le Lundi 15 septembre 2025

On connait la chanson : «c’est une langue belle» ou encore «c’est la langue de mon cœur»… Les airs ne manquent pas pour professer son amour de la langue française ni pour rappeler qu’elle est en danger.

En effet, l’avenir du français suscite des inquiétudes, qu’elles portent sur la pureté de la langue ou sur sa survie au Canada. Des décennies de politiques culturelles pour protéger cette langue et de sorties publiques dénonçant les phénomènes, et le plus souvent les groupes, qui la menacent nourrissent ces préoccupations.

Amour et crainte

Les deux sentiments – amour et crainte – vont d’ailleurs souvent de pair, comme dans les cris du cœur partagés par le journaliste et politicien Jean-François Lisée et le sociologue Joseph Yvon Thériault.

Joseph Yvon Thériault est professeur à l’Université du Québec à Montréal depuis 2008, après avoir enseigné à l’Université d’Ottawa pendant 30 ans (de 1978 à 2008), où il a notamment été titulaire de la chaire de recherche Identité et francophonie. 

Photo : Courtoisie

Tous deux s’inquiètent du fait que le français n’est pas la langue d’usage autour d’eux, soit à Montréal. Ils témoignent d’une blessure à l’amour-propre des membres de la population québécoise ou francophones blanc·hes dont les familles sont au pays depuis plusieurs générations.

Comme beaucoup de personnes qui commentent l’actualité et l’état des mentalités, Lisée s’appuie sur des récits anecdotiques afin de proposer une théorie qui se veut valable pour expliquer la société et les actions nécessaires.

Or, cette théorie ne peut tenir la route. Lisée commet une erreur fréquente, celle de méprendre une impression individuelle pour une compréhension généralisée.

Ainsi les personnes qu’il mentionne ne peuvent le renseigner que sur leurs propres perceptions et nullement sur ce qui a réellement lieu dans les écoles ou à l’échelle de la société.

De telles impressions, bien qu’elles soient partagées par un grand nombre de personnes, ne sont pas pour autant vraies, puisqu’elles se transmettent et s’amplifient par la discussion et les médias comme un fait ou une interprétation relevant du sens commun.

Le fait de recevoir de nombreux témoignages (par exemple, par courriel) ne permet pas davantage de faire des généralisations, puisqu’il n’y a aucune manière de savoir s’ils sont représentatifs d’une réalité plus large… ni de vérifier leur véracité.

En utilisant la chronique de Lisée comme tremplin, Thériault prend bien soin de tempérer l’élan anti-immigration de ce texte. Il s’éloigne du genre de pensée qui mène Lisée à créer, par exemple, une catégorie de «natifs» qui exclut les enfants nés à Montréal de deux parents nés à l’étranger. 

Thériault nous renvoie à une mutation sociale plus large : l’individualisme et les fragmentations des identités collectives.

Toutefois, le message essentiel de son court essai est que les lois linguistiques, malgré leurs succès, ont échoué à faire aimer la langue française et «la culture franco-québécoise».

Sans pouvoir critiquer ici les méthodes de la théorisation sociologique de Thériault ni les articles et livres universitaires qui lui servent d’appui, arrêtons-nous sur ces formules et  interrogeons-nous sur leurs conséquences.

À lire : Entretien avec Joseph Yvon Thériault : pour une véritable société franco-canadienne

Est-il possible d’aimer une langue?

Quand on affirme aimer le français, que dit-on au juste?

Une langue n’est pas un invariant, ses formes écrites ont peu à voir avec ses formes parlées et elle n’est pas une, mais toujours multiple.

Aimer le français, ce serait donc aimer ce français, tel qu’il est parlé à un moment, en un endroit. Ce serait alors aimer ses sonorités, le trouver agréable, ce qui n’implique aucunement quelque besoin de le parler.

Ce peut aussi être aimer sa flexibilité, sa diversité – mais dans ce cas, qui revient à aimer le langage en général, il est difficile de dire ce qui le distinguerait des autres langues et créerait la nécessité de le parler… d’autant plus que l’existence du français n’est nullement en danger dans le monde.

Thériault dévoile un autre aspect de l’amour de la langue. Il exprime en effet la nécessité de faire aimer la langue française, mais aussi le besoin de faire aimer la culture franco-québécoise. Il en va de même des cultures acadienne et franco-canadienne en général.

L’amour de la langue renvoie dans ce cas à l’identification à une collectivité. Aimer le français, ce serait donc aimer les personnes qui le parlent à un endroit ou encore aimer le parler avec elles.

Aimer la langue, mais non ses locuteurs?

Thériault et Lisée, malgré les différences importantes dans le type de discours employé et l’attitude face à l’immigration, partagent une même vision.

Tous deux distinguent celles et ceux qui s’identifient à la langue et à la culture des francophones de celles et ceux qui vivent au sein de cette culture et parlent cette langue, sans s’y identifier et sans aimer les personnes qui la parlent.

De part et d’autre, on renforce l’idée d’une unité linguistique et culturelle et d’une harmonie que permettent l’amour de la langue et la culture. Cette unité et cette harmonie sont alors le véritable objet des craintes. 

On voit finalement que ce n’est pas le fait de parler français qui leur importe, mais bien l’attitude avec laquelle on le parle.

Il ne suffirait pas de parler français ou de faire que plus de gens parlent français au Canada que ce que nous avons pu voir depuis fort longtemps. Il faudrait également aimer la culture, la langue, la majorité et s’en montrer reconnaissant.

Encore faudrait-il que l’unité et l’harmonie aient déjà existé. Les appels à l’harmonie et à la bonne entente sont des stratégies discursives qui cherchent à enterrer la dissension, à cacher les différends, à masquer la mésentente.

Ces deux textes font abstraction du fait que la dénonciation du racisme dans l’espace public augmente en réponse à des mesures juridiques qui racialisent et excluent des groupes entiers de l’espace public.

Si la dénonciation peut sembler nouvelle, le refus du racisme existe depuis toujours au sein des communautés racisées. L’exclusion n’est donc pas une auto-exclusion.

Au bout du compte, on reproche à des personnes présentées comme externes à ce qui serait une véritable société francophone de ne pas éprouver les sentiments convenables envers cette société et la langue qu’elle privilégie.

Ce faisant, on place comme objet d’amour des phénomènes aux contours mal dessinés, changeants, qui deviennent des critères impossibles à remplir.

Ce faisant, on se permet de mépriser celles et ceux qui, malgré toutes ces opérations de mise à distance, parlent la langue, cohabitent avec le français et participent à une vie commune.

À lire : Le français : langue économique ou culturelle?

Jérôme Melançon est professeur agrégé en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).

«On est très consterné et très inquiet, lance le Canado-Haïtien Bathélemy Bolivar en entrevue avec Francopresse. On est entre la frustration, la confusion et la colère par rapport à tout ce qui se passe dans le pays.»

D’origine haïtienne, le professeur associé à l’Université du Manitoba et chercheur dans les domaines de l’intégration des immigrants et de l’antiracisme, suit la situation de très près depuis les premiers jours.

À lire aussi : Haïti : une crise qui dépasse ses frontières

Bathélemy Bolivar souhaite voir un meilleur soutien de la part du Canada avec une participation active des Haïtiens. 

Photo : Courtoisie

Un sentiment d’impuissance

Qu’ils soient installés au Canada depuis longtemps ou qu’ils soient nés ici, beaucoup de Canadiens d’origine haïtienne ont encore des proches dans le pays.

Comme l’explique Bathélemy Bolivar, Haïti est un pays de 27 750 km2 et d’environ 11 millions d’habitants. «Donc, peu importe ce qui se passe, on connait quelqu’un quand même qui connait quelqu’un.»

Les médias sociaux et les applications de messagerie, telles que WhatsApp, permettent à l’information de circuler rapidement entre les communautés.

Pour le professeur, le sentiment d’impuissance est fort dans la diaspora haïtienne. Les Canadiens-Haïtiens se sentent pour la plupart incapables d’apporter leur aide à leurs compatriotes en Haïti.

«[Quand] je parle d’aider, [c’est] en fonction de faire quelque chose de structurel et à long et à court terme pour que les gens puissent avoir au moins ce niveau de dignité», explique-t-il.

