le Jeudi 13 novembre 2025

Quand Anthony Feinstein, professeur de psychiatrie à l’Université de Toronto, a commencé ses recherches sur la santé mentale des journalistes en 1999, il utilisait les journalistes canadiens comme variable de contrôle.

D’après le professeur Anthony Feinstein, les sujets que couvrent plusieurs journalistes canadiens sont particulièrement difficiles depuis quelques années. 

Photo : Doug Nicholson 

Dans un pays calme et sécuritaire, ils étaient une constante à laquelle il pouvait comparer ceux qui partaient en zone de guerre. «Aujourd’hui, c’est beaucoup plus difficile de faire ça», dit-il.

«Les nouvelles locales ont tellement changé. […] Les journalistes canadiens locaux ont désormais un travail beaucoup plus exigeant et potentiellement plus traumatisant à faire.»

Il nomme les mouvements Black Lives Matter, les tueries de masse, les femmes autochtones disparues ou assassinées, les pensionnats autochtones et les changements climatiques comme sources de possibles traumatismes.

«Des communautés ont été ravagées par les changements climatiques, rappelle le chercheur. Les gens ont tout perdu, il ne reste rien des villages, encore moins des maisons. C’est brulé, inondé, disparu. Tu es confronté à d’énormes pertes.»

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«Souvent, en journalisme, ce ne sont pas les scènes les plus violentes ou les plus sanglantes qui vont nous marquer», dit Jimmy Chabot. Pour lui, c’est surtout la proximité au sujet qui peut être éprouvant. 

Photo : Courtoisie

Très près du sujet

Couvrir ce genre de tragédies peut s’avérer particulièrement éprouvant pour les journalistes locaux, et ce, pour une raison particulière : la proximité.

Meurtre-suicide d’un père et de ses enfants retrouvés dans un lac, fusillades, crise des opioïdes, allégations d’agressions sexuelles; ce que couvre Jimmy Chabot dans le Nord de l’Ontario l’interpelle parfois personnellement.

«En faisant du journalisme en milieu local, tu finis toujours par connaitre quelqu’un qui connait quelqu’un, confie le fureteur pour Radio-Canada. On connait presque chaque habitant.»

Au moment où Jimmy Chabot nous accorde une entrevue, il est en route vers un salon funéraire, à Val-Gagné, afin de saluer une dernière fois la dame qui a été sa source d’histoires pendant longtemps et sur laquelle il a consacré trois reportages.

«Cette dame était devenue un peu le Tim Horton du village, où on s’arrêtait pour prendre un café, se souvient-il. J’y allais une fois par mois pour la rencontrer. Souvent, ça débloquait vers d’autres sujets dans ces communautés-là. Son décès est arrivé un peu comme une tonne de briques.»

«Quand il y a des décès dans la communauté, des allégations d’agressions sexuelles, qu’un nom sort dans une allégation ou encore le décès d’une personne que j’ai couverte, ça me bouleverse au plus haut point», admet-il.

Il lui est déjà arrivé de se retirer d’un sujet duquel il se sentait trop près, comme un accident de voiture qui a mené au décès d’une personne qui rentrait d’un spectacle auquel Jimmy Chabot avait aussi assisté.

Sans grand hasard, il avait écrit un reportage sur la victime par le passé. «Il y a une ligne sur laquelle il faut que je danse, puis là, j’ai dit que je ne le ferais pas, raconte-t-il. C’est après cet évènement-là que j’ai dû prendre des antidépresseurs.»

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Ce qui motive Odette Bussière à poursuivre son travail, «c’est de croire en une cause», son journal et la francophonie qu’il reflète. 

Photo : Courtoisie

«C’est du missionnariat»

Pour Odette Bussière, une tout autre réalité alourdit son travail : le manque de ressources.

L’enseignante à la retraite porte plusieurs chapeaux au sein du Goût de Vivre, journal communautaire franco-ontarien dans le sud de la baie Georgienne. Elle est notamment présidente du conseil d’administration, journaliste, réviseure, monteuse, infographe et parfois livreuse de l’édition papier.

Le tout, à titre de bénévole à temps plein.

«Ce n’est pas un travail régulier de 9 à 5, avertit-elle. Le 1er janvier, j’étais ici et je corrigeais le journal.»

Depuis que le gouvernement a presque cessé d’acheter de la publicité dans les journaux, les revenus se font rares. À part elle, il n’y a qu’une seule employée au Goût de Vivre.

C’est du missionnariat. Je serais rentrée chez les sœurs et ça aurait fait la même affaire

— Odette Bussière

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Tout ce travail, elle le fait pour la communauté qui compte sur cette fenêtre sur la vie de leur communauté.

«On a constamment des commentaires, des gens qui appellent pour que paraisse l’anniversaire de leur petit-fils dans le journal, par exemple.» Dans le cas d’un délai dans la parution du journal, le téléphone sonne, relate-t-elle. «Ils vont dire “Hey! Je n’ai pas eu mon Goût de Vivre!”»

«Les gens apprécient le journal et on est un petit peu victimes de ça», remarque Odette Bussière.

Crise des médias

«Les gens se réabonnent pour deux ans – ça va jusqu’en 2026 – alors on se dit qu’il faut continuer. On n’a pas le choix. Mais j’avoue qu’on se pose des questions. S’il m’arrive quelque chose demain matin… Il ne faut pas trop y penser, mais ça serait merveilleux si on pouvait trouver quelqu’un qui veut prendre la relève», avoue-t-elle.

Le Goût de Vivre n’est pas le seul dans cette situation. Les médias locaux et communautaires fonctionnent généralement avec peu, mais, dernièrement, la crise des médias fait plus de ravages.

Le Local News Research Project, qui suit les changements survenus dans les médias au Canada, indique que 518 entreprises de presse locales ont fermé dans 344 communautés entre 2008 et le 1er février 2024.

«Les journaux communautaires publiant moins de cinq fois par semaine représentent 77 % des fermetures», peut-on lire dans leur rapport (en anglais seulement).

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Malgré les moments difficiles, Jimmy Chabot rencontre des gens de toutes sortes. Les liens forts qu’il a tissés dans le Nord de l’Ontario lui permettent de raconter cette région et les humains qui la composent. 

Photo : Courtoisie

La pression d’être partout

À Lafontaine, en Ontario, Odette Bussière comprend bien que si elle ne couvre pas sa région, personne d’autre ne le fera. «Il y avait un journal anglophone distribué gratuitement qui couvrait Midland, se souvient-elle. Il a fermé du jour au lendemain, paf, […] on se retrouve à être les seuls.»

De son côté, Jimmy Chabot ressent une pression similaire : «Kapuskasing est peu desservi, donc c’est sûr […] qu’il faut que je sois extrêmement présent dans ces communautés-là.»

Le professeur Anthony Feinstein rappelle que derrière les textes et le papier, il y a des êtres humains et leurs limites. «On ne peut pas s’attendre à ce qu’une seule personne puisse couvrir l’ampleur de l’actualité en ce moment. Il faut avoir des attentes réalistes.»

«Nous sommes là pour que tous les citoyens puissent parler français à l’extérieur de chez eux. Nous nous efforçons de créer un environnement où la culture francophone rayonne quotidiennement», affirme le maire du Grand Sudbury en Ontario, Paul Lefebvre.

Le maire du Grand Sudbury, Paul Lefebvre, évoque des difficultés de recrutement d’employés qui parlent français. 

Photo : Courtoisie

L’élu insiste sur le besoin vital des francophones de pouvoir «s’entendre, s’écouter et se lire» dans les couloirs de l’hôtel de ville, mais aussi dans les rues et lieux publics de l’agglomération.

