«J’ai vu ça comme une occasion unique de m’impliquer dans la vie de l’Île-du-Prince-Édouard et de ses habitants, de faire des rencontres, surtout comme nouvelle arrivante», confie Anaïs Parnoix, bénévole bilingue aux Jeux d’hiver du Canada.
Anaïs Parnoix est bénévole bilingue aux Jeux d’hiver du Canada qui se tiennent à l’Île-du-Prince-Édouard.
«C’est très apprécié quand je parle français, on me remercie à chaque fois», ajoute la jeune femme qui a pu animer, en français et en anglais, la cérémonie de remise des médailles de la compétition de tennis de table.
La Française s’est inscrite comme volontaire dès son arrivée dans la province en aout 2022. Quand elle a entendu parler des Jeux, elle a tout de suite été «emballée» par cet évènement sportif de grande ampleur, «un peu comme des Jeux olympiques».
Les mêmes mots reviennent dans la bouche de Karen Baillard, également bénévole bilingue. Aux yeux de l’insulaire, «c’est une chance de rencontrer des gens de partout au Canada et de se sentir partie prenante de la communauté».
Comme Anaïs Parnoix et Karen Baillard, ils sont plus de 5300, à donner de leur temps, à œuvrer en coulisse pour assurer le succès des Jeux d’hiver du Canada. Pendant deux semaines, les bénévoles, reconnaissables à leur veste bleue et à leur teeshirt vert, sont là pour faciliter l’organisation de l’évènement.
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Engouement sans précédent
Présents sur tous les sites sportifs, ils accompagnent les athlètes et leurs entraineurs, renseignent et orientent le public, contribuent à maintenir en état les installations.
Leurs missions sont très variées. Certains sont affectés aux kiosques d’informations ou à la vente de billets, d’autres conduisent les autobus des athlètes ou gèrent les stationnements automobiles, tandis que des infirmiers volontaires prennent soin de la santé des jeunes sportifs.
Karen Baillard est bénévole bilingue aux Jeux d’hiver du Canada qui se tiennent à l’Île-du-Prince-Édouard.
Engouement sans précédent
Présents sur tous les sites sportifs, ils accompagnent les athlètes et leurs entraineurs, renseignent et orientent le public, contribuent à maintenir en état les installations.
Leurs missions sont très variées. Certains sont affectés aux kiosques d’informations ou à la vente de billets, d’autres conduisent les autobus des athlètes ou gèrent les stationnements automobiles, tandis que des infirmiers volontaires prennent soin de la santé des jeunes sportifs.
Consuelo Vásquez, professeure au Département de communication sociale et publique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), ne se montre pas surprise d’un tel succès : «Le sport est un secteur qui attire, surtout des parents qui s’investissent dans les activités de leurs enfants ; et ce type d’évènement ponctuel séduit également beaucoup.» La chercheuse explique que la tendance est au volontariat épisodique, de courte durée.
Revers de la médaille, les bénévoles peuvent parfois trouver le temps long. «Il y a plus de bénévoles que de besoins, ils ont vu large. C’est un peu frustrant, car si on est là c’est pour se sentir utile», témoigne Anaïs Parnoix.
Un sentiment que partage Karen Baillard : «C’est tranquille, on est nombreux, et il n’y a pas toujours grand-chose à faire.»
Consuelo Vásquez est professeure au département de communication sociale et publique de l’Université du Québec à Montréal.
Mais, à aucun moment, elles n’ont regretté leur choix de s’engager. Pour elles, le don de soi est une évidence qui remonte à longtemps.
Dès l’école secondaire, Karen Baillard est bénévole auprès de personnes âgées dans des hôpitaux et des foyers de soin. Depuis, elle n’a jamais cessé d’offrir son temps à ceux qui en ont le plus besoin, que ce soit des personnes en deuil ou des malades en soins palliatifs.
«C’est une manière de redonner à la communauté, ça fait du bien au cœur. On n’est plus concentré sur soi et on devient plus humble, on se rend compte que nos petits bobos ne sont pas si graves par rapport à ce que vivent d’autres personnes», explique-t-elle.
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Plus court chemin vers le bonheur
Dans la famille d’Anaïs Parnoix, se rendre utile fait partie des valeurs familiales. La jeune femme s’est toujours mobilisée pour des causes qui lui tenaient à cœur, que ce soit la maladie de Crohn ou l’itinérance.
«Je donne aux autres et en même temps ça m’apporte beaucoup de bonheur. J’améliore mes compétences relationnelles, je développe de l’empathie», affirme-t-elle.
Kelly-Ann Paul est directrice générale du Conseil des Jeux du Canada.
«Aider les autres, c’est aussi en tirer des bénéfices et s’aider soi-même», confirme Consuelo Vásquez. La spécialiste constate que «l’épanouissement de soi» et «l’expérience de vie» entrent de plus en plus de ligne de compte chez ceux qui s’investissent.
«Le travail gracieux est aussi l’occasion de développer ses compétences et d’acquérir de l’expérience», poursuit l’universitaire.
Quelles que soient leurs motivations, qu’adviendra-t-il des 5300 bénévoles après les deux semaines de compétitions? «Ça fait partie des legs des Jeux, je sais que la société organisatrice considère les différentes options possibles», assure Kelly-Ann Paul.
«Il est difficile de maintenir l’engagement sur le long terme, les gens aiment changer de cause et de projet», prévient Consuelo Vàsquez. L’universitaire insiste, si les organisateurs veulent fidéliser les bénévoles, il faut reconnaitre leur travail au quotidien et donner du sens à leur engagement. Autrement dit, les bénévoles doivent avoir le sentiment de faire une différence.
Lundi, le chef du Parti conservateur du Canada a pressé Justin Trudeau de fermer le chemin Roxham d’ici 30 jours. Selon lui, le pays n’a pas assez de ressources pour aider les réfugiés et les autres migrants. Le premier ministre du Québec François Legault a fait la même demande au gouvernement Trudeau mardi, dans une lettre ouverte publiée dans le Globe and Mail.
Le chef du Parti conservateur du Canada Pierre Poilievre presse le gouvernement Trudeau de fermer le chemin Roxham, une voie de passage entre les États-Unis et le Canada pour les demandeurs d’asile et les réfugiés.
Sean Fraser, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, a refusé, argüant, selon La Presse, que la fermeture du chemin Roxham n’allait «pas résoudre le problème».
Accusant le gouvernement Trudeau d’avoir brisé le système d’immigration, Pierre Poilievre n’a pas offert de solution pour mener à bien la fermeture du chemin emprunté par des dizaines de milliers de réfugiés chaque année. Selon des données fédérales, 92 720 demandeurs d’asile ont traversé la frontière canado-américaine en 2022. Ils étaient 64 030 en 2019, avant la pandémie. Une augmentation sans précédent.
Le chef conservateur a toutefois rejeté la suspension de l’Entente sur les tiers pays sûrs avec les États-Unis. Cet accord permet notamment de gérer la répartition des réfugiés entre les deux pays.
Le député du Bloc québécois Alexis Brunelle-Duceppe a de son côté proposé que le Canada suspende l’Entente pour la renégocier. Il a aussi demandé, pour «soulager le Québec», que la province soit «compensé[e] rapidement» pour couvrir des frais, et qu’une «redistribution immédiate et équitable» des demandeurs s’opère partout au Canada.
La firme Google a de nouveau marqué son opposition au projet de loi C-18 sur les nouvelles en ligne, en confirmant qu’elle testait le blocage aux nouvelles sur sa plateforme pour certains Canadiens.
Le géant de la technologie a mis à l’essai un blocage de l’accès aux nouvelles pour certains Canadiens en réaction au projet de loi C-18. Moins de 4 % des Canadiens seraient touchés par ce blocage.
Le projet de loi vise à imposer à des sociétés du numérique, comme Google et Meta, de négocier des accords pour payer les médias canadiens dont ils partagent les contenus sur leurs plateformes. Google avait déjà menacé de supprimer les nouvelles en ligne de sa plateforme si le projet de loi était adopté.
Devant un comité parlementaire l’automne dernier, les deux sociétés se sont dites préoccupées par le fait que C-18 soit «trop large».
Cette semaine, le bureau du ministre du Patrimoine a réagi en indiquant que les Canadiens ne se «laisseront pas intimider» par la démarche de Google. Le projet de loi doit passer au vote du Sénat dans les prochaines semaines.
L’indice des prix à la consommation est passé de 6,3 % en décembre 2022 à 5,9 % en janvier 2023, d’après Statistique Canada. Il est toutefois plus élevé qu’en janvier 2022 (+0,8 %)
Le recul de ce début d’année s’explique entre autres par la baisse des prix des services de téléphonie cellulaire et des véhicules automobiles, avance Statistique Canada.
Mais les prix des aliments, notamment de la viande, de l’essence de même que les taux hypothécaires ont poursuivi leur augmentation.
Jeudi, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a annoncé de nouvelles mesures pour soutenir les résidents temporaires iraniens qui se trouvent au Canada.
