le Vendredi 11 juillet 2025

Une plume qui fait danser

Après une absence de huit ans, voilà que l’auteur-compositeur-interprète franco-ontarien Damien Robitaille est de retour. Il offre Ultraviolet, un opus des plus intéressants à la hauteur de son talent lancé le 14 février.

Pochette de l’album Ultraviolet

Photo : damienrobitaille.com

Ce nouvel album aux allures dance-pop renferme de belles orchestrations qui rendent chaque pièce extrêmement puissante. Il débute avec un dance-pop bilingue, (She’s Got That) Je ne sais quoi, dont la musicalité des mots en fait un ver d’oreille irrésistible.

Dans la même veine, Kaléidoscope vous fera danser dès les premiers accords. Tout au long du disque, mélodie après mélodie, le charme opère. Des pièces comme Limousine ou Désynchronisé témoignent de la plume unique de Robitaille.

Paruline, Paruline est un folk acoustique savoureux, alors que Point de non-retour est une autre belle trame dance-pop et que la pièce titre, Ultraviolet, nous transporte dans un univers reggae.

Mon coup de cœur est Aurores boréales, une courte ballade piano-voix qui crée un moment de tendresse avec l’artiste. L’album se termine avec Superhéroïne, autre belle ballade, anglophone cette fois-ci.

Huit ans se sont écoulés depuis l’album Univers parallèles de Damien Robitaille. Ultraviolet démontre encore une fois toute la richesse de la plume de l’artiste. Il offre un 6e album où la force des arrangements donne vie à de superbes mélodies. Damien Robitaille est plus que jamais en contrôle de son univers.

Ultraviolet
Album : Ultraviolet

Far West francophone

Pour suivre leur excellent album éponyme, La légende de Calamity Jane revient avec le remarquable Avant l’aurore. Ce trio fransaskois, composé d’Annette et Michelle Campagne (du groupe Hart-Rouge) et d’André Lavergne (du groupe Dans l’Shed), captive dès les premiers accords avec un son country folk aux essences de blues qui les démarque.

Pochette de l’album Avant l’aurore

Photo : productionsmid.com

Dès la pièce titre, Avant l’aurore, nous sommes témoins de l’intensité des orchestrations. Nous sommes éblouis par cette force organique que nous livrent les guitares et le banjo. À cela s’ajoute des harmonies vocales d’une richesse hors du commun. 

Quelques extraits irrésistibles sont entre autres 300 pieds, un hymne contre l’oppression et un désir de liberté. Je t’appartiens est une déclaration de fidélité alors qu’avec Dans la montagne, Annette Campagne et André Lavergne livrent une des grandes chansons du disque.

J’aimerais faire une mention spéciale pour la pièce instrumentale, Vent et poussière. Elle nous berce au plus profond de notre âme.

Grâce à l’intensité des arrangements, grâce aux guitares folk et country auxquelles s’ajoute un soupçon de blues, le trio nous captive une nouvelle fois.

Dans la montage
Album : Avant l’aurore

Un poète aux teintes afrobeat

En souvenir je vous présente Yao. Ce mois-ci, le slameur d’Ottawa fera pour la deuxième fois la première partie du rappeur Grand Corps Malade. Il y a quelques années, Yao, artiste né en Côte d’Ivoire, déposait sa plume sur une toile de fond pop aux teintes afrobeat, électro et jazz, qui nous transportaient dans une gamme d’émotions.

Pochette de l’album Kintsugi

Photo : yaomusique.com

Chaque pièces de l’album Kintsugi était très bien construite afin de créer un univers sonore absolu. De Funambule à Comme il est là, un esprit de compassion, de vérité et de fragilité emporte l’auditeur. On est témoin d’une plume d’intériorité profonde. Les naufragés est l’un des meilleurs textes de l’album.

La plume de Yao est poétique et engagée. Sa musique pop aux multiples teintes nous berce et nous accompagne comme une brise sonore envoûtante. Le propos de chaque plage de l’album Kintsugi est un délice pour notre ouïe.

Funambule
Album : Kintsugi
Francopresse

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FRANCOPHONIE

Jeudi, la Cour suprême du Canada a accepté de recevoir la demande d’appel de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) concernant la nomination d’une lieutenante-gouverneure unilingue anglophone pour le Nouveau-Brunswick. La date de rendu de la décision n’est pas encore connue.

Rappel des évènements : Après le décès de la lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick, Jocelyne Roy-Vienneau, en aout 2019, le bureau du premier ministre du Canada a recommandé Brenda Louise Murphy pour la remplacer. Au moment de sa nomination, celle-ci ne parlait pas français. 

La SANB s’est soulevée contre ce choix. Une personne qui ne comprend pas le français ne peut pas remplir adéquatement ce rôle dans la seule province officiellement bilingue, dit l’organisme. La cause est portée devant les tribunaux.

La Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick a d’abord donné raison à la SANB en avril 2022, indiquant que la décision ne respectait pas la Charte canadienne des droits et libertés.

En mai 2024, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a infirmé la décision. Elle a accepté les arguments des avocats du gouvernement fédéral : l’institution doit être bilingue, pas nécessairement la personne en poste.

Les candidats à la chefferie libérale, de gauche à droite : Mark Carney, Chrystia Freeland, Karina Gould et Frank Baylis. 

Photo : Marianne Dépelteau - Francopresse

Les débats des candidats à la direction du Parti libéral du Canada (PLC) ont eu lieu à Montréal lundi et mardi. Le niveau de français des quatre aspirants a retenu l’attention des médias et du public lors du premier. Le second était en anglais. Plus à l’aise dans leur langue maternelle, les échanges entre les candidats et candidates étaient plus fluides; un meilleur test pour les idées et les propositions.

Peu sur la francophonie : Les questions du français et des francophones en milieu minoritaire ont pris très peu de place dans le débat en français et ont été complètement absentes de celui en anglais.

Les grandes lignes : L’économie, le cout de la vie, le logement et le président des États-Unis ont pris beaucoup de place dans les deux débats. Des flèches ont été tirées vers le chef conservateur Pierre Poilievre, que le prochain chef libéral devra éventuellement affronter en campagne électorale.

