le Jeudi 13 novembre 2025

La ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a confirmé le 1er mars le financement de 58,8 millions de dollars pour trois ans. L’Initiative de journalisme local (IJL) permet de financer de la production journalistique pour des régions et des sujets qui sont peu couverts par les médias.

La directrice générale de la radio communautaire Boréal FM, Alyson Roussel, confirme que le programme a été important pour la communauté de Plamondon, en Alberta. «Depuis qu’on a l’IJL, on a été capable d’offrir des reportages et plus de bulletins de nouvelles, plus d’informations.»

Le financement leur a permis de passer d’une à deux entrevues par semaine à un poste de journaliste à temps plein qui peut «se consacrer concrètement juste aux nouvelles et ne pas faire 1000 tâches à la fois», illustre la directrice générale.

Cette augmentation du contenu local a eu un effet bénéfique, à la fois sur la radio et sur la région où habitent environ 500 personnes, dont environ le quart est francophone. «La communauté se sent plus impliquée parce qu’on les appelle, on les contacte. Ils se sentent plus écoutés.»

La popularité de la station a augmenté. 

En un an, on a doublé nos cotes d’écoute l’année dernière

— Alyson Roussel, Boréal FM

Même montant que la dernière année

Le gouvernement fédéral reconduit 19,6 millions de dollars par année; le même montant qu’en 2023-2024. L’IJL a été créé en 2019 avec un investissement de 50 millions de dollars sur 5 ans. Il a été bonifié en 2022.

La ministre de Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a confirmé le renouvèlement de l’Initiative de journalisme local (IJL) le 1er mars. 

Photo : Chantallya Louis - Francopresse

«Pour veiller à ce que les communautés mal desservies reçoivent les nouvelles qu’elles méritent, nous continuerons d’appuyer l’Initiative de journalisme local, qui aide les Canadiens et Canadiennes à obtenir des faits et des renseignements fiables lorsqu’ils en ont besoin», a affirmé la ministre St-Onge dans un communiqué.

Selon le gouvernement, l’IJL permet l’embauche de plus de 400 journalistes partout au pays qui couvrent 1500 communautés mal desservies.

Le gouvernement ne gère pas directement la distribution des fonds. Des organismes à but non lucratif se partagent le montant à distribuer à leurs membres. Médias d’Info Canada – qui représente les grands médias – gère 10,5 millions de dollars. Le reste est réparti entre Réseau.Presse, le Fonds canadien de la radio communautaire (FCRC), l’Association canadienne des usagers et stations de la télévision communautaire (CACTUS), la Quebec Community Newspapers Association (QCNA) et le National Ethnic Press and Media Council of Canada (NEPMCC). 

Le renouvèlement a également été bien accueilli par les organismes gestionnaires, en particulier ceux qui représentent les médias de langue minoritaires qui bénéficient de peu d’autres sources d’aide financière.

Selon le Consortium des médias communautaires de langues officielles, 90 % des médias communautaires de langues officielles en situation minoritaire n’ont pas accès au crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne et aux redevances de l’entente conclue avec Google.

«C’est une grande avancée pour nos médias, car ce programme a permis de stabiliser leurs ressources en journalisme local et de rehausser la qualité de leur information locale produite», déclarent les coprésidents de Réseau.Presse (NDLR : Réseau.Presse est l’éditeur de Francopresse), Nicolas Jean et René Chiasson, par voie de communiqué.

Rapprocher les francophonies

Dans deux régions francophones du pays, l’IJL a permis d’ajouter des articles sur des enjeux touchant plus qu’une province ou territoire.

Le quotidien Acadie Nouvelle prend une partie de ses fonds IJL pour couvrir des sujets qui «intéressent à la fois tous les francophones des Maritimes», dévoile le rédacteur en chef, Gaétan Chiasson.

On est en train un peu de reprendre ce que L’Évangéline faisait dans les années 1940-1950, dit-il. C’est de regrouper les francophones de tout l’Atlantique. Le monde a remarqué ça et c’est vraiment bien.

— Gaétan Chiasson, L'Acadie Nouvelle

Avec l’IJL, l’Acadie Nouvelle peut davantage couvrir des sujets qui peuvent intéresser tous les francophones des Maritimes, rapporte le rédacteur en chef, Gaétan Chiasson. 

Photo : Courtoisie

Puisque l’IJL suit les principes Creative Commons, les autres médias de la région peuvent aussi les utiliser, permettant d’alléger un peu le travail de production de chacun tout en desservant leurs lecteurs.

Dans le nord du pays, un accord permet aux trois journaux francophones des territoires canadiens de partager une ressource. Une journaliste attachée au journal L’Aquilon, aux Territoires-du-Nord-Ouest, rédige des textes de l’Arctique qui peuvent aussi intéresser les lecteurs de l’Aurore boréale, au Yukon, et du Nunavoix, au Nunavut.

«On a des réunions chaque semaine par rapport [aux sujets]», confie le rédacteur en chef de L’Aquilon, Giovanni Imidy.

Qu’arriverait-il sans IJL?

Sans l’IJL, Boréal FM et l’Acadie Nouvelle confirment qu’ils ne pourraient pas continuer la production au même niveau. 

«La population aurait peu de nouvelles locales», prévient Alyson Roussel de Boréal FM. La radio qu’elle dirige devrait diminuer sa production.

L’émission du matin garderait son segment de nouvelles, mais celles-ci abordent davantage les nouvelles provinciales et nationales. «Parce que du côté des nouvelles locales, il faut faire des recherches, il faut appeler des gens. Sans une personne qui travaille à temps plein à chercher des nouvelles locales, probablement que la population ne se sentirait pas entendue ni représentée», affirme la directrice générale.

Du côté de l’Acadie Nouvelle, Gaétan Chiasson confirme qu’ils ne pourraient pas continuer à financer la production d’articles pour tout l’Atlantique.

Un peu plus de travail

Giovanni Imidy souligne toutefois que la gestion que demande l’IJL augmente sa charge de travail déjà imposante. «Il se passe toujours de quoi à Yellowknife. Est-ce qu’il se passe toujours de quoi de civique [qui respecte les paramètres de l’IJL]? Pas vraiment», lâche-t-il.

En plus de passer plus de temps à rechercher des sujets, les rapports de production, même s’ils ne sont pas si lourds, sont tout de même un ajout moins bien venu à sa liste de tâches.

Alyson Roussel indique que pour les radios, l’IJL entraine d’autres dépenses non couvertes. «On ajoute un salaire, mais là, ça nous augmente nos frais SOCAN [pour les licences musicales]. Ce sont des dépenses qui ne sont pas couvertes par l’IJL», qui peuvent quand même compliquer la gestion d’un budget serré.

Néanmoins, les résultats sont plus positifs que négatifs pour la directrice générale. «C’est un des [programmes] plus faciles à gérer de mon côté, je trouve.»

Alors que les défis de l’accueil des immigrants font la une des médias, la phrase «je vous l’avais dit» traverse les esprits d’experts en immigration. Ils avaient pourtant prévenu Ottawa : accueillir un grand nombre d’immigrants aurait, entre autres, un impact sur le logement et n’apporterait pas les bénéfices escomptés. Mais le fédéral est tout de même allé de l’avant avec des cibles élevées.

Une personne employée au sein d’IRCC, n’était pas surprise de ce développement. Elle voit le travail de fonctionnaires ignoré depuis des années quand leurs conclusions ne vont pas dans le sens des plans du gouvernement.

Nous donnerons à cette personne le nom fictif de Marie. Francopresse a accepté de protéger son identité, parce qu’elle craint des répercussions au travail.

Un travail qui dérange

Selon elle, la plupart des fonctionnaires n’oseraient jamais aller contre le courant : «Dès que tu dis un peu la vérité, fearless advice, dis ce que tu penses, c’est fini.»

Elle voit donc peu de gens qui osent présenter des points de vue divergents dans la fonction publique. «Il n’y a rien de pire dans une démocratie.»

Elle doute d’ailleurs que même les avertissements émanant de fonctionnaires se rendent toujours au bureau du ministre de l’Immigration.

«Je pense que plusieurs sous-ministres et sous-ministres adjoints croient que leur mission est de protéger [le ministre]. Ils empêchent que des choses soient écrites ou s’assurent que ça ne monte pas pour pouvoir dire “le ministre n’était pas au courant, donc il a continué sa mauvaise idée, mais il ne le savait pas”.»

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La vérité étouffée

Selon Andrew Griffith, directeur général à IRCC de 2009 à 2011, un certain degré de tension est normal, même bénéfique.