Du 1er mars 2023 au 24 février 2024, les Iraniens qui ont un statut temporaire peuvent demander la prolongation de leur statut, ou peuvent changer de permis, notamment pour un permis d’étude ou un permis de travail ouvert. Tout cela sans frais de traitement de dossier.
Les demandes des Iraniens qui se trouvent déjà au Canada seront traitées en priorité, a précisé IRCC.
Par ailleurs, les citoyens canadiens ou les résidents permanents qui résident en Iran pourront avoir accès à certains documents sans frais, «pour faciliter leur voyage», comme des passeports canadiens à validité limitée.
Justin Trudeau, le 8 septembre 2021, lors du débat des chefs intervenu peu avant les élections.
Une motion adoptée à l’unanimité mardi par le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre des communes obligera les députés membres à se pencher sur la question de l’ingérence de la Chine lors des élections fédérales canadiennes de 2019 et de 2021.
Le média anglophone The Globe and Mail a rapporté la semaine dernière que la Chine avait établi une stratégie lors de la campagne de 2021, afin de s’assurer que les libéraux soient réélus. Selon le média, des documents secrets du Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS) auraient permis d’identifier cette stratégie du gouvernement chinois.
Le projet de loi C-13 parrainé par la ministre libérale fédérale Ginette Petitpas-Taylor, qui vise à moderniser la Loi sur les langues officielles, comporte plusieurs avancées significatives pour les francophones de l’extérieur du Québec. L’aboutissement de cette réforme, entamée en 2018, est attendu avec impatience depuis plusieurs années.
Au cours des dernières semaines, nous avons assisté à des scènes rarissimes lors desquelles des députés libéraux montréalais, notamment Marc Garneau, Emmanuella Lambropoulos et Anthony Housefather, ont remis en question publiquement le projet de loi, issu de leur gouvernement, au nom de la protection de la minorité anglophone du Québec.
Ces élus en ont particulièrement contre la reconnaissance au sein d’une loi fédérale de la Charte de la langue française du Québec qui fait du français la seule langue officielle de cette province.
À noter qu’il ne s’agit pas de la seule référence à une législation provinciale dans le projet de loi C-13. Ce dernier reconnait également l’égalité de statut entre les communautés linguistiques française et anglaise du Nouveau-Brunswick.
Désinformation et exagération
Les trois députés dissidents n’hésitent d’ailleurs pas à faire dans la désinformation et l’exagération dans leur tentative de torpiller C-13.
Dans un texte publié sur son site Web le 16 février, Marc Garneau justifie ses positions en citant, entre autres, une proposition d’amendement du Bloc Québécois voulant qu’en cas de conflit entre la loi fédérale et la Charte québécoise de la langue française, cette dernière prévale.
Or, le 7 février, le président du Comité des langues officielles a jugé cette proposition d’amendement irrecevable au motif qu’elle dépassait la portée du projet de loi.
Pour sa part, Emmanuella Lambropoulos a fait référence à une grand-mère de sa circonscription qui n’aurait pas été en mesure d’être servie en anglais par un médecin bilingue de Montréal. Cette histoire ne tient pas la route, car la législation québécoise stipule clairement qu’il est possible de recevoir des services de santé dans la langue de son choix.
Pas une surprise
Ces députés dissidents ont pourtant fait campagne en 2021 sous la bannière d’un parti qui reconnaissait le statut asymétrique du français et de l’anglais au Canada.
Le discours du trône de 2020 souligne la situation particulière du français au Canada et «la responsabilité [du gouvernement] de protéger et de promouvoir le français non seulement à l’extérieur du Québec, mais également au Québec». Ce passage a d’ailleurs été repris dans la plateforme électorale du Parti libéral l’année suivante.
De plus, la première mouture de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, le projet de loi C-32, contenait aussi une mention à la Charte de la langue française du Québec. Il est mort au feuilleton au moment du déclenchement des élections générales de 2021.
Alors, pourquoi cette campagne de dénigrement du projet de loi C-13? Les personnes qui ont fait le choix de se présenter dans l’équipe libérale fédérale l’ont fait en connaissance de cause. Si elles n’étaient pas à l’aise avec le contenu de la plateforme électorale et les engagements de leur parti, elles auraient pu laisser leur place à quelqu’un d’autre.
Union ou désunion?
Après plusieurs jours mouvementés mettant en lumière des divisions dans les rangs libéraux, le mot d’ordre semblait être le retour à l’unité.
Après une réunion du caucus provincial le 8 février, le lieutenant du gouvernement fédéral pour le Québec, Pablo Rodriguez, a affirmé que l’ensemble des membres s’en allaient désormais «dans la même direction», c’est-à-dire vers l’adoption du projet de loi C-13.
Toutefois, quelques jours après cette déclaration, le ministre Marc Miller a indiqué qu’il ne savait pas s’il voterait en faveur du projet, faisant fi du principe de solidarité ministérielle.
Ce principe veut que les membres du cabinet, une fois au courant d’une politique du gouvernement, doivent la défendre ou, à tout du moins, ne pas la remettre en cause, et bien entendu, voter en faveur de celle-ci. La solution pour un ministre qui souhaite aller à l’encontre de son gouvernement est la démission.
À la suite des déclarations ambigües de son ministre Miller, Justin Trudeau a d’ailleurs confirmé que le vote sur le projet C-13 ne dérogera pas à ce principe, et que tous les ministres devront voter en faveur.
Le simple fait que le premier ministre ait eu à rappeler aux membres de son cabinet qu’ils doivent appuyer un projet de loi gouvernemental est symbolique de la division interne chez les libéraux.
Un besoin de leadeurship de la part des élus francophones
Au cours des dernières semaines, des députés montréalais du « West Island » ont recentré les discussions autour du projet de loi C-13 en fonction de leurs préoccupations.
Pendant ce temps, les réalités des communautés francophones de l’extérieur du Québec sont reléguées au second plan. Ce sont pourtant ces communautés qui, depuis cinq ans, travaillent de pair avec le gouvernement pour en arriver à ce projet de réforme ambitieux.
Il est temps d’envoyer un message d’unité au sujet du projet de loi C-13. Il y a quelques semaines, sur Twitter, le député franco-ontarien Francis Drouin a dénoncé, à juste titre, «le show de boucane» de ses collègues.
Pour sa part, le député libéral acadien Serge Cormier, en entretien avec l’Acadie Nouvelle, a dénoncé les «petits jeux politiques» et l’obstruction de la part des députés de tous les partis, y compris du sien.
Toutefois, d’autres élus, comme la Franco-ontarienne et présidente du Conseil du Trésor Mona Fortier, sont plus hésitants dans leur appui. Interpelée par une journaliste de Francopresse sur le sujet au début février, la ministre Fortier n’a pas clairement appuyé le projet de loi de sa collègue aux Langues officielles.
Le caucus libéral compte près d’une quinzaine de députés francophones de l’extérieur du Québec. Plusieurs occupent des postes influents, tels les ministres Dominic LeBlanc du Nouveau-Brunswick, Dan Vandal du Manitoba et Randy Boissonnault de l’Alberta.
Qui plus est, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, est l’ancienne titulaire du dossier des langues officielles.
Tous ces élus devraient se rallier publiquement et sans équivoque autour de leur collègue Ginette Petitpas-Taylor et de sa réforme pour envoyer un message d’unité et rappeler l’importance de C-13 pour l’avenir des communautés francophones d’un bout à l’autre du pays.
Guillaume Deschênes-Thériault est doctorant en science politique à l’Université d’Ottawa. Il détient un baccalauréat de l’Université de Moncton et une maitrise de l’Université d’Ottawa. Dans le cadre de ses recherches, il s’intéresse aux communautés francophones en situation minoritaire, avec un intérêt particulier pour l’enjeu de l’immigration. Depuis mai 2021, il est conseiller à la municipalité de Kedgwick au Nouveau-Brunswick.
Niki Ashton a été une voix décisive pour faire adopter des amendements, tantôt en faveur des conservateurs et du Bloc québécois, tantôt en faveur des libéraux.
Rejet de l’obligation de comprendre le français pour les dirigeants de grandes entreprises
Le Bloc québécois a proposé un amendement qui permettait aux administrateurs ou «tout autre responsable administratif de l’institution fédérale», ainsi que les premiers dirigeants de grandes entreprises assujettis à la Loi sur les langues officielles de comprendre le français au moment de leur nomination.
«C’est pour éviter les choses que nous voyons comme le cas du CN qui n’avait aucun administrateur francophone», a expliqué Mario Beaulieu, au Comité permanent des langues officielles du 14 février.
«Cela deviendrait une obligation qui limiterait» le choix des administrateurs d’entreprises privées assujetties à la Loi, «en termes de nomination d’un candidat bilingue», a fait valoir Julie Boyer, une fonctionnaire de Patrimoine canadien interrogée par les libéraux.
La néodémocrate Niki Ashton s’est agacée, indiquant que c’était un «scandale» que les dirigeants d’Air Canada ou du CN ne parlent pas le français, et que c’était une «erreur» de privatiser ces entreprises.