Le conseil de transition est composé d’Edgar Leblanc Fils (ancien président du Sénat d’Haïti), Fritz Alphonse Jean (ancien gouverneur de la banque centrale d’Haïti), Laurent Saint-Cyr (entrepreneur), Emmanuel Vertilaire (avocat), Leslie Voltaire (ancien ministre et diplomate), Smith Augustin (ancien diplomate) et Louis Gérald Gilles (médecin et ancien sénateur). 

Edgar Leblanc Fil a été désigné président du conseil le 30 avril.

Ketcia Peters a dirigé une rencontre entre les membres de la communauté haïtienne à Ottawa, ainsi que leurs alliés, pour les aider à faire face aux traumatismes de la crise haïtienne.

Photo : Chantallya Louis Francopresse

Mais aussi, un sentiment de désespoir

Ketcia Peters, directrice générale de Nord-Sud Développement Racines et Cultures Canada, partage les mêmes émotions.

«Le désespoir est vraiment le sentiment qui est souvent reflété et répété [dans la communauté]», dit-elle.

Lorsqu’un Haïtien vivant au Canada reçoit un appel provenant d’Haïti, il y a à la fois ces sentiments de peur, de stress et de culpabilité qui surviennent, révèle Ketcia Peters.

Certaines personnes se sentent coupables ou responsables de ne pas avoir fait plus et parfois plus vite pour sortir leurs familles ou leurs proches de cette situation.

«Nous, au Canada, on est vraiment limité dans les possibilités de ce qu’on peut leur offrir, de ce qu’on peut faire», indique Ketcia Peters.

Obligé de quitter son chez-soi

Retourner à Haïti, c’est une manière pour plusieurs de se ressourcer. Cependant, cette quiétude peut rapidement faire place à la panique lorsqu’une situation de crise survient, comme l’explique Bathélemy Bolivar.

«On veut se reconnecter avec notre monde. Mais, une fois qu’on est là, on ne peut pas vivre et le Canada doit encore nous [sortir de là]. En fait, côté culturel, côté émotionnel, côté sentimental, ce n’est pas sain.»

C’est une situation que l’on retrouve souvent. Une femme Canado-Haitienne, à qui Francopresse  a accordé l’anonymat pour éviter des répercussions sur sa vie personnelle, est la première fille de parents immigrants.

Depuis leur retraite, ses parents retournent souvent en Haïti pour y rester quelques mois, afin de se ressourcer, de retrouver ce sentiment de communautarisme.

Malheureusement, lorsque la situation a empiré à Port-au-Prince en mars dernier, ils ont dû écourter leur voyage cette année et tenter de rentrer au  Canada. 

Une situation qui a causé beaucoup de stress et d’anxiété chez leur fille, et aussi vécue par plusieurs personnes de la diaspora. 

Avec l’insécurité qui sévit dans le quartier où ses parents demeurent et les problèmes de santé importants qu’ils ont, la femme craignait d’avoir une mauvaise nouvelle lorsqu’elle recevait un appel de sa famille.

De la souffrance à l’indifférence

Toutes ces émotions engendrent un sentiment de déni chez plusieurs membres de la communauté, selon Ketcia Peters. 

Par exemple, elle remarque que les Canado-Haïtiens ne veulent plus suivre les nouvelles d’Haïti, car «ça leur fait mal au cœur».

De son côté, la Canadienne d’origine haïtienne admet qu’elle se sent indifférente face à la crise en Haïti. «Peut-être parce que ça me fait mal, peut-être parce que j’en ai un petit peu honte, peut-être parce que je ne comprends pas non plus l’histoire», confie-t-elle, pensive.

N’importe qui, qui a encore l’amour pour Haïti, qui a encore de l’amour pour les gens proches qui demeurent en Haïti, est en train de vivre un cauchemar présentement

— Ketcia Peters

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Frustration face à la participation canadienne 

Le 7 avril dernier, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, annonçait la fin de l’opération des départs assistés pour aider les Canadiens à quitter Haïti.

«Nous avons aidé plus de 250 Canadiennes et Canadiens, résidentes et résidents permanents et membres de leur famille admissibles à quitter le pays, grâce à une étroite collaboration avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada», déclarait le ministère dans un communiqué.

Pour plusieurs Haïtiens, ce geste n’a pas été suffisant pour aider leurs confrères coincés dans l’insécurité extrême à Port-au-Prince.

«On se demande pourquoi c’est tellement difficile [d’aider Haïti], pourquoi carrément ne pas sécuriser le pays au lieu d’envoyer quelques avions pour normalement les faire sortir des gens du pays», soutient Bathélemy Bolivar, jugeant le Canada responsable de la situation haïtienne avec le Core Group

Avec le conseil présidentiel qui a prêté serment, Bathélemy Bolivar est d’avis que c’est aux Haïtiens de décider de leur gouvernance, mais c’est aussi à Ottawa d’apporter leur soutien comme à l’Ukraine.

«Ce qu’on demande des puissances qui entourent Haïti, c’est de traiter Haïti comme un pays majeur, comme un pays qui a une certaine autodétermination, et ne pas décider à la place du peuple et donc respecter la volonté de ce peuple», ajoute-t-il.

Passer à travers cette période difficile

Chaque personne dans une situation similaire a sa propre façon de surmonter ce sentiment d’impuissance.

Comme auteur, Bathélemy Bolivar écrit et s’entoure d’une communauté haïtienne au Manitoba. «Ça me permet de créer ma propre Haïti, mais je le sais ce n’est qu’une illusion, car Haïti continue de sombrer dans la déchéance la plus amère, la plus sordide.»

Ketcia Peters a encouragé les participants a accepté et embrassé leurs traumatismes. 

Photo : Chantallya Louis – Francopresse

Pour Ketcia Peters, aussi coach de traumatisme, c’est aussi important de pouvoir recréer cette communauté. C’est pour cela qu’elle a organisé une rencontre avec la diaspora haïtienne le 30 avril, avec comme thème : Guérir ensemble : Soutenir la communauté haïtienne de la capitale nationale.

Cette rencontre a permis à une dizaine de membres de la communauté haïtienne et des alliés de partager leurs émotions et leur façon de vivre la situation. 

Alors que certains ont parlé de désarroi, de tristesse, de déchirure, l’espoir s’est frayé une place dans cette conversation intime et sincère. 

Par ailleurs, Ketcia Peters exhorte aussi le gouvernement fédéral à apporter un soutien aux membres de la communauté haïtienne.

«Un support de pair [le gouvernement canadien et la communauté haïtienne au Canada] pour pouvoir supporter les gens psychologiquement à long terme, puis physiquement aussi bien sûr parce que le traumatisme souvent a un effet physique», avance-t-elle, ajoutant que le gouvernement pourrait offrir des subventions à la communauté afin d’avoir accès à des professionnels de la santé gratuitement.

Après une semaine d’âpres tractations entre un millier de délégués de 175 pays, les négociations pour aboutir à un traité mondial de lutte contre la pollution plastique se sont achevées dans la nuit du 29 avril à Ottawa.

Sous l’égide de l’ONU, les représentants nationaux se sont quittés sur l’engagement de poursuivre les pourparlers en sous-comités, avant un ultime rendez-vous prévu du 25 novembre au 1er décembre, en Corée du Sud.

Au cours de l’été, les discussions des comités porteront sur les moyens de mettre en œuvre ce traité juridiquement contraignant, dont les mécanismes nécessaires à son financement, et sur l’évaluation d’une liste de substances chimiques jugées préoccupantes.

Malgré la demande du Rwanda et du Pérou, la production de plastique ne se retrouve pas au programme de ce travail entre les deux sessions. Ce point demeure cependant présent dans le projet de texte et sera donc abordé en Corée du Sud.

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«Rendez-vous manqué»

Patrick Bonin de Greenpeace Canada se montre prudent quant aux chances d’aboutir à un accord contraignant sur le plastique d’ici la fin de l’année. 

Photo : Courtoisie

Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada, qualifie les négociations de «rendez-vous manqué» : «Les États ont progressé vers un texte qui peut servir de base au futur traité, mais ils s’éloignent de plus en plus de ce que la science exige pour résoudre la crise. Les enjeux cruciaux n’ont pas été réglés.»