Andrew Griffith est l’auteur du livre Policy Arrogance or Innocent Bias : Resetting Citizenship and Multiculturalism.

Photo : Courtoisie

«La bureaucratie est censée offrir des conseils sans peur en fonction de son analyse et de son expertise et le niveau politique doit apporter sa perspective», explique-t-il.

Mais la transmission des conseils à travers l’échelle bureaucratique est floue, prévient-il. La parole est habituellement plus franche chez les directeurs, mais «plus haut, les sous-ministres adjoints et les sous-ministres sont moins directs en fonction de leurs efforts à répondre aux besoins politiques».

«C’est probablement là que réside la majeure partie de la frustration liée à l’ignorance de l’expertise», précise M. Griffith.

C’est au sein même de la fonction publique que l’information semble bloquer, corrobore Marie. «Les politiciens préfèreraient éviter de faire des erreurs, mais ils se sont entourés de hauts fonctionnaires opportunistes, ambitieux, peu compétents qui étouffent la vérité.»

«Les hauts fonctionnaires qui pensent seulement à leur carrière sont le pire problème, la pire plaie. Les ministres peuvent influencer leur carrière, alors ils s’autocensurent, censurent les autres et s’entourent de gens peu compétents ou qui leur ressemblent», poursuit-elle.

Manque d’expertise chez les cadres supérieurs

Dans le rapport d’un examen effectué par l’ancien sous-ministre d’IRCC, Neil Yeates, ce dernier parle de tensions à IRCC qui seraient «exacerbées par la forte baisse d’expertise en matière d’immigration parmi les [sous-ministres adjoints] et les [directeurs généraux]».

Selon lui, cette baisse d’expertise est relativement nouvelle et crée un «manque de crédibilité vis-à-vis des employés de première ligne et des gestionnaires» qui connaissent bien la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

«Qui voudrait d’une douche froide?»

L’immigration a toujours été très politisée, fait remarquer Andrew Griffith. «Là où les choses se sont gâtées, c’est dans l’encouragement de l’immigration à grande échelle qu’a défendu l’Initiative du siècle, diverses organisations commerciales [et d’autres] sans qu’aucun d’entre eux, jusqu’à trop tard, ne commence à dire : “Attendez une minute, il va y avoir des implications à cela. Avons-nous les capacités d’absorption pour tous ces immigrants?”»

Il ne croit pas que l’argument selon lequel il faut hausser les seuils d’immigration afin de remédier au vieillissement de la population ait été assez remis en question. Surtout lorsque l’on considère le nombre de démographes qui ne partageaient pas cette analyse.

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Mikal Skuterud compare sa situation à celle des scientifiques du changement climatique, dont les avertissements ont longtemps été ignorés par les gouvernements. 

Photo : Courtoisie

Plusieurs économistes ont aussi critiqué cette approche, dont Mikal Skuterud, professeur d’économie à l’Université de Waterloo, en Ontario. Il a l’impression que parmi tous les experts en immigration, ce sont surtout les économistes qui sont ignorés.

«Qui voudrait d’une douche froide? Pourquoi voudraient-ils nous parler si on ne leur donne pas les réponses qu’ils veulent?», demande-t-il.

Le gouvernement avance que l’augmentation de l’immigration permet la croissance économique, «mais pour l’économiste, ce n’est pas vraiment honnête».

«Pour l’économiste, la croissance économique vient de l’augmentation du PIB par habitant, explique-t-il. Et rien ne prouve que l’augmentation de l’immigration fasse croitre le PIB par habitant.»

En fait, dans les dernières années, celui-ci a chuté. «Les économistes avaient donc raison, mais ils ont été complètement ignorés sur cette question», déplore Mikal Skuterud.

«Je ne pense pas que l’identité de la personne qui transmet le message soit importante, tant que le message est conforme aux objectifs du gouvernement», ajoute-t-il.

Étant lui-même immigrant, le professeur aimerait pouvoir dire qu’une hausse de l’immigration améliorera le sort économique de tous. «C’est une très belle histoire à vendre, mais c’est juste faux, martèle-t-il. Ce n’est pas si simple.»

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Les affaires, ce n’est pas l’économie

Christopher Ragan, professeur en économie à l’Université McGill, à Montréal, était membre du Conseil consultatif en matière de croissance économique mis sur pied par le gouvernement libéral en 2016 et présidé par Dominic Barton, ex-directeur de la firme McKinsey et cofondateur de l’Initiative du siècle.

«Je ne voyais aucune raison à l’époque, et je n’en vois aucune aujourd’hui, de penser que l’augmentation de l’immigration puisse être le pivot d’une stratégie de croissance. Du moins, pas le type de croissance qui devrait nous intéresser. J’ai mené ce combat au sein du Conseil et j’ai perdu», a déclaré l’économiste sur X en janvier 2024.

Christopher Ragan craint que sa position soit considérée comme étant contre l’immigration, alors qu’il en reconnait plusieurs bénéfices. 

Photo : Courtoisie

Sa position n’a pas été retenue dans les rapports du Conseil, probablement parce qu’«un consensus entre 12 personnes n’arrivera jamais», déclare-t-il en entrevue avec Francopresse.

«Le gouvernement perçoit mal l’immigration et son rôle dans la croissance générale et je crois que le Conseil y est pour quelque chose», assure-t-il.

Christopher Ragan était l’un des seuls économistes au sein de ce conseil : «La plupart étaient des gens d’affaires, ce qui est problématique pour un conseil sur la croissance. […] Leur point de vue est important, mais ils n’ont généralement pas beaucoup de compétences en termes de politiques.»

«Je pense que le gouvernement a aussi écouté le lobby des affaires qui a demandé plus d’immigration, en particulier d’immigration temporaire, pour remplir des pénuries de main-d’œuvre, parce qu’ils préfèrent embaucher des immigrants que d’augmenter les salaires», se désole-t-il.

C’est presque une secte. Et comme toute bonne secte, il faut un leadeur. Il a un nom : le Bureau international des poids et mesures (BIPM), à Paris.

Cette noble institution, créée en 1875 pour codifier le système métrique, fixe le temps universel, sur lequel la grande partie des habitants de notre monde se fie pour régler «leur» temps.

Comme l’œuvre de Dali, le temps n’est pas toujours au beau fixe, malgré les calculs atomiques de la seconde. 

Photo : Wikimedia Commons, don universel au domaine public

C’est au XIXe siècle qu’on a fixé pour la première fois un temps «commun». Une conférence internationale tenue en 1884 aux États-Unis a convenu que le méridien de Greenwich serait la base des fuseaux horaires du monde et que l’heure du méridien de Greenwich, en Angleterre, serait la référence du temps pour la planète.

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À cette époque, l’heure variait d’une ville à l’autre, même si très peu de distance les séparait. L’heure de Greenwich, devenue le «temps moyen de Greenwich» («Greenwich Mean Time», abrégé GMT), a d’abord servi à uniformiser l’heure au Royaume-Uni.

Puis d’autres pays l’ont adoptée comme référence (avec les décalages horaires). L’Observatoire royal de Greenwich envoyait par exemple aux États-Unis un signal à l’Université Harvard, au Massachusetts, par câble sous-marin.

Des horloges et des heures

Bien que la référence «géographique» du temps était Greenwich, une autre conférence internationale en 1912 a confié à l’Observatoire de Paris le soin de «mesurer» le temps. C’est à ce moment qu’est né le Bureau international de l’heure.

Version améliorée (2005) d’une horloge atomique «à fontaine d’atomes de césium» servant à calculer le temps. 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Plusieurs pays ont commencé à se doter d’horloges perfectionnées pour maintenir le plus possible la régularité du temps. Alors que la technologie évoluait, les méthodes comme le câble sous-marin ne suffisaient plus.

Aux États-Unis, les «gardiens du temps» dépêchaient à Paris deux fois par année en avion un scientifique qui apportait dans ses bagages de cabine deux horloges très complexes pesant 25 kilos chacune.

Le temps était littéralement compté pour cette mission, car les piles des horloges ne tenaient que 24 heures. Une fois à Paris, les horloges américaines étaient synchronisées avec celles du Bureau international de l’heure.

Cette pratique s’est perpétuée jusqu’à l’arrivée des premiers satellites GPS, en 1978, qui ont rendu ces visites inutiles.

Quant à l’heure moyenne de Greenwich, elle sera la référence mondiale jusqu’en 1972, année où elle sera remplacée par le «temps universel coordonné» (UTC). Que s’est-il passé? Rien sauf… une révolution dans la mesure du temps : l’horloge atomique.