Mario Beaulieu a tenté à reprises de faire reconnaitre la protection du français au Québec, dans diverses parties du projet de loi.
Les libéraux et les conservateurs, unis cette fois-ci, ont rejeté l’amendement, contrairement au Bloc québécois et au NPD.
Assurer un accès à la justice pour les francophones
L’article 20 de la Loi sur les langues officielles mentionne que les décisions des tribunaux fédéraux doivent être mises à la disposition du public dans les deux langues officielles, sous certaines conditions, et sans invalider les décisions rendues dans une seule langue officielle.
Dans un amendement rejeté, le Bloc québécois réclamait que les jugements des causes francophones soient rendus disponibles dans leur langue partout au pays, et ce, même si cette obligation cause des retards dans leur publication.
«L’objectif est que les justiciables francophones aient accès au corps de jurisprudence, pas seulement à ceux qui traitent de cas en français, comme c’est le cas en ce moment», a exposé Mario Beaulieu.
Malgré l’appui des conservateurs, le NPD et les libéraux ont rejeté la proposition.
Des amendements en perte de valeur
Les débats autour des amendements amènent parfois des modifications importantes aux intentions initiales.
Le 17 février, le conservateur Joël Godin a proposé un amendement pour obliger le gouvernement fédéral à dénombrer les ayants droit plutôt qu’estimer leur nombre. En cours de débat, sur recommandation de hauts fonctionnaires, le libéral Marc Serré a proposé le sous-amendement d’«estimer avec les outils nécessaires» le nombre d’ayants droit, ne forçant plus le fédéral à fournir des chiffres exacts.
«Les minorités francophones vont perdre parce que ce ne sera pas une surestimation, mais une sous-estimation [du nombre d’ayants droit]» a déclaré le député Godin, irrité.
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Une situation similaire s’est produite quelques jours plus tôt. Le 10 février, les conservateurs ont proposé que les services dans les deux langues officielles soient garantis lorsque le gouvernement faisait appel à des tiers dans la prestation de services.
C’est un sous-amendement néodémocrate qui a été adopté limitant cette obligation aux tiers privés et aux municipalités. Les provinces et les territoires offrant des services au nom du gouvernement fédéral ne sont donc pas dans l’obligation d’offrir les services dans les deux langues officielles.
Une décision qui déplait notamment à la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB) qui se bat en cours contre le fédéral depuis dix ans pour que les provinces et les territoires soient soumis à cette obligation.
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Parmi les amendements de son parti en faveur des francophones minoritaires, le conservateur Joël Godin a tenté de rendre plus précis le dénombrement des ayants droit dans C-13, sans succès.
Rejet de la définition de «minorité francophone»
Le 7 février, une définition de «minorité francophone» proposée par les conservateurs dans le préambule du projet de loi a été défaite par les trois autres partis.
Dix jours plus tard, dans un article du projet de loi, le Parti conservateur a proposé à nouveau que le gouvernement soit tenu de «favoriser et protéger» les minorités francophones du Canada, de «promouvoir le français» ainsi que «la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais».
Selon les fonctionnaires de Patrimoine canadien et du Conseil du Trésor, bien qu’il n’y ait pas de définition formelle du mot «minoritaire» dans la Loi sur les langues officielles de 1988, la modification des conservateurs n’était pas nécessaire.
«[…] On n’a pas besoin de définir davantage ces notions, elles sont ancrées dans notre réalité quotidienne au Canada» a justifié Warren J. Newman, du ministère de la Justice.
«C’est comme sous-entendu que la minorité anglophone veut dire au Québec et la minorité francophone est hors Québec», a précisé Marcel Fallu, de Patrimoine canadien.
Le Bloc québécois souhaitait aussi faire reconnaitre la protection du français au Québec. La proposition a été rejetée par les membres libéraux et néodémocrates du Comité.
Situation spécifique de la langue française au Québec
Le Parti conservateur du Canada et le Bloc québécois ont successivement échoué dans leurs tentatives de faire adopter une mention à la spécificité de la langue française au Québec, «vu l’usage prédominant de l’anglais dans le pays», selon leurs amendements.
Les deux partis ont avancé que si cette particularité était prise en compte dans la Loi sur les langues officielles modernisée, que cela aiderait à prendre en compte la situation des francophones en situation minoritaire.
Un argument rejeté par les fonctionnaires présents, qui ont expliqué que la modification pourrait nuire à l’égalité réelle entre l’anglais et le français.
Selon Carsten Quell, directeur général du Centre d’excellence en langues officielles : «Ceci pourrait amener à se questionner à savoir si une école minoritaire anglophone se verrait avoir moins de services fédéraux autour de celle-ci qu’une école minoritaire francophone. Donc, c’est le type de questions qu’il faudrait se poser si on adopte cette disposition.»
Un amendement sur la représentativité du français à l’étranger rejeté
Selon le Bloc québécois, les services en français dans les institutions canadiennes à l’étranger devraient être assurés par la Loi sur les langues officielles.
«C’est nécessaire pour […] éviter que des francophones à l’étranger qui veulent interagir avec les institutions fédérales canadiennes en mission externe ne soient découragés [par] une barrière linguistique», a fait valoir Mario Beaulieu, qui a présenté l’amendement. Aucun argument n’a été présenté contre, mais tous les partis l’ont rejeté.
Depuis le 13 décembre, sept séances du comité permanent des langues officielles ont été consacrées à l’étude du projet de loi C-13 article par article. Vingt articles sur 71 ont été adoptés. Jusqu’à présent, 44 amendements proposés ont été débattus en comité sur plus de 200. Les membres du Comité permanent des langues officielles reprendront les travaux le 7 mars.
«Quand je suis arrivé en 1992, j’ai cherché un club de football [soccer], mais je n’en ai pas trouvé. Alors je suis allé sur les terrains pour demander aux gens qui jouaient si je pouvais me joindre à eux. Il y avait des communautés étrangères qui se regroupaient pour pratiquer leur sport et les francophones se sont retrouvés à chercher une équipe qui voudrait bien les accueillir.»
Jean-Pierre Boué, président de Franco Foot, un club de soccer francophone du Grand Toronto qu’il a créé en 2007, a vécu, à son arrivée au Canada en 1992, la difficulté de pratiquer son sport en français.
Arrivé de France, Jean-Pierre Boué s’est retrouvé à Toronto confronté à une difficulté que rencontrent beaucoup de familles francophones en milieu minoritaire : offrir l’opportunité à leurs enfants de pratiquer une activité sportive en français.
Céline Dumay, directrice générale de la Fédération du sport francophone de l’Alberta (FSFA) est bien consciente du problème. «Certaines personnes ne parlent pas anglais et le premier réflexe des parents, ça va être de chercher des équipes en français. C’est sûr que pour les enfants, au début, c’est difficile et ça peut faire peur de ne pas comprendre la langue. Après, souvent, ils s’adaptent et vont se mêler à la masse.»
Selon elle, le défi est surtout pour les parents qui souhaitent que leurs enfants participent à des activités parascolaires en français. «Ils ne veulent pas que le français soit juste dans le milieu scolaire, mais que les enfants aient l’opportunité de pratiquer dans d’autres domaines», précise-t-elle.
Chantal Young, mère de deux petites filles, est directrice générale depuis janvier 2020 de Sports en français, un organisme manitobain.
«On parle en français à la maison et quand on cherche des leçons de natation, on cherche d’abord à leur en offrir en français parce que ma fille de 4 ans, surtout au début, ne parlait et ne comprenait que le français, donc on ne pouvait pas la mettre dans un cours en anglais», indique Chantal Young, installée au Manitoba.
Cette mère de famille connait d’autant mieux le sujet qu’elle occupe, depuis janvier 2020, le poste de directrice générale de Sports en français, un organisme franco-manitobain qui dispose d’un double mandat : «le sport et unir la francophonie manitobaine». «On veut voir les francophones se rassembler autour du sport », indique Chantal Young.
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Sortir le français de l’école
«Nous, on veut pratiquer le français», assure Jean-Pierre Boué, qui a créé le club de soccer Franco Foot en 2007, à ce jour la seule section de l’Association sportive des francophones du Grand Toronto.
«Dans un pays comme le nôtre, la deuxième mission, en dehors de la mission sportive, c’est quand même de développer la langue française pour les francophones, poursuit-il. Une langue qui a des hauts et des bas. L’idée ce n’est pas de s’opposer aux anglophones ; c’est de permettre à tout le monde de parler français.»
Julianna Damer est directrice générale de l’Association la Girandole d’Edmonton, qui propose plusieurs cours de danse en français.
Céline Dumay note par ailleurs que le contact avec la langue française dans la pratique sportive intéresse aussi des jeunes issus de foyers anglophones. «Des jeunes anglophones qui sont dans les écoles d’immersion et qui suivent des cours en français vont vouloir participer à des activités pour avoir des occasions de pratiquer leur français», relate Céline Dumay.
