Poser des questions difficiles et exiger une reddition de compte des actions du gouvernement est dans le mandat du chef de l’opposition officielle. Thomas Mulcair, qui a occupé cette fonction de 2012 à 2015 avec le NPD, était particulièrement efficace avec son style direct et inquisitoire.
Formuler ses questions ou ses critiques de façon à retenir l’attention publique et médiatique sur un enjeu, comme l’inflation, la sécurité publique ou les finances publiques, est un atout. Pierre Poilievre va toutefois parfois plus loin et n’hésite pas à tomber dans la désinformation ou la sursimplification pour arriver à ses fins.
L’exemple du dossier de l’ingérence chinoise
Le premier ministre Justin Trudeau a tardé à réagir aux révélations d’ingérence chinoise lors des élections générales de 2019 et de 2021. Il a aussi esquivé les questions sur le moment où il a été mis au courant de la situation.
Plutôt que de mettre en place une enquête publique, demandée unanimement par les partis d’opposition, Justin Trudeau a plutôt créé un poste de rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère. Il a nommé l’ancien gouverneur général, David Johnston, à cette fonction.
Sur le fond, il est tout à fait normal que Pierre Poilievre talonne le gouvernement dans ce dossier. Il s’agit d’un enjeu qui met en cause la sécurité nationale et l’intégrité du processus démocratique. Le gouvernement doit rendre des comptes sur ses actions pour renforcer la protection de nos institutions contre toute ingérence étrangère.
Toutefois, les réactions du chef de l’opposition officielle dans ce dossier ne sont pas de la qualité de celles que l’on peut attendre d’un premier ministre potentiel.
Ses propos ont manqué de sérieux à plusieurs reprises. Par exemple, durant la période des questions, il a fait un lien entre le poste de rapporteur et la tendance à Justin Trudeau à se costumer : «Le rapporteur nous arrivera-t-il avec un costume, peut-être une cape et une épée?»
Sur Twitter, il n’y est pas non plus allé de main morte pour discréditer la nomination de M. Johnston. Selon lui, «Justin Trudeau a nommé un “ami de la famille”, ancien voisin du chalet et membre de la fondation Trudeau financée par Pékin, pour être le rapporteur “indépendant” sur l’ingérence de Pékin» [traduction libre].
Rappelons que c’est l’ancien premier ministre conservateur, Stephen Harper, qui a nommé David Johnston au poste de gouverneur général en 2010.
Critiquer l’approche du gouvernement de faire appel aux services d’un rapporteur spécial plutôt que d’annoncer une enquête publique indépendante immédiatement est légitime. Ce qui l’est moins, c’est de tenter d’entacher la crédibilité d’une personnalité publique avec une feuille de route sans faute à des fins purement partisanes.
Par ses propos, M. Poilievre s’en prend aussi à la Fondation Pierre Elliott Trudeau, un organisme de bienfaisance indépendant et sans affiliation politique. Cette fondation offre des bourses doctorales parmi les plus prestigieuses au pays.
D’éminentes personnalités publiques au Canada sont associées à la Fondation à titre de membres ou de mentors. Le fait que David Johnston en a été membre ne remet en rien sa capacité à occuper ses nouvelles fonctions.
De même, laisser entendre que la Fondation est financée par Pékin est une déformation de la réalité. En fait, après avoir été mise au courant d’un lien potentiel entre un don de 200 000 $ reçu en 2016 et le gouvernement chinois, la Fondation a remboursé le montant dans son intégralité.
Une accusation très sérieuse
Plus problématique encore, en point de presse, Pierre Polievre a déclaré que Justin Trudeau «a encouragé l’ingérence étrangère parce que c’était son intérêt et l’intérêt de son parti». Il s’agit d’une accusation très sérieuse.
Il n’y a aucune raison de croire que les libéraux aient joué un quelconque rôle pour encourager une puissance étrangère à interférer dans les élections. Ce type d’insinuation, sans fondement, ne peut que miner la confiance du public dans le processus électoral.
Dans le contexte d’une montée des propos haineux en ligne, la classe politique devrait être d’autant plus aux aguets des répercussions de leur propos.
M. Poilievre devrait relire le blogue publié en début d’année par son prédécesseur, Erin O’Toole, dans lequel il met en garde contre la détérioration du climat politique au Canada. M. O’Toole rappelle d’ailleurs que «M. Trudeau était son adversaire politique pas son ennemi».