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Des atomes pour calculer le temps

En 1945, un physicien de l’Université Columbia, à New York, découvre qu’il serait possible de mesurer le temps grâce aux vibrations atomiques. Quatre ans plus tard, la première horloge atomique est fabriquée, utilisant des molécules d’ammoniac.

Quelques années plus tard, on substitue l’ammoniac par un élément plus fiable et plus facile à manier : le césium.

Un grand nombre de pays, le Canada y compris, se doteront d’horloges atomiques au césium à la fin des années 1950 et au cours de la décennie suivante pour former un réseau international de la mesure du temps. Il existe actuellement plus de 450 horloges atomiques réparties dans 70 centres de recherche dans le monde.

Les pays munis de ces horloges font une moyenne du temps qu’ils calculent et envoient leurs données au BIPM (qui entretemps a absorbé l’ancien Bureau international de l’heure).

Le BIPM fait alors une moyenne de toutes ces «heures» des pays participants pour déterminer l’heure commune, connue comme le «Temps universel coordonné» ou UTC.

En 1972, l’UTC a officiellement remplacé le GMT comme référence internationale du temps.

Une horloge atomique en 1955. Déjà, elle fonctionnait avec un taux d’erreur d’une seconde aux 30 ans. 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

La question qui tue : qu’est-ce qu’une seconde?

Depuis un siècle, on calculait la seconde en se basant sur la rotation de la Terre. Il suffisait de diviser le temps de rotation par 86 400 – le nombre de secondes dans une journée – pour en connaitre la durée. Simple, non? Oui, mais l’affaire n’était pas ketchup.

Tempus fugit, le temps fuit ou le temps file. Vitrail dans l’église Saint-Pierre, Upper Sandusky, Ohio). 

Photo : Wikimedia Commons, Share Alike, 4.0 International

La Terre ne tourne pas exactement toujours à la même vitesse, en raison de toutes sortes de facteurs, comme les vents, les marées, etc. Les «24 heures» ne sont pas toutes de la même durée, donc les heures et les secondes non plus.

La nouvelle mesure rendue possible par les horloges atomiques a permis de déterminer une durée plus stable de la seconde, et donc du temps. La nouvelle définition de cette unité fondamentale du temps, adoptée en 1967, est de «9 192 631 770 oscillations (9,2 milliards pour simplifier) d’un atome de césium entre ses différents niveaux d’énergie». Coïncidence, il faut environ 9,2 secondes pour dire à haute voix cette définition!

Tout est donc réglé et on peut dormir tranquille en sachant que le temps est (presque) immuable. Faux! C’est que… le temps «atomique» a un peu le même problème que l’ancien GMT, c’est-à-dire qu’il n’est pas parfaitement au diapason de la rotation de la Terre.

Les scientifiques ont donc convenu qu’une seconde dite «intercalaire» serait ajoutée à l’UTC chaque fois que l’écart dépasserait 0,9 seconde. Depuis 1972, cet ajustement d’une seconde a été effectué 37 fois. Avec les nouvelles technologies, ces modifications du temps universel créent des problèmes technologiques de plus en plus sérieux.

Les GAFAM s’en mêlent

La Terre prend environ 23 heures, 56 minutes et 4,1 secondes à faire une rotation. Ce petit décalage sur nos 24 heures doit être corrigé de temps à autre afin que le Temps universel coordonné (UTC) s’harmonise au temps astronomique. 

Photo : NASA (équipage d’Appolo 17), Wikimedia Commons, domaine public

La situation est telle que, l’an dernier, les géants du numérique, surnommés les GAFAM, pour Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, font pression sur les gardiens du temps pour qu’ils cessent cette pratique. Et les gardiens ont dit oui… mais d’ici 2035.

Or, comme par coïncidence – encore une –, il s’avère que la rotation de Terre a plutôt tendance maintenant à s’accélérer. Il est donc possible qu’il ne soit pas nécessaire de réduire le temps universel pour un moment.

Et comme on n’arrête pas le progrès, de nouvelles horloges atomiques, plus performantes que celles au césium, ont fait leur apparition. Il s’agit d’horloges optiques utilisant un nouvel élément, l’ytterbium, un métal de terres rares. Ces horloges pourraient offrir une précision de 10 à 100 fois supérieure.

Le temps fuit à vive allure. C’est probablement pour ça qu’il est si facile de le perdre. Tempus fugit.

Beaucoup de chiffres ont été lancés des deux côtés de la Chambre des communes cette semaine. Il ne faut cependant pas seulement se fier aux attaques de l’opposition officielle ni à la défense du gouvernement pour avoir un portrait juste. Les réponses complètes et les vérités se trouvent ailleurs.

Le faible impact sur l’inflation

Pierre Poilievre et ses troupes conservatrices répètent que la tarification fédérale du carbone – le nom officiel de la taxe sur le carbone – fait augmenter de façon importante le cout de la vie. Ils demandent donc son abolition, sans offrir de solution alternative.

Le premier produit que l’on pense à relier au carbone est l’essence. Une hausse de 65 à 80 dollars la tonne aura lieu le 1er avril.

Selon la Fédération canadienne des contribuables, cette augmentation fera passer la tarification par litre d’essence de 14,3 à 17,6 cents. Soit une augmentation de 3,3 cents le litre. Les guerres à l’étranger entrainent des fluctuations bien plus importantes.

Dans le pire des cas, si vous devez entièrement remplir le réservoir de 136 litres de votre F-150, il vous en coutera 4,49 dollars de plus qu’en mars.

Les conservateurs rappellent que le prix de tous les produits est influencé par le cout du transport. Donc, puisque le cout de l’essence augmente, tout ce que l’on achète coute aussi plus cher. Une autre vérité qui doit être relativisée. Selon le directeur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, l’augmentation annuelle de 15 dollars la tonne de la tarification sur le carbone contribue à l’inflation à la hauteur de 0,15 %. Avec une inflation de 3 % – environ ce que l’on voit depuis le début de l’année –, l’augmentation de la tarification compte pour 5 % du 3 %.

En d’autres mots, si votre épicier augmente le prix de votre soupe préférée de 50 cents, seulement 2,5 cents de cette augmentation sont dus à l’augmentation de la tarification sur le carbone.

Mais ça revient dans vos poches… ou presque

Les libéraux de Justin Trudeau commencent à peine à répéter que l’argent prélevé est remis à ceux qui l’ont payé.

Le gouvernement fédéral ne garde pas l’argent qu’il prélève : 90 % sont retournés aux contribuables. Le montant remis est différent dans chaque province où la tarification est appliquée, mais constitue en moyenne 1160 $ par année pour une famille de quatre.

Remise canadienne sur le carbone pour une famille de 4 personnes pour 2024-2025

Alberta : 1800 $

Saskatchewan : 1504 $

Manitoba : 1200 $

Ontario : 1120 $

Nouveau-Brunswick : 760 $

Nouvelle-Écosse : 824 $

Île-du-Prince-Édouard : 880 $

Terre-Neuve-et-Labrador : 1192 $

Source : Gouvernement du Canada

D’ailleurs, les prochains paiements seront envoyés en avril. Si vous vous demandez si vous le recevez, surveillez attentivement votre boite aux lettres ou votre compte en banque.

Pour se défendre des attaques des conservateurs, les libéraux martèlent que le Bureau du directeur parlementaire du budget (DPB) a calculé, dans un rapport datant de février 2020, que 8 ménages sur 10 (ou 4 sur 5) reçoivent plus d’argent qu’ils n’en payent en tarif sur le carbone.

Malheureusement pour les libéraux, le DPB était moins catégorique en 2022 et 2023.

Les nouveaux calculs tiennent compte de l’augmentation du montant de TPS/TVH payé sur la tarification et des impacts économiques de la mesure, comme la perte de revenus et le ralentissement de l’économie qu’elle peut provoquer. Ce serait plutôt 2 ménages sur 5 qui auraient plus d’argent dans leurs poches après le remboursement.

Mais pour certains économistes, cela reste une victoire. Parce que s’il n’y avait pas de système de tarification et de remboursement, il y aurait quand même une augmentation des couts qui ne remettrait pas d’argent dans les poches des contribuables. Au lieu de récupérer une partie de leurs dépenses, ces derniers payeraient 100 % des couts de la pollution. Ce dont ne tient pas compte le DPB dans sa deuxième analyse.

Ce n’est pas qu’une question d’argent

Reconnaissons une chose : le cout de la vie a beaucoup augmenté, mettant à risque plusieurs ménages canadiens.

