couts de loyers, les couts d’achat d’équipements, d’évènements», dit Peter Hominuk, navré.
Jules Chiasson, directeur général de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE).
«On essaye de diminuer ou de réduire effectivement certaines activités parce qu’on ne peut pas se permettre de les faire toutes», admet de son côté Jules Chiasson de la FANE.
«On est obligé de mettre de côté pour l’instant en souhaitant qu’on puisse les accomplir peut-être au cours des [prochaines] années.»
La FANE a en outre été obligée de tenir son assemblée générale annuelle en mode virtuel cette année, pour permettre aux membres en régions éloignées d’y participer, afin d’économiser sur les déplacements et l’hébergement.
Conséquence sur les communautés
La directrice générale de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA), Isabelle Laurin, voit les conséquences de l’inflation non seulement sur son organisme, mais aussi sur ses membres.
«Je peux penser à nos groupes jeunesse qui subissent de gros contrecoups, notamment la location des autobus a fait exploser le cout de certaines activités jeunesse», indique-t-elle.
Peter Hominuk, directeur général de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO).
Selon Isabelle Laurin, le fait de réduire le nombre d’activités qu’offre un organisme pourrait rendre plus difficile le travail de sensibilisation et de rayonnement de la francophonie. «Notamment pour la construction identitaire de nos jeunes, le fait qu’ils s’attachent à la francophonie, renchérit-elle. On voit un impact encore plus grand parce que leur attachement pourrait être moins important, s’ils vivent moins d’expérience culturelle significative en français.»
Pour l’AFO, le sentiment est le même. «On voit carrément que les gens, ils sentent qu’ils sont moins capables de compter sur nous pour des services», déplore Peter Hominuk qui soutient que des discussions s’imposent pour continuer à assurer la pérennité dans les communautés francophones.
Peter Hominuk insiste : «Nos communautés et nos organismes ont besoin d’être en santé parce que c’est souvent la première ligne de défense pour assurer qu’on est capable de desservir les jeunes.»
Appréhensions autour du Plan d’action
Les organismes sont impatients de recevoir leur part du gâteau du 4,1 milliards de dollars prévus sur cinq ans annoncés dans le Plan d’action pour les langues officielles.
À lire aussi : Un Plan d’action pour les langues officielles, à quoi ça sert?
Cependant, les inquiétudes demeurent importantes.
Isabelle Salesse, directrice de l’Association franco-yukonaise (AFY).
«Je sais qu’il est possible qu’on ait des augmentations, mais est-ce qu’elles vont être suffisantes pour ajuster les salaires et permettre aux gens de mieux vivre aussi?», se demande Isabelle Salesse.
«Même si le gouvernement nous donne des augmentations de 20-25 %, les couts ont augmenté probablement plus que ça au cours des dernières années», renchérit Peter Hominuk.
Isabelle Laurin est du même avis et reste d’autant plus préoccupée pour les moins grands organismes, comme ceux qui travaillent avec la jeunesse. Selon elle, le fonds de roulement pour ces organismes est moins important que celui de l’ACFA.
«On garde un œil un peu sur les différentes organisations de notre communauté. On a des conversations avec certains bailleurs de fonds pour les informer de cette fragilité qui semble se dessiner», soutient-elle.
À lire : Langues officielles : les organismes francophones mis à genoux à chaque Plan d’action
Pierre Poilievre a beau répéter ad nauseam que le gouvernement Trudeau est responsable de la hausse du cout de la vie, non seulement déforme-t-il la réalité, mais les solutions qu’il propose sont loin d’être convaincantes.
Cela ne veut pas dire que le gouvernement libéral ne porte pas sa part de blâme, notamment en ce qui concerne l’abordabilité du logement. L’entrée massive d’immigrants, de travailleurs temporaires et de demandeurs d’asile depuis un an et demi et le financement inadéquat du logement abordable contribuent à la crise.