«La priorité est devenue un traité à tout prix et non un traité ambitieux. Il n’y a pas beaucoup d’avancées et de changements substantiels», renchérit Karen Wirsig, responsable du programme des plastiques chez Environmental Defence.

Seule bonne nouvelle, selon elle, le texte est «plus direct» et «toutes les options sont encore sur la table», y compris les plus ambitieuses.

Elizabeth May, cheffe du Parti vert du Canada, regrette également l’absence de «résultats solides» et «d’options claires», prêts à être discutés en Corée du Sud.

Cette session a certes accouché d’une ébauche de texte, mais elle a surtout confirmé de nombreux points de désaccord.

Deux blocs s’affrontent. Une coalition, présidée par la Norvège et le Rwanda, rassemblant 65 membres, dont le Canada et l’Union européenne, défend un texte de «haute ambition». Ce groupe veut agir à la source et met l’accent sur la réduction de la production de plastique. 

Les organisations non gouvernementales (ONG) militent elles aussi pour une réduction de 75 % de la production à l’horizon 2040.

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Manque de leadeurship du Canada

La coalition dite «de haute ambition» plaide par ailleurs pour l’élaboration d’une liste noire d’articles à usage unique (Coton-Tige, couverts jetables, sacs…) et de substances chimiques préoccupantes à interdire (bisphénol, PFAS, retardateurs de flamme…). 

En matière de financement, la coalition défend le principe du pollueur-payeur et plaide pour la mise en place de filières de responsabilité élargie du producteur (REP) au niveau planétaire.

Sur le volet économie circulaire, les pays les plus ambitieux rappellent l’importance de conserver l’ordre du principe des «5 R» (réduction, réemploi, réutilisation et réparation et, en dernier recours, recyclage) et d’introduire des objectifs d’écoconception dans le traité.

Les ONG critiquent néanmoins le manque de leadeurship de cette coalition pendant le dernier round de négociation à Ottawa.

Karen Wirsig d’Environmental Defence se dit déçue des résultats de la quatrième et avant-dernière phase de négociations pour arriver à un traité mondial de lutte contre la pollution plastique.  

Photo : Courtoisie 

«Ils ont sacrifié leurs ambitions pour tenter de trouver un compromis à la baisse», déplore Karen Wirsig.

«Comme riche pays pétrolier et nation hôte, le Canada ne s’est pas tenu debout sur les points les plus importants, il n’a pas fait preuve de fermeté sur l’établissement d’un plafond mondial de production», ajoute Patrick Bonin. 

Aux yeux de Sarah-Jeanne Royer, océanographe affiliée au Center for Marine Debris Research de la Hawaii Pacific University, la position du Canada reflète «un équilibre délicat entre ses ambitions environnementales et ses intérêts économiques de quatrième producteur de pétrole mondial».

Pression des lobbys

En face, plusieurs pays producteurs de pétrole et de plastique ne partagent pas la même ambition. Ils ont monté autour des pays du Golfe une coalition pour la durabilité du plastique regroupant l’Iran, la Russie, le Brésil ou encore l’Inde.

Ces pays se montrent réticents à toute obligation de réduction de la production et privilégient une approche fondée sur le recyclage, qui plafonne aujourd’hui en dessous de 10 % à l’échelle mondiale.

«Ils ont des intérêts économiques et politiques spécifiques qui rendent la négociation très difficile. Derrière, il y a une pression forte de l’industrie pétrochimique», analyse Sabaa Khan, directrice générale de la Fondation David Suzuki pour l’Atlantique et le Québec.

«Les lobbyistes ont été plus présents et agressifs que jamais à Ottawa. Les États sont trop à leur écoute», abonde dans le même sens Karen Wirsig.

La Chine, premier producteur mondial, et les États-Unis, premier consommateur, ne font pas officiellement partie de cette alliance, mais sont sur la même ligne.

«Les États-Unis tiennent un double discours, ils prétendent être un leadeur, mais, en réalité, ils jouent un rôle très effacé et bloquent intentionnellement les efforts pour parvenir à une entente forte», considère Patrick Bonin.

Isabelle Des Chênes de l’Association canadienne de l’industrie de la chimie, est contre une limitation de la production de plastique à la source.

Photo : Courtoisie

Calendrier serré 

Du côté de l’industrie, Isabelle Des Chênes, vice-présidente des politiques de l’Association canadienne de l’industrie de la chimie, assure que le secteur «supporte pleinement un traité contraignant» sur les déchets plastiques.

«Mais la limitation de la production aura trop de conséquences socioéconomiques négatives, le monde de demain a besoin de plastique, la transition énergétique ne peut pas se faire sans», affirme-t-elle.

La responsable appelle plutôt à miser sur l’innovation pour améliorer les systèmes de collecte et de gestion des déchets tout en créant de nouveaux produits moins polluants.

Pour Sabaa Khan, le recyclage est une «fausse bonne solution», en raison de son cout, de ses effets négatifs sur l’environnement et de l’impossibilité de recycler de nombreux plastiques.

Dans ce contexte tendu, le temps presse. L’objectif est d’aboutir à un texte juridiquement contraignant avant la fin de l’année, pour une adoption formelle au premier semestre 2025.

«Je ne suis pas sûr que les États en soient capables. Même si certaines discussions importantes ont eu lieu, le travail qui reste à accomplir est gigantesque», prévient Patrick Bonin. 

Google a consenti à verser 100 millions de dollars aux médias canadiens pour se conformer à la Loi sur les nouvelles en ligne (anciennement projet de loi C-18). Cette somme doit être divisée entre les médias, mais la méthode de gestion proposée déplait aux plus petits médias.

Une structure de négociations pour le partage de la redevance a été proposée au géant du Web par un regroupement de médias. Les membres du Consortium des médias communautaires de langues officielles en situation minoritaire, qui représente 98 médias partout au Canada, ont refusé d’y adhérer, mais ils ne sont pas les seuls.

Les membres du Consortium sont Réseau.Presse (éditeur de Francopresse), l’Association des journaux régionaux du Québec (AJRQ), l’Alliance des radios communautaires (ARC) du Canada et English-Language Arts Network (ELAN). 

Dans la structure financière proposée à Google, un Collectif de médias en ligne recevra et répartira les 100 millions entre trois groupes rassemblés par types de médias.  Le Collectif a été créé parce que Google veut avoir un seul interlocuteur.

Ce Collectif sera principalement un conseil d’administration composé d’un membre de chacun des trois groupes : CBC/Radio-Canada (qui recevra 7 millions de dollars), les radiodiffuseurs et télédiffuseurs admissibles (30 millions) et les médias imprimés et numériques admissibles (63 millions).

À lire aussi : Qui distribuera les 100 millions de dollars de Google?

«On ne trouve pas que la radio anglophone au Canada représente autant les radios francophones en milieu minoritaire que le fait l’ARC», explique Pierre Sicard. 

Photo : Patrick Woodbury – Le Droit

Peu de place pour les petits

Dans ce scénario, les membres du Consortium se retrouvent dans le même bain que des joueurs plus grands qu’eux.

Pour Pierre Sicard, directeur général de l’ARC, refuser de signer le document envoie le message à Google que la structure proposée n’est pas dans l’intérêt de tous les médias.

Un seul représentant peut occuper le siège de la radio à but non lucratif, alors qu’il y a plus qu’une association. 

«Si on y va au ratio en termes de membres, l’association qui rejoint les radios anglophones au Canada […] est un petit peu plus grosse, explique-t-il. On sait très bien que si jamais c’est l’association des radios anglophones qui prend le dessus, la réalité de nos radios francophones au Canada ne sera pas respectée ou ne sera pas prise en compte.»

René Chiasson est aussi directeur du développement des affaires de l’Acadie Nouvelle. 

Photo : Courtoisie

Du côté de la presse écrite et numérique, les membres des grandes associations, comme News Media Canada et Hebdos Québec, constituent la majorité du groupe recevant 63 millions de dollars.