L’élection de la personne qui sera à la tête du PLC aura lieu le 9 mars. Elle deviendra, au même moment, premier ou première ministre du Canada.

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CANADA

Vendredi dernier, la ministre fédérale des Transports et du Commerce intérieur, Anita Anand, a annoncé dans une rencontre privée avec ses homologues provinciaux qu’elle a l’intention d’éliminer la moitié des 39 restrictions fédérales qui limitent les échanges commerciaux interprovinciaux.

Alors qu’Ottawa parle de faciliter le commerce interprovincial, le chef du Bloc québécois craint que ce soit un prétexte pour faire passer un oléoduc au Québec. 

Photo : Marianne Dépelteau - Francopresse

Le concept : En facilitant le commerce entre les provinces et les territoires, les exportations et importations avec les États-Unis seraient moins nombreuses et l’économie canadienne serait moins à la merci du géant du sud. Les barrières au commerce interprovincial seraient à l’origine d’un manque à gagner estimé à 200 milliards de dollars pour l’économie du pays.

L’Accord de libre-échange canadien, signé en 2017, encadre le commerce intérieur.  Malgré cet accord, plusieurs exceptions imposées par les provinces, les territoires et Ottawa sont encore en place.

Une première loi : Cette semaine, un projet de loi a été déposé en Nouvelle-Écosse pour faciliter le commerce avec les autres provinces. Le premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby, a annoncé mercredi qu’il réfléchit à faire de même.

Une «exagération» : Le même jour, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a qualifié la campagne autour du commerce interprovincial d’«exagérée». En point de presse, il a expliqué que les barrières dont tout le monde parle sont en fait des règles «qui visent à assurer le respect […] des priorités propres à chacune des provinces et au Québec».

Il croit que la conversation sur les barrières au commerce interprovincial sert de «prétexte» pour faire passer un oléoduc à travers le Québec, quelque chose qui bénéficierait surtout à l’Ouest canadien.

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Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a déclaré que le Canada devrait retirer l’invitation de Donald Trump à la réunion des pays du G7, qui aura lieu en Alberta en juin. 

Hostilités : «Pourquoi inviterions-nous quelqu’un qui menace notre souveraineté et notre bienêtre économique? […] Le tour du Canada en tant qu’hôte du G7 devrait être un sommet pour aborder la façon dont le monde peut travailler ensemble pour résister à Donald Trump», a-t-il dit mercredi devant le Conseil des relations internationales de Montréal. 

Pendant ce temps, un résident de l’Alberta a lancé une pétition parlementaire qui demande à Ottawa d’interdire l’accès au Canada au président des États-Unis. Elle comptait plus de 43 000 signatures jeudi midi.

Doug Ford a été élu premier ministre de l’Ontario pour une troisième fois de suite jeudi. 

Photo : Inès Lombardo - Francopresse

LES PROVINCES

Le Parti conservateur de l’Ontario, mené par Doug Ford, a remporté une troisième majorité de suite en Ontario, jeudi. Le premier ministre a déclenché des élections anticipées, car la Loi de 2004 sur une date d’élection fixe de la province exigeait seulement un scrutin en 2026.

En détails : Le Parti conservateur a remporté 80 sièges, les néodémocrates 27, les libéraux 14 et le Parti vert 2. Le Nouveau Parti démocratique forme l’opposition officielle pour une deuxième année de suite. 

Ce n’était probablement pas le résultat attendu par Doug Ford, qui avait 83 sièges avant l’élection. Les NPD ont aussi perdu quatre sièges, tout cela au profit des libéraux et des verts, qui ont respectivement six et un sièges supplémentaires.

De gauche à droite : Dennis King et Andrew Furey 

Photo : Inès Lombardo - Francopresse

Après l’annonce de la démission du premier ministre de l’Île-du-Prince-Édouard, Dennis King, le jeudi 20 février, c’était au tour de celui de Terre-Neuve-et-Labrador, Andrew Furey, de faire la même annonce mardi.

Raisons similaires : Les deux hommes politiques ont géré la pandémie de COVID-19 pour leur province respective. Ils ont cité la perspective de quatre années d’incertitudes en raison des déclarations du président américain comme l’une des raisons qui les a encouragés à prendre cette décision.

Dennis King souligne que les menaces de guerre tarifaires avec les États-Unis demanderont plus d’attention qu’il ne pouvait en fournir. «Ça m’a aidé à déterminer qu’il était préférable pour moi de passer le témoin du leadeurship à quelqu’un qui pourrait s’y concentrer à long terme.»

Andrew Furey qualifie Donald Trump de «président erratique, fou et déjanté». «Une fois qu’il est devenu clair que l’incertitude serait permanente, cela nous a permis, en tant que famille, de prendre une décision avec plus de liberté», a-t-il dit en conférence de presse.

À lire : Andrew Furey, annonce son départ (Acadie Nouvelle)

À l’extérieur du Québec, les services d’établissement en français sont majoritairement financés par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) à partir d’un système d’appels de proposition. La présente période de financement prend fin en mars 2025 et la prochaine s’amorce le 1er avril pour une durée de trois ans.

À l’heure actuelle, plus de 250 points de service financés par IRCC offrent des services en français à l’extérieur du Québec.

Malgré cela, des immigrants et immigrantes francophones sont parfois contraints de recourir à des services en anglais seulement, comme rapporté par Francopresse plus tôt cette année.

À lire aussi : Des immigrants francophones hors Québec reçoivent de l’aide in English only

Un casse-tête incomplet

Selon le coordonnateur du Réseau de soutien à l’immigration francophone du Nord de l’Ontario, Thomas Mercier, «même si on commence à voir l’arrivée d’un flux de migration plus organisé qui commence à se structurer, […] encore beaucoup de gens arrivent sans rien connaitre, complètement perdus».

Selon Thomas Mercier, les services d’établissement sont cruciaux pour la viabilité à long terme des communautés. 

Photo : Courtoisie

Un «gros facteur», explique-t-il, c’est le manque de services en français. «On est en train de se battre pour avoir des services d’établissement dans l’ensemble des régions.»

Il précise que la dernière période de financement d’IRCC a certes permis d’établir les premiers services d’établissement en français dans le Nord de l’Ontario – notamment à Sudbury, Timmins, Hearst, Kapuskasing et Thunder Bay –, mais il en manque encore à North Bay, Temiskaming Shores et Sault-Ste-Marie, par exemple.