Le Grand Sudbury fait partie de la douzaine de municipalités ontariennes qui offrent des services dans les deux langues officielles. Ces villes ont décidé de leur plein gré de se soumettre à la Loi sur les services en français de l’Ontario.

Autrement dit, elles s’engagent à desservir leurs concitoyens en français, totalement ou en partie. Si elles manquent à leurs obligations légales, les résidents peuvent déposer une plainte auprès de l’administration municipale ou du Commissaire aux services en français de l’Ontario.

Sudbury et Nipissing Ouest, par exemple, ont adopté des règlements qui garantissent l’offre de services municipaux en français. D’autres, à l’image de Val Rita-Harty, ont voté une simple résolution d’une phrase ou deux.

Ottawa profite d’un statut encore plus particulier. Depuis 2017, une loi provinciale impose le bilinguisme à la capitale fédérale.

Des règles très hétérogènes

Ces variations créent une situation à géométrie variable. Dans certaines agglomérations, seuls les services de première ligne sont proposés en français. Dans d’autres, les réunions des élus et l’affichage public se font dans les deux langues, les arrêtés municipaux sont également traduits en français, de même que les délibérations et les documents internes.

François Larocque estime que les municipalités «légitiment la langue en lui donnant une place dans la sphère publique». 

Photo : Valérie Charbonneau – Université d’Ottawa

Parfois même, les programmes culturels et les services sociaux sont disponibles en français. À Ottawa, 16 % des postes de la Ville sont désignés bilingues.

«Il n’existe pas de villes en Ontario où l’intégralité des services est offerte dans les deux langues, de manière égale et avec une qualité équivalente», tempère François Larocque, professeur de droit à l’Université d’Ottawa.

Quels que soient le type d’acte juridique adopté et l’étendue de l’offre bilingue, le juriste spécialisé en droits linguistiques y voit néanmoins «un geste fort pour défendre la langue de la minorité».

Il estime que la langue utilisée par les municipalités a un «très grand impact» sur la vie des citoyens, «car c’est l’échelon avec lequel ils interagissent le plus».

«Les villes jouent un rôle crucial dans le maintien et le rayonnement du français, elles légitiment la langue en lui donnant une place dans la sphère publique», poursuit François Larocque.

Fusion et assimilation

Un avis que partage Michel Doucet, professeur émérite de droit à l’Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick : «Les municipalités sont le seul territoire politique [au Canada] où les gens peuvent parler français comme langue majoritaire.»

Le juriste Michel Doucet s’inquiète d’une disparition des municipalités francophones. 

Photo : Courtoisie

«Autrement, le français devient une langue familiale, parlée seulement à la maison et tout le reste des activités sociales se passe en anglais», ajoute l’expert des droits linguistiques.

Au Nouveau-Brunswick, les villes francophones dont au moins 20 % de la population est anglophone ont l’obligation de fournir des services dans les deux langues. Elles doivent notamment traduire les arrêtés municipaux en anglais.

L’an dernier, dix nouvelles municipalités ont dépassé ce seuil dans la province à la suite de leur fusion avec des communautés anglodominantes. Alors qu’elles n’étaient auparavant soumises à aucune obligation, elles doivent désormais offrir des services en anglais.

«Ça entraine des couts supplémentaires de traduction. Les villes reçoivent de l’aide financière de la province, mais je ne suis pas sûr que ça soit suffisant», observe Yvon Godin, président de l’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick (AFMNB).

L’Acadien s’interroge sur la «légitimité» du 20 % : «Ça peut faire partie de l’assimilation, il faudrait peut-être revoir ce seuil à la hausse.»

Pour Michel Doucet, ce seuil est arbitraire et n’est plus «raisonnable» pour protéger les communautés francophones. Car, partout au pays, les villes ont tendance à s’angliciser.

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Moncton, «rôle de chef de file»

Moncton est la première ville canadienne officiellement bilingue depuis 2002. Les élus ont adopté la première politique municipale sur les services et les communications dans les deux langues officielles dès 1991.

«Nous avons un rôle de chef de file particulier à jouer dans la francophonie, insiste la conseillère municipale de la Ville, Paulette Thériault. Les gens oublient trop souvent que le Canada est bilingue.»

Recul du bilinguisme

Face au poids démographique des francophones qui diminue, Michel Doucet craint carrément la disparition des municipalités francophones.

Pour la conseillère municipale Paulette Thériault, Moncton a un «rôle de chef de file particulier à jouer dans la francophonie». 

Photo : Courtoisie

«Il doit y avoir une prise de conscience des partis politiques, nous avons besoin d’actions concrètes pour valoriser le français. Le leadeurship doit venir d’en haut, les municipalités n’ont pas les moyens d’agir à elles toutes seules», insiste-t-il.

L’automne dernier, un rapport déplorait «un recul significatif» du bilinguisme au sein de l’appareil municipal du Grand Sudbury au cours des 50 dernières années.

«On a beau créer des occasions de travail en français, on a du mal à recruter des employés bilingues», confirme Paul Lefebvre.

À lire aussi : Un bilinguisme historiquement sans mordant dans le Grand Sudbury(Le Voyageur)

À Moncton, la conseillère Paulette Thériault reconnait que pendant les conseils municipaux, le personnel et les élus préfèrent souvent l’anglais au français. Certaines municipalités francophones néobrunswickoises offrent même des services en anglais alors qu’elles n’y sont pas tenues par la loi.

«Afficher le français dans le paysage»

Pour inverser la tendance, les municipalités font pression pour que les cibles d’immigration francophone hors Québec soient revues à la hausse.

Yvon Godin, président de l’AFMNB, appelle les municipalités à adopter des politiques linguistiques très strictes. 

Photo : Courtoisie

Yvon Godin appelle également à l’adoption systématique de politiques linguistiques municipales strictes. Il parle «d’afficher le français dans le paysage» : «Les panneaux sur les bords des routes, toute la publicité doit se franciser. Les élus doivent demander aux entreprises qu’[elles] mettent le français en avant.»

Mais aux yeux de Paul Lefebvre, les francophones doivent aussi faire leur part contre l’anglicisation en demandant plus de services dans leur langue maternelle.

«Souvent, à cause du fort taux de bilinguisme, les francophones en milieu minoritaire acceptent plus facilement d’avoir un service en anglais», concède François Larocque.

Le spécialiste note cependant «un profond changement de cap» dans certaines municipalités, notamment en Ontario. Après s’être proclamée illégalement unilingue anglophone en 1990, Sault-Sainte-Marie a voté une résolution pour se dire bilingue.

À lire aussi : Le français prend sa place à la Ville de Sault-Ste-Marie (Le Voyageur)

Le Canada en villes

La série Le Canada en villes propose un regard sur les succès et les défis des municipalités canadiennes.

Je vais mieux. Non pas parce que le printemps commence à pointer le bout de son nez, bien au contraire (j’aime l’hiver!), mais parce que l’équipe française de soccer que j’encourage, l’Olympique lyonnais, enchaine les victoires et s’éloigne d’une relégation en deuxième division française qui lui pendait au nez après une fin d’année 2023 catastrophique.

Car, oui, le supporteur de soccer en Europe vit rarement dans l’indifférence. Les matchs «pour du beurre» sont rares. Si dans les ligues sportives nord-américaines l’excitation monte en cas de qualification pour les séries, par exemple, les championnats de soccer européens sont beaucoup plus punitifs en cas de mauvais résultats.

Pas de prix de consolation avec des choix de repêchage, non, non! C’est le déclassement qui vous attend. Une année de purgatoire dans une division inférieure avec l’espoir, si vous le méritez sportivement, d’une résurrection l’année suivante, qui se traduit par une «remontée» dans la division supérieure.