Une remise en cause des médias
La gestion du dossier de l’ingérence chinoise n’est pas une anecdote dans le parcours de M. Poilievre, mais est plutôt illustrative de son approche politique.
Un autre élément problématique est son aversion à l’égard des médias, pourtant essentiels à une démocratie saine. Il a d’ailleurs boudé la presse parlementaire pendant plusieurs mois, avant de se résigner à répondre aux questions des journalistes.
Peu de temps après son entrée en poste, il demandait à ses partisans des dons pour l’aider à contourner les «médias biaisés». Il a d’ailleurs déjà qualifié à plusieurs reprises la CBC «d’outil de propagande gouvernemental». Ce type de propos ne sont pas sans rappeler ceux d’un ancien président au sud de la frontière…
Les élus, en particulier les personnes qui occupent un poste de premier plan, ont un rôle à jouer pour conserver la confiance du public envers les institutions démocratiques et préserver un climat social sain.
Jusqu’à présent, Pierre Poilievre n’a pas fait la démonstration qu’il est prêt à occuper les fonctions de premier ministre.
Jouer avec les faits, attaquer les médias et faire preuve de partisanerie à outrance en s’en prenant à la réputation d’autrui ne semble pas être la meilleure approche pour élargir sa base électorale. Au contraire, cela pourrait avoir des conséquences négatives à long terme sur le climat politique au Canada.
Guillaume Deschênes-Thériault est doctorant en science politique à l’Université d’Ottawa. Il détient un baccalauréat de l’Université de Moncton et une maitrise de l’Université d’Ottawa. Dans le cadre de ses recherches, il s’intéresse aux communautés francophones en situation minoritaire, avec un intérêt particulier pour l’enjeu de l’immigration. Depuis mai 2021, il est conseiller à la municipalité de Kedgwick au Nouveau-Brunswick.
Régulièrement, le sujet des châtiments corporels revient de plein fouet dans l’actualité, à la faveur d’un fait divers saisissant l’opinion. En novembre dernier, ce sont des allégations d’isolement forcé et d’immobilisation d’élèves dans une école primaire de Whitehorse, au Yukon, qui ont fait polémique.
Peu de temps après, le Nouveau Parti démocratique (NPD) du Yukon en a profité pour réitérer son appui au projet de loi d’initiative parlementaire C-273. Présenté à la Chambre des communes en mai 2022, ce texte a pour ambition de bannir la punition physique du Code criminel.
Car depuis plus d’un siècle, l’article 43 du Code criminel confère aux parents et aux enseignants le pouvoir d’utiliser une force raisonnable pour corriger un enfant qu’ils ont sous leur garde.
«C’est en totale contradiction avec les valeurs canadiennes d’ouverture et de tolérance», regrette Lila Amirali, pédopsychiatre et présidente de l’Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (ACPEA).
Lila Amirali est pédopsychiatre et présidente de l’Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent.
Employer une «force modérée»
En 2004, la Cour suprême a pourtant confirmé ce droit à condition d’employer une «force modérée» et de respecter certaines règles. Néanmoins, la décision du plus haut tribunal du pays n’a pas fait l’unanimité parmi ses neuf juges : trois s’y sont opposés. Signe que ce sujet de société reste controversé.
La Cour avait été saisie par un organisme de défense des droits des enfants, la Canadian Foundation for Children, Youth and the Law, qui voulait faire invalider l’article 43.
Les juges ont estimé que la disposition n’allait pas à l’encontre du droit des enfants à la sécurité, garanti par la Charte des droits et libertés, et qu’elle ne constituait pas un châtiment cruel ou inhabituel.
L’article 43, dit le jugement, donne aux parents et aux enseignants «la capacité d’éduquer raisonnablement l’enfant sans encourir de sanctions pénales».
Les exposer à cet «instrument radical» qu’est le droit criminel pour une correction physique mineure pourrait, à l’inverse, «détruire les rapports au sein de la famille et à l’école», peut-on encore lire dans la décision.
Le droit de correction est toutefois limité. Les tout-petits de moins de 2 ans doivent en être épargnés, dit le tribunal, de même que les adolescents qui pourraient réagir à une punition physique par un «comportement agressif ou antisocial».
L’emploi d’objets, comme une règle ou une ceinture, est proscrit, tout comme les gifles et les coups à la tête.
L’emploi d’une force modérée doit avoir pour seul objectif d’éduquer ou de discipliner l’enfant. […] Le droit de correction ne peut pas excuser les accès de violence qui sont dus à la colère ou à la frustration.