Sur ce dernier point, la situation dure depuis des décennies. C’est le gouvernement conservateur de Brian Mulroney qui a sabré les dépenses fédérales en logement dans les années 1980 et au début des années 1990.
Depuis, aucun gouvernement, ni libéral ni conservateur, n’a investi des sommes conséquentes dans le logement au pays.
En huit ans au pouvoir, le gouvernement Trudeau aurait certainement eu l’occasion d’en faire davantage, mais cela n’a jamais été une priorité avant cet automne.
Les gouvernements successifs ont été bien contents de laisser la responsabilité financière de bâtir des logements aux ménages. Dans un contexte de tendance à la baisse des taux hypothécaires depuis vingt ans, le Canada a développé l’une des plus importantes bulles immobilières de tous les pays de l’OCDE.
Aujourd’hui, la hausse rapide et probablement durable des taux d’intérêt menace l’accès au logement, et ni le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP) ni l’abolition de la taxe sur les produits et services sur les logements locatifs ne permettront de renverser la tendance à court terme.
Laisser la place aux promoteurs
La solution présentée par les conservateurs au problème est simpliste et, contrairement à ce qu’ils répètent sans cesse, est loin de relever du gros bon sens.
Elle se résume ainsi : les procédures administratives sont trop nombreuses et limitent la capacité des promoteurs à construire de nouveaux logements. Il faut donc réduire la taille du gouvernement (de la Société canadienne d’hypothèques et de logement) et contraindre les villes à accélérer l’émission de permis de construction.
Réduire la taille du gouvernement est une vieille rengaine de la droite populiste qui, si elle permet de réduire les dépenses gouvernementales, ne rend pas les fonctionnaires plus efficaces.
Retenir les transferts aux municipalités en échange d’accorder plus rapidement des permis de construction semble encore moins bien avisé quand les villes peinent déjà à boucler leur budget.
Les conservateurs fédéraux devraient tirer des leçons de la débâcle de la ceinture de verdure de Toronto.
Le gouvernement de Doug Ford tenait un discours très semblable à celui de ses collègues conservateurs à Ottawa avant qu’un rapport de la vérificatrice générale de l’Ontario ne révèle le copinage entre des membres de son cabinet et des promoteurs immobiliers.
Plutôt que d’encourager le développement d’habitations dans la ceinture de verdure, le gouvernement Ford a plutôt annoncé cette semaine qu’il faisait marche arrière et protègerait à nouveau le territoire.
Il y a de bonnes raisons pour lesquelles les villes possèdent des comités responsables de l’urbanisme et qu’on ne laisse pas le soin aux promoteurs privés de construire à leur guise.
Les conservateurs fédéraux ont cependant raison de montrer du doigt le cout des permis et des taxes des villes comme frein à la construction, mais s’ils veulent s’attaquer à ce problème, c’est du côté de la fiscalité municipale qu’il faut regarder.
Les villes dépendent essentiellement des taxes foncières pour se financer. Sans révision de la fiscalité des municipalités et des transferts conséquents des provinces et du fédéral, les villes devront continuer à se financer en taxant les propriétaires et les promoteurs.
S’attaquer à la taxe carbone
L’autre angle d’attaque des conservateurs consiste à accuser les libéraux de faire augmenter les prix au pays avec la taxe carbone.
Soyons clairs, l’inflation exceptionnelle que connait le Canada depuis deux ans n’a à peu près rien à voir avec les politiques fédérales. Ce sont principalement des facteurs extérieurs qui ont fait grimper et qui continuent de faire grimper les prix.
Et parmi les causes de l’inflation sur lesquelles le gouvernement fédéral a un tant soit peu d’emprise, la taxe sur le carbone a une incidence marginale.
Pour l’instant, l’essentiel de la taxe carbone est retourné aux contribuables sous forme de transferts ou de crédits d’impôt et est donc en moyenne à cout nul pour le consommateur.
Il est cependant vrai que, d’ici 2030, les différentes tarifications du carbone feront augmenter de 25 à 30 ¢ le prix du litre d’essence. D’ici là, l’électrification des transports devrait avoir beaucoup avancé, ce qui diminuera les répercussions de la taxe carbone sur le portefeuille des ménages.