Il n’y a donc rien d’étonnant à voir les spectateurs en tribune prier lorsque tout va mal. Pour certains, le soccer est une forme de religion. Pas seulement en Europe, le berceau de ce sport, mais aussi en Afrique et en Amérique du Sud. Surtout en Afrique et en Amérique du Sud, devrais-je dire.

Le Brésil, terre sacrée du soccer

Je me souviens que, lors d’un voyage de plusieurs mois en Amérique latine, le moyen le plus efficace que j’ai eu pour apprendre l’espagnol a été d’engager la conversation avec les chauffeurs de taxi en parlant de soccer. Tous avaient un club préféré, un avis à donner sur le départ ou non de Kylian Mbappé au Real Madrid ou sur les chances de leur équipe nationale de bien figurer à la Coupe du monde 2022, au Qatar.

Je pense aussi au Brésil, où le soccer forme, avec le christianisme et le carnaval, une sorte de Sainte Trinité culturelle nationale. La religion – la vraie cette fois – a même largement pénétré les rangs de l’équipe nationale, dont les joueurs affichent librement leur foi. À l’image de la star Neymar, qui avait arboré un bandeau «100 % Jesus» après la victoire du Brésil aux Jeux olympiques de Rio, en 2016.

Plus récemment, la Coupe d’Afrique des nations disputée en février a été un franc succès, battant des records d’audience, avec près de 2 milliards de téléspectateurs cumulés. Le parcours de la Côte d’Ivoire, pays hôte et vainqueur de la compétition, miraculée après être passée près d’une élimination au premier tour, a rappelé à tous qu’il fallait garder la foi en son équipe. Contre vents et marées.

En arrivant au Canada, j’ai rapidement constaté que les adeptes de ma «religion» étaient bien plus rares.

Difficile d’engager une discussion sur le CF Montréal avec un Québécois. Même la présence du Canada à la Coupe du monde 2022 n’a pas vraiment soulevé les passions.

En fait, depuis les années 1970 où quelques stars du ballon rond comme Pelé ou Franz Beckenbauer ont posé leurs valises dans des clubs des États-Unis, on ne peut pas vraiment dire que le soccer se soit imposé comme un sport majeur en Amérique du Nord. Et ce en dépit des très bons résultats des équipes féminines des États-Unis et du Canada au cours des dernières années.

La Coupe du monde 1994, disputée au sud de la frontière canadienne, se voulait un accélérateur à la pratique et a d’ailleurs coïncidé avec la création de la Major League Soccer (MLS) en 1993.

Reste que, trois décennies plus tard, la MLS est considérée comme une ligue mineure dans le monde, tout juste bonne, aux yeux des Européens, à prolonger les carrières de quelques anciens grands joueurs en préretraite.

La Coupe du monde 2026 sera-t-elle décisive?

Pourtant, je pense que le terreau est fertile pour faire passer le soccer dans une autre dimension de ce côté de l’Atlantique. La population nord-américaine n’est pas totalement indifférente à ce sport, preuve en est l’arrivée l’an dernier à l’Inter Miami de Leo Messi, la superstar argentine qui peut être considérée comme le meilleur joueur du XXIe siècle.

À Montréal, la visite du «Dieu du soccer» est attendue le 11 mai prochain. Il faut être prêt à payer un minimum de 450 $ pour assister à la rencontre. Pourtant, il ne fait aucun doute que les 19 000 places du stade Saputo trouveront preneur.

Autre tendance intéressante : le soccer est désormais le sport le plus pratiqué par les jeunes au Canada. Soccer Canada revendique près d’un million de personnes actives inscrites dans 1200 clubs. À titre comparatif, Hockey Canada rapportait 521 300 joueurs et joueuses de tout âge en 2021-2022.

La Coupe du monde 2026, organisée conjointement par les États-Unis, le Mexique et le Canada, arrive donc à point nommé pour transformer ce frémissement indéniable en véritable passion, même si le Canada n’accueillera finalement que 13 matchs, partagés entre Toronto et Vancouver.

Si le Mondial de 1994 voulait faire connaitre le soccer en Amérique du Nord, l’édition 2026 doit lui permettre de se faire adorer.

Je rêve personnellement de voir une démocratisation de la ferveur. S’installer dans un bar avec des supporteurs du CF Montréal, arborer fièrement ses couleurs, siroter une bonne bière, disserter avec plus ou moins de mauvaise foi des choix tactiques de l’entraineur : c’est ça la vraie messe du fan de soccer.

Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.

«Est-ce que je suis vraiment le dernier Canadien français?» C’est avec cette question existentielle que Pascal Justin Boyer entreprend une quête identitaire qui le mènera d’un bout à l’autre du pays. Au Yukon, en Acadie, en passant par les Prairies et le Québec.

Dans Le dernier Canadien français, le comédien, qui s’est notamment fait connaitre dans des productions jeunesse en Ontario, explore les réalités linguistiques et culturelles qui unissent les francophones au Canada, mais aussi qui les distinguent.

Est-ce que le fait d’avoir une langue commune est suffisant pour faire communauté? Pas vraiment, a-t-il découvert.

L’animateur Pascal Justin Boyer s’est rendu au Yukon, pour échanger avec des francophones de la région.

Photo : Moi et Dave Production

Francopresse : Alors finalement, est-ce que vous pensez être le dernier Canadien français?

Pascal Justin Boyer : C’est un peu le punch final du documentaire, donc je vais y répondre, mais de manière mystique.

Ce qu’on a découvert, au travers de nos rencontres et du voyage, c’est que l’identité, du moins la mienne, est vraiment ancrée dans ma francophonie.

Après, le gentilé que je décide d’utiliser, que ce soit Québécois, Franco-Ontarien, Franco-Manitobain si un jour je déménage dans ce coin-là, ça importe peu parce que pour moi, ce qui prime, c’est vraiment de vivre ma vie en français.

Donc à partir de là, je pense que mon attachement est beaucoup plus à ma langue, à ma culture, plutôt qu’à un gentilé quelconque.

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Vous êtes né au Québec, mais avez grandi en Ontario. Comment vous situez-vous par rapport à ces deux identités?

On ne peut pas renier une partie de soi. C’est sûr que je suis Québécois. Je suis né Québécois, j’habite sur le Plateau-Mont-Royal, à Montréal, actuellement. J’ai grandi en Ontario.

J’ai toujours eu l’impression que ces deux identités-là, Québécois et Franco-Ontarien, ça se conjuguait mal ou même pas du tout. C’est dans cette démarche-là que je me suis demandé : «Y a-t-il un terme parapluie qui pourrait justement me permettre de bien désigner ce que je suis?» Et c’est là où j’ai trouvé le terme «Canadien français».

Justement, pour revenir à la genèse du documentaire, pourquoi avoir décidé de le faire maintenant?

En fait, ça fait trois ans qu’on travaille sur ce documentaire-là. Je dis «nous» parce que c’est une idée originale de la productrice au contenu Isabelle Corriveau et moi.

Je pense que les différentes francophonies au pays sont dans un moment charnière, où le Québec semble vouloir se rapprocher de nous.

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Il y a des choses que, nous, on a vécues qui pourraient mieux orienter le Québec dans ses actions pour encourager l’apprentissage de la langue française, notamment chez les nouveaux arrivants et la communauté anglophone.

Je pense qu’on ne se parle pas suffisamment. Je pense que c’est le temps qu’on se parle plus.

Je viens quand même d’un point de vue privilégié : j’ai travaillé en francophonie ontarienne pendant plusieurs années, j’ai voyagé beaucoup, et force est d’admettre que malgré tout ça, je ne connais pas grand-chose de la francophonie canadienne.

Je me suis dit : «Si moi je ne connais pas grand-chose de la francophonie canadienne, il y a de maudites bonnes chances qu’il y ait un paquet de monde qui soit dans la même situation.»