Et l’Ontario français a aussi essuyé des refus pour la dernière période de financement, comme dans le district d’Algoma et aussi à Sudbury, où l’organisme Contact interculturel francophone de Sudbury avait demandé un appui pour faciliter la réinstallation de personnes réfugiées.

«Il [manque] encore des morceaux du casse-tête, mais on a des morceaux qui se mettent en place graduellement au fil du temps, surtout à comparer à 2018 où il n’y avait rien. On est loin de cette situation», tempère Thomas Mercier.

D’autres régions du pays connaissent aussi des difficultés.

Emmanuel Nahimana espère que les négociations entre la FANE et IRCC seront fructueuses. 

Photo : Courtoisie

Le directeur général adjoint de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE), Emmanuel Nahimana, a lui aussi des inquiétudes. «On ne connait pas encore ce qui va être offert, mais l’objectif pour nous, c’est de pouvoir garder nos acquis […] de garder les services existants pour pouvoir vraiment servir et répondre aux besoins des immigrants.» 

La FANE a également demandé plus de fonds pour offrir de nouveaux services et attendait toujours la réponse au moment de publier.

Au Yukon, la directrice du développement économique de l’Association franco-yukonnaise, Édith Bélanger, indique aussi avoir demandé plus de moyens auprès d’Ottawa «pour être capable de répondre à la demande».

Elle précise que le français connait un essor au Yukon et que ce territoire devient de plus en plus un premier point d’arrivée au Canada.

«J’ai toujours une petite inquiétude tant que ce n’est pas signé, mais en principe, ça va quand même bien», dit Édith Bélanger au sujet des services d’établissement en français au Yukon. 

Photo : Courtoisie

Déjà des refus

«[IRCC] est actuellement en négociations pour conclure les ententes avec les organisations dont les demandes ont été retenues dans le cadre de l’appel de propositions», précise Rémi Larivière, un porte-parole d’IRCC, dans un courriel.

Pour des raisons de confidentialité, il n’est pas en mesure de révéler quels fournisseurs de services ont été retenus pour les négociations. 

L’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) fait partie des organismes dont la proposition n’a pas été retenue, confirme son directeur général, Ronald Labrecque. IRCC ne lui a pas fourni de raison, mais il voit un possible lien entre ce refus et le resserrement de la porte d’entrée migratoire du Canada.

Malgré les tentatives d’Ottawa de diminuer l’immigration générale, les cibles en immigration francophone hors Québec demeurent inchangées. Mais selon Ronald Labrecque, le gouvernement fédéral pourrait vouloir éviter d’ajouter de nouveaux points de service alors qu’il tente de ralentir les arrivées.

Le directeur général perçoit toutefois un «soleil à travers les nuages dans une perspective à moyen, long terme» : avec la modernisation de la Loi sur les langues officielles (LLO) effectuée en 2023, même si un gouvernement souhaite minimiser l’immigration au Canada, «il faut qu’il y ait une priorité au niveau de la francophonie».

La Politique en matière d’immigration francophone, enchâssée dans la nouvelle LLO, stipule justement que «pour traduire une hausse des admissions d’immigrants d’expression française en une augmentation du poids démographique, plusieurs conditions de réussite doivent être réunies, comme […] la prestation de services essentiels en français».

À lire aussi : Les services d’établissement aux immigrants à bout de souffle

Éviter le «plaster temporaire»

Les services d’établissement permettent de «connecter [les nouveaux arrivants] vers les institutions francophones», explique Thomas Mercier. 

Le service francophone va savoir qu’il y a des garderies, des écoles primaires, secondaires, postsecondaires, des services de santé, des évènements communautaires, des spectacles de musique, des lieux où les gens se rassemblent, des opportunités d’emploi [en français]

— Thomas Mercier

«Tout ça va faire en sorte qu’il y a beaucoup plus de chance qu’après une, deux, trois générations, la famille nouvelle arrivante francophone soit toujours francophone.»

Selon Thomas Mercier, si l’on continue de renouveler les vagues d’immigrants francophones sans faciliter leur intégration au sein des communautés francophones, alors l’immigration devient un «plaster temporaire» au déclin du français. 

«Il faut qu’à terme, ils fassent partie de la communauté franco-ontarienne, qu’ils contribuent, et que leurs descendants soient de fiers Franco-Ontariens qui font partie d’institutions francophones, qui parlent encore français, qui se battent encore pour leur langue, estime le coordonnateur. C’est comme ça qu’on va faire de la vitalité à long terme.»

À lire aussi : Immigration francophone et poids démographique, une «approche simpliste»

En ligne et dans la culture populaire, l’effet Dunning-Kruger est utilisé pour expliquer pourquoi les personnes qui ont peu de connaissances dans un domaine donné se croient plus compétentes qu’elles ne le sont vraiment, parfois même plus que les spécialistes du domaine en question.

Après avoir vu quelques vidéos au fil des ans, le sujet était déjà en partie maitrisé. Cet éditorial devait présenter cet effet afin que vous y soyez sensibles et que vous puissiez éviter d’en être victimes.

Sauf que cette définition de l’effet Dunning-Kruger est erronée.

Tout ce que l’étude des sociologues David Dunning et Justin Kruger a pu montrer en 1999, c’est que le commun des mortels se croit aussi bon sinon meilleur que la moyenne des gens. Inversement, les personnes plus compétentes sous-estiment leurs habiletés.

Les chercheurs ont demandé à des étudiants et étudiantes de répondre à des tests écrits, puis de donner d’abord leur avis sur leur propre niveau de réussite et ensuite sur leur niveau de réussite par rapport aux autres.

Les données de l’étude semblaient montrer que plus le résultat obtenu était mauvais, plus l’écart entre la perception de la réussite et la réalité était grand.

En plus d’avoir été mal interprétés par certaines personnes, les résultats de cette première étude dans le domaine sont contestés.

Même si elle a pu être reproduite par d’autres équipes de recherche, elle a mené à des résultats différents quand le niveau de difficulté des tests variait.

Aussi, selon d’autres scientifiques, les résultats s’expliqueraient au moins en partie par un effet statistique.