On peut être d’accord ou non avec la stratégie déployée par le gouvernement Trudeau pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, mais de dire que la taxe sur le carbone est responsable de l’inflation est au mieux une exagération grossière, au pire un argument fallacieux.
Peut-être que ce genre de lignes d’attaque fonctionne dans l’opposition et permettra aux conservateurs de prendre le pouvoir, mais il faudra faire beaucoup mieux comme politiques économiques s’ils remportent les élections fédérales dans les 18 prochains mois. Sans quoi, les Canadiens risquent de continuer à souffrir tant des couts élevés du logement que de l’inflation en général.
David Dagenais est journaliste économique indépendant et entrepreneur. Auparavant, il a été journaliste à Radio-Canada après avoir mené des études supérieures en économie politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université d’Ottawa.
La dispersion des francophones sur un territoire aussi vaste représente un défi immense pour l’avenir et le rayonnement de la langue française sur le continent.
En réponse à cet enjeu majeur, le gouvernement du Québec, sur proposition de son ministre Benoît Pelletier créait, en 2006, le Centre de la francophonie des Amériques, avec l’appui unanime des membres de l’Assemblée nationale. Il s’agissait d’assurer le leadeurship d’une vaste mobilisation des francophones et francophiles des Amériques.
À lire aussi : Québec et francophonie minoritaire : un rapprochement en vue?
À l’occasion de son quinzième anniversaire aujourd’hui, nous désirons saluer l’impressionnant bilan du Centre. Sa réussite est due au travail remarquable effectué par les petites équipes qui s’y sont succédé depuis sa mise en œuvre en octobre 2008, ainsi qu’à sa capacité à rassembler celles et ceux qui partagent ses valeurs et ses objectifs.
Francophones et francophiles
La raison d’être du Centre est encore plus évidente en 2023, car il répond à des enjeux et à des défis grandissants quant à l’avenir de la langue que nous avons en partage avec les 33 millions de francophones et francophiles des Amériques.
Michel Robitaille est l’actuel président du conseil d’administration du Centre de la francophonie des Amériques et premier président-directeur général (2008-2010).
Depuis sa création, le Centre s’est graduellement construit un impressionnant réseau comptant 85 000 membres, 300 jeunes ambassadeurs et ambassadrices et quelque 650 institutions partenaires avec lesquelles il s’est associé. Aujourd’hui, plus d’une centaine d’activités sont réalisées annuellement.
Conscient que le fait français dans les Amériques est fragile et que son avenir passe par le succès de l’enseignement du et en français ainsi que par la mobilisation des nouvelles générations, le Centre a mis sur pied de nombreux projets destinés à la jeunesse.
C’est le cas du Forum des jeunes ambassadeurs de la francophonie des Amériques, du Parlement francophone des jeunes des Amériques et de multiples initiatives tel le concours Slame tes accents qui se déroule jusqu’au 30 novembre prochain et qui invite les élèves à s’amuser et à créer en français.
Bibliothèque des Amériques
La Bibliothèque des Amériques répond à un besoin criant de francophones qui, aux quatre coins du continent, peinent à accéder à des ouvrages en français. Quelque 18 000 livres numériques d’autrices et d’auteurs francophones, exclusivement des Amériques, peuvent y être empruntés gratuitement.
Grâce à sa notoriété, à son réseau et à son expertise, le Centre de la francophonie des Amériques s’est récemment vu confier, par le gouvernement du Québec, la mise en œuvre de certaines initiatives visant le rapprochement souhaité entre le Québec et les francophonies canadiennes dont la rencontre Mobilisation franco, organisée avec la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada.
La langue française est l’une des grandes langues du monde moderne. Elle est parlée sur tous les continents, sa progression est forte en Afrique, mais elle est aujourd’hui fragilisée dans les Amériques. C’est l’engagement collectif de toute la population, des organisations associatives, des institutions et des entreprises qui est nécessaire pour assurer son avenir et le Centre, précieuse ressource au service des francophones et francophiles des Amériques, y est pleinement engagé.