Donc on a utilisé ce véhicule-là, ce documentaire, pour éveiller un petit peu la conscience de tout un chacun par rapport aux différentes communautés francophones au pays.

L’animateur Pascal Justin Boyer discute avec des francophones partout au pays de leur rapport à leur identité, comme ici à Halifax, en Nouvelle-Écosse.

Photo : Moi et Dave Production

À qui s’adresse ce documentaire?

La première étape, c’était de nous connaitre entre nous, entre communautés francophones. Parce qu’il y avait un manque de connaissance. Un Acadien ne connait pas nécessairement le quotidien ou ce que c’est de vivre en français à Whitehorse, au Yukon.

Mais au fur et à mesure qu’on faisait nos préentrevues et qu’on rencontrait de nouvelles personnes, on se rendait compte qu’il y avait une trame narrative qui revenait constamment : c’était l’absence du Québec.

Cette absence-là, elle est beaucoup vécue parce que le Québec est un peu, si ce n’est pas le moteur, le poumon de la francophonie au pays. On se complète bien, mais force est d’admettre qu’il n’y a pas grand Québécois qui sont au courant qu’il y a de la francophonie au bout de la 40 [l’autoroute qui relie Québec à Montréal, NDLR].

En 1968, René Lévesque nous a désignés comme des «dead ducks» […] Ça fait maintenant 50 ans et on est encore très vivants.

C’est le temps de réaxer le dialogue sur quelque chose de beaucoup plus vivant, de beaucoup plus actuel, parce qu’on est loin d’être en train de mourir. C’est le temps de collaborer, de s’unir, de faire front commun.

Pascal Justin Boyer s’est entretenu avec le ministre de la Langue française du Québec, Jean-François Roberge. 

Photo : Moi et Dave Production

Quelles seraient les solutions?

Je pense que notre mandat, d’abord et avant tout, c’est de partir une discussion. Une des solutions, c’est justement d’en jaser, de parler.

Oui, il y a définitivement quelque chose à faire au niveau de la rétention, de l’éducation, de sortes de fronts. C’est une discussion pour nos communautés at large, y compris le Québec, le Canada et les différents francophones un peu partout.

Mais si on aura réussi à motiver une couple de conversations à gauche à droite au Canada, je vais crier mission accomplie.

Le documentaire avance aussi l’idée que le Québec pourrait s’inspirer des francophones en situation minoritaire. Pour quelles raisons?

Ce qui se passe en francophonie canadienne est souvent le miroir de ce qui va arriver au Québec bientôt, ce qui est un argument de plus dans notre arsenal pour dire : «Parlons-nous.»

C’est important d’établir des ponts sur toutes les lignes : les gouvernements, les organisations communautaires, mais aussi monsieur et madame Tout-le-Monde.

Il faut rappeler qu’on existe à l’extérieur de la 40, à l’extérieur du territoire québécois, et il faut défolkloriser le francophone. Au Québec, si on a une pensée du francophone, on va penser à la Déportation de 1755, à Montfort fermé, jamais!, aux crises, aux affaires du passé.

Mais ce qu’il faut, c’est que le citoyen moyen au Québec se rende compte qu’il y a un quotidien en français, différent du sien, un peu partout au Canada. Juste d’avoir cette conscience-là, d’après moi, ça va élever le débat, ça va nous emmener ailleurs.

Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté.

Le dernier Canadien français

Le documentaire se trouve sur la plateforme ICI TOU.TV et sera diffusé dans le cadre de l’émission Doc Humanité sur ICI Télé, le samedi 16 mars à 22 h 30, heure de l’Est.

Avec des informations de Camille Langlade

Plus sur la francophonie

L’Université de Sudbury et l’Université d’Ottawa ont conclu un partenariat pour que la première puisse offrir des cours et des programmes en français dès septembre 2025, ont annoncé jeudi  les deux établissements à Sudbury.

Le président de l’ACFO du grand Sudbury, Marc Gauthier, le recteur et vice-chancelier de l’Université d’Ottawa, Jacques Frémont, le recteur et vice-chancelier de l’Université d’Ottawa, Jacques Frémont, et le directeur général de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, Peter Hominuk lors de l’annonce d’un partenariat entre les deux universités.

Photo : Julien Cayouette – Francopresse

Il reste encore plusieurs détails à confirmer avant de faire des annonces plus précises, affirme le recteur de l’Université de Sudbury, Serge Miville, tels que les cours et les programmes qui seront offerts.

Il a cependant indiqué que son établissement «a une désignation partielle sous la Loi des services en français [de l’Ontario] qui oblige l’Université de Sudbury à offrir des cours et des programmes qui mènent au baccalauréat des arts».

Le financement sera aussi à confirmer. Alors que le gouvernement de l’Ontario avait refusé en juin 2023 de financer l’Université de Sudbury, Serge Miville croit cependant que ce partenariat leur permettra d’étoffer encore plus leur dossier.

Le recteur de l’Université de Sudbury a néanmoins rappelé que le premier ministre canadien, Justin Trudeau, avait affirmé lors de la campagne électorale de 2021 – sur le terrain de l’Université – qu’il y avait toujours 5 millions de dollars de disponibles pour l’établissement.

Les recteurs des deux universités ont affirmé, pendant la conférence de presse, que l’Université de Sudbury gardait le plein contrôle de ses finances, de sa gouvernance et de son enseignement.

Premier rapport sur la pandémie, audiovisuel autochtone et évacuation en Haïti

Jeudi, dans les locaux de l’Office national du film du Canada à Montréal, la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a annoncé l’octroi d’un financement permanent annuel au Bureau de l’écran autochtone (BEA) de 65 millions de dollars, qui seront versés sur 5 ans à compter de 2024-2025. Un financement de 13 millions de dollars par année sera permanent par la suite.

Pascale St-Onge a rappelé l’importance pour les Autochtones de pouvoir raconter leurs propres histoires et de se voir à l’écran.

Photo : Camille Langlade – Francopresse

Ces fonds doivent permettre «à plus de gens des Premières Nations, d’Inuit et de Métis de raconter leurs propres histoires et de se voir à l’écran», rapporte Patrimoine canadien dans un communiqué.

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Cette annonce s’inscrit dans la Loi sur la diffusion continue en ligne et vise à soutenir les récits autochtones.

«Veiller à ce que les communautés autochtones aient les moyens et les capacités de partager leurs histoires fait partie intégrante de notre engagement envers la réconciliation», a déclaré Pascale St-Onge.

Si elle admet que le montant n’est pas «suffisant», Kerry Swanson, présidente et chef de la direction du BEA, a tout de même souligné une «première étape très importante» pour l’organisme et ses créateurs.

Le Fonds des médias du Canada (FMC) a également salué l’annonce. «L’existence d’un organisme de financement soutenu par le gouvernement et dirigé par des Autochtones est vitale pour l’industrie des écrans», a déclaré dans un communiqué Valerie Creighton, présidente et chef de la direction du FMC.

À noter que cette année, la programmation du Festival international du film de Toronto (TIFF) affichait le plus grand nombre de films produits par des Autochtones de toute son histoire.

À lire aussi : Langues autochtones et réconciliation : «Qui fait le travail?»

Le gouvernement fédéral doit nommer un groupe d’experts pour examiner ce qui s’est passé pendant la pandémie de COVID-19, indique le nouveau rapport de l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP) et de l’Institut sur la gouvernance (IOG), publié mercredi.

«Le Canada n’a qu’une image fragmentaire de ce qui est arrivé à ses institutions pendant la pandémie», déclare dans un communiqué Jennifer Ditchburn, la présidente et chef de la direction de l’IRPP.

Le rapport, intitulé Institutions résilientes : Apprendre la pandémie de la COVID-19, met en évidence quatre leçons et propose douze recommandations qui vise à aider le gouvernement à gérer les prochaines crises.