D’un autre côté, il ne faut pas se leurrer : les impacts des changements climatiques couteront plus cher à tout le monde.

Selon l’Institut climatique du Canada (ICC), «d’ici 2025, les dommages liés au climat ralentiront la croissance économique du Canada de 25 milliards de dollars annuellement, soit 50 % de la croissance du PIB prévue». Et ce seront les ménages à faible revenu qui souffriront le plus, ajoute l’ICC.

Justement, d’après les données du DPB, ces ménages reçoivent toujours plus d’argent de la Remise canadienne sur le carbone qu’ils n’en payent à la tarification du carbone. Pas les propriétaires de F-150.

Au-delà des questions de dépenses et de revenus, la tarification sur le carbone a un objectif principal : changer nos habitudes. Il a été prouvé plus d’une fois que d’augmenter le prix d’un produit est la meilleure façon d’en diminuer la demande.

Nous avons démontré ci-dessus que l’impact le plus important de la tarification reste sur l’essence, et non sur vos cannes de soupes.

Il est vrai que plusieurs régions canadiennes n’ont pas accès au transport collectif. Mais si personne n’est forcé d’en créer et de l’utiliser, il ne se développera pas.

Ne pas mettre toute la boucane dans la même cheminée

L’ICC vient tout juste de publier un nouveau rapport indiquant que la tarification sur le carbone n’est pas la mesure la plus efficace pour réduire les émissions de carbone. Elle représenterait entre 8 et 9 % de la diminution des émissions de gaz à effet de serre au Canada.

À côté, le système d’échange pour les grands émetteurs, la bourse du carbone qui vise les plus importants pollueurs, aura diminué les émissions de 23 à 39 % en 2030.

Ça ne veut pas dire qu’il faut abandonner la tarification pour les particuliers. Nous avons besoin de plus d’une mesure pour atteindre les cibles de réductions. Il est normal que les grands pollueurs puissent diminuer de façon plus importante leurs émissions, puisqu’ils travaillent avec des quantités beaucoup plus élevées.

Mais malgré ces chiffres intéressants, le système d’échange ne serait pas suffisant à lui seul.

Plus sur la francophonie

Mardi, le projet de loi C-35, portant maintenant le nom de Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada, a reçu mercredi la sanction royale avec l’amendement proposé par le sénateur René Cormier.

L’amendement engage entre autres le gouvernement fédéral à financer à long terme les services de garde des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM).

«Cette mesure législative reconnait les principes directeurs des investissements fédéraux en faveur d’un système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada», peut-on lire dans le communiqué du gouvernement.

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Immigration, conflit israélo-palestinien, taxe carbone, élections et funérailles d’État

Marc Miller a annoncé une réduction du nombre de résidents temporaires au Canada étalée sur trois ans. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Le nombre d’immigrants temporaires admis chaque année au Canada diminuera pour être limité à 5 % de la population canadienne dans trois ans.

L’annonce a été faite jeudi par le ministre de l’Immigration, Marc Miller, et le ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles, Randy Boissonnault.

«Cet objectif sera finalisé à l’automne, après consultation de nos homologues provinciaux et territoriaux et dans le cadre de la planification annuelle des niveaux», a lancé Marc Miller en conférence de presse.

Selon Marc Miller, en 2023, le nombre de résidents temporaires au Canada a augmenté de manière significative, atteignant 2,5 millions, soit 6,2 % de la population canadienne.

Par ailleurs, le ministre Miller précise que les résidents temporaires incluent des immigrants entrant au Canada à travers plusieurs filières et programmes d’IRCC. Il est question, entre autres, d’étudiants internationaux, de travailleurs étrangers temporaires et de titulaires d’un permis de travail de troisième cycle.

De son côté, Randy Boissonnault a annoncé que «certaines mesures à durée limitée du Plan d’action pour les employeurs et la main-d’œuvre du Programme des travailleurs étrangers temporaires ne seront pas renouvelées et prendront fin plus tôt que prévu ce printemps».

À partir du 1er mai 2024, il sera notamment question de réduire le pourcentage de la main-d’œuvre provenant du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET).

La Chambre des communes a adopté, lundi, une motion non contraignante proposée par le Nouveau Parti démocratique (NPD) en vue de rétablir la paix au Proche-Orient.

Le Nouveau Parti démocratique de Jagmeet Singh a déposé lundi une motion en Chambre dans le but de faire reconnaitre l’État de la Palestine par le Canada. 

Photo : Chantallya Louis – Francopresse

La motion a été lourdement amendée par le Parti libéral avant le vote. Elle demande entre autres au gouvernement d’exiger un cessez-le-feu immédiat, la libération de tous les otages et d’exiger un accès humanitaire sans entrave à Gaza.

La motion initiale mentionnait aussi la reconnaissance officielle de l’État de Palestine et «de maintenir la reconnaissance par le Canada du droit d’Israël à exister et à vivre en paix avec ses voisins».

La motion amendée, qui a finalement été adoptée à 204 pour et 117 contre, ce lit comme suit : «de collaborer avec les partenaires internationaux pour poursuivre activement l’objectif d’une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient, y compris en vue de l’établissement de l’État de Palestine dans le cadre d’une solution négociée à deux États, et de maintenir la position du Canada selon laquelle Israël a le droit d’exister et de vivre en paix et en sécurité avec ses voisins».

Le Parti conservateur du Canada a présenté jeudi une motion de censure pour demander la dissolution de la Chambre «afin que les Canadiens puissent voter lors d’élections portant sur la taxe sur le carbone».

Cette proposition critique la hausse de 23 % de la taxe carbone prévue à partir le 1er avril – qui atteindra 80 $ la tonne. En fait, la hausse a été le cheval de bataille du chef conservateur toute la semaine. Pierre Poilievre a demandé à répétition, chaque jour, si les libéraux allaient annuler la hausse prévue. 

Les libéraux ont répété que, selon un rapport de 2020 du directeur parlementaire du budget, 8 ménages sur 10 reçoivent un remboursement plus élevé que ce qu’ils paient en redevances.

Puisque les néodémocrates et les bloquistes avaient annoncé avant le vote qu’ils rejetteraient la motion, le résultat était connu d’avance. Le vote a eu lieu en fin de journée et la proposition conservatrice a été battue par 204 votes contre 116. 

Le ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, a déposé mercredi le projet de loi C-65 visant à apporter des modifications à la Loi électorale du Canada (LEC).

Le projet de loi a pour but d’éliminer les obstacles au vote, d’encourager la participation des électeurs, de mieux protéger les informations personnelles et de renforcer les mesures de protection électorales, y compris contre l’ingérence étrangère.

Il vise aussi à renforcer le processus électoral pour lutter contre la désinformation et l’utilisation abusive de la technologie, indique le gouvernement dans un communiqué.

Il est notamment question d’ajouter deux jours supplémentaires de vote par anticipation et de proposer de nouvelles règles sur les contributions de tiers afin d’accroitre la transparence et d’empêcher les fonds obscurs ou étrangers d’entrer dans le système.

Brian Mulroney aura droit à des funérailles d’État le samedi 23 mars 2024. 

Photo : Wikimedia_Commons

Le 18e premier ministre du Canada, Brian Mulroney, décédé le 29 février dernier, a reçu cette semaine des funérailles d’État.

Sa dépouille a été exposée en chapelle ardente dans l’édifice Sir-John-A.-Macdonald à Ottawa, mardi et mercredi. 

Une seconde exposition a eu lieu jeudi et vendredi à la basilique Saint-Patrick de Montréal.

La cérémonie funéraire aura lieu à la basilique Notre-Dame de Montréal, samedi.

Les Canadiens peuvent signer le Livre des condoléances en ligne à la mémoire de Brian Mulroney.

À lire aussi : Brian Mulroney a rapproché conservateurs et francophones

«Cette anthologie rend l’histoire des francophones en situation minoritaire plus réelle et palpable. Elle permet véritablement de lire des morceaux d’histoire», affirme l’historien Joel Belliveau, cofondateur de l’anthologie virtuelle Parolefranco.ca.

«Le public redécouvre avec les mots de l’époque les luttes des francophones pour avoir des services en français, des écoles, des universités, mais aussi des quotidiens de langue française», poursuit Marcel Martel, l’autre historien derrière le projet.

À lire aussi : Une anthologie des «prises de parole» importantes dans les francophonies canadiennes (l-express.ca)

Le site internet Parolefranco est la première anthologie virtuelle consacrée à l’histoire des francophonies canadiennes en situation minoritaire depuis 1867. 