À lire aussi : Aux États-Unis, la francophonie n’a pas dit son dernier mot
Michel Robitaille, actuel président du conseil d’administration du Centre de la francophonie des Amériques et premier président-directeur général (2008-2010), Délégué général du Québec à New York (2002-2007) et à Paris (2010-2016).
Diane Blais, présidente du conseil d’administration du Centre de la francophonie des Amériques (2015-2018), membre du Conseil supérieur de la langue française (2009-2022), récipiendaire de l’Ordre des francophones d’Amérique.
Clément Duhaime, président du conseil d’administration du Centre de la francophonie des Amériques (2018-2019), Délégué général du Québec à Paris (2000-2005) et Administrateur de l’Organisation internationale de la Francophonie (2005-2015).
Jean-Louis Roy, président du conseil d’administration du Centre de la francophonie des Amériques (2008-2013), Délégué général du Québec à Paris (1986-1989) et Secrétaire général de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (1990 à 1998).
Costanza Musu, professeure agrégée à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa, a signé de nombreux ouvrages sur les politiques occidentales avec le Moyen-Orient. Ses recherches portent actuellement sur la lutte contre le trafic illicite d’antiquités pillées dans les zones de conflit au Moyen-Orient.
Costanza Musu est professeure agrégée à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa.
Francopresse : Le 6 octobre 1973, en pleine fête juive du Yom Kippour, Israël est attaqué simultanément par l’Égypte et la Syrie. 50 ans et un jour plus tard, le 7 octobre 2023, Israël s’est fait surprendre par une nouvelle attaque, cette fois par le Hamas. Comment expliquer qu’Israël n’ait rien vu venir cette fois-ci?
Costanza Musu : Israël savait qu’il y avait des armements qui arrivaient à l’intérieur de la bande de Gaza, qu’ils amassaient des explosifs, les roquettes avec le soutien de l’Iran. Mais probablement qu’Israël ne pensait jamais que le Hamas était en mesure d’organiser une attaque de cette nature.
Probablement que cette attaque a été organisée en utilisant un système de communication qui ne pouvait pas être découvert avec le système de renseignement très sophistiqué qu’Israël utilise. C’est-à-dire la surveillance des appels cellulaires, les courriels, etc. [Le Hamas a] probablement utilisé une technologie beaucoup moins avancée pour éviter d’être pris par le service de surveillance d’Israël.
D’une certaine façon, on peut dire que [les communications] sont passées sous le radar de tous les services de renseignement.
Quelle analyse faites-vous de l’attaque du 7 octobre?
C’est une attaque de proportion beaucoup plus grande que toutes les autres attaques qu’on a vues dans le passé, et surtout, c’était une attaque absolument claire dans sa nature terroriste, c’est-à-dire une attaque à la population.
C’est clair qu’à ce moment, Israël voit cette attaque comme une atteinte à sa souveraineté, ses citoyens, et c’est pour ça qu’on voit cette réponse, maintenant aérienne. Mais peut-être que ça va être une réponse de l’armée qui entre dans la bande de Gaza, dans le but probablement d’essayer de complètement détruire le gouvernement du Hamas dans la bande de Gaza. Est-ce que c’est possible ou faisable? Ça, c’est une autre question.
Mais c’est clair que maintenant, le but de l’État d’Israël n’est pas de tout simplement réduire le pouvoir du Hamas, mais c’est plus d’éradiquer complètement le pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza.
Que sait-on de l’histoire du Hamas?
Le Hamas est une organisation islamiste qui a été créée à partir des Frères musulmans, une organisation basée en Égypte.
Au début, c’était surtout une organisation qui faisait des programmes sociaux, d’éducation pour les jeunes Palestiniens, mais aussi un programme de santé.