Parmi les solutions proposées : rendre les relations intergouvernementales plus inclusives et créer un groupe de travail pancanadien pour lutter contre la désinformation.

Selon les deux instituts, il s’agit du premier rapport qui examine les conséquences de la COVID-19 sur les institutions du pays.

Le 11 mars, Justin Trudeau a participé à une réunion d’urgence de la Communauté caribéenne sur la situation en Haïti. 

Photo : Marine Ernoult Francopresse

Le ministère des Affaires mondiales du Canada a annoncé jeudi la réduction de son personnel à l’ambassade du Canada en Haïti.

Les membres du personnel dit non essentiels ont été évacués par hélicoptère et temporairement installés en République dominicaine. Ils continueront d’assumer leurs fonctions de manière virtuelle.

Alors que l’ambassade reste fermée au public, les services consulaires sont maintenus.

Malgré la situation alarmante en Haïti, le Canada ne prévoit pas pour l’instant de rapatrier les 3000 Canadiens qui se trouvent présentement au pays.

«Ni le Canada ni aucun de nos partenaires ne sont en mode évacuation de ses ressortissants», a soutenu Sébastien Beaulieu, directeur général de la sécurité chez Affaires mondiales Canada, lors d’une séance d’information technique.

«Nous conseillons aux Canadiens sur place de rester à l’abri, de faire des provisions et de nous contacter directement pour toutes demandes d’assistances», a-t-il ajouté.

Par ailleurs, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a participé lundi à une rencontre urgente avec les membres de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) organisée par la Jamaïque, afin de discuter de la situation de crise en Haïti.

Sous la pression politique internationale, le premier ministre d’Haïti, Ariel Henry, a donné sa démission et les membres de CARICOM ont annoncé la création d’un gouvernement transitoire en attendant les prochaines élections.

Ottawa a annoncé un investissement de 80,5 millions de dollars pour la mission multinationale de sécurité autorisée par les Nations Unies qui doit être menée par le Kenya pour rétablir la stabilité en Haïti. Le pays africain a cependant décidé mardi de retarder le déploiement.

Sous le thème «Échanges et appartenances en espaces francophones», le colloque a réuni de jeunes chercheurs du Canada, des États-Unis et du Maroc.

Quels que soient les enjeux qui traversent les communautés francophones en situation minoritaire au Canada, elles sont souvent «morcelées» et n’affichent pas toujours une unité «solide», estime Sara El Zoghbi, doctorante en éducation en justice sociale à l’Université de Toronto.

À mesure que ces communautés se diversifient, avec de nouveaux arrivants venus du monde entier, «des malentendus et des conflits culturels» apparaissent, en particulier dans le domaine de l’éducation.

Les écoles francophones hors Québec abritent une multitude de réalités culturelles auxquelles les enseignants doivent continuellement s’adapter. Le français est la deuxième, voire parfois la troisième ou la quatrième langue d’un nombre grandissant d’élèves.

C’est comme si tout le monde avait des lunettes et des écouteurs. Notre langue et notre culture influencent notre perception du monde et de la réalité. Il faut prendre conscience de ces biais et de ces stéréotypes pour savoir d’où ils viennent et les déconstruire.

— Sara El Zoghbi

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Changer la perception de la francophonie

Les pratiques et les sujets abordés dans les salles de classe canadiennes peuvent être jugés inacceptables par des parents fraichement débarqués de l’autre bout du monde, dont les référents culturels sont aux antipodes.

De même, à cause de ces différences, les relations entre le corps professoral et les familles peuvent se crisper, car «ce qu’un parent va entendre n’est pas nécessairement ce que l’enseignant lui a dit, la manière dont il va le comprendre n’est pas nécessairement la bonne», détaille Sara El Zoghbi.

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«J’ai réalisé qu’il y a avait énormément de travail à faire au niveau de la perception de la francophonie et de sa diversité», commente celle qui a été enseignante dans des écoles françaises au Liban.

«Supprimer la hiérarchie entre les francophonies»

«On ne doit pas oublier que la francophonie est un espace ouvert, fait aussi de traditions orales, capables de valoriser pareillement la langue française», ajoute Anouar Akki, doctorant en littérature française, francophone et comparée à la Faculté des Langues, des Lettres et des Arts de Kenitra, au Maroc.

Le doctorant marocain Anouar Akki rappelle que «la francophonie est un espace ouvert». 

Photo : Courtoisie

Aux yeux de Sara El Zoghbi, d’un côté, les curriculums canadiens ne sont pas assez adaptés aux élèves, de l’autre, les enseignants arrivant de l’étranger ne sont pas assez formés. Ils connaissent mal les programmes et doivent effectuer des recherches supplémentaires, «seuls, dans leur coin […] laissant une place énorme à l’erreur».

La chercheuse appelle ainsi à les former plus efficacement à la diversité culturelle et au multilinguisme. Elle parle de leur apprendre à mettre en valeur l’identité culturelle et la langue d’origine de leurs élèves.

«Nous devons harmoniser les pratiques et supprimer les relations de pouvoir et la hiérarchie entre les francophonies. Les différents espaces francophones doivent se reconnaitre à égalité», insiste Sara El Zoghbi.

Démonstrations d’unité des Franco-Ontariens

De leur côté, les Franco-Ontariens ont su très tôt unir leurs forces pour défendre l’enseignement dans leur langue maternelle. «L’éducation en français en Ontario a toujours été une question de lutte», affirme Johnsly Ira, stagiaire à l’Observatoire Nord-Sud de l’Université Saint-Anne, en Nouvelle-Écosse.

L’étudiant évoque le combat mené contre le Règlement 17 du ministère ontarien de l’Éducation. Adopté en 1912, il interdisait déjà l’enseignement du français après la 2e année du primaire et comme langue de communication dans les écoles bilingues des réseaux publics et séparés.

Il revient surtout sur la mobilisation plus récente des Franco-Ontariens en faveur de l’ouverture d’une université de langue française. Si la province compte 19 universités, aucune université indépendante n’était exclusivement francophone avant 2021.

Pendant des décennies, la demande des francophones n’a pas été prise en compte, car cela coutait moins cher de financer des programmes en français dans des universités bilingues.

— Johnsly Ira

En Ontario, neuf établissements postsecondaires sont bilingues, comme l’Université Laurentienne et celle d’Ottawa.

«Au-delà de la volonté de desservir la population de langue française, ces deux universités ont privilégié la voie du bilinguisme institutionnel pour s’assurer des subventions du gouvernement provincial», observe Johnsly Ira.

Mais ce modèle du bilinguisme ne convainc pas les Franco-Ontariens, à cause du «risque trop élevé d’anglicisation» et parce qu’il «n’est pas adapté à leurs besoins», détaille celui qui est titulaire d’un baccalauréat en psychologie de l’Université d’État d’Haïti.

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«Les francophones montent aux barricades»

Le travail de longue haleine des Franco-Ontariens finit par payer. En 2017, ils obtiennent de la province le financement de l’Université de l’Ontario français (UOF).

Johnsly Ira, stagiaire à l’Observatoire Nord-Sud de l’Université Saint-Anne, considère que le mouvement contre la fermeture de l’hôpital Monfort en Ontario a «apporté une contribution centrale à la manière de penser les revendications pour que les minorités francophones aient leurs propres institutions». 

Photo : Courtoisie

Quelques mois plus tard, à la stupeur générale, le gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford fait brusquement marche arrière. «Les francophones montent aux barricades pour résister à la décision de Ford», résume Johnsly Ira. Près de 40 manifestations ont lieu à travers la province pour réclamer le rétablissement de l’UOF.

La mobilisation porte ses fruits. En janvier 2020, les gouvernements fédéraux et provinciaux signent une entente de financement de 128 millions de dollars qui sauve l’université.