Photo : Imprim Écran

Le site web regroupe cinquante documents de la création de la Confédération, le 1er juillet 1867, à aujourd’hui. Des écrits qui témoignent des prises de parole par et pour les francophones en situation minoritaire. Il s’agit aussi d’un outil pédagogique pour les enseignants. Un lancement virtuel est prévu le 27 mars prochain.

Chaque document original, numérisé dans son intégralité et mis en ligne, est accompagné d’un court texte de mise en contexte et de nombreuses références bibliographiques. Le tout est systématiquement traduit en anglais.

«C’est une excellente initiative, les connaissances mises en avant sont de premier ordre, très bien choisies et parlent à des personnes non initiées», salue André Magord, professeur à l’Université de Poitiers, en France, et titulaire d’une chaire Mobilité francophone de l’Université d’Ottawa.

«C’est une ressource très précieuse pour ceux qui étudient l’histoire canadienne depuis l’étranger», ajoute-t-il.

Un outil pour les plus jeunes

Le site internet Parolefranco.ca n’est pas seulement pour les universitaires. C’est aussi une ressource pédagogique pour les enseignants.

Les historiens Joel Belliveau et Marcel Martel veulent contacter les ministères de l’Éducation des provinces afin de jeter des ponts entre l’anthologie et les curriculums du secondaire tout en créant du matériel pédagogique pour les élèves.

«On pourrait même imaginer un second développement pour les plus jeunes, avec un côté encore plus coté ludique et davantage d’images», avance l’historien français André Magord.

«Portes d’accès immédiates sur l’histoire»

Face à la concurrence d’internet et des réseaux sociaux dans la transmission des connaissances, André Magord considère Parolefranco comme un «outil intéressant, capable de retenir l’attention des jeunes et de leur offrir des portes d’accès immédiates sur l’histoire».

L’idée de l’anthologie trottait dans la tête de Marcel Martel depuis au moins quatre ans. Le professeur d’histoire à l’Université de York, en Ontario, regrettait l’absence d’un recueil pancanadien, auquel «tous les Canadiens pourraient s’identifier».

«Il y en avait quelques-uns sur les Acadiens et les Franco-Ontariens, mais ils dataient des années 1980-1990 et n’avaient jamais été mis à jour», détaille-t-il.

André Magord, professeur à l’Université de Poitiers, juge que l’anthologie virtuelle Parolefranco est une «excellente initiative», à même d’intéresser les jeunes à l’histoire.

Photo : Courtoisie 

L’historien Joel Belliveau évoque les nombreuses heures de recherche passées dans les centres de recherche et les dépôts d’archive pour mettre la main sur les documents les plus pertinents. 

Photo : Courtoisie

L’historien Marcel Martel, cofondateur de Parolefranco, reconnait certains «trous» dans l’anthologie à propos des femmes, des minorités racialisées, ou encore de la communauté 2ELGBTQIA+. 

Photo : Courtoisie

C’est un coup de fil de la journaliste indépendante Andréanne Joly, en 2022, qui a donné vie au projet.

Elle rédigeait alors un cahier traitant du rôle des médias dans les crises scolaires franco-canadiennes et était tombée sur un discours de Marcel Martel, dans lequel il formulait le vœu d’une anthologie pancanadienne. Elle avait alors cherché à savoir si ce projet s’était concrétisé. Malheureusement non, lui avait-on répondu.

Mais il n’en fallait pas plus à Marcel Martel pour dégoter un financement du Secrétariat du Québec aux relations canadiennes et se lancer dans l’aventure avec Joel Belliveau.

Les deux historiens ont écumé les centres de recherche et les dépôts d’archives partout au pays en quête de manifestes, de lettres, de discours, de mémoires, de chansons, etc. Ils sont allés à Moncton, à Ottawa et à Winnipeg, entre autres, et ont fini par identifier près de 80 documents.

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Chasse au trésor

«Ce n’était pas évident, on a passé des heures à fouiller dans des salles d’archives, on est allé à la pêche à l’information», observe Joel Belliveau.

Les spécialistes ont mis sur pied un comité scientifique pour les aider à sélectionner les textes les plus pertinents et emblématiques. Ils ont aussi lancé un appel à contribution à la communauté universitaire.

L’article Molière go home! a été publié en 1970 dans le journal étudiant de l’Université Laurentienne Le Lambda. Il symbolise la première étape qui mènera à la révolution culturelle des francophones du Nord de l’Ontario.

Photo : Courtoisie

Rapidement, plusieurs critères se sont dégagés. Les documents devaient être inédits, écrits par des francophones et refléter la diversité régionale des francophonies canadiennes. Ils devaient en outre mettre en lumière la situation et les priorités des communautés, les tensions internes autant que les moments d’unité.

Pour le moment, près de la moitié de la sélection concerne l’Ontario et le Nouveau-Brunswick. L’anthologie compte ainsi plusieurs manifestes, «des écrits qui veulent secouer les gens et leur disent “réveillez-vous”», décrit Marcel Martel.

Il cite notamment Molière go home!, rédigé en 1970 par des étudiants de l’Université Laurentienne. Ces étudiants en littérature française dénoncent l’absence d’auteurs franco-canadiens dans les programmes d’études et les références étrangères, surtout françaises, perçues comme aliénantes, qui dominent.

Joel Belliveau évoque, lui, le plus vieux document du site : une lettre du 14 aout 1867 que l’abbé Georges Antoine Belcourt, fondateur de la Banque des Fermiers à l’Île-du-Prince-Édouard, adresse à un gentilhomme français. Cette lettre témoigne des débuts de la renaissance acadienne.

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Encore des «trous»

Deux autres mémoires féministes adressées à la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada en 1968 retiennent l’attention des historiens. Le premier est celui de la Fédération des femmes canadiennes-françaises.

Deux groupes féministes francophones ont envoyé leurs revendications à la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada en 1968. 

Photo : Courtoisie

Le second est celui d’un groupe de femmes de Moncton. Son contenu est influencé par les 241 réponses à un questionnaire publié dans L’Évangéline, le quotidien de langue française des Maritimes.

À travail égal, salaire égal, des garderies payées par l’État, des congés de maternité, leurs revendications sont encore d’actualité.

«Malheureusement, il y a des trous. Nous aurions aimé avoir plus de documents sur les femmes, le monde ouvrier, les minorités racialisées, la communauté 2ELGBTQIA+», reconnait Marcel Martel.

Mais le recueil n’en est qu’à ses débuts. L’objectif des fondateurs est d’ajouter régulièrement de nouveaux documents : cinq à six par an idéalement. D’ici quelques semaines, deux textes supplémentaires devraient venir enrichir la collection.

«Nous lançons un appel au public, si vous notez des manques, n’hésitez pas à nous en faire part», insiste Marcel Martel.

En France, André Magord a déjà quelques idées. Il pense à des manuscrits sur les Congrès mondiaux acadiens, les relations entre l’Acadie et la France du temps du président français Charles de Gaulle.

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Pour le président du conseil d’administration du Centre international de documentation et d’information haïtienne, caribéenne et afro-canadienne (CIDIHCA), Frantz Voltaire, il faut remonter dans le temps afin de comprendre la situation qui se déroule en Haïti, plus exactement en 2010.

Malgré le tremblement de terre qui secoue la capitale Port-au-Prince le 12 janvier 2010, la communauté internationale, y compris les États-Unis, impose des élections présidentielles aux Haïtiens, relate-t-il.

2010 : catastrophe naturelle, crise politique

Le 14 mai 2011, Michel Martelly devient président avec plus de 67 % des voix, alors qu’il n’avait obtenu que 21 % des voix au premier tour.

En février 2016, sous la pression populaire, il laisse le pouvoir, sans successeur élu.

Après une crise électorale, à la fin de l’année 2016, «encore une fois [la communauté internationale] impose la “solution Jovenel Moïse”, qui va passer avec presque 500 000 voix, alors qu’il y a 5 millions d’électeurs», raconte Frantz Voltaire.

Ce faible taux de participation à l’élection présidentielle s’explique par un boycottage du scrutin.

[Les Haïtiens] reprochaient ce double standard à la communauté internationale présente en Haïti : il y avait d’un côté un discours sur la démocratie et de l’autre des pratiques antidémocratiques.

— Frantz Voltaire

L’écrivain canado-haïtien soutient que c’est à partir de ce moment-là que le pays a vu croitre le nombre de gangs armés dans les rues de Port-au-Prince. «[Ils] sont peu armés au départ, mais armés de plus en plus en raison d’un trafic d’armes», ajoute Frantz Voltaire.

D’où viennent ces armes?