«Une vision dépassée»
Les conditions fixées par la Cour suprême ne sont pas du gout des défenseurs des droits des enfants. «Ça ne repose sur une aucune donnée scientifique et ne protège pas les enfants contre l’abus physique», réagit Elisa Romano, professeure à l’école de psychologie de l’Université d’Ottawa.
Elisa Romano est codirectrice du programme clinique en psychologie à l’école de psychologie de l’Université d’Ottawa.
Elle dénonce par ailleurs «une vision dépassée», perpétuant l’idée que «les enfants sont la propriété de leurs parents plutôt que des sujets de droit».
«Les conceptions de ce qui est raisonnable en matière de châtiment corporel varient énormément d’un individu à un autre, ce n’est pas suffisamment clair et précis», estime quant à lui Jean-Michel Robichaud, professeur à l’école de psychologie de l’Université de Moncton.
Autrement dit, tout le monde n’a pas la même appréciation de la légèreté : une petite fessée paraitra grande à une autre personne, et inversement.
Aux yeux des deux psychologues cliniciens, les gifles et les fessées n’ont aucune valeur éducative et sont au contraire dangereuses.
Des châtiments dangereux
«Dans l’immédiat, la claque peut permettre d’obtenir de l’enfant qu’il arrête ce qu’il fait, car il a peur, il est blessé et humilié, décrit Elisa Romano. Mais ce n’est pas un moment d’apprentissage où l’adulte lui explique pourquoi son comportement est inacceptable.»
Pour Jean-Michel Robichaud, «le but de l’éducation est que l’enfant obéisse aux règles parce qu’il en a compris le sens». Or, l’atteinte corporelle n’atteint pas cet objectif selon lui. «Il ne comprend pas l’intention éducative et apprend la violence par l’exemple. Il acquiert le geste et il va l’utiliser à son tour pour obtenir ce qu’il veut», alerte le psychologue.
Un avis que partage la pédopsychiatre Lila Amirali : «Les corrections physiques sont souvent disproportionnées, car elles sont données en fonction de l’humeur et de l’impulsivité des parents, plus qu’en fonction des actes de leurs enfants.»
Des enfants violents à leur tour
De nombreuses recherches ont démontré les effets néfastes à court et long terme des châtiments corporels sur le développement et la santé mentale des plus jeunes.
En 2002, une méta-analyse (nouvelle analyse de données existantes) de 88 études a mis en évidence une corrélation entre le fait d’avoir reçu des coups (en excluant les cas de maltraitance) et une plus grande agressivité ultérieure, la dégradation du lien parent-enfant, une hausse des comportements délinquants ou encore une propension supérieure à maltraiter ses enfants.
Selon une étude réalisée aux États-Unis en 2010, les petits qui reçoivent fréquemment une fessée à 3 ans ont toutes les chances de devenir plus agressifs dès l’âge de 5 ans.
D’autres travaux ont révélé un risque de glissement vers la maltraitance. Au Canada, trois recherches majeures ont montré que 75 % des cas de maltraitance graves avaient lieu pendant des épisodes de punition physique.
Par quoi remplacer les coups?
Contre la violence éducative, Elisa Romano et Jean-Michel Robichaud prônent la discipline positive. Mais ils insistent : l’éducation positive, ce n’est pas le règne de l’enfant roi auquel on passe tout.
Jean-Michel Robichaud est professeur à l’école de psychologie de l’Université de Moncton.
«Ne pas frapper n’empêche pas de donner un cadre stable et solide, de fixer des limites, les plus jeunes ont besoin de discipline, relève Elisa Romano. L’autorité parentale doit être exercée, mais par d’autres moyens, en étant un guide.»
La première alternative, c’est la parole. «On doit aider l’enfant à mettre des mots sur ses émotions pour désamorcer les crises, lui expliquer pourquoi c’est important d’obéir et l’encourager à trouver des solutions», détaille Jean-Michel Robichaud.
«Ça règle la grande majorité des situations. Si ça ne marche pas, il faut remplacer les punitions brutales par des conséquences liées à l’action : réparer sa bêtise, s’excuser…», poursuit-il.
Les deux psychologues mettent également l’accent sur le besoin de créer un climat empathique et bienveillant. «Les enfants sont constamment en train d’apprendre, leur cerveau est en plein développement, on ne peut pas exiger qu’ils soient parfaits, c’est légitime qu’ils fassent des erreurs», affirme Jean-Michel Robichaud.