Les modalités et la structure de gouvernance proposées ne tenaient pas compte de la situation particulière des journaux desservant des communautés de langues officielles en situation minoritaire, indique de son côté René Chiasson, coprésident de Réseau.Presse dans un courriel.

«La structure proposée risquait de favoriser davantage les grandes organisations, au détriment des plus petites organisations comme la nôtre», dit-il.

Brenda O’Farrell, présidente de l’AJRQ, qui représente les journaux communautaires de langue anglaise du Québec, est quant à elle déçue du manque de représentation des plus petits médias dans la structure proposée.

D’après Brenda O’Farrell, la structure proposée laisse plus de place aux grands joueurs, reflétant mal tout l’écosystème médiatique du pays. 

Photo : Courtoisie

«Si on veut aider une industrie en crise, il faut regarder les besoins, dit-elle. Les plus petits médias ont besoin de quelque chose à quoi s’accrocher, et il n’y a aucune garantie dans ce sens. […] Il faut que tout le monde ait une place à la table.»

Selon elle, les grands joueurs ne «veulent pas écouter les plus petits» et «ont les yeux fixés sur l’argent qu’ils peuvent toucher».

Même s’ils ne font pas partie des négociations, les médias membres des associations qui n’ont pas signé l’entente pourraient quand même recevoir une part du montant s’ils sont admissibles selon les règles établies par la Loi et le Collectif.

Francopresse a contacté News Media Canada pour ses commentaires, mais n’a pas reçu de réponse avant l’heure de tombée.

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Cathy Edwards explique que CACTUS a envoyé une lettre à Google pour expliquer leur refus de signer. La confusion par rapport au système d’adhésion et de vote fait partie des raisons. 

Photo : Courtoisie

Le privé domine

L’Association canadienne des usagers et stations de la télévision communautaire (CACTUS), qui aurait fait partie du groupe gérant 30 millions de dollars, a aussi refusé de signer. Selon sa directrice générale, Cathy Edwards, le modèle proposé ne permet pas de représenter les intérêts de ses membres, que CACTUS le signe ou non.

Dans ce groupe, note-t-elle, «il y a quatre sièges pour la radio commerciale, deux sièges pour la télévision commerciale […], un siège pour un télédiffuseur [autochtone], un siège pour la télévision non lucrative [communautaire] et un siège pour la radio non lucrative [communautaire]».

Cathy Edwards raconte que les deux associations de télévision communautaire au pays – l’autre étant la Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec (FTCAQ) – étaient prêtes à partager le siège.

Mais un déséquilibre demeure selon elle : «Ce n’est pas équitable. Ce n’est pas une représentation des besoins et des intérêts du secteur entier, mais plutôt celle du secteur privé».

Pierre Sicard fait une remarque similaire : «C’est le privé versus le sans but lucratif. [Le privé] aussi a de la difficulté à arriver dernièrement et là, il voit une solution pour renflouer les coffres. Quelque part, nous on est là, on revendique et on est comme un peu le talon d’Achilles.»

Préserver le journalisme passe par les petits médias

La représentation des médias communautaires sera surtout importante dans l’interprétation de la loi, estime de son côté Cathy Edwards. Même si les critères d’admissibilité aux fonds sont décrits dans la loi, certains sont sujets à interprétation.

«[La loi] n’est pas toujours très précise. Par exemple, sur le nombre d’employés à temps plein engagés dans la production de nouvelles, le “temps plein” n’est pas clair. Est-ce que c’est 30, 35 ou 40 heures par semaine? Si c’est 30, des membres ayant deux employés à 30 heures par semaine sont admissibles. Mais si c’est 35, ils ne le sont pas», explique-t-elle.

«Une fois qu’il y a un collectif qui décide de qui est ou non éligible, il peut y avoir des décisions qui excluent beaucoup de plus petits [médias]. Et c’est pour ça qu’on a besoin d’une voix.»

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«Le but de la Loi sur les nouvelles en ligne, entre autres, est de préserver le journalisme, rappelle Cathy Edwards. La presse, qui est réellement importante et que nous risquons de perdre, est celle des petites communautés. […] Si on la perd, on perd du journalisme dans une communauté entière, parfois une région.»

C’est pour cette raison que, selon elle, les besoins des plus petits médias doivent être mis de l’avant dans ce processus. «Ce sont les plus fragiles et les plus importants pour le Canada rural. Les grandes villes auront toujours une presse quelconque.»

À l’heure actuelle, le Consortium évalue ses options juridiques en vertu de la Loi sur les langues officielles, qui n’est pas respectée par C-18 selon lui.

«Quand on pense à une société d’histoire, souvent, on a un peu cet esprit de voir une étagère poussiéreuse, avec des livres poussiéreux, qui sont fort intéressants peut-être, mais pas très attractifs», regrette Alexandre Chartier, directeur général de la Société historique de la Saskatchewan.

«Oui, il y a bien une étagère de livres, parce que c’est une société de savoir, de savants, d’histoire; mais la poussière n’est qu’un stéréotype», ajoute-t-il.

Dès son arrivée au sein de l’association, en 2013, le directeur a voulu qu’elle soit partie prenante de la communauté.

«Il y a beaucoup de rayonnement à faire, de promotion […] Par exemple, dès qu’un organisme voulait travailler sur l’histoire, on leur demandait de venir nous voir et on allait travailler avec eux. Le but du jeu, ça a été de devenir presque indispensable pour la communauté», raconte-t-il.

Pour ne pas faire partie des meubles, beaucoup de sociétés tissent des partenariats avec d’autres organismes francophones. Parfois, leur survie financière en dépend.

Des sentinelles de la francophonie

En plus de préserver le patrimoine historique et culturel, les sociétés historiques francophones contribuent à renforcer le sentiment d’appartenance.

«Il y a un lien entre les besoins d’une communauté et son désir d’assoir son origine sur une histoire», explique Stéphanie St-Pierre, professeure d’histoire à l’Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse. Pour pouvoir, entre autres, légitimer la présence francophone sur un territoire.

Au Yukon, la société veut également partager une histoire «qui commence à être connue chez les francophones», mais qui reste encore «très méconnue chez les anglophones et les Premières Nations», déclare son président, Yann Herry.

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À la recherche de bénévoles

Si certaines sont implantées depuis des décennies, d’autres sont beaucoup plus récentes, comme celle du Yukon, créée en 2021, «la seule au nord du 60e parallèle», rappelle Yann Herry, son président.

La Société d’histoire francophone du Yukon (SHFY) compte entre 60 et 70 membres, mais très peu de moyens.

«L’objectif de 2024 et 2025, c’est vraiment de répondre aux critères de Patrimoine canadien pour être reconnu comme société d’histoire et avoir accès à un financement de base qui permettrait d’avoir des employés. Mais pour le moment, il faut faire nos preuves», partage, lucide, Yann Herry.

125 ans d’histoires francophones

À l’occasion des 125 ans du Yukon comme entité politique canadienne séparée des Territoires du Nord-Ouest, L’Aurore boréale a réalisé, en partenariat avec la Société d’histoire francophone du Yukon (SHFY), un recueil de photos et d’anecdotes témoignant de la présence des francophones sur le territoire, de la ruée vers l’or à nos jours.

«On n’avait pas nécessairement les capacités en ressources humaines pour faire des recherches sur un projet de cette ampleur-là», confie Maryne Dumaine, directrice et rédactrice en chef du journal.

En retraçant le parcours de la communauté francophone, ce projet est aussi un moyen de rappeler «l’importance de toujours militer pour conserver les droits», souligne Yann Herry.

«Pour savoir Yukon va, il faut savoir Yukon vient», sourit Maryne Dumaine.

Chaque société a ses propres défis à relever. «Il y a vraiment beaucoup de particularités selon les régions. C’est vraiment très individuel», observe Stéphanie St-Pierre. 

Photo : Vanessa Wilson

L’un des principaux défis auxquels font face ces sociétés reste le manque de ressources humaines. La plupart du temps, elles sont tenues à bout de bras par des équipes de bénévoles chevronnées.

«Il y a de plus en plus d’occasions de faire du bénévolat, mais pas nécessairement plus de bénévoles. On épuise souvent notre bassin», observe Stéphanie St-Pierre, aussi membre de la Société historique acadienne de la Baie Sainte-Marie, en Nouvelle-Écosse.