Johnsly Ira explique que la lutte pour l’UOF s’inspire du mouvement de contestation de 1997 contre la fermeture de l’hôpital Monfort, le seul à offrir des services entièrement en français en Ontario.

À l’époque, grâce à une mobilisation sans précédent, les Franco-Ontariens obtiennent gain de cause devant les tribunaux et sauvent l’hôpital.

«Cette victoire a laissé un socle inébranlable pour d’autres mouvements de contestation, analyse John C. Kina. Elle a apporté une contribution centrale à la manière de penser les revendications pour que les minorités francophones aient leurs propres institutions.»

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Du 4 au 6 mars, le Réseau pour le développement de l’alphabétisme et des compétences (RESDAC) a accueilli des établissements éducatifs, des organismes communautaires et des institutions gouvernementales au Centre national des Arts d’Ottawa.

Ils ont participé à des tables rondes, des panels et diverses discussions sur l’apprentissage tout au long de sa vie.

Dans une déclaration finale, les signataires «s’engagent à inscrire l’apprentissage tout au long de la vie et le développement des compétences dans leur démarche d’épanouissement personnel, tout en contribuant à transformer leur milieu de travail en organisation apprenante et leur milieu de vie en communautés apprenantes».

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Risque de marginalisation

«Ne pas permettre une éducation équitable, cet accès équitable à l’éducation, menace essentiellement la cohésion sociale», prévient Yves-Gérard Méhou-Loko, le secrétaire général de la Commission canadienne pour l’UNESCO.

Selon lui, il est nécessaire de nos jours de comprendre le fonctionnement de la société.

Pour être épanoui, il est important de connaitre ses droits civiques et politiques, déclare François Larocque. 

Photo : Eya Ben Nejm – Francopresse

Il y a «des éléments dont nous avons besoin pour être en mesure de nous émanciper en tant que personnes dans le Canada du XXIe siècle», comme connaitre le fonctionnement d’une démocratie et les bases de la gestion financière, a-t-il ajouté.

François Larocque, professeur de droit à l’Université d’Ottawa et titulaire de la chaire de recherche en droit et enjeux linguistiques, encourage quant à lui les gens à prendre connaissance de leurs droits pour pouvoir «jouer pleinement des avantages de la citoyenneté».

Notamment les droits de nature civique et politique, comme «le droit de vote, le droit de mobilité, le droit à l’égalité, le droit à la vie, la sécurité de la personne», énumère-t-il.

Pour M. Méhou-Loko, il est important de posséder ces éléments pour saisir les subtilités et mieux comprendre le monde qui nous entoure, afin d’éviter de participer à la propagation de la désinformation.

La communauté, une source d’apprentissage

La déclaration finale du Sommet mentionne aussi qu’il est attendu du gouvernement qu’il s’engage à renforcer l’apprentissage des francophones en situation minoritaire, ce qui est inscrit dans la nouvelle Loi sur les langues officielles

L’article 41 (3) de la nouvelle Loi sur les langues officielles stipule que le gouvernement s’engage à assurer l’apprentissage des francophones en contexte formel, mais aussi informel et non formel. La Loi reconnait donc l’existence d’un apprentissage hors du cadre scolaire.

Pour Josée Vaillancourt, directrice générale de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), la modernisation de la Loi sur les langues officielles «est une grande victoire pour le réseau jeunesse, parce que ça vient ajouter une légitimité, une reconnaissance au rôle que l’on joue dans le développement des compétences chez les jeunes».

Les francophones peuvent aussi développer leur apprentissage en étant actifs dans la communauté, rappelle Josée Vaillancourt. 

Photo : Eya Ben Nejm – Francopresse

Le réservoir du savoir ne se remplit pas seulement dans une cour d’école ou au sein d’un amphithéâtre, les personnes continuent d’apprendre en dehors de l’école, comme dans les activités communautaires, les échanges et les expériences gagnées tout au long de sa vie, a rappelé la directrice.

Par exemple, travailler avec les jeunes lui a permis d’apprendre des informations qu’elles ignoraient, témoigne-t-elle.

D’ailleurs, les personnes âgées sont aussi appelées à continuer à développer leurs connaissances, indique Yves-Gérard Méhou-Loko. «Ça leur permet de maintenir des capacités cognitives, par exemple en réduisant certains éléments de vieillissement et en restant actif au sein de sa communauté aussi», précise-t-il.

Mais pour atteindre ces objectifs et encourager les francophones, il est primordial de répondre à leurs besoins en offrant des structures adaptées et en mettant en place des occasions d’apprentissages, a indiqué lors du Sommet Valérie Morand, directrice générale de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF).

Encourager un accès équitable à l’éducation

Mais avant d’en arriver à l’éducation informelle, il faut passer par les écoles. La déclaration met justement en lumière l’importance d’offrir un apprentissage de qualité et d’assurer la vitalité de l’identité francophone pour répondre à la crise éducative dans le milieu francophone minoritaire.

Pour assurer l’apprentissage des francophones en situation minoritaire, il faut d’abord offrir aux enfants des places en service de petites enfances, des écoles à proximité et de meilleures infrastructures, indique Valérie Morand. 

Photo : Eya Ben Nejm – Francopresse

Yves-Gérard Méhou-Loko considère «inadmissible aujourd’hui de [pouvoir encore] parler d’un accès équitable et inclusif à l’éducation».

Les difficultés d’accès à l’éducation en français persistent pour les jeunes francophones en milieu minoritaire. «Dans la grande région de Toronto, nous avons des enfants francophones qui font une heure d’autobus quotidiennement pour pouvoir aller à l’école», déplore le secrétaire général.

«Si les écoles [francophones] sont trop loin, c’est dissuasif, on va choisir l’école de quartier», indique Valérie Morand.

En conséquence, plusieurs jeunes peuvent être désintéressés, détachés et décrocher, énumère Yves-Gérard Méhou-Loko.

Pour permettre l’épanouissement des jeunes francophones dans le cadre scolaire, dit formel, il faut commencer par assurer un nombre de places suffisant dans les services en petite enfance, installer des écoles francophones à proximité et offrir de meilleures infrastructures, soutient Valérie Morand.

La sortie décriée du président français

Le président Macron a brisé un tabou le 26 février en affirmant que des troupes occidentales pourraient un jour être envoyées en Ukraine, car «en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre».

Dès le lendemain, tous les alliés occidentaux sont montés au créneau pour dire qu’il n’en était absolument pas question. Le Canada, par exemple, par la voix de son ministre de la Défense, Bill Blair, a signalé que cela n’était pas dans ses intentions.

On savait de toute façon que le Canada n’avait pas l’intention de faire grand-chose sur le plan militaire, comme le montre le fait que le pays n’a livré que la moitié de ce qu’il a promis comme aide militaire à l’Ukraine.

Cette joute rhétorique à laquelle se sont livrés les dirigeants occidentaux pour marquer très maladroitement l’entrée dans une troisième année de guerre nous révèle encore une fois le manque de profondeur et de connaissances de l’histoire de nos dirigeants.

Des parallèles du passé importants à saisir

Pour qui connait son histoire, le parallèle est immanquable : ne pas appuyer réellement l’Ukraine comme les Occidentaux le font aujourd’hui est l’équivalent de choisir l’abandon de la Tchécoslovaquie en 1938. D’ailleurs, ce qui est fascinant, c’est que les discours sont les mêmes.

Par exemple, les pseudo-intellectuels qui défilent sur les réseaux sociaux et les chaines d’information en continu ne cessent de raconter que «l’invasion russe n’était que défensive, que l’Ukraine l’a bien cherché et que, finalement, c’est de sa faute (et celle de Washington). Elle n’avait qu’à pas vouloir s’arrimer à l’Ouest».