Il y avait toujours une tension entre le Hamas et le Fatah, soit l’autorité palestinienne. Mais progressivement, le Hamas est devenu une organisation avec des buts politiques.
Le but politique, tel qu’écrit dans leur charte, est la destruction d’Israël. Ce n’est pas de chercher une solution à deux États, un État d’Israël à côté d’un État palestinien, mais c’est la création d’un État palestinien sur la loi de la charia.
[…]
[Après les élections palestiniennes de en 2006], il y a eu presque une guerre entre le Fatah et le Hamas, on peut dire presque un conflit civil. Il y a eu de la violence entre les deux côtés qui s’est terminée avec une fracture.
C’est-à-dire que le Hamas a pris le pouvoir complètement dans la bande de Gaza et les représentants du Fatah ont pris le contrôle de la Cisjordanie.
Depuis 2007, on a deux acteurs. Quand on parle de processus de paix entre Israël et les Palestiniens, le dialogue se fait seulement entre Israël et l’autorité palestinienne de la Cisjordanie.
Ça cause des problèmes, parce que ces dialogues ne représentent pas la totalité des Palestiniens. Une grosse partie d’entre eux, c’est-à-dire les deux millions qui habitent dans la bande de Gaza, ne sont pas représentés.
L’attaque du Hamas contre Israël a surpris plusieurs acteurs sur la scène internationale. Comment expliquer la réaction des différents États comme le Canada ou la France?
Il n’y avait aucune autre alternative que de condamner l’attaque terroriste du Hamas. Il faut se souvenir aussi que le Hamas est classifié en tant qu’organisation terroriste par le Canada, les États-Unis et plusieurs pays de l’Union européenne, alors c’est clair que la première réaction était de soutenir Israël et de condamner le Hamas.
J’imagine qu’on va aussi entendre des préoccupations pour le sort des civils qui habitent à Gaza. Mais la première réaction, comme on s’y attendait, c’est une réaction de support à Israël dans ce moment, après une attaque comme ça de cette dimension.
Dans ce conflit qui perdure depuis plus de 75 ans, quelle a été l’évolution de la relation diplomatique entre le Canada et les deux États du Proche-Orient?
Je dirais qu’il y a deux côtés à cette question. Il y a le côté de la position officielle du gouvernement canadien, une position très claire. C’est-à-dire que le Canada supporte le droit d’Israël d’exister en sécurité, mais le Canada supporte aussi le droit des aspirations des Palestiniens à créer leur État souverain.
D’un autre côté, le Canada ne reconnait pas le droit d’Israël de rester dans les territoires occupés, il ne reconnait pas la souveraineté d’Israël sur la Cisjordanie, Gaza ou Jérusalem-Est.
Ce qu’on a vu, dans les 15 dernières années, c’est un message plus fort de la part du gouvernement sur les relations entre le Canada et Israël, soit le soutien que le Canada offre entre autres à Israël, des rapports scientifiques et économiques entre les deux pays.
Le Canada soutient une révolution pacifique, supportant le droit international et n’a pas reconnu la souveraineté d’Israël sur les territoires occupés.
«Il n’y a jamais eu autant de sans-abris et de campements dans notre ville», confie Hilary Gough, conseillère municipale de Saskatoon, en Saskatchewan. L’élue affirme que les attentes sur le terrain «dépassent» les compétences de la municipalité. Dans la Ville des Ponts, 550 personnes sont en situation d’itinérance, dont plus de 90 % sont d’origine autochtone.
Laura Pin est professeure adjointe en sciences politiques à l’Université Wilfrid-Laurier de Waterloo, en Ontario.
Ottawa compte de son côté 375 campements d’itinérants, contre 65 il y a trois ans, rapporte la capitale fédérale. Toronto, deuxième place financière d’Amérique du Nord, compte plus de 10 000 sans-abris.
«Bien que le phénomène soit moins visible en zone rurale, les petites villes sont aussi confrontées à un nombre croissant de sans-abris», précise Laura Pin, professeure adjointe en sciences politiques à l’Université Wilfrid-Laurier de Waterloo, en Ontario.