La tenue d’évènements en français ou à composante francophone devient une bonne occasion de promouvoir la pratique du sport dans la langue de Molière. Chantal Young a pu l’observer au Bonspiel de la francophonie manitobaine, le plus grand tournoi de curling annuel en français de la province, qui existe depuis 1972.
«L’année dernière, il y avait une équipe nouvellement arrivée de la France avec deux jeunes enfants qui avaient autour de 12 ans, témoigne-t-elle. Les parents se sont lancés là-dedans avec leurs enfants et ils ont découvert un sport qu’ils ont beaucoup aimé.»
L’entraide entre les clubs sportifs est aussi importante pour faire la promotion de diverses activités. «On est chanceux en Alberta parce qu’on collabore et qu’on peut promouvoir les services entre nous, se réjouit Julianna Damer, directrice générale de l’Association la Girandole d’Edmonton, qui propose des cours de danse à une cinquantaine d’enfants cette année. C’est quelque chose d’important. Le plus de gens qui en parlent, le mieux c’est.»
Céline Dumay est la directrice générale de la Fédération du sport francophone de l’Alberta, qui organise chaque année les Jeux francophones de l’Alberta.
Le plafond de verre du haut niveau
Cependant, un manque de communication entre les structures sportives peut constituer un frein important à la pratique, explique Céline Dumay.
«On essaie de travailler avec le gouvernement de l’Alberta pour que tous les coachs soient répertoriés au niveau de la langue. Ça nous permettrait d’avoir une idée de combien d’entraineurs sont bilingues en Alberta. Pour le moment, ils sont enregistrés avec leur spécification, leur discipline, mais souvent on ne sait pas quelle langue ils parlent. Ils peuvent très bien être francophones sans qu’on le sache, et auraient la possibilité d’offrir leur cours en français.»
L’avancement à un niveau supérieur dans la pratique d’un sport peut cependant être limité en français, se désole Céline Dumay. «Si c’est au niveau communautaire, on a des options, mais dès qu’on va à un niveau plus élite, souvent ces jeunes-là se retrouvent à aller en anglais. Ils n’auront pas de possibilités en français.»
Jean-Pierre Boué a été témoin de cette fuite de talents juste avant la pandémie, alors que son équipe de jeunes obtenait de bons résultats. «On s’est dit qu’on allait prendre des jeunes qui vont devenir une équipe fanion [l’équipe principale du club, composée essentiellement d’adultes, NDLR], mais pas du tout. Ils sont partis à l’université, quelques fois en dehors du Canada. Ça n’a pas marché comme on le croyait.»
Il a donc décidé de relancer une équipe fanion avec l’espoir de pouvoir, un jour, reconstituer une équipe de jeunes francophones. «Ça viendra quand les parents auront l’habitude d’aller voir l’équipe fanion jouer et gagner. Ils viendront avec leurs enfants et ça donnera envie aux enfants de jouer», considère le Franco-Ontarien.
La Fédération du sport francophone de l’Alberta offre des évènements sportifs et des animations aux jeunes francophones albertains.
L’odeur «réconfortante» de l’aréna, le crissement des patins, le maniement du bâton, le glissement de l’anneau à toute allure. Lorsque Mariève Vandervoort parle de ringuette, elle est intarissable.
La Franco-Ontarienne Mariève Vandervoort, doctorante en psychologie clinique, est capitaine de l’équipe de ringuette de l’Université d’Ottawa.
La Franco-Ontarienne de 25 ans a tant à dire qu’elle ne sait pas par où commencer. Celle qui joue à la ringuette depuis l’âge de 7 ans évoque, la voix empreinte d’émotions, la sensation de vitesse enivrante quand elle file sur la glace.
«C’est une parenthèse unique de liberté, je rentre dans un autre monde, je suis complètement déconnectée des préoccupations de la vie quotidienne, j’oublie tout, je suis juste dans le moment présent», confie sans reprendre son souffle la capitaine de l’équipe de ringuette de l’Université d’Ottawa, également doctorante en psychologie clinique.
Mariève Vandervoort fait partie des 30 000 personnes au Canada qui jouent à la ringuette. Ce sport féminin est né il y a soixante ans à North Bay, en Ontario. Derrière le concept, Sam Jack qui l’a conçu pour ses filles, déclarées persona non grata sur les patinoires de hockey. «C’est né en réaction au sexisme envers les femmes», considère Mariève Vandervoort.
«Miser sur le collectif»
Sur la glace, deux équipes féminines s’affrontent à six contre six : une joueuse de centre, deux ailières, deux défenseures, et une gardienne de but. Si ces positions sont les mêmes qu’au hockey, la ringuette s’en distingue par bien des aspects.
Elle se pratique avec un anneau plutôt qu’une rondelle, et toute mise en échec est interdite. À l’approche des deux lignes bleues qui divisent la glace en trois parties, les joueuses ont également l’obligation de passer l’anneau à une coéquipière.
«C’est beaucoup plus rapide et collaboratif que le hockey. Si l’on veut gagner, on doit miser sur le collectif et ne jamais arrêter de se faire des passes», souligne Geneviève Belliveau, joueuse de ringuette depuis douze ans, étudiante en éducation physique à l’Université de Moncton. L’Acadienne de 19 ans est membre de l’équipe du Nouveau-Brunswick pour les Jeux d’hiver du Canada, qui se tiendront à l’Île-du-Prince-Édouard à partir du 18 février.
Geneviève Belliveau, étudiante en éducation physique à l’Université de Moncton, est joueuse de ringuette depuis l’âge de sept ans.
«Bien sûr, on a l’esprit de compétition, mais c’est beaucoup moins violent et agressif que le hockey masculin. Personne ne se frappe, les règlements l’interdisent», poursuit Natalie Caron, étudiante de 20 ans à l’Université du Nouveau-Brunswick et membre de l’équipe de l’Île-du-Prince-Édouard, également en compétition aux Jeux d’hiver du Canada.
Ces deux mordues sont tombées dans la ringuette alors qu’elles étaient toutes petites. «J’ai embarqué sur la glace et enfilé mes premiers patins à 7 ans avec mon père», raconte Geneviève Belliveau. Même histoire de famille du côté de Natalie Caron, qui vit pour la ringuette depuis ses huit ans avec son père et sa sœur.
Discipline et confiance en soi
Au-delà du frisson sur la glace, les joueuses insistent sur l’incidence positive de la ringuette dans leur vie personnelle. Constance, persévérance, rigueur, esprit d’équipe, autant de valeurs et de compétences apprises dans l’aréna qu’elles mettent en application dans leur travail et leurs études.
«Ça nous apprend l’entraide. On doit être engagées envers nos coéquipières. On ne peut pas se permettre de laisser tomber des personnes qui comptent sur nous», observe Mariève Vandervoort.
Guylaine Demers est professeure titulaire au Département d’éducation physique de l’Université Laval, à Québec.
«[Les joueuses] développent des qualités de leadeurship, d’affirmation de soi. Elles savent vivre avec l’échec et faire face à l’adversité», ajoute Guylaine Demers, professeure titulaire au Département d’éducation physique de l’Université Laval, à Québec. Comme elles se rendent compte de la résilience de leur corps, les joueuses gagnent par ailleurs en confiance en dehors de la piste.
Geneviève, Mariève et Natalie mentionnent aussi les amitiés durables forgées grâce à la ringuette. «C’est plus qu’un sport, mes coéquipières sont mes meilleures amies», témoigne Geneviève Belliveau.
L’universitaire Guylaine Demers estime que cet aspect social de la pratique sportive est particulièrement important pour les filles. Elles courent ainsi moins de risque d’abandonner.
«L’environnement féminin rassure les parents», ajoute la spécialiste. Parce que ce sont majoritairement des femmes sur la glace et aux postes de direction, le milieu est «plus sécuritaire et respectueux» et le «risque d’abus et de harcèlement est moindre», explique-t-elle.
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Déconstruire les stéréotypes de la féminité
Malgré son absence des écrans de télévision et des grands évènements sportifs mondiaux, la ringuette jouit d’une popularité grandissante. En 2022, année post-COVID, les inscriptions ont grimpé de 12 %, d’après Julie Vézina, directrice générale de Ringuette Canada. Hors Québec, le plus grand nombre de participants se concentre en Ontario et en Alberta.
Julie Vézina est directrice générale de Ringuette Canada.
«Les Jeux d’hiver du Canada nous offrent aussi une visibilité unique», précise Julie Vézina. Lors de la dernière édition, en 2019, la finale de ringuette a été l’évènement le plus regardé de la diffusion en continu.
Une victoire pour cette discipline qui, selon Guylaine Demers, déconstruit les stéréotypes de la féminité et défait l’idée d’une fragilité du corps féminin qu’il faut protéger. Les joueuses peuvent se réapproprier leur corps, assumer leur identité et éprouver leur force dans un environnement protégé.
«C’est un sport féministe dans le sens où des femmes fortes assurent des fonctions de direction et donnent de la voix, salue Guylaine Demers. Ce sont de vraies sources d’inspiration pour les jeunes générations.»