À lire : Notre cerveau primitif : pourquoi croit-on toujours avoir raison? (éditorial)

Varier ses sources d’information

Sans recherche supplémentaire, ou avec une recherche limitée à des vidéos sur YouTube présentant une version inexacte des conclusions de Dunning et Kruger, le présent texte aurait perpétué une mauvaise information.

Heureusement, puisque même un éditorial, ou tout bon texte d’opinion, doit reposer sur des faits vérifiables, il fallait creuser le sujet.

Après la consultation de sources de plus en plus variées sur l’étude et les résultats, il est devenu évident que la véritable définition de l’effet Dunning-Kruger n’était pas la même que celle qui est la plus couramment diffusée.

Seul un approfondissement du sujet a permis aussi d’apprendre qu’il ne bénéficie pas d’une reconnaissance unanime dans le milieu scientifique et qu’il est remis en question par d’autres recherches.

Cette conclusion vaut pour tout sujet d’actualité. Pour bien comprendre une nouvelle, il est préférable de ne pas lire la version d’une seule source. Il faut consulter des médias variés et des médias aux points de vue différents.

Cela ne veut pas dire qu’il faut visiter des sites de nouvelles spécialisées dans la désinformation, mais plutôt qu’il faut lire sur un même sujet un texte écrit par un média de droite, un média de gauche et un média reconnu comme étant plus neutre pour arriver à faire plus facilement la part des choses. À se former une opinion plus éclairée.

David Dunning le dit lui-même : pour sortir de l’effet, il faut toujours chercher à en apprendre plus, à demander l’avis d’autres personnes et à remettre en question ce que l’on sait.

Que l’effet soit réel ou non, ce sont de bons conseils.

À lire : Une «tempête parfaite» pour la désinformation électorale

Le débat en français, qui a eu lieu le 24 février, a été plus laborieux pour les candidats, en particulier pour Mark Carney. Le favori de la course a trébuché à quelques reprises et ses adversaires, Chrystia Freeland et Karina Gould, ont aussi dû répondre à des questions des journalistes à propos du niveau de français des uns et des autres. 

Les analystes et les journalistes prévoyaient que le débat en anglais du 25 février serait plus dynamique. Les échanges ont effectivement été plus fluides, moins entrecoupés d’hésitations, mais surtout plus nombreux entre les adversaires.

À lire aussi : Course libérale : un débat en français qui parle peu du français

Aucune mention des francophones

Si les francophones en situation minoritaire ne se sont pas taillé une grande place au débat en français, ils ont été complètement invisibles lors du débat en anglais. Aucun des candidats n’a mentionné la francophonie hors Québec, malgré avoir abordé des sujets chers à cette communauté, comme la santé.

Le français au Québec n’a pas été discuté non plus.

Mark Carney est le seul candidat à avoir mentionné la langue, lorsqu’il a dit que face à Donald Trump, il n’y aura aucune concession sur la langue, la culture et l’eau du Canada. Il avait dit la même chose en français le jour précédent.

Mark Carney avertit qu’il ne faut pas sous-estimer Donald Trump. 

Photo : Marianne Dépelteau - Francopresse

Augmenter la productivité

Les menaces tarifaires des États-Unis et le cout élevé de la vie au Canada ont donné lieu à de longues discussions sur l’économie. 

Selon Mark Carney, les salaires n’ont pas suivi l’augmentation du cout de la vie. Parmi ses propositions : réduire les impôts de la classe moyenne et augmenter la concurrence, notamment en transport et dans les épiceries. 

Il estime aussi qu’il faut maintenir les «progrès effectués par le gouvernement actuel», comme les soins dentaires, la garde des jeunes enfants et le régime d’assurance médicaments. 

Mais pour maintenir ces programmes, il faut être fiscalement plus responsable. Il prône une réduction des dépenses et une augmentation des investissements.

Pour le Québécois Frank Baylis, il faut augmenter la productivité, quelque chose qu’il dit pouvoir accomplir grâce à sa double expérience comme politicien et comme homme d’affaires. Il a aussi promis qu’il construirait deux oléoducs. 

Chrystia Freeland estime qu’il faut davantage consolider les relations avec nos alliés. 

Photo : Marianne Dépelteau - Francopresse

Chrystia Freeland voit dans les menaces économiques de Donald Trump une «occasion en or» pour augmenter la productivité, notamment en réduisant les barrières au commerce entre les provinces.

Si plusieurs consensus ont émergé entre Mme Freeland et M. Carney, ils se sont distingués sur un point lors des mêlées de presse : elle coupera dans la fonction publique, mais pas lui.

Pour rééquilibrer le budget, «pas de coupes dans la fonction publique, pas de coupes dans les transferts aux provinces et pas de coupes dans les transferts aux individus, mais une augmentation forte de la productivité des programmes [gouvernementaux]», dit Mark Carney.

Selon le favori de la course, ça fait trop longtemps que le gouvernement n’accorde pas assez d’importance sur les résultats dans ses programmes, ce que son gouvernement ferait s’il devenait premier ministre.

Logement

Tous les candidats sont du même avis : il faut rendre le logement plus abordable.

Frank Baylis veut ramener une «discipline budgétaire» à Ottawa, et ce, en augmentant la productivité. 

Photo : Marianne Dépelteau - Francopresse

D’ailleurs, pour Karina Gould, si le PLC n’attire pas autant de jeunes qu’avant, c’est qu’«on ne parle pas assez» des enjeux qui leur sont importants, notamment le logement. «On a perdu la confiance des jeunes», a-t-elle laissé tomber.

Dans son plan, elle avance l’idée d’augmenter les incitatifs pour les acheteurs d’une première maison et promouvoir le logement abordable, telle que les coopératives d’habitation.

Chrystia Freeland, elle, commencerait entre autres par retirer la taxe sur les produits et services (TPS) pour les acheteurs d’une première maison, maintiendrait les Comptes d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP) et augmenterait le montant que l’on peut y investir.

À lire aussi : Face à la crise : réinvestir dans le logement social et abordable

Frank Baylis promet d’augmenter les salaires et l’argent dans les poches des Canadiens, notamment en créant de bons emplois. Il y a plus de détails techniques sur son site Web, a-t-il ajouté. Son message aux jeunes lors du débat a été de «garder espoir».