L’itinérance mêle des phénomènes inextricables : dépendances, troubles psychiatriques, pauvreté et pénurie de logements. La crise sanitaire et l’augmentation du cout de la vie ont marqué un tournant et fait basculer une nouvelle population dans la rue, observe Tim Richter, président-directeur général de l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance (ACMFI).
À lire aussi : Itinérance à Charlottetown : «La rue m’a volé beaucoup de choses»
Explosion de la précarité économique
En Alberta, à Medicine Hat, première ville du pays à avoir mis un terme à l’itinérance de longue durée en 2015, la mairesse Linnsie Clark constate ce changement de visage : «La majorité de ceux qui accèdent à nos services d’aide sont des personnes qui n’y ont jamais eu recours par le passé. On a aussi de plus en plus de problèmes de toxicomanie et de santé mentale.»
Joe Preston est maire de St Thomas, en Ontario.
«La situation est complexe, les gens se débattent comme on n’a pas vu depuis longtemps», ajoute l’élue.
Même son de cloche du côté de St. Thomas, dans le sud-ouest de l’Ontario, l’une des deux municipalités canadiennes à avoir mis fin à l’itinérance des anciens combattants. «Ces derniers temps, on voit plus de gens qui ont un emploi, mais qui perdent leur logement parce qu’ils ne peuvent plus payer leur loyer», explique le maire Joe Preston.
Les municipalités tentent de mobiliser tous les outils à leur disposition pour venir à bout de la crise. Elles adoptent des stratégies de lutte contre l’itinérance. Elles déploient des équipes de travailleurs sociaux dans les rues, travaillent main dans la main avec des organismes communautaires ou ouvrent des centres d’hébergement d’urgence.
À lire aussi : Lutte contre la pauvreté : difficile passage du discours aux actes
Les plus exemplaires établissent des listes nominatives des personnes sans domicile fixe et misent sur l’approche dite du Logement d’abord. Des logements stables sont mis à disposition des itinérants qui bénéficient également d’un accompagnement social pour les aider à se reconstruire.
«Les Villes prennent le problème au sérieux, car elles sont en première ligne et en contact direct avec les inquiétudes de leur communauté», assure Laura Pin.
La gravité de la crise a forcé certains maires à outrepasser leur champ de compétence.
Mieux comprendre les réalités des municipalités canadiennes
Enchevêtrement de compétences
Sur papier, le gouvernement du Nouveau-Brunswick est responsable de l’aide aux sans-abris. Mais à Moncton, le conseil municipal a décidé d’offrir un local pour installer un centre d’accueil de jour. L’agglomération consacre par ailleurs plus de 7 millions de dollars dans son budget annuel aux politiques sociales liées à l’itinérance.
Tim Richter est président et directeur général de l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance.
La situation est similaire en Saskatchewan. La compétence provinciale n’a pas empêché Saskatoon de s’activer sur le terrain. Les pompiers sont désormais formés pour orienter les sans-abris vers les services auxquels ils ont droit.
«Ça varie beaucoup d’une province à l’autre. Le gouvernement de l’Ontario a, par exemple, délégué sa compétence aux municipalités, détaille Laura Pin. Mais, globalement, il s’agit d’une responsabilité commune, avec certaines dimensions prises en charge par les provinces et d’autres par les municipalités.»
Les Villes ont beau redoubler d’efforts, «elles n’ont pas le pouvoir et la capacité financière de régler [le problème]», considère Tim Richter.
Car, pour mettre fin à l’itinérance, il faut s’attaquer aux questions de santé mentale et d’aide sociale, qui sont l’affaire des provinces, mais aussi résoudre l’équation du logement social, domaine qui relève d’Ottawa et des provinces.
À lire aussi : Venir à bout de l’itinérance : possible, mais complexe
«Meilleure concertation»
Hilary Gough est conseillère municipale de Saskatoon, en Saskatchewan.