Un avis que partage Julie Vézina : «Le côté féministe fait partie intégrante de notre identité. C’est l’inverse des sports tels qu’on les connait aujourd’hui qui sont nés dans des milieux très masculins et se sont ensuite ouverts aux femmes.»
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Ouvert aux garçons
Natalie Caron, étudiante de 20 ans à l’Université du Nouveau-Brunswick, est membre de l’équipe de ringuette de l’Île-du-Prince-Édouard.
À cet égard, l’inclusion des hommes représente un défi. Si les garçons ont désormais le droit de jouer à la ringuette, la situation varie fortement d’une région à l’autre. En Colombie-Britannique, où 15 % des affiliations sont masculines, il existe des divisions mixtes. En revanche, au Nouveau-Brunswick, les garçons ne sont pas autorisés à prendre part à des compétitions.
«On est ouvertes à plus de mixité, mais on garde une image de sport féminin. Il y a une certaine forme de discrimination, regrette Mariève Vandervoort. Les garçons s’associent plus au hockey. Si certains essaient, très peu continuent après leur puberté.»
Une fois leur diplôme en poche, les trois étudiantes ne comptent pas raccrocher leurs patins au vestiaire. Elles patineront tant que leur corps le leur permettra.
Quoi qu’il arrive, elles continueront à s’engager dans ce sport. Arbitrer, entrainer, créer de nouvelles ligues, elles ne manquent pas d’idées, «pour montrer aux nouvelles générations qu’en s’investissant à fond, avec tout son corps et son esprit, on peut faire de belles choses», conclut Geneviève Belliveau.
Il a le plus petit volume d’eau, est le moins profond, mais est le plus pollué des Grands Lacs.
Le lac Érié est «malade», constate, amer, Jérôme Marty, directeur général de l’Association internationale de recherche sur les Grands Lacs, également membre du comité consultatif scientifique des Grands Lacs de la Commission mixte internationale (un organisme canado-américain qui veille à la gestion et la protection des eaux limitrophes).
Le Rapport sur l’état des Grands Lacs 2022 confirme que le lac est dans un état «médiocre».
Jérôme Marty est directeur général de l’Association internationale de recherche sur les Grands Lacs et membre du comité consultatif scientifique des Grands Lacs de la Commission mixte internationale.
Dans l’ouest du lac, tous les indicateurs sont au rouge. Chaque été ou presque, on observe dans cette zone des blooms (des éclosions brutales) de cyanobactéries. Aussi connus sous le nom d’algues bleues, ces microorganismes provoquent un changement de la couleur de l’eau et sécrètent des toxines nocives pour les animaux et les humains. Ils peuvent causer des atteintes neurologiques, digestives, dermatologiques… voire mortelles.
Les conséquences sur la santé humaine sont d’autant plus préoccupantes que de nombreuses villes dépendent du lac pour leur approvisionnement en eau potable. C’est le cas de Toledo, dans l’État américain de l’Ohio, où les 400 000 habitants ont été privés d’eau du robinet en aout 2014 à cause de la présence d’un composé toxique synthétisé par les cyanobactéries dans le lac Érié.
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Manque d’oxygène
Les algues bleues ont également des répercussions sur l’environnement.
«Quand elles colonisent un milieu, elles finissent par tuer toute forme de vie aquatique, alerte Mike McKay, directeur du Great Lakes Institute for Environmental Research à l’Université de Windsor, en Ontario. Dans le lac Érié, on trouve des zones anoxiques, où l’eau est quasiment dépourvue d’oxygène à cause de l’excès d’algues.»
Jérôme Marty explique que les cyanobactéries perturbent aussi la chaine alimentaire : «Elles possèdent une faible qualité nutritionnelle, donc le zooplancton va moins se développer et ne nourrira pas correctement les poissons.» La truite grise s’est ainsi quasiment éteinte dans le lac pour cette raison.
Mike McKay est directeur du Great Lakes Institute for Environmental Research à l’Université de Windsor, en Ontario.
Cette pollution est ancienne. Dès les années 1960, le lac frôle l’asphyxie. Dans un milieu chaud et peu profond, le rejet des stations d’épuration provoque de l’eutrophisation. Autrement dit, sous l’apport massif de nutriments, de longues algues filamenteuses prolifèrent.
«L’assainissement des eaux usées dans les municipalités environnantes était insuffisant, ce qui a entrainé une augmentation des concentrations de phosphore dans le lac», détaille Mike McKay. Pour endiguer la menace, le Canada et les États-Unis adoptent le premier Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs en 1972.
Encore aujourd’hui, les associations de protection de l’environnement saluent ce traité. «On a opéré un changement radical. La pollution est devenue une préoccupation des pouvoirs publics», se réjouit Peter Huston, membre du conseil d’administration de l’organisme américain Lake Erie Foundation.
Pression agricole
«Ça a poussé les autorités à déterminer les stations d’épuration problématiques et à les moderniser. On a fortement réduit les quantités de nutriments relâchées», explique Derek Coronado, coordinateur de la recherche et des politiques au sein de la Citizens Environment Alliance, située à Windsor, en Ontario.
Le début des années 2000 marque cependant un retour en arrière. Sous l’effet du développement urbain et de l’agriculture intensive dans le bassin versant du lac Érié, les cyanobactéries sont revenues en force.
Désormais, ce ne sont plus les stations d’épuration qui sont en cause, mais les rejets agricoles chargés en azote et en phosphore. Côté américain, Peter Huston montre du doigt les grandes cultures et les élevages industriels autour des rivières Maumee et Sandusky en Ohio qui se jettent dans le la Érié.
«Avec l’ère des plantes génétiquement modifiées, résistantes aux herbicides, les agriculteurs se sont mis à épandre de grandes quantités d’engrais, précise Mike McKay. Une partie ne reste pas dans le sol et s’écoule jusque dans le lac.»
L’élévation des températures de l’eau et la multiplication des évènements météorologiques extrêmes, dues au réchauffement climatique, accentuent en outre le phénomène. «Des blooms apparaissent à des endroits où l’on n’en avait jamais vu auparavant», s’inquiète Jérôme Marty.
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La prolifération des algues bleues dans le lac Érié est liée à des apports excessifs de nutriments venus principalement des terres agricoles.
Manque de volonté politique
Pour prendre en compte les interactions étroites entre toutes ces menaces, l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs est modernisé en 2012. L’objectif affiché est de réduire de 40 % les rejets de phosphore dans le lac d’ici à 2030. «Nous ne sommes pas sur la bonne voie», regrette Peter Huston.
Derek Coronado est coordinateur de la recherche et des politiques de la Citizens Environment Alliance, basée à Windsor en Ontario.
Derek Coronado estime, lui, que l’accord aurait dû se concentrer sur la prévention de la pollution à la source, avec une ambition «zéro rejet» et l’application d’un principe pollueur-payeur, «pour faire payer le vrai prix des dommages environnementaux aux responsables».
Le spécialiste dénonce par ailleurs le caractère non contraignant juridiquement de cette entente : «On a besoin d’un traité qui oblige le Canada et les États-Unis à modifier leur règlementation nationale en conséquence.»
En attendant, comment dépolluer l’eau? Curer le lac pour en retirer les sédiments serait un «projet herculéen» onéreux et difficile à mettre en place, selon Jérôme Marty.
Le changement des pratiques agricoles et la réduction radicale du recours aux intrants chimiques sont les deux leviers privilégiés. «On connait les solutions, mais on ne les met pas en pratique. Le problème, c’est le manque de volonté politique», insiste Derek Coronado.
«C’est compliqué, car le lac est partagé entre deux pays, plusieurs niveaux de compétences avec des règlementations différentes, qui ont parfois du mal à s’accorder», ajoute Jérôme Marty.
Convaincre les agriculteurs
Agriculture de précision, rotation des cultures, diversité élargie des variétés cultivées, désherbage mécanique, les outils permettant une réduction des pesticides sont pourtant nombreux.
«On doit convaincre les agriculteurs que c’est une stratégie gagnante, qu’ils peuvent diminuer l’utilisation d’intrants chimiques sans altérer leurs rendements et leurs revenus», souligne Mike Mckay.
Don Ciparis est le dernier président en date de l’Union nationale des fermiers de l’Ontario.
Don Ciparis, dernier président en date de l’Union nationale des fermiers (UNF) de l’Ontario reconnait que l’agriculture de la province reste une grande consommatrice d’intrants de synthèse : «Ça ne décroit pas. Beaucoup d’agriculteurs veulent produire plus en utilisant plus d’engrais. C’est difficile de changer des façons de faire qui ont cours depuis des générations.»
Le responsable assure néanmoins que la santé des sols devient «de plus en plus un sujet de conversation» au sein de la profession.
Jérôme Marty appelle, de son côté, à miser sur la restauration des écosystèmes riverains. Il parle notamment de reconstituer les berges et les zones humides dégradées, voire détruites : «Elles jouent un rôle d’éponge, leur végétation filtre les nutriments en amont.»