Mark Carney propose de doubler la construction de logements, ce qui ne sera possible que si on change notre manière de construire, selon lui. Il propose notamment de développer les technologies de la construction. En même temps, il concède qu’il faut aussi augmenter les revenus des Canadiens et des Canadiennes et couper les frais administratifs pour les constructeurs.  

Comme Chrystia Freeland, Mark Carney promet de retirer la TPS pour les acheteurs d’une première maison.

Face à Trump il faut renforcer la défense

Face à Donald Trump et ses menaces à la souveraineté canadienne, les quatre candidats et candidates acceptent qu’il faille donner plus de fonds à la défense nationale.

Frank Baylis a notamment suggéré d’augmenter les salaires dans les Forces armées canadiennes, ce que Karina Gould a appuyé. Selon elle, «on ne paie pas suffisamment notre personnel militaire». Elle a promis d’en faire une priorité si elle devient première ministre.

Selon Chrystia Freeland, les obstacles techniques et en matière de gestion ne devraient pas empêcher de renforcer la défense. L’ex-ministre a insisté sur le besoin de «travailler avec nos alliés».

Mark Carney croit que le pays sous-estime les intentions du président américain : «Trump cherche à dominer». C’est une crise économique, a-t-il expliqué, mais aussi une crise de souveraineté. On doit renforcer nos relations avec nos alliés et se servir de nos minéraux critiques et notre énergie propre à notre avantage.

À lire : Les minorités canadiennes et l’élection de Donald Trump

Karina Gould a critiqué les propositions de Mark Carney à quelques reprises pendant le débat en anglais, plus souvent que pendant le débat en français. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Mark Carney dans la ligne de mire de Gould

Karina Gould a interpelé Mark Carney plus d’une fois. Elle a, par exemple, critiqué sa proposition de réduire les impôts de la classe moyenne, arguant que les personnes les plus vulnérables ne font pas partie de cette classe économique. 

Mme Gould a tout de même félicité M. Carney pour son travail comme sous-ministre délégué aux Finances sous le gouvernement libéral de Paul Martin.

En mêlée de presse après le débat, la candidate a déclaré être la seule des quatre candidats à être prête à affronter Pierre Poilievre. «Certains de mes collègues ont pris des idées conservatrices. C’est OK si ce sont de bonnes idées […]. Moi, je ne vais pas compromettre mes valeurs», a-t-elle dit.

Chrystia Freeland a mis de l’avant ses propres propositions pendant le débat, promettant notamment de former des liens plus solides avec les «alliés» du Canada face à Donald Trump et de réduire les impôts de la classe moyenne, des idées appuyées par Mark Carney.

Frank Baylis a aussi mis de l’avant ses propres compétences, insistant sur le fait qu’il a de l’expérience en politique et en affaires. En promettant de ramener une «austérité financière» à Ottawa, l’ex-député s’est engagé à augmenter la productivité pour atteindre ses objectifs de dépenses, et non à couper dans les services ou à augmenter les taxes et impôts.

La prochaine personne qui dirigera le PLC sera choisie le 9 mars et deviendra, au même moment, premier ou première ministre du Canada.

La première mention des francophones en situation minoritaire a été faite après plus d’une heure de débat. La candidate Karina Gould a rappelé que les francophones en milieu minoritaire avaient aussi des besoins en matière d’accès aux soins de santé.

Karina Gould a affirmé que l’on peut bien représenter les intérêts francophones, peu importe son niveau de français. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Elle a suggéré que le fédéral utilise les transferts aux provinces pour améliorer les services. «C’est la responsabilité des provinces de distribuer cet argent de manière responsable. À mon avis, on a dépensé trop d’argent sans avoir de résultats. […] Les provinces et territoires doivent être honnêtes avec les gens.»

«Il y a un recul du français au Québec et partout au Canada», a reconnu l’ancienne ministre des Finances, Chrystia Freeland. «Je pense que tous les Canadiens comprennent que Trump menace notre pays, notre économie, mais il menace aussi notre identité. Ça inclut notre identité bilingue, ça inclut la langue française.»

Frank Baylis, qui a été député du Parti libéral du Canada (PLC) de 2015 à 2019, a aussi rappelé qu’il y a de «grands défis pour la langue française, ici au Québec», sans mentionner la francophonie en situation minoritaire.

La qualité du français de Mark Carney était une des grandes inconnues avant le débat. Il n’a pas accordé beaucoup d’entrevues en français. Il a fait quelques erreurs, comme «nous sommes d’accord avec Hamas». Une bévue corrigée rapidement par ses collègues, mais reprise en quelques minutes sur les réseaux sociaux par les conservateurs. 

Non seulement les défis des francophones hors Québec ont été très peu abordés, mais il n’y a eu presque aucune question sur les enjeux autochtones. Encore là, Karina Gould a été une des premières à les mentionner. Elle a rappelé que 16 des 60 milliards de dollars du déficit annoncé dans la mise à jour économique de décembre étaient mis de côté pour les réclamations à venir des Autochtones.

À lire aussi : Course à la chefferie libérale : le français déjà écorché

Chrystia Freeland promet de prioriser les garderies francophones dans son plan pour ajouter 100 000 places. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Une promesse pour les garderies francophones

Pendant le débat, Chrystia Freeland a indiqué avoir un plan pour ajouter 100 000 places dans les garderies partout au Canada.

En mêlée de presse après le débat, l’ex-ministre a promis qu’elle prioriserait les places pour les francophones à l’extérieur du Québec et au Québec. «J’étais la ministre des Finances qui a créé pour la première fois un système national de garderies», a-t-elle rappelé. «Le français est plus que jamais important. La langue commence dans les garderies.»

À lire : Pénurie de garderies francophones : 4 enfants sur 5 sans place en français

Immigration

Rappelant la crise du logement dans laquelle est plongé le Canada, Mark Carney a promis d’instaurer un plafond sur l’immigration de manière générale et de construire «des millions et des millions» de logements afin de rétablir l’équilibre.

Chrystia Freeland a aussi parlé du lien entre immigration et logement, promettant un «équilibre qui sera bon pour les immigrants, pour l’économie».