Elisa Romano appelle de son côté à faire preuve de patience et à avoir des attentes réalistes, adaptées à l’âge.
Changer la loi
Dans ces conditions, faut-il retirer l’article 43 du Code criminel? Le Repeal 43 Committee, qui regroupe près de 200 organisations au pays, le réclame depuis 1994.
Fred Phelps est directeur général de l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux.
«Ottawa doit envoyer un message clair : aucune forme de violence n’est autorisée, la force est inacceptable pour contrôler le comportement d’une personne vulnérable», insiste Fred Phelps, directeur général de l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux (ACTS), membre du Committee.
Le responsable associatif rappelle que l’article 43 contrevient à l’article 19 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, signée par le Canada. Son retrait est par ailleurs l’un des points de l’appel à l’action du rapport de la Commission de vérité et réconciliation.
Lors des élections fédérales de 2015, l’abrogation de l’article 43 a fait partie des promesses de campagne du Parti libéral. De nombreux projets de loi en ce sens ont également été déposés au Parlement, mais aucun n’a abouti.
Une société encore réticente
En réalité, la question semble toujours susciter des réticences au sein de la société. «Certaines familles, déjà dans le système de protection de l’enfance, ont peur de perdre toute latitude dans l’éducation de leurs enfants. Elles voient le retrait de l’article comme une manière de les surveiller davantage», analyse Fred Phelps.
«Une partie de la population a peur que sans cette protection légale, toute personne qui donne une fessée ou une gifle soit poursuivie et mise en prison», ajoute Elisa Romano.
La psychologue estime ces inquiétudes infondées. Elle prend l’exemple de la Suède, le premier État à avoir interdit les châtiments corporels en 1979 : «Il n’y a pas plus de parents poursuivis depuis.»
Au contraire, depuis la promulgation de la loi, beaucoup moins d’enfants sont morts des suites de violence familiale et le nombre de procès pour maltraitance d’enfants a diminué, de même que le nombre d’enfants soustraits à la garde de leurs parents.
Pour dépasser ces craintes, pédopsychiatres et travailleurs sociaux sont unanimes : la suppression de l’article 43 doit s’accompagner d’investissements massifs dans des programmes de soutien aux parents. Avec un objectif : montrer qu’il est possible de dissocier l’autorité des coups.
Le président des États-Unis et le premier ministre Justin Trudeau se sont adressés aux médias après son discours à la Chambre des communes le 24 mars.
C’était le sujet le plus attendu. Radio-Canada en avait laissé filtrer certains détails la veille de l’annonce. Justin Trudeau l’a confirmé lors de la conférence de presse conjointe avec le président américain : les deux pays ont durci le ton sur la question de l’immigration irrégulière. Les migrants qui tentent de traverser la frontière pour se rendre au Canada seront refoulés tout le long de la frontière terrestre canado-américaine et vers les postes réguliers frontaliers.
De plus, le Canada accueillera bien 15 000 migrants pour honorer cet élargissement de l’Entente sur les pays tiers sûrs.
«On ne peut pas tout simplement fermer le chemin Roxham et espérer que tout se règlerait puisqu’on a une extrêmement longue frontière et les gens chercheraient d’autres endroits ou passer. […] On a modernisé pour que quelqu’un qui traverse entre nos postes frontaliers officiels […] demande l’asile dans le premier pays sûr dans lequel il arrive», a affirmé Justin Trudeau en conférence de presse conjointe avec Joe Biden.
«On continue d’être ouvert à des arrivées régulières. On va augmenter les demandeurs d’asile, particulièrement de l’hémisphère, pour compenser pour la fermeture de ces passages irréguliers», a-t-il ajouté.
Selon des données fédérales, 92 720 demandeurs d’asile ont traversé la frontière canado-américaine en 2022, dont près de 40 000 personnes au chemin Roxham. Interrogé sur l’accueil de seulement 15 000 demandeurs d’asile, le premier ministre Trudeau a botté en touche.
Un communiqué émanant de son Cabinet a toutefois précisé que ces migrants seront principalement issus de l’hémisphère occidental [Amérique du Sud et Amérique du Nord, NDLR], «et ce, pour des motifs d’ordre humanitaire, et que [le Canada] leur offrirait des débouchés économiques pour contrer le déplacement forcé».
Joe Biden est le 9e président américain à prononcer un discours à la Chambre des communes.