Selon Frantz Voltaire, il n’y a pas en Haïti de production industrielle d’armement; ces armes proviennent principalement de la Floride et de la frontière avec la République dominicaine.

Les États-Unis ne font pas le travail nécessaire pour contrôler le flux d’exportation légale et illégale d’armes à feu en Haïti, estime de son côté Stephen Baranyi, professeur titulaire en développement international et mondialisation à l’Université d’Ottawa.

De Jovenel Moïse à Ariel Henry

Le 5 juillet 2021, deux jours avant son assassinat, Jovenel Moïse nomme Ariel Henry premier ministre du pays. Ce dernier ne passera donc jamais devant le Parlement haïtien, comme le prévoit la Constitution haïtienne de 1987.

Malgré cela, Ariel Henry est nommé à la tête du Palais national par l’ancienne représentante spéciale du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) en Haïti, Helen Meagher La Lime.

«Il n’y a pas eu d’élection, rappelle Frantz Voltaire, et Ariel Henry a gouverné pratiquement en autocrate, mais sans contrôler la situation sécuritaire, sans mettre en place des politiques de changement.»

Grogne grandissante

Le mandat d’Ariel Henry devait prendre fin le 7 février 2024, mais il repousse encore une fois les élections à l’année 2025. «Ce qui donnerait à Ariel Henry un mandat peut-être présidentiel», commente Frantz Voltaire.

Toutefois, avant de lancer le processus électoral, Ariel Henry souhaite ramener l’ordre à Port-au-Prince. Il se rend donc au Kenya pour signer une entente pour l’envoi de plus de 1000 policiers kenyans dans le cadre d’une mission internationale soutenue par les Nations unies pour endiguer la violence des gangs armés.

Frantz Voltaire souhaite voir une solution par les Haïtiens pour résoudre la situation en Haïti. 

Photo : Courtoisie Gregory Jean Baptiste

Mais une partie de la communauté haïtienne voit la mission kenyane comme «une fausse solution», dit Frantz Voltaire.

«Vous envoyez 1 000 policiers qui ne connaissent pas la langue, qui ne connaissent pas le pays, en plus qu’ils n’ont pas l’infrastructure nécessaire pour opérer dans le pays. […] On avait l’impression que cette opération était un peu bidon», lâche-t-il.

Pour sa part, Stephen Baranyi soutient que cette mission ne peut qu’aider la Police nationale d’Haïti (PNH) à restaurer un certain niveau de stabilité, «mais elle doit aller de pair avec un accord politique menant à des élections plus crédibles».

Pendant ce temps, la situation sécuritaire et humanitaire dégénère au pays. Le 2 mars dernier, les gangs prennent d’assaut les deux plus grandes prisons de la capitale et libèrent plus de 3 000 prisonniers.

La grogne s’élève à Port-au-Prince, la sécurité des citoyens est de plus en plus à risque. Les gangs prennent le contrôle de plus de 80 % de la capitale ainsi que de l’aéroport international et des ports. Ils bloquent aussi l’accès à plusieurs routes principales.

La demande des groupes armés est claire : Ariel Henry doit démissionner. Le premier ministre ne peut donc plus retourner au pays. Le chef du groupe armé G9, Jimmy Chérizier, surnommé «Barbecue», menace de déclencher une guerre civile.

Rencontre d’urgence et démission

Voyant la situation empirer, la Communauté des Caraïbes (CARICOM) convoque une rencontre d’urgence en Jamaïque le 11 mars. Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, y participe par vidéoconférence, mais aucun représentant haïtien n’y prend part, un «grand problème», soutient Stephen Baranyi.

Stephen Baranyi croit qu’un conseil présidentiel de transition est un pas dans la bonne direction pour sortir Haïti de cette crise politique.

Photo : Chantallya Louis – Francopresse

Cependant, «Haïti était dans une impasse», ajoute-t-il. Pour lui, l’idée derrière cette rencontre était «d’aider les Haïtiens à construire un contrepouvoir qui pût avoir un petit peu plus de légitimité requise pour organiser des élections et surveiller la force multinationale».

Sous la pression populaire et ayant perdu l’appui de la communauté internationale, Ariel Henry annonce sa démission le 12 mars, mais pas sans condition. Il déclare qu’il continuera de gérer les affaires courantes, en attendant la création d’un conseil présidentiel demandé par CARICOM.

Malgré tout, la CARICOM obtient l’accord des États-Unis et du Canada pour mettre en place un conseil présidentiel de transition. «Un énorme pas en avant», considère Stephen Baranyi.

Un conseil présidentiel, c’est quoi?

«On crée une instance qui va être très difficile [à gérer], observe Frantz Voltaire, perplexe. Une commission présidentielle composée de sept membres venus de différents secteurs. C’est une structure qui n’est prévue ni par la Constitution ni par la tradition gouvernementale en Haïti.»

Le président du CIDIHCA indique que le conseil présidentiel n’est pas chargé de remplir des fonctions exécutives, mais de proposer un premier ministre qui aurait notamment comme mandat d’organiser des élections.

Cependant, la complexité de la crise haïtienne ne peut être résolue par la présentation d’un groupe, avance M. Voltaire.

Même son de cloche du côté de Stephen Baranyi.

On ne résout pas les problèmes de fond d’un pays comme Haïti en un jour. Mais ce déblocage était absolument crucial pour pouvoir mettre en place un vrai gouvernement plus largement accepté.

— Stephen Baranyi

Ce pouvoir, attendu par la communauté internationale depuis maintenant plusieurs jours, pourrait permettre aux forces multinationales de contrôler les gangs.

Il n’y a cependant toujours pas de consensus concernant qui devraient être les membres du conseil présidentiel.

Par ailleurs, le Kenya a suspendu l’envoi de ses policiers en Haïti en attendant la nouvelle autorité constitutionnelle.

Avec les informations de Julien Cayouette

Les deux établissements, accompagnés par l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), ont annoncé le 14 mars la mise en œuvre d’un protocole d’entente menant à une offre de cours et de programmes par l’Université de Sudbury dès septembre 2025.

Dans un communiqué de presse signé par les trois partenaires, ils indiquent que cette offre permettra de combler des besoins de programmation et du marché du travail dans le Nord-Est de l’Ontario.

Le protocole n’est qu’une entente pour aller de l’avant avec les négociations, tout reste à déterminer quant aux détails du partenariat. Le recteur et vice-chancelier de l’Université d’Ottawa, Jacques Frémont, a donné quelques pistes en conférence de presse.

Son établissement pourrait partager de ressources, telles que des «technologies pour l’enseignement, pour les systèmes d’étudiants, registrariats, bulletins, inscriptions aux cours, etc. Des technologies aussi pour les bibliothèques, le partage des livres, des livres électroniques, des collections, des périodiques».

Quant à savoir quels programmes pourraient être créés, le recteur de l’Université de Sudbury, Serge Miville, donne un indice en rappelant que l’établissement «a une désignation partielle sous la Loi des services en français [de l’Ontario] qui l’oblige […] à offrir des cours et des programmes qui mènent au baccalauréat des arts».

«Tout ça, c’est sur la table actuellement et on travaille pour voir comment en arriver à un partenariat très fructueux, encore une fois gagnant-gagnant pour l’Université de Sudbury et pour nous qu’ils ne nous appauvrissent pas», dit-il.

Les détails de l’entente seront annoncés dans les prochains mois. En entrevue, M. Frémont rappelle que si l’Université de Sudbury compte accueillir des étudiants en septembre 2025, elle doit pouvoir présenter sa programmation en septembre 2024.

Les deux établissements universitaires ont annoncé un protocole d’entente concernant l’offre de programmes à Sudbury. De gauche à droite : Marc Gauthier, président de l’ACFO du grand Sudbury, Jacques Frémont, recteur de l’Université d’Ottawa, Serge Miville, recteur de l’Université de Sudbury et Peter Hominuk, directeur général de l’AFO. 

Photo : Julien Cayouette – Francopresse

Dans un contexte difficile

Il restera aussi la question du financement à régler. La province a refusé d’investir dans le projet de l’Université de Sudbury en juin 2023. Serge Miville espère que ce partenariat étoffera leur dossier afin de faire une nouvelle demande au gouvernement ontarien.

«C’est une approche novatrice qui sert de modèle pour réaliser des économies d’échelle et augmenter la viabilité du secteur partout en Ontario français», déclare-t-il dans le communiqué.

La nouvelle demande de financement viendra au moment où la viabilité financière des établissements postsecondaires ontariens est remise en question. L’Université d’Ottawa a elle-même annoncé une situation financière difficile à son corps professoral par courriel en janvier 2024.