Si certaines équipes, comme en Saskatchewan, affichent une moyenne d’âge parfois en dessous de 30 ans, d’autres peinent à attirer de jeunes recrues.

«C’est beaucoup des membres qui sont plus âgés, donc ça fait que c’est toujours un groupe de personnes ainées qui s’intéressent aux objectifs de la société», confie Elaine Thimot, présidente de la société historique de la Baie Sainte-Marie.

Selon elle, les jeunes ne sont pas désintéressés; ils sont juste déjà fortement sollicités et impliqués dans d’autres organismes.

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Attirer de nouveaux publics

«Si on veut avoir une pertinence sociale, il faut aussi trouver de nouveaux moyens de rattacher l’histoire des francophonies locales à des histoires plus larges. Il ne faut pas qu’on ait l’impression que c’est complètement déconnecté du monde», souligne de son côté Joel Belliveau, professeur émérite d’histoire à l’Université Laurentienne, en Ontario.

L’historien insiste sur le besoin de «publiciser» les activités via les réseaux sociaux pour atteindre de nouvelles personnes.

Si on continue à faire une ou deux ou trois conférences par an, puis qu’on utilise la même liste de diffusion, on va finir par assembler le même public, qui va vieillir un peu chaque année inexorablement.

— Joel Belliveau

«Idéalement, il faut que les sociétés historiques régionales trouvent une manière de monter suffisamment de projets pour finir par décrocher une subvention pour avoir au moins une personne à temps plein», suggère Joel Belliveau. 

Photo : Courtoisie

En Saskatchewan, grâce à une subvention du ministère provincial de l’Éducation, la société historique présente des ateliers au sein des écoles. La demande est telle que l’association ne peut pas répondre à toutes les requêtes, assure Alexandre Chartier.

L’organisme emploie également des jeunes, avec des contrats de quelques heures par semaine, en parallèle de leurs études. Une expérience gagnant-gagnant selon le directeur : «Ça me permet de voir comment ils consomment, quelles sont les nouveautés actuelles […] pour mieux répondre après avec les projets.»

L’association a aussi ouvert une boutique en 2021, où elle propose des chandails et des teeshirts à son effigie. «Ça fonctionne très bien. Les jeunes capotent quand ils les voient», affirme-t-il.

«Des fois, on a l’impression que comme c’est une société historique, il faut que ce soit vieillot, mais on peut se faire un rebranding assez jeune», commente Joel Belliveau.

«Il faut savoir prendre le public où il est, avec ses sensibilités actuelles. Il ne faut pas les convaincre de s’intéresser à quelque chose qui ne les intéresse pas; il faut leur montrer qu’il y a quelque chose-là qui les intéresse.»

Le défi de la recherche

«Vu qu’on est en minorité, on est moins connu dans le domaine de la recherche et, vu qu’on est moins connu, on attire moins d’intérêt d’étudiants-chercheurs», déplore Alexandre Chartier.

Le directeur général de la Société historique de la Saskatchewan appelle à mettre sur pied un secteur de la recherche «plus solide». «On devrait avoir droit à une certaine autonomie, en fait, pour pouvoir donner des bourses ou encourager les jeunes à faire des sujets.»

Bientôt un réseau pancanadien?

En Nouvelle-Écosse, Stéphanie St-Pierre déplore, elle, le manque de discussions entre les sociétés d’histoire : «Au Québec, il y a vraiment un réseau de sociétés historiques, mais on n’a pas nécessairement ça en milieu franco-minoritaire.»

Les choses pourraient néanmoins changer. Fondé en 2022, le Réseau Mémoire Patrimoine Histoire (MPH) regroupe des organismes du patrimoine des deux minorités linguistiques du pays.

Ce réseau a notamment comme objectif de constituer des communautés de pratiques, mais aussi de «créer des études, de montrer des chiffres et le besoin qu’il peut y avoir», relève Alexandre Chartier.

Parce que là, à l’heure actuelle, il n’y a qu’un seul fonds qui finance les archives dans tout le Canada.

— Alexandre Chartier

Le directeur rappelle pourtant le lien organique qui relie les communautés francophones à leurs archives : «La dernière chose qui reste d’une civilisation ou d’un groupe communautaire, c’est la société d’histoire ou son musée. Tout aura disparu, mais qu’est-ce qui reste? C’est le bureau de tourisme pour aller visiter et voir les vestiges.»

Avec les informations de Marine Ernoult, Marianne Dépelteau et Julien Cayouette.

La dernière carte datait de 2017. Selon Serge Quinty, directeur des communications de la FCFA, elle était «adorée» par ses utilisateurs.

«Mais on est rendu ailleurs, dit-il. Il y avait de meilleures façons aussi de faire une carte interactive en 2024-2025.»

De nouvelles technologies, mais aussi de nouvelles ressources. La FCFA a ajouté 12 communautés et ne compte pas s’arrêter là. «Il y a une phase 3 […] On s’en va vers une carte qui est pas mal complète.»

La FCFA prévoit une mise à jour constante de la plateforme et l’ajout progressif de fiches de profil supplémentaires.

La nouvelle carte interactive compte 12 nouvelles communautés par rapport à la version créée en 2017. Elle sera mise à jour régulièrement, promet la FCFA. 

Photo : Capture d’écran

La carte recense 700 pages de renseignements sur 72 collectivités francophones partout au pays. Chaque fiche comporte des informations relatives à la démographie, l’histoire, la vitalité culturelle de la francophonie, les services en français, l’économie, l’immigration et la diversité ou encore les attractions touristiques d’un endroit donné.

Une mise à jour nécessaire

Cette nouvelle carte est basée sur les chiffres du dernier recensement 2021 de Statistique Canada, qui a identifié une hausse du nombre de francophones hors Québec, mais une baisse de leur poids démographique.

«Même à certains endroits, on commence à avoir une baisse au niveau du nombre absolu de francophones», remarque Serge Quinty.

Mais ce dernier n’a pas que de mauvaises nouvelles : «Sur la liste des organismes sur le terrain, sur la liste des services, il y a une diversification. Il y a beaucoup d’organismes qui représentent, par exemple, les communautés ethnoculturelles qui n’étaient pas là auparavant.»

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Toucher de nouveaux publics

Mélika Malabo, responsable des communications et des relations publiques de la Fédération franco-ténoise (FFT), salue une initiative «par et pour les francophones». Son organisme a échangé avec la FCFA pour compléter ce nouvel outil.

«C’est un gros travail de collecte. On n’a pas forcément les ressources pour faire un travail pareil. C’est quelque chose qui va grandement nous aider», assure-t-elle.

Tous les organismes porte-parole au pays auraient été consultés. L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) confirme qu’elle a été «consultée dans la conception de ce document et a pu commenter les sections sur l’Ontario».

Chaque région a donc validé et contribué à des informations, notamment sur les centres scolaires communautaires de leur région.

Divisée par province et par municipalité, la carte contient des fiches de renseignement sur la région, la vie en français, l’économie, l’immigration, les organismes présents, etc. 

Photo : Capture d’écran

«Pour les gens de la communauté, c’est bon de savoir qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils font partie d’un grand réseau, que la francophonie n’est pas à un seul endroit, qu’elle est diversifiée et répartie à travers le Canada. C’est un outil rassembleur», commente Isabelle Dasylva-Gill, la directrice générale de la Société acadienne et francophone de l’Île-du-Prince-Édouard (SAF’Île).

«C’est aussi un outil touristique, une belle carte d’invitation pour que les gens viennent rencontrer les communautés francophones», complète-t-elle.

La carte est à destination, selon elle, de toutes les personnes qui s’intéressent à la francophonie canadienne, les nouveaux arrivants, les membres de la communauté, mais aussi les fonctionnaires des gouvernements provinciaux et fédéral.

«Ça leur permet d’avoir une perspective nationale sur la francophonie, une connaissance plus large que leur lentille locale.»

Un avis que partage Jules Chiasson, directeur général de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE).

C’est un outil qui s’adresse à une clientèle diversifiée, les nouveaux arrivants, les Québécois, les anglophones francophiles, pour les informer que les Francophones sont partout au Canada.