En d’autres termes, ces personnes confondent l’explication et la justification. Comme politologue, j’ai souvent dit et écrit que l’élargissement à l’est de l’OTAN était une erreur, mais pour moi, cela n’a jamais justifié l’invasion russe de l’Ukraine. Invasion que je n’avais absolument pas envisagée par ailleurs.

Parallèle 1 : C’est comme si vous justifiez les actions d’Hitler parce que le Traité de Versailles était trop injuste et trop dur envers l’Allemagne (ce qui est un fait et non une justification).

Parallèle 2 : Les accords de Munich. En fin de compte, les sorties outrées des dirigeants occidentaux le 27 février 2024 contre les propos de Macron signifient que, pour eux, il n’y a pas de ligne rouge quant à ce que Poutine peut faire en Ukraine.

Ils disent : jamais de troupes au sol. Jamais si Kiev était rasée par des bombardements aériens massifs? Jamais si les Russes installaient des camps de concentration (après tout il y a déjà un génocide en cours avec le transfert forcé de milliers d’enfants ukrainiens)? Jamais s’il ne restait que Lviv encerclée à résister? Jamais? Ils ont déjà abandonné l’Ukraine et ils espèrent que Poutine s’arrête là.

Comme en 1938, les dirigeants européens avaient scellé les accords de Munich avec Hitler et Mussolini en se disant qu’Hitler s’arrêterait après l’obtention des Sudètes. La France, qui avait pourtant un traité d’alliance avec la Tchécoslovaquie, avait choisi la voie du déshonneur.

Il faut souligner le courage, mais aussi, et surtout la cohérence, d’Emmanuel Macron qui, après avoir signé un accord de sécurité avec l’Ukraine, en tire les conséquences qui s’imposent.

Que vaut d’ailleurs l’accord bilatéral de sécurité signé en grande pompe par notre premier ministre et le président Zelensky si, quand l’Ukraine est envahie, nous ne sommes même pas capables d’envoyer les vêtements et le matériel d’hiver promis en octobre 2023?

L’urgence d’agir, vraiment

Les lecteurs auront vu venir le parallèle 3. Tout comme Hitler ne s’est pas arrêté aux Sudètes, Poutine ne s’arrêtera pas à l’Ukraine. Les mêmes qui justifient l’invasion de l’Ukraine diront que «mais si, Poutine n’est pas Hitler, c’est différent».

Mais même si on ne peut être certains des intentions du maitre du Kremlin, veut-on prendre un risque ou lui envoyer un message clair? Peut-on tirer une fois encore les leçons du passé?

Moscou est engagé dans un processus de reconstruction de l’Empire en se servant de la présence de minorités russophones pour justifier l’agression. Par conséquent, on peut fortement présumer que la Moldavie et les pays baltes seront les prochains sur la liste.

Il est urgent que l’Europe se réarme, de même que le Canada, car le monde a changé. Le retour de la guerre est bien là. Les dictatures investissent dans leur arsenal. La démocratie est en danger.

La perspective d’un parlement européen où l’extrême droite sera une force de premier plan en juin prochain, tout comme celle de la réélection de Donald Trump aux États-Unis, ne feront qu’accélérer ces processus déjà en cours dans le monde.

Ne faisons pas l’autruche. Soyons réalistes et courageux.

Aurélie Lacassagne est politicologue de formation et doyenne des Facultés de sciences humaines et de philosophie de l’Université Saint-Paul à Ottawa. Elle est membre du Comité de gouvernance du Partenariat Voies vers la prospérité.

Le professeur adjoint à l’École des sciences infirmières (ÉSI) de l’Université d’Ottawa, Idrissa Boego, se dit «écœuré» de la situation. «En général, lorsqu’on reçoit des demandes de ce genre, on s’attend à ce que ce soit bilingue, dit-il. Ils font normalement des efforts dans ce sens-là.»

Idrissa Boego voit une contradiction dans les efforts de travailler avec des groupes minoritaires et l’indisponibilité d’un questionnaire en français. 

Photo : Courtoisie

Ce recensement de la main-d’œuvre de l’Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario (OIIO) est présenté en français et en anglais dans le courriel d’invitation à y participer, mais le questionnaire est seulement en anglais.

La vidéo explicative est aussi présentée uniquement dans la langue de Shakespeare.

«Pour ce premier recensement, l’OIIO a décidé de le lancer en anglais», explique Kristi Green, porte-parole de l’OIIO, dans une réponse écrite. «Nous étions conscients des défis que représentait un premier recensement en trois parties auprès de plus de 200 000 infirmières, en recueillant des données qui n’avaient jamais été collectées auparavant.»

«Notre objectif est d’être pleinement inclusif et d’apporter des améliorations chaque année sur la base des contributions de tous les groupes qui méritent d’être traités sur un pied d’égalité», poursuit-elle.

Contrer la sous-représentation, en anglais seulement

«À l’OIIO, nous savons que les membres de groupes historiquement sous-représentés peuvent être victimes de racisme, de discrimination ou de harcèlement dans leur vie personnelle et professionnelle. […] Ce recensement éclairera la stratégie de diversité, d’équité et d’inclusion de l’OIIO», lit-on sur le site web de l’OIIO.

Pour Diane Quintas, ce recensement est une occasion ratée de recenser les défis particuliers liés à la langue pour les infirmières et infirmiers francophones de l’Ontario.

Photo : Courtoisie

Diane Quintas, directrice générale du Réseau du mieux-être francophone du Nord de l’Ontario, est heureuse de voir que l’Ordre souhaite examiner les lacunes en matière d’inclusion.

Elle a cependant détecté une lacune dans l’examen : «Ils parlent des défis d’équité, de vouloir identifier les obstacles que vivent les infirmiers et infirmières, mais quand on regarde la liste de personnes avec qui ils ont collaboré pour élaborer les questions et préparer le sondage, il n’y a aucune mention de personnes francophones.»

Pour réaliser le recensement, l’OIIO a collaboré avec le Groupe de travail du personnel infirmier noir, l’Alliance des infirmières et infirmiers noirs du Canada, l’Ontario Black Nurses Network, le Canadian Black Nurses Network, et le Indigenous Primary Health Care Council.

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Idrissa Boego félicite l’OIIO pour l’effort de travailler avec ces groupes. D’un autre côté, il y voit une certaine contradiction : «Que ce soit fait en anglais seulement, alors qu’on a pris toute la précaution de travailler avec des groupes minoritaires culturellement, ça m’a paru vraiment bizarre.»

Pour Diane Quintas, «ça va bien au-delà d’avoir le sondage disponible dans les deux langues. C’est de s’assurer qu’il y a des questions qui vont aller chercher de l’information [sur les obstacles auxquels font face les infirmières francophones]». 

D’après elle, le sondage aurait justement été une occasion parfaite pour parler des défis liés à la langue.

«Double mandat»

«L’un des défis qu’on a toujours nommés pour les infirmiers et infirmières francophones, c’est qu’ils sont souvent appelés à faire un double mandat. Ils sont obligés de travailler sur leur plancher et après sur un autre plancher parce que le patient sur l’autre plancher est francophone.»

Jean-Daniel Jacob a refusé de remplir le sondage de l’Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario seulement offert en anglais. 

Photo : Courtoisie

L’OIIO souhaite que les francophones participent au recensement, assure Kristi Green dans son courriel : «Ces expériences sont importantes et nous croyons fermement qu’elles doivent être reflétées dans le recensement.»

«Ça me surprend beaucoup que l’OIIO n’ait pas fait traduire ce sondage», affirme de son côté Paul-André Gauthier, président du Groupe des infirmières et infirmiers francophones de l’Ontario.