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La professeure de science politique Geneviève Tellier a exprimé sa confusion en entrevue avec Radio-Canada : «On nous dit que ça va être un exercice [budgétaire] difficile, on se demande s’il n’y aura pas des programmes qui vont être coupés ou sérieusement sous-financés. Donc quand ce genre d’institution fait ce genre d’exercice, est-ce qu’elle est capable d’aider une autre institution qui a des problèmes financiers?»

Serge Miville rappelle cependant que ​​«le premier ministre du Canada est quand même venu à l’Université de Sudbury en aout 2021 pour promettre au moins 5 millions de dollars pour le “par et pour” dans la région».

Un «recul du par et pour»?

«Il y a presque trois ans jour pour jour, le conseil de gouvernance de l’Université de Sudbury a pris l’audacieuse décision de retourner à ses sources pour redevenir un établissement de langue française du par et pour», a rappelé Serge Miville en conférence de presse, le 14 mars.

Selon lui, le partenariat avec l’Université d’Ottawa se fait «en ce sens». Une affirmation qui ne fait pas l’unanimité.

Sur X, Geneviève Tellier a qualifié l’entente d’un «recul important du “par et pour” les francophones en Ontario». Elle questionne aussi le soutien de l’AFO.

Les défenseurs des premières heures du projet de l’Université de Sudbury restent prudents.

«Pour moi, pour les gens que je représente, il va y avoir de la réticence, il va y avoir du travail à faire pour rassurer les étudiants et leurs parents que l’enfer qu’on a vécu [avec l’Université Laurentienne], on ne la revivra pas», explique France Gélinas, députée provinciale de Nickel Belt, en entrevue avec Francopresse.

À la même inquiétude, Addison Bond, vice-présidente de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) présente à l’annonce, répond «qu’il serait important d’assurer que l’Université de Sudbury maintienne son autonomie, même si on collabore avec une institution qui est bilingue, de quand même préserver cet aspect de francophonie et de langue française comme étant vraiment au cœur de leur projet».

Serge Miville martèle qu’il ne s’agit pas d’une prise de contrôle par l’établissement bilingue. «C’est notre processus de contrôle de la qualité, c’est nos budgets. C’est nous. Ce qui se passe à Ottawa appartient à Ottawa, ce qui se passe à l’Université de Sudbury appartient à l’Université de Sudbury», assure-t-il à Francopresse.

Le directeur général de l’AFO, Peter Hominuk, réitère en conférence de presse que de l’association provinciale préfère l’option des partenariats entre institutions. Selon lui, «la solution évoquée aujourd’hui travaille justement dans cette veine avec la possibilité d’institutions autonomes par et pour les francophones avec la gouvernance locale».

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Jacques Frémont rappelle que si l’Université de Sudbury compte accueillir des étudiants en septembre 2025, elle doit pouvoir présenter sa programmation en septembre 2024.

Photo : Julien Cayouette – Francopresse

Rappel : «blue-ribbon» et «par et pour»

L’Université d’Ottawa étant une institution bilingue, la question du par et pour a été relevée après la publication du rapport du comité «blue-ribbon» (exploratoire) du gouvernement provincial sur l’éducation postsecondaire.

Celui-ci avait suggéré trois options : fédérer l’Université de l’Ontario français et l’Université de Hearst à l’Université d’Ottawa, les fédérer aux Collège Boréal et Collège La Cité, ou alors mettre en place un réseau intégré ou un consortium favorisant la collaboration entre tous les établissements d’enseignement postsecondaire francophones et bilingues chapeautés par l’Université d’Ottawa.

Le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) avait préféré la troisième option, «à condition que le réseau soit doté d’une gouvernance entièrement francophone et autonome plutôt que chapeauté par une institution bilingue telle que l’Université d’Ottawa».

En novembre 2023, l’AFO a réagi au rapport en insistant sur le «non négociable» du «par et pour» dans la gouvernance du système postsecondaire francophone. L’organisme avait aussi demandé au ministère des Collèges et Universités de revoir ses formules de financement pour mieux outiller les francophones.

Il est heureux que le gouvernement ait enfin décidé d’aborder l’enjeu du financement public des médicaments. Il existe des problèmes criants relatifs à cette question. Par contre, on peut douter du sérieux du gouvernement à proposer une bonne solution. Encore une fois, la notion de bien commun a cédé la place à celle de l’opportunisme politique.

Ce projet de loi vise essentiellement à maintenir ce gouvernement au pouvoir. Il ne règle en rien le fond du problème, à savoir améliorer l’accès à des soins de santé de qualité à la population canadienne.

La question de l’assurance médicaments revient régulièrement dans l’actualité. On le sait, plusieurs personnes n’ont pas les moyens d’acheter les médicaments nécessaires pour se soigner.

Selon un récent sondage, plus d’une personne sur cinq n’aurait pas les moyens de payer ses médicaments. Elles doivent réduire les doses prescrites ou encore s’en priver, en tout ou en partie. La Société canadienne du cancer, qui a commandé ce sondage, estime qu’un programme national d’assurance médicament permettrait d’économiser 1488 dollars par personne malade par année, juste en prévenant les déplacements à l’hôpital.

N’est-il pas paradoxal que le régime public diagnostique des maladies, mais ne les traite pas? Un système de santé qui est véritablement public devrait donc couvrir tous les médicaments nécessaires au traitement des problèmes de santé.

Comparé aux autres pays industrialisés, le Canada fait mauvaise figure pour la couverture des produits pharmaceutiques. Selon les plus récentes données de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), le Canada se situe au 32e rang des 36 pays pour lesquels les données à propos de la couverture financière des médicaments sont disponibles.

En moyenne, les régimes publics de santé des pays de l’OCDE financent 56 % des achats de médicaments. Au Canada, cette couverture n’est que de 38 %. Dans certains pays, les pourcentages de couverture dépassent les 80 % (France, Allemagne, Irlande).

Il y a donc une anomalie à corriger si on désire réellement un régime public de santé.

Cibler les électeurs plutôt que les problèmes

La solution trouvée par le gouvernement fédéral est de mettre en œuvre un régime partiel d’assurance médicaments. Il faut dire qu’un régime universel couterait très cher. Selon les récentes estimations du directeur parlementaire du budget, les dépenses engendrées par un tel programme sont estimées à 33 milliards de dollars par année.

Cependant, puisque les provinces couvrent déjà en partie l’achat de médicaments, la contribution du gouvernement fédéral s’élèverait uniquement à 11 milliards de dollars par année. C’est quand même une somme considérable.

Le gouvernement fédéral a donc décidé de ne couvrir que certains médicaments liés à certaines conditions médicales. Seuls les médicaments contraceptifs et ceux utilisés pour le traitement du diabète seront pris en charge par l’État canadien. Pourtant, il ne s’agit pas des médicaments les plus chers, les plus utilisés ou encore ciblant les risques de maladies les plus courants, les plus graves ou en forte progression.

Par exemple, selon l’Agence de la Santé publique du Canada, le diabète vient au 5e rang des maladies chroniques les plus importantes chez les personnes âgées de 65 ans et plus (le diabète affecte 26,8 % de ces personnes), après les troubles d’hypertension (65,7 %), les maladies des gencives (52,0 %), les problèmes d’arthrose (38,0 %) et à quasi-égalité avec les maladies coronariennes (27,0).

Pour un gouvernement qui avait promis de gouverner en utilisant les données probantes de la science pour prendre ses décisions, on peut dire que l’exercice est raté. Pourquoi donc se limiter aux cas de la contraception et du diabète?

L’explication la plus plausible est que le gouvernement libéral juge que cette initiative sera bien accueillie par certains groupes de la population. Notamment par les jeunes femmes pour qui les dépenses en matière de contraception représentent une dépense importante et par les personnes plus âgées qui voient leur santé décliner.

On le sait, les sondages ne sont pas en faveur des libéraux actuellement et ces deux catégories d’électeurs pourraient bien lui apporter le soutien dont il a tant besoin pour être réélu.

Un projet de loi qui divise

Mais à trop gouverner en fonction des sondages, on perd de vue l’essentiel. Dans le cas présent, la tentative de mettre en place un véritable régime d’assurance médicaments est un échec.

D’une part, nous assistons encore une fois à la mise en place d’un clientélisme de plus en plus assumé. Les programmes sont conçus pour bien faire paraitre le gouvernement et embarrasser les partis d’opposition. Les libéraux cherchent à s’attirer la sympathie des électeurs plus âgés tout en embêtant à la fois les conservateurs qui devront se prononcer sur la question de la contraception et les néodémocrates qui courtisent le vote des jeunes, tous particulièrement des jeunes femmes.