— Jules Chiasson

«Il y a de l’information très pertinente sur notre région, exacte, juste dans tous les domaines», appuie-t-il. La FANE va partager et relayer le document, notamment auprès de ses organismes membres pour qu’ils l’utilisent dans leurs activités.

«Cette carte nous aide. Elle permet de renforcer la visibilité de la francophonie de notre province […] Ailleurs au Canada et dans le monde, les francophones ne pensent pas qu’on peut parler français et compter sur des structures francophones solides dans notre province. Tout effort de promotion est positif pour nous!», estime de son côté Emmanuelle Corne Bertrand, directrice générale de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB).

Répondre à un manque

La carte interactive de la FCFA permet aussi de faciliter l’accès à l’information en français, «un problème majeur en milieu minoritaire», souligne Isabelle Dasylva-Gill de SAF’Île. «Même si ce n’est pas son objectif premier, cette carte répond à ce manque», remarque-t-elle.

Aux yeux de Nicole Arseneau-Sluyter, présidente de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), la carte apporte «une grande valeur ajoutée». La SANB compte d’ailleurs faire la promotion de ce nouvel outil sur les réseaux sociaux.

«Par contre, [elle] devra être partagée sur les sites Web de toutes les associations et les institutions francophones et centres touristiques dans chaque province pour qu’elle soit utile à tous et pour que le reste du monde, que ce soit à l’international ou à travers du Canada, puisse la trouver», note de son côté Marie-Thérèse Nickel, directrice régionale de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) de Calgary.

Plus sur la francophonie

Mercredi et jeudi, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) a organisé son 17e Symposium annuel sur l’immigration francophone à Winnipeg, au Manitoba.

L’évènement, dont la thématique était «L’immigration francophone : des changements en perspective pour un nouveau départ», avait pour objectif de faire le point sur la situation actuelle en la matière.

«Cette année, le bilan inclut des avancées significatives, comme une nouvelle Loi sur les langues officielles et une nouvelle politique fédérale en matière d’immigration francophone», a souligné la présidente de la FCFA, Liane Roy, par voie de communiqué.

Plusieurs ateliers ont été offerts sur différents aspects de l’immigration, comme le parcours et les offres de services dans différentes provinces ou encore l’apprentissage des communautés francophones accueillantes.

Dans le cadre du Symposium, la FCFA a lancé une carte interactive avec plus de 700 pages d’information sur 72 collectivités francophones partout au pays.

«La carte présente tout un trésor de renseignements sur la francophonie telle qu’elle se vit d’un bout à l’autre du Canada, au niveau provincial, territorial, régional et local», promet l’organisme dans un communiqué.

Lutte contre la pollution du plastique et réactions de l’opposition

Ottawa accueille du 23 au 29 avril la quatrième session du Comité de négociation intergouvernemental sur la pollution du plastique, au Centre Shaw.

Des manifestations importantes ont eu lieu avant la rencontre, le 21 avril, pour dénoncer l’inaction du gouvernement face au changement climatique.

Photo : Courtoisie Pramila Choudhary

Ces négociations visent à mettre en place un traité pour éliminer les déchets de plastique, y compris dans le milieu marin, d’ici la fin de l’année.

«J’ai entendu leur engagement à s’attaquer à la crise du plastique et à respecter notre calendrier ambitieux», a soutenu dans un communiqué le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, qui a participé à plusieurs rencontres du Comité.

«Le Canada se réjouit de collaborer avec tous les pays pour réaliser des progrès substantiels dans le texte de l’accord d’ici la fin de la session», a-t-il ajouté.

À l’occasion de cet évènement et du Jour de la terre, lundi, Steven Guilbeault a annoncé la création d’un registre fédéral sur les plastiques, en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. 

«L’objectif du registre est de recueillir des informations pour soutenir les mesures visant à prévenir la pollution plastique, en aidant à garder les plastiques dans l’économie et hors de l’environnement», indique le communiqué.

Les entreprises seront dorénavant obligées de fournir au ministère des informations sur le cycle de vie des plastiques au Canada.

Le ministre a aussi annoncé, mardi, un investissement de 3,3 millions de dollars pour «soutenir les organisations canadiennes qui élaborent des solutions novatrices afin de lutter contre la pollution causée par les plastiques».

La cinquième et dernière session du Comité aura lieu du 25 novembre au 1er décembre à Pusan, en Corée du Sud.

Alors que le Nouveau Parti démocratique (NPD) exhorte le gouvernement libéral à faire preuve de plus de leadeurship lorsqu’il est question de l’utilisation du plastique, le Parti conservateur incite les Canadiens à signer une pétition pour «sauver les pailles en plastique». 

«Les libéraux ont déclaré que tout “article manufacturé en plastique” était une “substance toxique”», a écrit le député conservateur de la Saskatchewan Corey Tochor, sur son compte X (anciennement Twitter).

Le Parti conservateur dit vouloir mettre fin à l’interdiction des pailles en plastique en votant en faveur du projet de loi C-380, qui «relève du bon sens», indique la pétition. 

En Chambre la semaine dernière, Corey Tochor – qui a déposé le projet de loi C-380 – avait aussi demandé l’annulation de la réunion internationale «radicale» sur l’interdiction des plastiques.

Le député néodémocrate Gord Johns avait pour sa part déposé une motion la semaine dernière visant à «combler les lacunes qui permettent au Canada d’exporter des déchets plastiques par l’intermédiaire des États-Unis et à empêcher le Canada de déverser des déchets dans les arrière-cours d’autres pays», peut-on lire dans un communiqué du NPD.

Commission d’enquête sur le travail et réactions au budget fédéral

Le ministre du Travail et des Ainés du Canada, Seamus O’Regan Jr., a annoncé la mise en place d’une commission d’enquête sur les relations de travail avec les débardeurs, en raison de la grève des ports en Colombie-Britannique en juillet dernier, qui avait duré plusieurs jours.

«Les Canadiens ont été victimes d’une perturbation économique qu’aucun conflit de travail ne devrait être en mesure de créer», rapporte le ministère dans un communiqué.

La Commission aura pour objectif d’étudier les enjeux sous-jacents des conflits de travail avec les débardeurs dans les ports de la côte ouest canadienne.

Vincent Ready, médiateur de carrière dans plusieurs conflits commerciaux à travers le pays, en assurera la présidence, et Amanda Rogers, avocate spécialisée dans la résolution de conflits en milieu de travail, en sera membre.

La Commission devrait présenter un rapport au ministère d’ici le printemps 2025.

Le budget fédéral 2024 a été dévoilé le 16 avril dernier. 

Photo : Julien Cayouette – Francopresse

Dans une lettre (en anglais seulement) adressée au premier ministre, Justin Trudeau, le Conseil de la fédération, qui rassemble les premiers ministres des provinces et territoires canadiens, a mis de l’avant leurs préoccupations face au budget fédéral, présenté le 16 avril dernier.

Dans un premier lieu, les premiers ministres s’inquiètent que le gouvernement fédéral empiète sur les compétences provinciales et territoriales, en particulier dans les domaines de la santé, de l’éducation et du logement.

«Le budget 2024 a été annoncé après que toutes les provinces et tous territoires ont publié leurs budgets respectifs et contenait plusieurs initiatives qui ont un impact direct sur nos propres plans et budgets», dénoncent-ils.

Dans un second lieu, la lettre réclame aussi plus de collaboration de la part du gouvernement fédéral face aux crises qui sévissent à travers le pays. 

«La collaboration et la flexibilité du programme seront essentielles pour permettre aux provinces et territoires de planifier et de répondre à leurs besoins et priorités uniques», ajoutent les premiers ministres.

«Il faut savoir d’où est-ce qu’on vient pour pouvoir avoir une idée d’où est-ce qu’on veut se diriger et ça fait partie de l’identité», déclare Patrick Breton, directeur général du Centre franco-ontarien de folklore (CFOF).

Pour laisser une trace de ces traditions, les archivistes numérisent les rubans magnétiques, les cassettes, les disques compacts, les vinyles et les enregistrements, explique Erika Basque, assistante archiviste au Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson (CEAAC) de l’Université de Moncton.