Frank Baylis (à droite) veut ramener une «discipline budgétaire» à Ottawa, mais assure que cela n’aura pas d’incidence sur les transferts aux provinces pour les francophones. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Karina Gould a décidé de critiquer son propre gouvernement, en indiquant que celui-ci a eu des cibles «trop ambitieuses» ces dernières années. Elle a aussi rappelé qu’il y a eu beaucoup d’immigration temporaire sous le règne de Justin Trudeau et s’est engagée à consulter les provinces à propos de leurs capacités d’absorption.

Frank Baylis a également parlé des capacités d’accueil, évoquant entre autres l’absorption par les systèmes de santé, de garde et d’éducation du Québec. 

L’immigration francophone hors Québec n’a pas fait partie des sujets.

L’ombre Trump

L’ombre du président américain plane sur la course depuis son inauguration dans ce poste. Les quatre candidats et candidates sont d’accord que le Canada doit garder des cartes dans sa manche pour d’éventuelles négociations. Par contre, l’eau, la culture et la gestion de l’offre des agriculteurs doivent être protégées.

Pour ce qui est de la façon dont ils transigeraient avec Donald Trump, les réponses ont varié. 

Frank Baylis avance pouvoir prédire les actions de Trump. Ce qu’il dit avoir fait dans une lettre publiée dans les journaux, une journée avant l’inauguration, où il affirmait que le président s’attaquerait à l’acier en premier. Ce qui est sur le point de se réaliser.

Chrystia Freeland a rappelé que ce n’était pas son premier affrontement avec Donald Trump. «Je l’ai déjà fait. En bout de ligne, on a eu un meilleur accord» de libre-échange, affirme-t-elle. 

Par contre, Mark Carney rappelle que «ce n’est pas le même qu’avant».

Il est plus unilatéraliste, plus isolationniste, plus agressif. Il faut se concentrer sur les choses que l’on peut contrôler. Il faut renforcer notre économie.

— Mark Carney

En se disant d’accord avec la réponse de Mark Carney, Karina Gould précise que le président respecte la force, et qu’il faudra faire la preuve que le Canada est fort.

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Mark. Carney a été gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Déclenchement d’élection

Aucun candidat n’a voulu donner une date précise pour le déclenchement d’une élection fédérale après que la nouvelle personne à la tête du parti ait été choisie. Pour les quatre, ce serait imprudent de prendre une décision maintenant, sans connaitre où en seront les menaces de tarifs douaniers du président des États-Unis, qui pourraient être imposés le 4 mars.

Pour Mark Carney, «il ne faut pas prendre de décision avant que ce soit nécessaire».

Chrystia Freeland a souligné qu’elle avait déjà un siège dans la Chambre des communes : «Je ferai mon choix [d’aller en élection] sans me baser sur les sondages, juste sur l’intérêt national».

La prochaine personne qui dirigera le PLC sera choisie le 9 mars et deviendra, au même moment, premier ou première ministre du Canada. 

Un débat en anglais aura lieu le 25 février, à Montréal. 

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Selon Martin Bouchard, à la direction générale du Comité FrancoQueer de l’Ouest (CFQO), certains gouvernements provinciaux, comme au Nouveau-Brunswick avant l’élection de 2024, en Alberta ou en Saskatchewan, exploitent les enjeux queers à des fins électoralistes, «pour satisfaire une base plus conservatrice qui permet de les reconduire au pouvoir».

Selon Martin Bouchard, plutôt que de diffuser des discours sans fondement scientifique, des informations telles que la surreprésentation de l’itinérance chez les jeunes 2SLGBTQ auraient par exemple plus de poids auprès des gouvernements. 

Photo : Courtoisie

«Le conservatisme social reprend un peu sa place au sein des partis de droite au Canada, après environ deux décennies d’opposition plus tempérée aux droits LGBTQ+», confirme le doctorant en science politique à l’Université Concordia, à Montréal, Francesco MacAllister-Caruso.

Pour lui, la stratégie politique derrière ce type de discours n’est pas surprenante, ce qui l’est plus, c’est «la volonté de certains chefs de droite au Canada d’alimenter leur discours avec de la désinformation et de la mésinformation, et ce, même lorsqu’on a des données probantes pour contrer les arguments».

Aucun des élus du Parti conservateur du Canada contactés par Francopresse n’a donné suite à nos demandes d’entrevue.

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Désinformation ou mésinformation?

La désinformation désigne une information erronée ou déformant la réalité, créée dans le but de manipuler ou de tromper.

Francesco MacAllister-Caruso prend l’exemple de propos tels que : «Les femmes trans sont une menace à la sécurité des femmes cisgenres, surtout dans les salles de bain; les professionnels de l’éducation et de la santé tentent d’imposer la diversité de genre sur les jeunes et les forcer à transitionner.»

La mésinformation renvoie, elle, à une information incorrecte ou trompeuse, considérée comme véridique qu’une personne partage sans mauvaise intention.

«Les parents sont exclus de la prise de décision ou du processus de transition; les jeunes personnes trans subissent des chirurgies génitales, etc. Ce sont des propos qui sont fondés sur un manque d’informations», explique le doctorant.

«Bonne cible»

Lorsque des gouvernements tiennent des discours antiqueers, cela encourage les gens à reprendre cette rhétorique et à se l’approprier, observe Martin Bouchard.

«On a vu au cours des dernières années plusieurs politiques ou propositions à différents niveaux de gouvernement qui visaient à restreindre ou limiter les droits des personnes trans», remarque Francesco MacAllister-Caruso. 

Photo : Melody Maloney

«Je ne pense pas que les gens sont mauvais en tant que tel quand ils reprennent ces discours. Je pense que c’est une mésinformation pure et simple.»

Francesco MacAllister-Caruso rappelle que les personnes transgenres ou non binaires représentent environ 0,33 % de la population canadienne. «Ce qui les rend une bonne cible pour un mouvement réactionnaire qui tente de propager de fausses informations pour limiter leur droit.»

Au Nouveau-Brunswick, le directeur général d’Alter Acadie, Alex Arseneau, estime que la campagne électorale de l’ancien premier ministre progressiste-conservateur provincial, Blaine Higgs, candidat à sa réélection, s’est faite «sur le dos des jeunes personnes trans».