À son avis, le recensement «devrait être traduit et fait pour les infirmières et infirmiers francophones de l’Ontario à une nouvelle date afin qu’il soit complété par les membres parlant français».

Mise à part la question sur la langue dans laquelle les répondants peuvent fournir des soins de manière compétente, il n’y a aucune question spécifique aux obstacles linguistiques et aux francophones. Ces derniers devront faire part de leurs défis dans leurs réponses aux autres questions.

Selon Diane Quintas, en ne posant pas ces questions, «on rate une super opportunité d’aller chercher ces données-là».

Un refus de participer

Dans son courriel, l’OIIO exprime son désir d’avoir la rétroaction d’infirmières et d’organismes francophones, mais leur approche pourrait les priver de certaines réponses.

Jean Daniel Jacob, professeur à l’ÉSI de l’Université d’Ottawa, n’a pas complété le sondage. «Je n’ai pas intérêt à soutenir leurs activités, indique-t-il. Ce n’est pas correct de contacter ses membres sans respecter la diversité linguistique de leur membership français et anglais.»

Afin d’en lire le contenu, Idrissa Boego a complété le questionnaire. Il comprend que ce ne sera pas le cas de tous ses collègues. «Ça nous pose problème, nous autres francophones. […] J’en connais qui vont boycotter.»

Michelle Lalonde, aussi professeure à l’ÉSI, confirme que Jean-Daniel Jacob n’est pas le seul de ses collègues à avoir refusé de participer. Malgré la frustration de ne pas pouvoir «s’exprimer dans sa langue», elle ajoute avoir rempli le sondage.

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Lorsqu’il était vice-président des étudiants internationaux de l’Association des universitaires de la Faculté Saint-Jean, Yves Kouassi et son équipe organisaient des activités sociales pour répondre aux préoccupations des étudiants étrangers.

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Participer et intégrer les services de l’université permet d’avoir un effet dans la communauté étudiante, de gagner de l’expérience et de faire plein de rencontres, énumère Yves Kouassi, diplômé en baccalauréat de sciences biologiques à l’Université de Saint-Jean et ancien vice-président des étudiants internationaux au sein de l’Association des universitaires de la Faculté Saint-Jean, à Edmonton, en Alberta.

«Car ce n’est pas en [faisant la même routine de] rentrer à la maison, manger, dormir, étudier, que la vie en tant qu’étudiant international va s’améliorer», ajoute le jeune homme, originaire de la Côte d’Ivoire.

Depuis mars 2023, Yves Kouassi est jeune ambassadeur itinérant de l’Alliance Jeunesse-Famille de l’Alberta society.

Engagement communautaire

Joviale Orlachi Osundu, étudiante à l’Université de Moncton en Travail social, est la présidente de l’Association des Étudiant-e-s Internationaux du Campus Univ. de Moncton. En 2023, elle a été choisie parmi les 23 personnalités marquantes par le journal Acadie Nouvelle.

Avec son parcours, Joviale Orlachi Osundu souhaite montrer qu’il est possible de vivre et d’avoir des opportunités en tant qu’étudiant étranger francophone dans un contexte minoritaire.

Photo : Courtoisie

Elle décrit cette nomination comme la «victoire de la jeunesse immigrante, de la jeunesse canadienne, et d’une jeunesse qui est présente, qui revendique, qui pose des questions et qui veut qu’il y ait des changements».

«[Aujourd’hui] je pense que les jeunes francophones ont besoin de jeunes leadeurs comme eux, qui existent afin qu’ils comprennent qu’on n’a pas besoin nécessairement de parler anglais pour pouvoir défendre des enjeux», dit l’étudiante originaire du Nigéria.

En participant à la vie de son université, Jovial Orlachi Osundu souhaite faire comprendre aux étudiants étrangers qu’il est possible de vivre en français et de profiter de plusieurs opportunités dans un milieu minoritaire.

Nouvelle famille

Jovial Orlachi Osundu n’est pas la seule à s’épanouir en français. Du côté de l’Ontario, à l’Université d’Ottawa, Samar Mohamed Ahmed a débuté son engagement comme directrice des affaires francophones à l’association étudiante de l’École de gestion Telfer.

Pour remercier les étudiants de leur participation, le syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa a organisé, le 24 février, un gala à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs.

Samar Mohamed Ahmed a reçu le prix de l’engagement communautaire. «Nous étions cinq qui ont été nominés et les étudiants ont voté pour moi, c’est une énorme fierté», témoigne-t-elle.

L’étudiante d’Ottawa a commencé par être bénévole dans différents services pendant qu’elle étudiait et travaillait. L’espace entre chaque cours était consacré à sa participation à la vie étudiante, dévoile-t-elle.

L’engagement étudiant «représente ma vie tout simplement, parce que je n’ai pas ma famille ici», dit-elle, émue.

«C’est ces étudiants avec qui j’ai interagi qui deviennent une famille. J’ai pu redéfinir ce qu’était réellement vivre des moments conviviaux.»

Lors d’un gala organisé par le syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs, Samar Mohamed Ahmed a reçu le prix de l’engagement communautaire. 

Photo : Courtoisie

Appuyer et défendre la francophonie

Originaire du Djibouti, Samar Mohamed Ahmed a toujours baigné dans un environnement francophone. Sa mère était professeure de français, elle regardait des films en français, confie-t-elle.

En arrivant au Canada, l’étudiante en gestion internationale s’informe sur l’histoire des francophones au pays. Il devient indispensable pour elle de mettre les francophonies canadiennes au cœur de ses revendications.

«La francophonie représente mon identité, alors au-delà d’être femme, au-delà d’[être] noire, au-delà d’être tout ceci, la francophonie fait partie d’un environnement dans lequel j’ai grandi», déclare-t-elle.

Être engagé comme étudiant international, c’est aussi aider les nouveaux arrivants francophones à s’intégrer plus facilement, remarque Yves Kouassi. «Pour quelqu’un qui quitte par exemple l’Afrique ou bien l’Asie, rentrer ici, au Canada, c’est embrasser un autre système.»

Yves Kouassi et son équipe organisaient des activités et des évènements pour permettre aux étudiants de se rencontrer et de faire du réseautage.

Quand il était membre de L’Association des universitaires, ils écoutaient les préoccupations et les inquiétudes des étudiants. La plupart du temps, c’était sur «les conditions de vie invivable, en parlant des [frais] de scolarités», précise-t-il.

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Réseautage et opportunités

Jovial Orlachi Osundu et Samar Mohamed Ahmed soulignent toutefois qu’il faut être bien organisé et savoir gérer son temps pour se lancer dans de telles aventures, car il ne faut pas négliger ses études, puisque c’est pour cette raison qu’ils sont là, ajoute Samar Mohamed Ahmed.

Être active à l’université donne le sentiment à l’étudiante d’Ottawa de faire quelque chose «d’utile et d’amusant». «Je rencontre du monde incroyable.»

Samar Mohamed Ahmed était au départ une étudiante plutôt réservée et ne connaissait pas encore son plein potentiel, confie-t-elle. En s’impliquant, elle a découvert qu’elle était «capable de prendre des postes avec des responsabilités». «Le fait de ne pas le faire m’avait gardé dans une bulle qui me semblait tout simplement étouffante.»

Les nombreuses heures de bénévolat de l’étudiante lui ont permis d’agrandir son cercle et de trouver des offres d’emplois qui se rapprochent davantage de ses intérêts.

Elle est actuellement superviseure d’évènements au Centre d’administration des clubs pour le Syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa et ambassadrice au Centre des carrières de la faculté de gestion de Telfer.

Samar Mohamed Ahmed encourage quant à elle les étudiants à s’impliquer comme elle le fait actuellement. «Parce que c’est quelque chose qui a vraiment changé ma vie universitaire.»