Une histoire d’héritage

Le patrimoine oral est souvent présenté comme ce qui n’est pas retraçable à l’écrit, comme «les croyances populaires, les histoires de la vie, les histoires de familles, les histoires locales et tout ce qui se transmet de bouche à oreille», énumère Robert Richard, archiviste en ethnologie acadienne au Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson (CEAAC) de l’Université de Moncton.

Créé en 1968, le Centre cumule une collection d’héritage et d’histoires acadiennes de diverses régions, comme les provinces maritimes, mais aussi des documents venus de la Louisiane et de la France.

Patrick Breton, directeur général du Centre franco-ontarien de folklore lors du Festival de contes les vieux m’ont conté en 2023. 

Photo : Léo Duquette

Susciter de l’intérêt

«Mais le plus grand danger, c’est en fait que plus personne ne sache que ça existe ou n’ait envie d’en faire quelque chose», s’alarme le professeur.

Selon lui, la solution réside en partie dans l’enseignement de la culture orale dans la société en développant une dimension pédagogique, par exemple dans les écoles.

«C’est-à-dire de mettre en situation, par exemple, des écoles autour de savoir-faire et de savoir-être […]. Si je reprends l’exemple de fabriquer du pain, si on montre simplement comment on fabriquait le pain avant, c’est un savoir-faire, mais on n’aura pas vraiment compris tout ce qui allait avec, c’est-à-dire comment ça crée une dynamique sociale», explique André Magord.

Pour Patrick Breton, les programmes scolaires doivent s’intéresser davantage aux contes et aux danses traditionnelles en mettant en place assez de ressources pour offrir une bonne formation aux jeunes.

Selon Erika Basque, assistante archiviste, plonger dans le patrimoine oral permet de ressentir la nostalgie, les diverses émotions et d’écouter les différents accents francophones canadiens. 

Photo : Mathieu Léger

L’archiviste en ethnologie acadienne Robert Richard et Erika Basque du CEAAC encouragent également la collaboration avec les écoles pour intéresser les plus jeunes aux archives orales.

«On a eu quelqu’un qui est venu travailler au centre l’été, donc c’est intéressant de voir quelqu’un de plus jeune qui a cet intérêt-là. Ça donne une lueur d’espoir pour ce secteur-là», se réjouit Erika Basque.

Une autre alternative reste d’encourager les professeurs d’autres disciplines à travailler avec des fonds oraux pour diversifier avec les sources écrites, insiste l’assistante archiviste.

Le Centre franco-ontarien de folklore tient aussi à intégrer les nouveaux arrivants pour leur faire découvrir la culture et l’histoire des Franco-Ontariens. Patrick Breton s’assure d’inclure une diversité de conteurs dans les festivals, confie-t-il.

La préservation par le partage

Numériser permet d’empêcher les archives de disparaitre à jamais, mais cela ne suffit pas. Pour préserver le patrimoine, il faut aussi le transmettre et le valoriser, précise le professeur André Magord, professeur de civilisation nord-américaine à l’Université de Poitiers, en France, et ancien directeur de l’Institut d’études acadiennes et québécoises (IEAQ).

Selon André Magord, la solution pour préserver le patrimoine oral réside dans son enseignement. 

Photo : Eya Ben Nejm

La plateforme numérique Francoralité, mise en place par l’IEAQ, est un exemple de moyen de transmission. Elle documente des fonds de littératures orales à l’international, mais fait aussi découvrir l’héritage des populations francophones à travers le monde.

«[Francoralité] permet de prendre conscience justement des différences de cette culture orale, qui est partie de [la France]; comment elle s’est transportée, comment elle a migré, si vous voulez, d’un endroit à l’autre en se transformant», indique André Magord.

Le projet est toujours en cours, «parce que c’est une opération très complexe de mettre en place une plateforme numérique internationale», précise-t-il.

À lire aussi : Préserver le patrimoine acadien, un travail quotidien (Le Courrier de la Nouvelle-Écosse)

 

Des histoires marquantes

Ses années de travail en tant qu’archiviste et collecteur ont permis à Robert Richard d’acquérir «des connaissances [qu’il] n’avait pas nécessairement vécues ou entendues à la maison».

Tout comme sa collègue Erika Basque qui, à l’occasion de la Chandeleur, était tombée sur le récit d’un homme qui décrivait les coutumes de la célébration dans le temps.

«C’était des gens qui faisaient du porte-à-porte puis, ensuite, il y avait une chanson qu’ils chantaient dans les maisons, puis une danse qui venait avec ça. La danse s’appelait l’escaouette», raconte-t-elle.

La Chandeleur, c’est quoi?

Fête d’origine païenne, la Chandeleur devient au Moyen-âge une fête chrétienne célébrée le 2 février, soit 40 jours après Noël. Elle fait référence à la présentation de Jésus-Christ au Temple après sa naissance. La Chandeleur est aussi appelée la fête de la purification.

Le 2 février, le Canada célèbre aussi le jour de la marmotte.

Écouter un récit oral, c’est ressentir la nostalgie derrière les voix, entendre les rires et les exclamations, mais aussi écouter les divers accents «qui viennent du nord de la province, du sud, de la Nouvelle-Écosse, de [l’Île-du-Prince-Édouard], du Québec», poursuit Erika Basque.

Panem et circenses (latin pour «du pain et des jeux du cirque»), ce célèbre adage marque plus de 2000 ans de notre histoire. Il est d’un réalisme qui a parfois été, au fil de l’histoire, troublant. Il n’en est pas pour le moins véridique; il suffirait de donner à manger et du divertissement aux peuples pour les cantonner dans une apathie permettant aux grands de ce monde de faire ce qu’ils veulent.

Sauf que dans notre cas d’espèce, plus les Jeux olympiques approchent, plus les Français disent s’en désintéresser. On ne peut pas dire qu’ici, au Canada, on voit ou qu’on ressente une fébrilité à l’approche de la grande messe mondiale du sport.

À lire aussi : Les Jeux olympiques, oui, mais à quel prix?

Du pain et des jeux, vraiment?

Je pense qu’il y a deux explications principales. Premièrement, une explication circonstancielle : les guerres et les difficultés économiques plombent le moral de bien du monde, les temps sont moroses.

Il y a aussi une explication structurelle plus importante : on ne joue plus, nous ne sommes plus des homo ludens. En fait, on assiste à l’avènement d’Homo tentorium («homme écran», que les latinistes me pardonnent ce néologisme). C’est le grand historien néerlandais Johan Huizinga qui, dans les années 1930, a forgé cette l’expression homo ludens

Dans son livre éponyme, il explique magnifiquement le rôle essentiel du jeu dans toutes les sociétés humaines. Notamment parce que le jeu englobe plusieurs fonctions sociales primaires : apprendre par imitation, apprendre à respecter des règles et les autres (le jeu est communion), apprendre à être libre (le jeu ne peut être imposé sinon il n’est plus jeu) et à profiter de son temps.

Or, aujourd’hui, nos enfants ne jouent plus. Sortez dans la rue, vous ne les verrez pas se passer la puck. À l’école non plus, nos enfants ne jouent plus. Certainement pas dans la cour de récréation, où ils en sont empêchés afin d’éviter tout accident qui mènerait à un procès. Non plus en classe, où l’écran trône désormais à la place des cubes et des livres.

Le peu d’enthousiasme envers ces Jeux olympiques, s’il s’avérait confirmé cet été, nous indiquerait que nos sociétés subissent une transformation profonde et majeure.

D’aucune façon les écrans ne peuvent remplacer les fonctions sociales opérées par le jeu. Comment les générations apprendront-elles alors les règles, le respect des autres et la liberté?

Le risque terroriste

Ces Jeux ne suscitent donc pas beaucoup d’enthousiasme, mais ils font surtout peur. La France a beau avoir une malheureuse et longue histoire avec le terrorisme, elle n’y est pour autant pas immunisée. 

Les menaces terroristes qui pèsent sur ces Jeux sont bien réelles et nombreuses; parce que c’est la France qui les accueille et en raison de l’instabilité géopolitique actuelle. 

La France, grande défenseure de la laïcité, a bien sûr à craindre tous les groupes terroristes religieux radicaux de tout acabit, la récente attaque dans la banlieue de Moscou nous rappelle que des groupes sont toujours bel et bien actifs.