Le gouvernement progressiste-conservateur de la province soutenait aussi que «les soins affirmant le genre [étaient] dangereux pour les enfants».

Or, «les recommandations médicales qui concernent les soins d’affirmation du genre pour des jeunes sont non seulement fondées sur des recherches rigoureuses, mais c’est tout le temps dans un long processus qui implique les parents».

«Il n’y a pas de médecin au Canada qui opère des enfants, des mineurs, sans [le consentement des parents]», insiste-t-il.

Aux yeux d’Alex Arseneau, les personnes 2SLGBTQIA+ constituent des «boucs émissaires» et les médias sociaux amplifient ces discours de désinformation. «Tout le monde n’a pas accès à des informations fiables, mais tout le monde a accès à Facebook.»

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Déconstruire les mythes

Dans une de ses publications, l’organisme torontois FrancoQueer déconstruit différents mythes qui nourrissent les discours hostiles à la communauté 2SLGBTQIA+, comme celui selon lequel «l’homosexualité est un choix».

«La science a montré que l’orientation sexuelle et l’identité de genre ne sont pas un choix. En dépit des nombreuses tentatives de “conversion” effectuées par des établissements médicaux, juridiques et religieux pendant des décennies, la recherche montre qu’elles sont inefficaces et même nuisibles», explique le rapport.

«Il est facile de provoquer la peur dans la population en propageant de tels mythes, dont celui que les personnes 2SLGBTQIA+ sont prédatrices d’enfants», note encore l’organisme.

Ainsi, «la peur et la désinformation peuvent être instrumentalisées pour servir des objectifs politiques», affirme le rapport.

«Faire peur au monde»

«C’est des informations pour détourner l’attention des vrais problèmes. […] Les conservateurs du Nouveau-Brunswick ne peuv[ai]ent pas se baser sur leur bilan. Donc, il faut qu’ils passent par la panique morale, la désinformation, faire peur au monde», analyse Alex Arseneau.

Alex Arseneau se dit inquiet pour les prochaines élections fédérales et de «l’impact croissant des mouvements antiqueer». 

Photo : Annie France Noël

«Ces discours-là trouvent des échos en exploitant des peurs profondes liées à des changements sociaux rapides que tout le monde n’est pas un peu up-to-date avec. Ils vont chercher ce qui est plus nouveau et qui est mal compris. […] Ils déforment des enjeux complexes, qui sont émotionnellement chargés.»

«Ils associent la transidentité à des opérations du corps, au scalpel, à la peur de se faire ouvrir. […] Il y a aussi le fait d’associer l’homosexualité à la sexualité. Ils pensent qu’on enseigne la pornographie aux enfants», ajoute-t-il.

«Je dirais que c’est comme ça qu’ils gagnent les votes. Y’a rien qui fait plus voter qu’avoir peur ou haïr.»

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Meta modifie sa politique de modération des contenus

La société mère de Facebook et d’Instagram a annoncé, au début de janvier, qu’elle mettait fin à son programme de vérification des faits aux États-Unis.

Les utilisateurs et utilisatrices de ces plateformes peuvent désormais tenir des propos diffamatoires qui lient l’identité de genre à la santé mentale, par exemple.

«Meta a choisi de normaliser les discours haineux envers les personnes 2ELGBTQIA+ et c’est complètement inacceptable», a réagi sur sa page Facebook Alter Acadie NB.

Le Comité FrancoQueer de l’Ouest (CFQO) a également condamné par communiqué ce changement, qu’il qualifie d’«attaque directe contre des populations déjà marginalisées et met gravement en péril leur sécurité et leur bienêtre».

Campagne de communication

Martin Bouchard concède que la communication sur ces thèmes de la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, est bonne. «Ils ont des spin doctors de talent.»

Il fait notamment référence à l’un de ses discours où elle défendait sa politique en assurant justement qu’elle était là pour protéger les jeunes de la communauté 2SLGBTQIA+.

«Ça avait l’air empreint de bienveillance. Si j’étais quelqu’un qui ne connait pas du tout ces enjeux […] je me dirais : “Ah ben, elle a à cœur les jeunes trans non binaires. Elle a mon vote.”»

«Il faut commencer à s’organiser parce qu’il y a de l’argent qui est mis là-dedans. [La droite et les conservateurs en général] sont forts en communication, ils sont organisés. Puis nous, on court après l’argent des gouvernements. […] C’est David contre Goliath», illustre le directeur général.

Pour lutter contre la désinformation, le CFQO croit à la sensibilisation par le témoignage. «Quand une personne se présente devant un groupe et partage son histoire, c’est ça qui contribue un peu à changer les mentalités», estime Martin Bouchard.

Au Nouveau-Brunswick, Alter Acadie s’attache à «trouver des messages qui sont plus forts que [ceux des conservateurs]» : «La sensibilisation, la mobilisation passe par la communication», confie Alex Arseneau, y compris au-delà du cercle 2SLGBTQIA+.

«On a développé des partenariats avec des associations d’enseignants, de parents, d’élèves, des syndicats des travailleurs», détaille le directeur général. L’organisme a aussi mis sur pied une boite à outils à destination des parents notamment.

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Élections fédérales à venir

Alex Arseneau se dit inquiet pour les prochaines élections fédérales et de «l’impact croissant des mouvements antiqueer qui exploitent des discours populistes, comme Poilievre ou Trump».

«Ça va non seulement continuer à diviser la société, mais ça va mettre en danger les acquis des communautés marginalisées.»

«Ces discours-là détournent l’attention des vrais enjeux. […] Chaque fois que quelqu’un de la droite veut parler des droits des personnes trans, parle-lui des changements climatiques, parle-lui de la crise du logement, parle-lui des prix de la bouffe au Canada», suggère-t-il.

«Il est temps de parler de solutions, puis arrêter de parler de toilettes.»

«Antonine Maillet a possiblement créé un mouvement littéraire, c’est trop tôt pour le savoir. Mais elle reste une figure tutélaire de la littérature acadienne dont les legs sont emblématiques», affirme le metteur en scène et professeur au Département de théâtre de l’Université d’Ottawa, Joël Beddows.