D’autre part, le gouvernement a fabriqué de toutes pièces une liste arbitraire de «bons» et de «mauvais» médicaments. Si vous utilisez des contraceptifs ou prenez des médicaments pour traiter votre diabète, alors vous «méritez» une aide gouvernementale. Mais si vous faites face à d’autres conditions, à vous de les assumer.

Encore une fois, on constate que les initiatives du gouvernement reposent davantage sur la division que sur la recherche du bien commun.

Un gouvernement qui se préoccupe de la qualité et de la pertinence de ses initiatives ne crée pas différentes classes de citoyens et ne les met pas en opposition les uns aux autres.

En toute justice, il serait malhonnête d’attribuer ce comportement opportuniste qu’au gouvernement actuel. Cela fait maintenant plusieurs années qu’on observe ce phénomène. Il est vrai qu’il y a toujours eu un certain clientélisme en politique, car il faut bien récompenser les gens qui nous ont appuyés. Toutefois, ce phénomène s’est nettement amplifié ces dernières années.

Le projet de loi sur l’assurance médicaments en est l’illustration parfaite.

Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.

Dans le Nord de l’Ontario, Chloé Thériault se rend dans les écoles pour apprendre aux jeunes à faire de l’impro.

Photo : Courtoisie

Qu’elles soient implantées depuis longtemps ou fraichement débarquées, les ligues d’improvisation patinent d’un océan francophone à l’autre.

En Ontario, la mise au jeu se fait dès l’école.

Chloé Thériault se rend dans les salles de classe du Conseil scolaire catholique Nouvel-Ontario (CSC Nouvelon) pour donner des formations.

Le but? «Redonner vie à la culture de l’improvisation dans les salles de classe, parce qu’ici à Sudbury, on n’a presque pas ou même pas d’équipe d’improvisation dans les écoles, explique la comédienne. C’est quelque chose qu’on veut faire repartir de nouveau.»

Elle-même a commencé par faire partie d’une ligue à l’école, avant de continuer vers le théâtre.

Or, la plupart des jeunes avec qui elle travaille aujourd’hui sont des novices. «Ils savent ce qu’est l’improvisation, mais ils n’ont jamais joué de match dans leur vie. Alors je commence à zéro et je leur enseigne les règlements de base.»

Formations dès l’école

En Ontario, le Centre franco travaille avec le ministère de l’Éducation pour développer l’animation culturelle au sein des conseils scolaires. L’improvisation fait partie des prérogatives pour promouvoir la langue française et la culture francophone auprès des élèves.

«Il y a des ateliers qui sont offerts aux jeunes pour justement développer des équipes, principalement dans les écoles secondaires. Au niveau provincial, il y a annuellement deux tournois : le Gazou d’or et l’AFOLIE», rapporte Louise Allard, leadeur provincial en animation culturelle et construction identitaire au Centre.

Pénalité pour les anglicismes

L’activité oblige en outre les jeunes à parler en français et à peaufiner leur vocabulaire. «Quand on se met à jouer un match d’impro, il y a une pénalité angliciste. L’élève est confronté à soi-même : “Ah man, j’ai une bonne idée, mais je ne peux pas la dire en anglais comme ce que je voudrais.”», indique Chloé Thériault.

Selon elle, ils réalisent qu’en pratiquant davantage la langue, ils donneraient plus rapidement la réplique.

«Il y a des petites cloches qui sont en train de sonner. Ça continue à parler dans les corridors. Ça les pousse à s’exprimer parce que je sais que des fois, dans les cours, il y a des élèves qui vont poser leurs questions en anglais et on laisse passer ça. Mais on ne peut pas laisser passer ça en improvisation.»

À l’heure des courtes vidéos TikTok, l’impro reste aussi bénéfique pour le côté créatif des jeunes, estime-t-elle. «Il semble avoir comme un déclin de créativité chez la jeunesse. On ne sait pas comment inventer une histoire qui dure plus que 30 secondes.»

Une discipline fédératrice

Au Nouveau-Brunswick, Improvisation NB appuie la pratique dans toute la province.

Photo : Courtoisie

Plus à l’Est, l’impro a bel et bien pris son envol. Au Nouveau-Brunswick, les ligues sont légion.

«Il y a à peu près six ligues ou projets récurrents d’improvisation dans la province qui touchent la sphère adulte», détaille Isabel Goguen, directrice générale d’Improvisation NB, un organisme sans but lucratif qui appuie la pratique dans toute la province.

Pour elle, la force de l’impro réside avant tout dans son accessibilité : elle ne nécessite pas beaucoup de matériel ni de moyens. «Tu peux juste commencer à créer un comité, un projet dans ton milieu scolaire ou communautaire, avec juste le devoir de jouer.»

Isabel Goguen souligne aussi le côté fédérateur de la pratique. «Le match, qui est le format le plus connu, permet un peu de franchir la ligne entre le sport et l’art. Ça peut aller rejoindre différentes sortes de personnes, les rassembler, les faire se rencontrer.»

«Ça rejoint aussi tous les âges. Je trouve ça toujours impressionnant de voir dans le public des gens qui ont des horizons très différents», corrobore Marie-Claude Desroches-Maheux, cofondatrice de la Fabrique d’improvisation du Nord (FIN).

Cette ligue d’improvisation a vu le jour en mars 2022, à Whitehorse au Yukon. «On a réussi à s’intégrer dans l’habitude du terrain de la communauté franco-yukonaise», se réjouit l’organisatrice.

À lire aussi : Une ligue d’improvisation francophone débarque à Whitehorse (L’Aurore boréale)

Du Nouveau-Brunswick au Yukon

L’association propose des matchs tous les jeudis soir ou presque, entre octobre et mai. Elle affiche une vingtaine de matchs par saison au compteur, 16 joueurs et joueuses, et trois arbitres en rotation.

«C’est devenu un rendez-vous pour les gens qui arrivent au Yukon. Quand une nouvelle personne intègre la communauté francophone, ce n’est pas très long avant que les gens lui parlent de la ligue», rapporte Marie-Claude Desroches-Maheux.

L’impro aide aussi les nouveaux arrivants à s’intégrer et à se bâtir un réseau. «Semaine après semaine, la fréquence de la pratique vient renforcer l’identité et établir des liens avec d’autres parlants français», commente Christine Dallaire, professeure à l’Université d’Ottawa.

«Cela rattache au réseau et contribue au sentiment d’appartenance à la communauté. On prend sa place dans la francophonie», observe-t-elle.

Au Yukon, la Fabrique d’improvisation du Nord anime les soirées de la communauté francophone depuis 2022. 

Photo : Jonathan-Serge Lalande

Mettre en avant les accents

«Ça met en scène des gens qui s’expriment en français à leur façon, avec leur accent», remarque Isabel Goguen au Nouveau-Brunswick.

«On peut sentir que notre accent est valide et a sa place dans la communauté, dans le milieu culturel, artistique, parce que là on le voit, on le voit être utilisé et joué en scène», ajoute-t-elle.

La pratique permet ainsi selon elle de lutter contre l’insécurité linguistique, car les joueurs ne sont pas dans un «contexte évaluatif».

Il n’y a personne qui est en train de noter ta performance orale. Tu es libre de t’exprimer comme tu veux, avec les choix de mots que tu veux, avec les régionalismes.

— Isabel Goguen

Une langue bien vivante

«La langue n’est pas nettoyée en impro, complète Marie-Claude Desroches-Maheux. C’est vraiment la langue telle qu’elle est parlée. Pour les gens qui arrivent par exemple de l’Europe, c’est toute une immersion linguistique pour eux.»

La cofondatrice de la FIN ajoute : «En milieu minoritaire, on peut vite ressentir un complexe, mais là, au contraire, je trouve qu’on se décomplexe en venant à l’impro, que ce soit comme joueur ou comme membre du public.»

«Ça met aussi en scène le fait que parler, c’est quelque chose qui est vivant, qui change, selon le contexte, la situation […] Ce n’est pas juste binaire, mauvais parler ou bon parler; il y a une variété de formes de parler, même à l’intérieur d’une seule personne», renchérit Isabel Goguen.

Au Yukon, Marie-Claude Desroches-Maheux rêve de matchs à grande échelle. «Si un jour on réussit à trouver les fonds pour ça, on aimerait bien organiser un tournoi interprovinces ou interterritoires, ou du moins inviter une équipe d’une autre province à venir jouer.»