Moscou justement, parlons-en. Les athlètes russes (et bélarusses) ayant été exclus des cérémonies et devant compétitionner sous drapeau neutre, il faut s’attendre à ce que la Russie vienne perturber ces Jeux. D’ailleurs, le président Macron l’a dit en entrevue. Ce sont surtout des cyberattaques que l’on craint le plus de la part d’acteurs étatiques ou privés russes.

Je pense également – et c’est peut-être le risque le plus sous-estimé à l’heure actuelle en France – que les Jeux pourraient être perturbés de façon malveillante par des acteurs français internes. Notamment l’extrême droite, qui a tout intérêt à ce que ces Jeux soient un échec de façon à continuer à répéter en boucle que rien ne fonctionne en France; que c’est le chaos; et qu’ils sont les seuls à pouvoir remettre de l’ordre.

Notamment l’extrême droite, qui a tout intérêt à ce que ces Jeux soient un échec de façon à continuer à répéter en boucle que rien ne fonctionne en France; que c’est le chaos; et qu’ils sont les seuls à pouvoir remettre de l’ordre.

Ironiquement, l’extrême droite pourrait utiliser ses nombreux infiltrés dans la police et l’armée pour que ces derniers laissent faire les bandes qui ne manqueront pas de sortir de leurs banlieues pour aller dépouiller et molester les touristes et les spectateurs.

D’une pierre deux coups : on enfonce le clou de la «sauvagerie» des jeunes des banlieues (lire pour beaucoup de Français : «des Arabes et des Noirs») et on montre l’incapacité du gouvernement à maintenir l’ordre.

Les Olympiques peuvent-ils encore servir d’outil diplomatique?

L’histoire politique des Jeux olympiques a souvent été analysée. Comme grande rencontre mondiale entre les athlètes et spectateurs venus de tous les États du monde, ils représentent beaucoup de symboles. On peut en citer quelques-uns. 

Par exemple, le fait que seuls les États, et non les nations, soient représentés. Ainsi les Écossais et les Gallois compétitionnent sous les couleurs du Royaume-Uni et non sous leurs propres couleurs, comme c’est le cas dans le monde du soccer ou du rugby.

Les Jeux représentent également une belle fenêtre pour exprimer des revendications politiques. Rappelons-nous des athlètes noirs américains qui combattaient la ségrégation ou encore la cérémonie de clôture des Jeux de Sydney en 2000, durant laquelle le groupe Midnight Oil en avait profité pour dénoncer la situation des Autochtones. 

On se rappelle également de la prise d’otages des athlètes israéliens lors des Jeux de Munich en 1972. On peut donc s’attendre à quelques coups d’éclat cet été; peut-être concernant l’urgence climatique, sans nul doute à propos de la guerre menée par Israël contre Gaza.

Dans le monde actuel marqué par le retour de la guerre, on ne peut que souhaiter que le pays hôte pense à utiliser tous les instruments diplomatiques possibles pour, en parallèle des compétitions sportives, tenter de ranimer le dialogue nécessaire entre différentes parties prenantes. 

Ne ratons pas l’occasion de mettre de l’avant les principes de l’olympisme et la diplomatie du sport.

Le budget fédéral, présenté 16 avril dernier par la ministre des Finances, Chrystia Freeland, propose des investissements dans les priorités autochtones qui totalisent un peu plus de 9 milliards sur cinq ans.

Parmi ce montant, le gouvernement prévoit une enveloppe 918 millions sur cinq ans à compter de l’année 2024-2025 pour «accélérer les travaux visant à cerner les lacunes en matière de logement et d’infrastructure des Premières Nations, des Inuits et des Métis», rapporte le budget.

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Un manque important pour le logement

Toutefois, un rapport de l’APN publié une semaine avant le budget soutient que le gouvernement devrait investir 349,2 milliards de dollars pour contrer les problèmes en matière d’infrastructures, de logement et de connectivité numérique pour les Premières Nations d’ici 2030.

«[Le] budget concernant le financement du logement, du maintien de l’ordre, des routes et de l’eau est loin de combler les lacunes de longue date en matière d’infrastructure, qui sont à l’origine de tant de difficultés pour les peuples des Premières Nations», a lancé la cheffe nationale de l’APN, Cindy Woodhouse Nepinak, lors d’une conférence de presse le 17 avril.

Par ailleurs, la vérificatrice générale du Canada abonde dans le même sens avec son plus récent rapport publié le 19 mars, Le logement dans les collectivités des Premières Nations.

«Il n’y a eu aucune amélioration significative des conditions de logement dans les collectivités des Premières Nations», affirme-t-elle.

«De 2015‑2016 à 2021‑2022, le pourcentage des logements nécessitant des réparations majeures est passé de 20,8 % à 19,7 %, indique le rapport. Tandis que le pourcentage des logements dans les collectivités des Premières Nations qui devaient être remplacés a augmenté, passant de 5,6 % à 6,5 %.»

«La pire des positions»

En novembre dernier, la ministre des Services aux Autochtones, Patty Hadju, avait réitéré la promesse du gouvernement libéral de remédier à la crise de logement et d’infrastructure qui touche les communautés autochtones d’ici 2030.

Pourtant, selon le chef régional de Terre-Neuve-et-Labrador, Brendan Mitchell, avec le montant proposé dans le budget 2024, ils n’y arriveront pas.

Abram Benedict veut que le gouvernement fédéral travaille de concert avec les communautés autochtones. 

Photo : Capture d’écran CPAC

«Je m’attends à ce que le fossé [entre les Autochtones et les Canadiens] se creuse davantage au fur et à mesure que nous avançons et nous serons dans la pire des positions en 2030-2035», a-t-il avancé en conférence de presse.

Le grand chef de la communauté mohawk d’Akwesasne, Abram Benedict, a rappelé que les infrastructures dans les communautés autochtones continuent de se détériorer, alors que la surpopulation demeure une réalité dans plusieurs des communautés.

«Dans les communautés éloignées, c’est encore pire. L’accès à l’eau potable reste une priorité», a-t-il soutenu lors de la conférence de presse.

«On a besoin que le gouvernement fédéral travaille de concert avec nos communautés», a-t-il ajouté, mentionnant que plusieurs des programmes conçus en partenariat entre les gouvernements provinciaux et fédéral n’incluent pas les Premières Nations.

Selon lui, les investissements annoncés la semaine dernière n’aideront pas à combler ce fossé, qui continuera à se creuser.

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Quelques financements prévus à compter de 2024-2025

Les mesures pour l’environnement encore trop timide

Dans un communiqué, le Conseil circumpolaire inuit dit apprécier les annonces budgétaires du fédéral en ce qui concerne l’éducation et les enfants inuits.

Toutefois, les mesures pour lutter contre les changements climatiques ne sont pas suffisantes, estime sa présidente, Lisa Koperqualuk.

«Nous perdons la couche de glace de l’Arctique à un rythme alarmant. Du point de vue des Inuits, les mesures prises pour réduire les émissions de carbone ne peuvent pas être mises en œuvre assez rapidement.»

Je me demande où seront construites toutes ces maisons si toutes les terres sont inondées ou si les communautés sont réduites en cendres.

— Lisa Koperqualuk

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Pas d’investissement en santé pour les Métis

Au total, c’est plus de 1 milliard de dollars que prévoit investir le gouvernement fédéral pour améliorer l’accès aux soins de santé des Premières Nations et des Inuits, mais les communautés métisses ne sont pas mentionnées dans cette section du budget.

Bien que le Ralliement national des Métis (RNM) se réjouisse des investissements annoncés par la ministre des Finances en général, «il subsiste des lacunes importantes dans le financement fondé sur les distinctions dans des domaines tels que la santé et la gestion des situations d’urgence», souligne le RNM dans un communiqué de presse (en anglais seulement).

De son côté, lors de la conférence de presse de l’APN, Cathy Merrick, la grande cheffe de l’Assemblée des chefs du Manitoba, a tenu à souligner qu’il y a des décès prématurés dans plusieurs communautés autochtones en raison des lacunes entourant l’accès à la santé.