Joël Beddows estime que tous les legs d’Antonine Maillet ne sont pas encore connus : «On a besoin de thèses pour analyser la portée et la spécificité de son œuvre.» 

Photo : Rémi Thériault

Le professeur de littérature à l’Université de Moncton, Benoît Doyon-Gosselin, n’hésite pas à évoquer «une pionnière dans la libération de la langue» : «Tout en abordant des thématiques universelles, elle a su se différencier en faisant passer l’oralité acadienne à l’écrit.»

«Elle a été la première à écrire dans la langue acadienne, elle a ouvert la voie et permis à de nouveaux auteurs de s’éloigner du français standard, d’être eux-mêmes», poursuit la professeure retraitée de l’Université de Moncton et spécialiste de l’œuvre d’Antonine Maillet, Marie-Linda Lord.

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De nouvelles maisons d’édition

Lorsque Antonine Maillet écrit son premier ouvrage, Pointe-aux-Coques, en 1958, aucun éditeur n’est présent en Acadie. Elle est obligée de se tourner vers le Québec pour le publier.

«Elle a donné un nouveau souffle à la littérature acadienne peu développée à l’époque», assure Marie-Linda Lord.

Pour Marie-Linda Lord, l’œuvre d’Antonine Maillet a permis de lutter contre l’insécurité linguistique : «Les gens se reconnaissent quand ils entendent La Sagouine, ça les a rendus fiers d’être francophones et acadiens.» 

Photo : Courtoisie

«Les écrivains qui l’ont suivie ont su briser le silence et prendre la parole. Des maisons d’édition se sont créées pour les publier et construire le projet acadien», complète-t-elle.

Les Éditions d’Acadie voient ainsi le jour en 1972, un an après la sortie de la pièce de théâtre d’Antonine Maillet La Sagouine. L’autrice inspire alors de jeunes poètes acadiens, qui reprennent notamment sa thématique de l’identité, abordée dans le monologue Le Recensement, un passage de la pièce.

«Elle est la première à affirmer et promouvoir l’identité acadienne dans la littérature. Il y a un message très fort et encore pertinent de nos jours», relève Marie-Linda Lord.

Quelques années plus tard, en 1979, Antonine Maillet reçoit le prix Goncourt pour Pélagie-la-Charrette. Une consécration, «extrêmement importante pour l’histoire littéraire», qui met également «l’Acadie sur la carte du monde francophone», souligne Benoît Doyon-Gosselin.

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Pas de «descendants pendant très longtemps»

Cette reconnaissance internationale n’a pas empêché l’émergence de certaines critiques. Des auteurs du Nouveau-Brunswick, comme Herménégilde Chiasson ou Gérald Leblanc, reprochent à Antonine Maillet d’être trop «exotisante et passéiste», explique Benoît Doyon-Gosselin.

«Paradoxalement, elle a ouvert beaucoup de portes à la francophonie alors que son univers n’est en rien moderne, appuie Joël Beddows. Elle donne une vision du passé fermée sur elle-même, folklorisée, incapable d’embrasser la modernité occidentale vers laquelle cheminait l’Acadie dans les années 1970.»

«Antonine Maillet n’a pas codifié l’oralité, elle a créé sa langue de fiction, c’est une construction littéraire. Les gens ne parlent pas comme ça», rappelle Benoît Doyon-Gosselin. 

Photo : Courtoisie

«Il n’y a pas de nostalgie, la critique du passé peut s’appliquer au contemporain», nuance Marie-Linda Lord.

À la suite d’Antonine Maillet, le chiac se fait progressivement une place dans la littérature. En 1973, Guy Arsenault publie Acadie Rock, le premier recueil de poésie dans ce dialecte mélangeant du vieux français, du français et de l’anglais. Près de 40 ans après, France Daigle est lauréate du Prix du Gouverneur général pour son roman Pour sûr, qui met lui aussi le chiac à l’honneur.

Pourtant, Joël Beddows estime pour sa part que la dramaturge et romancière n’a pas eu «d’émules et de descendants pendant très longtemps».

«C’est peut-être parce que son oralité était devenue la norme, il n’était plus possible d’explorer d’autres variétés de français. Si on voulait écrire en français plus normalisé ou haïtien par exemple, on n’avait pas le droit d’exister», avance-t-il.

Aux yeux de l’universitaire, le fait que plusieurs dramaturges marchent dans les traces d’Antonine Maillet est très récent. Il cite les Acadiens Emma Haché, Caroline Bélisle et Gabriel Robichaud. «Les figures de l’Évangéline, de la Sagouine et de Sainte-Anne-de-Kent reviennent dans leurs œuvres, ils s’intéressent aux mêmes questions philosophiques», analyse-t-il.

«Elle les a encouragés à pousser la porte de la norme»

Au-delà de l’Acadie, l’influence d’Antonine Maillet s’étend jusque dans l’ouest, où La Sagouine a largement circulé dans les théâtres et salles de spectacle.

«Les livres d’Antonine Maillet ont conscientisé les gens à différentes parlures et accents», affirme Lise Gaboury-Diallo. 

Photo : Courtoisie

«Ça a été mon premier contact avec elle quand j’étais étudiante au secondaire, confirme l’autrice et professeure à l’Université de Saint-Boniface, au Manitoba, Lise Gaboury-Diallo. Ses personnages féminins très forts m’ont beaucoup inspirée.»

Elle mentionne des auteurs comme le Franco-Manitobain Marc Prescott ou le Fransaskois Gilles Poulin-Denis qui «ont osé transcrire du franglais» : «Elle les a encouragés à pousser la porte de la norme, à faire revivre des parlers locaux.»

«On s’intéresse à l’œuvre d’Antonine Maillet dans tout le Canada, car c’est un modèle de réussite d’écrivain francophone en situation minoritaire», considère Marie-Linda Lord.

«On peut dire sans conteste que c’est la maman de la littérature et du théâtre acadiens, dont les œuvres perdureront encore longtemps, mais on ne sait pas si elle aura des enfants», ajoute Joël Beddows.

Quelle que soit la portée de son œuvre, Antonine Maillet a donné confiance à des générations d’écrivains et d’écrivaines dans la variété et les couleurs de leur langue.

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