L’affaire est urgente, car les zones humides sont en net recul. «Beaucoup d’entre elles ont été asséchées pour des projets de développement économique», déplore l’expert.
Même si l’on met un terme à tous les effluents toxiques, «les blooms ne disparaitront pas», prévient-il. Les nombreux nutriments piégés au fond du lac depuis des décennies continueront de remonter à la surface et de nourrir les algues bleues.
De nombreux composés chimiques toxiques, rejetés par les industries environnantes, sont détectés dans le lac Érié.
De nouvelles menaces
De nouveaux composés chimiques toxiques sont régulièrement détectés dans le lac Érié. Substances fluoroalkyliques (dites PFAS, utilisées dans l’industrie pour leurs propriétés antiadhésives et imperméables), retardateurs de flammes, résidus de produits pharmaceutiques, édulcorants… la liste reste longue.
Peter Huston est membre du conseil d’administration de la Lake Erie Foundation.
Pire, les quantités trouvées sont élevées en raison de la faible profondeur du lac.
Les concentrations de microplastiques sont également «de plus en plus fortes», s’alarme Peter Huston.
«À cause de l’industrie lourde, on a hérité de nombreux contaminants qui persistent extrêmement longtemps dans l’environnement. Ils sont encore en suspension ou enterrés dans les sédiments au fond», détaille Mike McKay.
«On sous-estime les impacts de ces contaminants et surtout l’effet toxique démultiplié de leur mélange», poursuit Jérôme Marty.
Cette pollution chimique contamine l’ensemble de la chaine alimentaire, avec des conséquences sur la santé humaine. Les PFAS sont par exemple suspectées d’avoir de multiples effets délétères : cancers, perturbations du système endocrinien, augmentation du taux de cholestérol, baisse de la fertilité ou encore retard de développement du fœtus.
De spectaculaires falaises de calcaire plongeant à pic dans des eaux cristallines, des rives escarpées formées par d’anciens glaciers, des plages de sable blanc s’étirant sur des kilomètres…
Holly Westbrook est technicienne en restauration côtière au sein de l’organisme de protection de l’environnement Lake Huron Coastal Center.
Ces paysages naturels uniques font du lac Huron un lieu d’une biodiversité remarquable. L’est du lac se trouve à la frontière de deux aires climatiques, si bien que des plantes et des animaux du nord et du sud du Canada y ont élu domicile.
La baie Georgienne, qui forme le plus vaste archipel d’eau douce du monde, abrite la plus grande diversité de reptiles et d’amphibiens du Canada.
Ses 30 000 iles et près de 20 000 zones humides constituent un sanctuaire pour 50 espèces animales et végétales menacées, dont certaines sont endémiques.
«Comme les iles sont isolées, avec une juxtaposition de milieux humides et secs, elles abritent de nombreuses communautés écologiques rares», souligne Holly Westbrook, technicienne en restauration côtière au sein de l’organisme de protection de l’environnement Lake Huron Coastal Center.
On y trouve notamment deux types de serpents en voie de disparition : la couleuvre fauve de l’Est et la seule population canadienne de crotale massassauga de l’Est.
Six espèces de tortues d’eau en péril, protégées au niveau fédéral et provincial, y ont également trouvé refuge.
Parmi elles se trouve la tortue mouchetée, une espèce dite parapluie. «Sa santé reflète celle de tout l’écosystème. Sa sauvegarde va aider à protéger d’autres espèces», explique Patricia Chow-Fraser, biologiste à l’Université McMaster, qui étudie les zones humides de la région depuis près de vingt ans.
La tortue mouchetée est une espèce menacée dite parapluie. Sa santé reflète celle de tout l’écosystème.
Territoire de plus en plus fragmenté
«Ces espèces se portent bien, car 90 % des forêts et 80 % des zones humides de la baie sont intactes», salue Bill Lougheed, directeur général de la Fiducie foncière de la baie Georgienne, organisation à but non lucratif qui protège près de 53 km2 de terres de cette région.
Mais l’urbanisation le long du rivage menace cette biodiversité unique. Traditionnellement, les régions côtières au sud du lac sont plus peuplées, et l’activité économique y est plus importante.
«À cause de la surpêche, de la pollution, de l’industrialisation, il ne reste plus qu’une infime portion de la biomasse qui existait au moment de l’arrivée des Européens», observe David Sweetnam, directeur général de l’organisation Georgian Bay Forever dédiée à la recherche scientifique et à la sensibilisation.
Il prend l’exemple de la truite de lac : il y en avait douze sortes, mais aujourd’hui il n’y en a plus que deux.
Bill Lougheed est directeur général de la Fiducie foncière de la baie Georgienne, organisation à but non lucratif, qui protège près de 53 km2 de terres dans la baie Georgienne.
«Le développement s’est récemment intensifié au nord, autour de la baie Georgienne et de l’ile Manitoulin. Des territoires jusqu’alors préservés sur le plan écologique ont vu certaines menaces s’aggraver», ajoute Holly Westbrook.
Le territoire est aussi de plus en plus fragmenté. «Avec la multiplication des routes, il y a une énorme mortalité des reptiles et des amphibiens», rapporte Bill Lougheed. La Fiducie foncière de la baie Georgienne qu’il dirige creuse des passages souterrains, spécialement pour les batraciens et autres tétrapodes.
L’organisme veut créer un corridor à l’est de la baie Georgienne, afin que les espèces se déplacent en toute sécurité. Il s’agira d’une bande de terre protégée de 10 000 hectares.
Par ailleurs, les abords du lac attirent de plus en plus de citadins qui veulent se mettre au vert. «Depuis la pandémie, les maisons se multiplient toujours plus proches de l’eau. Les gens endommagent des zones humides fragiles en y construisant des pontons et des quais», s’inquiète Patricia Chow-Fraser.
Rejets d’eaux usées en hausse
Ces aménagements «rapides et mal planifiés» détériorent la qualité des eaux lacustres, selon la biologiste : «La hausse de la population s’accompagne d’une augmentation des rejets d’eaux usées et de fosses septiques.»
Ces rejets, riches en nutriments, peuvent causer de l’eutrophisation. Autrement dit, des algues se développent rapidement et de manière incontrôlée dans le lac, jusqu’au point où elles asphyxient le milieu et tuent toute forme de vie.
David Sweetnam, directeur général de l’organisation Georgian Bay Forever dédiée à la recherche et à la sensibilisation.
David Sweetnam confirme ces inquiétudes. Il évoque l’incapacité des stations de traitement des eaux usées d’éliminer certains composés chimiques comme les médicaments : «Ils se retrouvent dans le lac et dérèglent le système hormonal des espèces aquatiques.»
Le directeur général de l’organisation Georgian Bay Forever mentionne également le problème des microfibres de plastique qui perturbent la reproduction du zooplancton et de certains insectes, à la base de l’alimentation des poissons. «L’éclosion de ces organismes vivants est retardée de plusieurs semaines. Les poissons en quête de nourriture sont affamés et meurent en surnombre», révèle David Sweetnam.
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La propagation d’espèces envahissantes transforme également la biodiversité. Huit nouvelles espèces de ce genre, introduites volontairement ou accidentellement par l’humain, se sont répandues dans le lac ces dix dernières années.
«Elles ont détruit la diversité biologique de nombreuses zones humides», insiste Holly Westbrook. Par exemple, la lamproie marine [sorte de parasite ressemblant à l’anguille] a fait considérablement chuter les populations de poissons indigènes. Et le gobie à taches noires est un redoutable prédateur qui mange les œufs des autres poissons. Aussi, les phragmites, plantes herbacées venues d’Europe, colonisent d’immenses aires et entrainent la disparition des plantes natives en un temps record.
«On est sur une pente glissante»
David Sweetnam n’hésite pas à parler de «désert biologique» dans certaines parties de la baie Georgienne à cause des ravages causés par la moule quagga, vivant jusqu’à 200 mètres de profondeur. «Comme elle mange le phytoplancton et le zooplancton, il ne reste plus de nourriture pour les autres espèces, et l’écosystème s’écroule», alerte-t-il.
La baie Georgienne compte 20 000 zones humides, qui abritent notamment la plus grande concentration d’amphibiens du Canada.
Le lac Huron n’est pas non plus épargné par l’emballement du thermomètre planétaire. À l’image du lac Supérieur, la température de l’eau augmente et la couverture de glace se réduit année après année. Surtout, à cause des changements climatiques, le lac atteint des niveaux d’eau extrêmement bas, ou inversement, très élevés.
En temps normal, l’écart entre le niveau d’eau le plus faible et le plus élevé est de 1,9 mètre. De récentes modélisations d’Environnement et Changement climatique Canada anticipent une amplitude de 3,35 mètres.
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Patricia Chow-Fraser est biologiste à l’Université McMaster. Elle étudie les zones humides de la baie Georgienne depuis près de vingt ans.