Tim Richter juge ce «millefeuille» de responsabilités contreproductif. «La clé du succès, c’est une gestion coordonnée avec un leadeurship clair : les Villes doivent diriger la réponse sur le terrain, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent leur apporter leur soutien», prône-t-il.
Les spécialistes et les élus interrogés soulignent tous cette nécessité d’améliorer la collaboration entre les différents ordres de gouvernement.
«Il nous faut une meilleure concertation entre notre travail et celui des ministères provinciaux pour éviter le dédoublement des programmes», insiste Hilary Gough à Saskatoon.
«On doit s’assoir ensemble à la table des négociations pour concevoir des solutions communes, déterminer les lacunes et les ressources existantes et, au bout du compte, faire des économies», abonde Linnsie Clark à Medicine Hat.
Reprendre la main sur l’aménagement du territoire
Les municipalités ont néanmoins d’autres cartes entre leurs mains. Elles peuvent par exemple revoir leurs règlements de zonage pour faciliter la construction d’immeubles d’habitation à loyer modéré.
«Traditionnellement, le zonage avait pour but de préserver les quartiers riches de tout type d’habitation qui n’était pas unifamiliale. Il s’agit d’un phénomène d’exclusion auquel il faut mettre fin», relève Carolyn Whitzman, professeure à l’Université d’Ottawa et membre du collectif de recherche sur le logement de l’Université de Colombie-Britannique.
Linnsie Clark est mairesse de Medicine Hat, en Alberta.
Les maires peuvent également adopter des arrêtés municipaux interdisant les rénovictions. Cette pratique consiste à expulser le locataire d’un logement sous prétexte de rénovations à la suite desquelles le propriétaire impose une hausse de loyer.
Plusieurs agglomérations, à l’image de Toronto et de Hamilton en Ontario ou de New Westminster en Colombie-Britannique, se sont engouffrées dans la brèche.
Les règlements qui interdisent les rénovictions sont un «outil précieux» selon Laura Pin. «C’est rare qu’un locataire évincé soit en mesure de réintégrer son logement. Le risque est grand qu’il bascule dans l’exclusion et se retrouve à la rue», analyse-t-elle.
Les Villes ont en outre la possibilité de modifier leurs règles d’urbanisme pour faciliter l’installation de micromaisons de transition ou de campements gérés par des travailleurs sociaux.
Poids financier
Mais toutes ces initiatives coutent cher. En Ontario, un rapport du vérificateur général de la province montre que les municipalités ont augmenté leurs dépenses en matière de sans-abrisme et de logement de 59 % en moyenne entre 2020 et 2021.
Plutôt que d’augmenter les impôts fonciers pour accroitre leurs revenus, certaines Villes se tournent vers les autres ordres de gouvernement pour demander de l’aide. Une raison de plus d’améliorer la collaboration.
Le Canada en villes
La série Le Canada en villes propose un regard sur les succès et les défis des municipalités canadiennes.
Attaque du Hamas en Israël et froid diplomatique entre l’Inde et le Canada
Le ministre de la Défense, Bill Blair, a confirmé jeudi matin que le premier vol d’évacuation des Forces armées canadiennes a quitté de Tel-Aviv avec 130 Canadiens à bord.
Nous travaillons sans relâche pour aider les Canadiens en Israël, en Cisjordanie et à Gaza.
— Bill Blair (@BillBlair) October 12, 2023
Je peux confirmer que le premier vol d'évacuation des @ForcesCanada a décollé de Tel Aviv avec environ 130 passagers à bord.
Nous continuerons à être là pour les Canadiens.
D’autres vols décolleront de la capitale israélienne, transportant des citoyens et résidents permanents canadiens ainsi que leur famille vers Athènes, en Grèce, avant de rentrer au pays par Air Canada.
Lors d’une conférence de presse mercredi, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a indiqué réfléchir à d’autres options pour évacuer les ressortissants canadiens qui ne peuvent pas se rendre à Tel-Aviv. Le Canada discutent avec les Nations unies des moyens possibles pour rapatrier les quelque 70 Canadiens coincés à Gaza.