«De 1999 à 2013, on s’est retrouvé avec des niveaux les plus faibles de l’histoire. C’était du jamais vu, les effets sur la biodiversité ont été délétères, témoigne Patricia Chow-Fraser. Certains poissons côtiers ont réussi à migrer vers des eaux plus profondes, mais la plupart n’ont pas eu le temps de s’adapter.»
En raison du réchauffement climatique, les espèces envahissantes prolifèrent plus vite. «L’écosystème va irrémédiablement changer, les espèces indigènes ne vont plus être assez compétitives pour survivre», tranche David Sweetnam.
L’ensemble des acteurs interrogés insiste sur la nécessité absolue d’intensifier les efforts de protection. «On est sur une pente glissante. Si on ne prend pas pleinement conscience des menaces, on verra probablement un déclin sans précédent du vivant d’ici quelques décennies», prévient Patricia Chow-Fraser.
Comment sauver la biodiversité du lac Huron?
L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a d’ores et déjà ajouté en 2004 l’est de la baie Georgienne à son réseau mondial de réserves de biosphère. L’objectif est de concilier la conservation de la nature et le développement économique.
La réserve englobe près de 350 000 hectares de forêts, de lacs, de rivages et d’iles, ainsi que le parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne.
Il existe également un accord conclu avec les États-Unis sur la qualité de l’eau des Grands Lacs ou encore une stratégie de conservation de la biodiversité à l’échelle du lac Huron.
À la baie Georgienne, 90 % des forêts et 80 % des zones humides sont intactes.
«Au-delà de ces traités et stratégies, on doit plus que jamais œuvrer sur le terrain, acheter des terres pour les sanctuariser, sensibiliser et éduquer le public dès le plus jeune âge pour changer les pratiques, insiste David Sweetnam, directeur général de Georgian Bay Forever. Les gens doivent arrêter de jeter n’importe quoi dans l’eau.»
De son côté, le Lake Huron Coastal Center a lancé plusieurs programmes faisant appel aux riverains, y compris une initiative pour le nettoyage des plages. Il offre aussi à des jeunes la possibilité de participer à un camp d’été pour en apprendre plus sur les écosystèmes du lac et les techniques de restauration.
Le centre a également un programme grâce auquel des habitants collectent diverses données le long des côtes et les transmettent aux scientifiques. Enfin, l’organisme travaille à la restauration de dunes avec des propriétaires privés, des entreprises et des municipalités.
Pour Patricia Chow-Fraser, biologiste à l’Université McMaster, il est important d’associer les Premières Nations aux efforts. Pour ses recherches sur la tortue mouchetée, elle travaille avec deux communautés autochtones : «On leur enseigne les techniques modernes et elles nous transmettent leurs connaissances traditionnelles. Si l’on veut sauver la biodiversité, c’est la seule manière.»
«C’est le plus immaculé, le plus sauvage des Grands Lacs. Son écosystème est tellement riche et unique». Joanie McGuffin, directrice générale de l’association environnementale Lake Superior Watershed Conservancy, ne manque pas de superlatifs pour parler du lac Supérieur.
Joanie McGuffin est exploratrice et écrivaine. Elle est également directrice générale de l’association environnementale Lake Superior Watershed Conservancy.
Depuis plus de 30 ans, l’écrivaine explore le lac en canoë. En 1989, elle a pagayé pendant trois mois avec son mari le long des rives de la plus grande étendue d’eau douce de la planète. En plus de 30 ans sur le terrain, elle a vu le visage du lac changer et les menaces évoluer.
«Dans les années 1990, on s’inquiétait de la surpêche et des effluents toxiques provenant des papetières dans la zone de Thunder Bay [ville riveraine du lac Supérieur], raconte-t-elle. Aujourd’hui, c’est le changement climatique qui occupe tous les esprits.»
Joanie McGuffin tente de décrire les bouleversements intervenus si rapidement durant la dernière décennie. Elle évoque le réchauffement des eaux, les années sans neige, les tempêtes automnales plus fréquentes et plus puissantes. «Rien que la semaine dernière, une onde de tempête a pris plus de quatre mètres de rivage près de chez nous», rapporte-t-elle.
Diminution de l’eau et augmentation de la température
Le lac Supérieur est à l’avant-poste du réchauffement climatique. Il faut se plonger dans les chiffres pour mesurer l’ampleur de la débâcle.
Graham Saunders est climatologue à l’Université Lakehead de Thunder Bay, en Ontario.
Selon Graham Saunders, climatologue à l’Université Lakehead de Thunder Bay, durant l’été, la température moyenne de l’eau de surface a augmenté de 2,5 oC par rapport au XXe siècle. Et elle pourrait encore croitre de 5 à 7 oC tout au long du XXIe siècle. «Le lac Supérieur se réchauffe plus vite que tous les autres Grands Lacs», révèle le scientifique.
«Il sera très difficile de revenir à des températures écologiquement plus viables à cause de l’immense masse d’eau en jeu», prévient Michael Twiss, doyen de la toute nouvelle Faculté des sciences de l’Université Algoma, à Sault-Sainte-Marie, en Ontario.
Dans le même temps, les niveaux d’eau diminuent, en particulier l’été, à cause des températures de l’air plus élevées qui provoquent de l’évaporation. «On a eu un déclin majeur ces deux dernières années», alerte Graham Saunders.
La couverture de glace est également en net recul. Entre 1973 et 2021, elle a diminué en moyenne de 7 % par décennie. Autrement dit, c’est environ 400 km2 de glace qui ont disparu chaque année, soit l’équivalent de la superficie de la ville de Montréal.
Graham Saunders constate par ailleurs de plus grandes variations. D’après les relevés qu’il a effectués, jusqu’au milieu des années 1990, environ 60 % du lac était recouvert de glace chaque hiver. Depuis, la superficie recouverte fluctue de 10 à 90 % d’une année à l’autre. «Ça va continuer avec moins de glace qui dure moins longtemps», avertit le climatologue.
Joanie McGuffin est un témoin aux premières loges de ce changement. Pour elle, il est clair que la glace se forme de plus en plus tard dans la saison : «Dans les années 1990, le lac était toujours gelé de décembre à mai. Aujourd’hui, ça ne gèle plus vraiment».
La couverture de glace du lac Supérieur est en net recul. Entre 1973 et 2021, elle a diminué en moyenne de 7 % par décennie.
Menace des algues bleues
Le bassin versant est, lui, confronté à une recrudescence de pluies torrentielles. «Des pluies qui arrivent normalement tous les 500 ou 1000 ans se sont produites deux ou trois fois au cours des dix dernières années», s’inquiète Mike McKay, directeur du Great Lakes Institute for Environmental Research à l’Université de Windsor, en Ontario.
Mike McKay est directeur du Great Lakes Institute for Environmental Research à l’Université de Windsor, en Ontario.
Ces précipitations lessivent les sols et charrient dans le lac d’énormes quantités de nutriments. Dans des eaux plus chaudes, surtout dans les zones côtières, ces nutriments peuvent conduire à la prolifération de cyanobactéries, ou algues bleues, explique Mike McKay.
«Alors qu’on n’en avait jamais vu dans le lac, les premiers cas ont été signalés à l’ouest, près des iles Apostle [qui se trouvent en territoire américain dans le lac Supérieur]», s’alarme le biologiste. «Les cyanobactéries privent le lac d’oxygène et nuisent au développement du phytoplancton, à la base de l’alimentation de nombreuses espèces», ajoute Michael Twiss.
Un autre effet majeur des dérèglements climatiques se joue sous la surface. Au début des mois de décembre et juin, les eaux sont brassées sur toute leur profondeur. Autrement dit, les eaux superficielles plus denses se mélangent aux eaux inférieures, ce qui apporte oxygène et nutriments à différentes profondeurs.
Mais ces brassages se produisent désormais plus tard en hiver, et de plus en plus tôt au printemps. «À terme, le phénomène pourrait disparaitre, privant d’oxygène les couches profondes, ce qui menacera directement la vie au fond du lac», avance Graham Saunders.
Poissons déstabilisés
Aux yeux des spécialistes interrogés, le dérèglement climatique est en train de devenir la menace majeure pesant sur la biodiversité du lac Supérieur.
Michael Twiss est le doyen de la Faculté des sciences de l’Université Algoma à Sault-Sainte-Marie, en Ontario.
La douzaine d’espèces de poissons qui vivent en eaux froides dans le lac est d’ores et déjà perturbée. Michael Twiss prend l’exemple du grand corégone, de la famille des salmonidés, qui revêt une importance économique cruciale pour les pêcheries de la région.
«L’hiver, ces poissons déposent leurs œufs dans des zones côtières à l’abri de la glace, explique-t-il. Avec le manque de glace, leurs œufs sont détruits par les vagues et le mouvement des cailloux, ce qui met en péril leur survie.»
La végétation autour du lac n’est pas en reste et subit de plein fouet les effets du réchauffement.
La flore arctique alpine, qui affectionne les microclimats frais, voit son habitat se réduire. Certains insectes ravageurs des forêts vont se propager plus rapidement parce que la température et les précipitations sont idéales pour leur reproduction.