Mélanie Joly et Bill Blair coordonnent les évacuations des ressortissants Canadiens en Israël.
La ministre en a profité pour affirmer le soutien du gouvernement canadien à l’égard du droit d’Israël de se défendre.
«Nous savons que le Hamas n’est pas le peuple palestinien. Il ne représente pas leurs aspirations et n’offre rien d’autre que davantage de chaos, de pertes et de chagrin», a indiqué Mélanie Joly.
À lire aussi : Une gouvernance mondiale en crise (Chronique)
Plus de 4000 Canadiens ont signalé leur présence en Israël et plus de 400 se trouvent en Cisjordanie et à Gaza.
Jusqu’à présent, le conflit a couté la vie à trois Canadiens et trois autres personnes sont portées disparues.
Environ 20 diplomates canadiens ont été relocalisés au cours des dernières semaines, a rapporté La Presse mardi.
Le gouvernement canadien a froissé des plumes en Inde après avoir annoncé que le gouvernement de Narenda Modi a potentiellement été impliqué dans le meurtre d’un Canadien sikh en territoire canadien.
Le ministère des Affaires étrangères canadien a refusé de commenter à ce sujet. Le gouvernement refuse aussi toujours de confirmer que l’Inde a ordonné le départ d’une quarantaine de diplomates canadiens avant le 10 octobre.
Congrès néodémocrate et prolongation du décret d’amnistie sur les armes à feu
Le chef du NPD, Jagmeet Singh.
Le congrès du Nouveau Parti démocratique (NPD) se déroulera du 13 au 15 octobre à Hamilton, en Ontario. D’après le site Web du NPD, ce sera le plus grand rassemblement des membres du parti depuis plus de trois ans.
En 2022, le NPD a conclu un accord avec le Parti libéral du Canada (PLC) lui assurant de demeurer au pouvoir jusqu’à la fin de son mandat, soit en 2025. Le NPD voulait profiter de l’entente notamment pour faire avancer les dossiers des régimes de soins dentaires et d’assurance médicaments.
Le chef du parti, Jagmeet Singh, a publié sur X sa version du bilan libéral des huit dernières années, dénonçant que «Justin Trudeau s’intéresse aux difficultés des gens juste quand il est en retard dans les sondages».
Le bilan libéral des 8 dernières années:
— Jagmeet Singh (@theJagmeetSingh) October 11, 2023
- Le prix des loyers a doublé
- Les maisons sont hors de prix
- Le coût de l'épicerie a explosé
Justin Trudeau s'intéresse aux difficultés des gens juste quand il est en retard dans les sondages.
C'est ça la vieille politique libérale.
En date du 1er octobre, une compilation des résultats des diverses firmes de sondage par 338 Canada place le NPD au troisième rang avec 18 % des intentions de vote. Les conservateurs se placent au premier rang avec 39 % des intentions de vote, devant les libéraux qui récoltent un résultat de 29 %.
Sécurité publique Canada a prolongé le Décret d’amnistie sur les armes à feu jusqu’au 30 octobre 2025. Celui-ci devait prendre fin deux ans plus tôt, soit dans deux semaines.
Sans en avoir fait une annonce officielle, la décision a fait l’objet d’une mise à jour sur le site Web du ministère.
«Cette prolongation permettra aux propriétaires d’armes à feu et aux entreprises concernées de demeurer à l’abri de toute responsabilité pénale pour possession illégale en attendant qu’ils se conforment à la loi, notamment en ayant la possibilité de participer au programme de rachat», peut-on lire sur le site.
À lire aussi : Armes à feu : un consensus politique qui ne règle pas le problème de fond
L’amnistie, qui s’applique à plus de 1500 modèles d’armes à feu interdites par Ottawa en mai 2020, est une initiative du gouvernement libéral à la suite de la fusillade survenue en Nouvelle-Écosse en avril 2020.