«Les forêts changent déjà. De nombreux conifères meurent à cause de ça », se désole Joanie McGuffin.
Les zones humides, véritables pouponnières du lac, pourraient elles aussi voir leur taille diminuer. «Ces habitats sont cruciaux pour maintenir la biodiversité. Ils abritent des centaines d’espèces de plantes, de reptiles et d’amphibiens. Ils sont essentiels à de nombreux oiseaux nicheurs et migrateurs», relève Mike McKay.
Emily Posteraro est coordonnatrice du développement des programmes au Centre des espèces envahissantes, à Sault-Sainte-Marie, en Ontario.
«Dernier refuge»
Poussées par la hausse des températures, la faune et la flore remontent plus au nord, vers la région du lac Supérieur. «Ces latitudes plus fraiches sont parfois leur dernier refuge. Certains poissons n’ont plus d’autres endroits où aller», souligne Mike McKay.
Des cardinaux et des pics à ventre roux ont ainsi fait leur apparition pour la première fois sur les rives, rapporte Carter Dorscht, responsable d’une collecte citoyenne de données sur la santé des populations d’oiseaux nicheurs en Ontario.
À la faveur du réchauffement climatique, certaines espèces invasives prolifèrent également. «Les lamproies marines [un parasite ressemblant à l’anguille] et les moules zébrées vivent plus longtemps et deviennent plus grosses dans des eaux plus chaudes», note Emily Posteraro, coordonnatrice du développement des programmes au Centre des espèces envahissantes, à Sault-Sainte-Marie.
Dotées d’un fort potentiel de reproduction, elles supplantent peu à peu les espèces locales, réduisant la biodiversité. «Dans le passé, la lamproie marine a failli entrainer la disparition des truites d’eaux profondes, poisson endémique de la région», rappelle Emily Posteraro.
À Goulais River, à l’est du lac Supérieur, l’exploratrice Joanie McGuffin garde espoir : «Pendant longtemps, on a tourné le dos au lac, mais aujourd’hui on a changé de regard. On comprend enfin les bénéfices de préserver sa biodiversité pour les générations futures».
Le port naturel de Gargantua à l’est du lac Supérieur.
Jusqu’alors, le lac Supérieur était le plus préservé des Grands Lacs.
Le lac Supérieur compte pour 10 % des réserves d’eau douce de la planète.
L’anse de Sinclair à l’est du lac Supérieur.
PHOTOS : Gary McGuffin
Pour freiner l’érosion de la biodiversité, le Canada a créé une aire marine nationale de conservation d’environ 10 000 km2 en 2015 le long de la rive nord du lac Supérieur. La même année, une Stratégie de conservation de la biodiversité a été adoptée par des organismes gouvernementaux, des associations et des acteurs locaux du Canada et des États-Unis. Ce document dresse un état des lieux de la faune et de la flore et fixe une série d’objectifs pour mieux les protéger.
«Le problème est pris au sérieux, mais ça ne stoppera pas l’incidence du changement climatique sur notre écosystème. Ce sont des enjeux mondiaux difficiles à résoudre», est d’avis Mike McKay, directeur du Great Lakes Institute for Environmental Research à l’Université de Windsor, en Ontario.
Le pape François est décédé le 21 avril. Cette chronique a été publié lors de sa visite au Canada en 2022. Vous pouvez également lire les attentes de Albertains pour sa visite à l’époque : Entre impatience et incertitude, la visite du pape François est attendue
Je me garderai bien, moi qui ne suis ni Autochtone ni catholique, d’évaluer la portée ou la justesse des excuses du pape François. L’ancien président de la Commission de vérité et réconciliation, Murray Sinclair, a montré qu’elles ne correspondent pas à ce que demandait l’appel à l’action 58.
En écoutant ces excuses, je ne peux toutefois m’empêcher de remarquer la distance qui les sépare des faits avérés.
Les discours qu’il a prononcés au Canada se rapprochent davantage des regrets exprimés par Benoît XVI en 2009 ainsi que «son chagrin pour l’angoisse provoquée par la conduite déplorable de certains membres de l’Église ». Ces deux papes, aux antipodes du continuum politique et moral, présentent une même vision faussée du rôle de l’Église dans les pensionnats autochtones.
Si les excuses du pape François manquent leur cible, c’est avant tout parce qu’elles participent au déni de la responsabilité de l’Église non seulement pour les abus infligés aux enfants dans les pensionnats, mais aussi pour son rôle dans le colonialisme.
L’usage de la voix passive ou d’une formulation ambigüe permet au pape de ne pas nommer de coupables : les enfants « ont subi » des abus, «ont été éloignés» de leur famille, les langues et cultures autochtones «ont été dénigrées et supprimées».
Le pape a aussi argüé que «de nombreux chrétiens» ont soutenu la mentalité colonisatrice au Canada. Dans les excuses présentées à Québec, il a aussi pris ses distances des institutions catholiques locales impliquées dans le système des pensionnats.
Le pape a aussi jeté le blâme pour le colonialisme et surtout pour la destruction culturelle sur les politiques et projets du gouvernement canadien, ainsi que sur une vague «mentalité colonisatrice».
Un colonialisme chrétien
Rappelons que la création des premiers pensionnats autochtones est attribuable aux missionnaires catholiques. La francisation des peuples autochtones en Nouvelle-France a été menée en grande partie par le clergé catholique.
La francisation ne s’entend pas exclusivement de l’enseignement de la langue française, mais bien de l’inculcation des mœurs et des coutumes, jusqu’à l’habillement, des Français – ainsi que de la religion catholique.
Des missions seront créées dans les postes de traite des fourrures, puis dès les années 1850, des écoles pour enfants autochtones s’y ajouteront afin d’éloigner les enfants des modes de vie autochtones.
En 1870, les Oblats avaient déjà fondé 14 écoles dans l’Ouest canadien, la plupart pour les enfants autochtones.
Lorsqu’en 1883 le gouvernement canadien crée le système de pensionnats autochtones, il s’appuie sur les réseaux d’écoles et pensionnats qui existent déjà et qui avaient été mis sur pied non seulement par l’Église catholique, mais également par les Églises anglicane, méthodiste, presbytérienne et unie.
Toutes les Églises rivalisent alors pour obtenir le droit de créer de nouvelles écoles et surtout un financement pour le faire. Loin de se joindre au projet colonial du gouvernement du Canada, les Églises l’ont rendu possible et en ont offert les bases.
Il faut ainsi voir les projets de conversion et d’assimilation comme interdépendants et convergents, selon l’historienne du catholicisme Rosa Bruno-Jofré : «L’Église visait la conversion à la nouvelle religion et le salut d’un enfant autodiscipliné, tandis que l’État cherchait l’assimilation et un sujet autochtone gouvernable.» [trad.] Les deux idéaux convergeaient dans les efforts de colonisation.
Un colonialisme canadien-français
Par opposition aux autres religions chrétiennes, l’Église catholique travaillait pour que l’Ouest canadien soit français et, bien entendu, catholique. Elle poursuivait ce que l’historien Robert Painchaud appelait en 1987 «Un rêve français dans le peuplement de la Prairie».
Au moins jusqu’en 1915, elle n’a cessé d’élaborer des stratégies pour attirer davantage de catholiques francophones qui pourraient établir des communautés stables dans l’Ouest, mais aussi assurer leur vitalité.
Ces endroits – comme la vallée de la rivière Qu’Appelle, Gravelbourg, Prince Albert, Batoche, Saint-Albert ou Saint-Paul – continuent aujourd’hui de former le cœur des communautés francophones de l’Ouest.
On peut certes voir ces efforts de peuplement catholique comme une façon de résister à la colonisation anglophone et protestante – mais aussi comme une manière de détourner le projet colonial canadien aux fins de l’Église.
Il reste néanmoins à approfondir l’histoire du soutien des communautés catholiques canadiennes-françaises aux ordres religieux qui géraient les pensionnats – ces membres de l’Église dont parle le pape dans ses excuses, qu’ils fassent partie du clergé ou ne soient que des fidèles.
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On sait déjà que les défenseurs des droits linguistiques et religieux des Canadiens français œuvraient aussi au sein des pensionnats. Pensons au père Lacombe et à monseigneur Grandin, ou encore à messeigneurs Provencher, Taché et Langevin qui ont établi tant de pensionnats et qui continuent de faire figure de héros pour les francophones.
Pensons également aux Oblats qui soutenaient les efforts de militance et d’autoorganisation des communautés francophones, notamment en Alberta. Le travail, dirigé par les évêques, pour établir des colons, allait de pair avec toutes les attaques contre les peuples autochtones déplorées par le pape François.
La reconnaissance des torts de l’Église va au-delà d’une transformation de sa culture : elle exige une réparation, comme l’explique la directrice de la Société du soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, Cindy Blackstock. La responsabilité appartient tant à l’Église qu’aux fidèles qui la soutiennent aujourd’hui.