Autres annonces
Sur une autre note, Justin Trudeau a annoncé que le Canada investira 100 millions $ pour aider les forces policières en Haïti et notamment fournir un meilleur équipement à la Police nationale. Ceci, dans un contexte où les États-Unis demandaient depuis des mois au Canada de prendre le leadership pour une intervention.
Le président américain Joe Biden et Justin Trudeau à la sortie de la conférence de presse conjointe du 24 mars à Ottawa.
Les deux dirigeants ont fait les annonces suivantes en rafale : le Canada investira dans un projet de 7,3 milliards de dollars pour notamment moderniser et construire de nouvelles infrastructures qui accueilleront une flotte d’avions de chasse F-35, dans le cadre du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD).
Le Canada mettra également 420 millions dans la préservation des Grands Lacs. Un groupe de travail sur la transformation de l’énergie sera mis en place pour que les deux pays collaborent dans le domaine de l’économie propre.
Plus tôt, le président Joe Biden a prononcé un discours à la Chambre des communes, devant une salle comble de députés, de sénateurs et d’invités tels que l’ancien premier ministre du Canada Jean Chrétien et l’ancien premier ministre de l’Ontario, Dalton McGuinty.
Sur un ode à l’amitié et la solidarité qui lie le Canada et les États-Unis, il a conclu par un vibrant : « Vous pourrez toujours, toujours compter sur les États-Unis d’Amérique », suivi d’une ovation de part et d’autres de la Chambre.
En cette première Journée québécoise de la francophonie canadienne, c’est l’occasion d’être solidaires et d’exprimer avec passion et résilience notre attachement commun à la langue française.
Nos carrières respectives nous ont menées à la rencontre de gens formidables qui vivent en français, que ce soit sur les rives de l’Acadie, au cœur des Prairies, en Ontario, au Yukon et au Québec. Ces personnes qui continuent de résister avec force et conviction méritent toute notre admiration.
Même si les racines de la francophonie canadienne sont profondément ancrées dans l’histoire, ces communautés n’échappent pas aux défis engendrés par l’omniprésence de la langue anglaise, la mondialisation et la proportion toujours décroissante du nombre de francophones, comme le confirment les récentes statistiques.
Au Québec, bien que nous soyons majoritairement francophones, nos enjeux sont essentiellement les mêmes ; la découvrabilité des contenus en français sur le web, l’attractivité de l’anglais chez les jeunes, la francisation des nouveaux arrivants et la diminution de la proportion de locuteurs de langue française.
Face à ces enjeux, nous devons faire front commun pour freiner le déclin du français. Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée québécoise de la francophonie canadienne, engageons-nous avec bienveillance et solidarité à nous rapprocher afin de bâtir un réseau de francophones déterminés à protéger ainsi qu’à valoriser la langue française.
Un pas dans la bonne direction serait d’aller à la rencontre de l’autre pour connaitre sa réalité et mettre de l’avant ce qui nous unit : notre histoire, nos racines et notre désir de vivre en français. C’est aussi, notamment, de favoriser la mobilité d’étudiants et d’étudiantes francophones, de développer des réseaux d’affaires, de municipalités et de miser sur la jeunesse afin d’afficher notre fierté d’être francophones. Nous avons tout avantage à partager nos expertises en construction identitaire, en éducation, en formation professionnelle, en culture et dans le secteur de la recherche en français.
La francophonie est présente sur l’ensemble du territoire canadien depuis plus de quatre siècles. À divers moments de notre histoire, nous avons tous mené des luttes pour préserver nos droits. Ensemble, nous devons tout mettre en œuvre pour protéger les acquis et favoriser la pérennité de notre langue et de nos communautés.
L’honorable Liza Frulla – C.P., C.M., O.Q., directrice générale de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec et ancienne ministre de la Culture et des Communications du Québec (1990-1994) et ministre du Patrimoine canadien (2004-2006)
Louise Beaudoin – O.Q., ancienne ministre déléguée aux Affaires intergouvernementales canadiennes (1994-1996), ministre de la Culture et des Communications (1995-1998) et ministre des Relations internationales du Québec (1998-2003)
Avouons-le : il fallait faire preuve de témérité et être un peu fou pour explorer des eaux glacées, à des températures horriblement basses dans un dédale d’iles inconnues pour trouver une voie depuis l’Atlantique vers le Pacifique et les Indes orientales, but ultime de cette quête.
Premières escapades européennes
Cinq-cents ans avant les voyages de Christophe Colomb, les Vikings se sont aventurés dans les eaux marquant le début du Passage du Nord-Ouest. Les archéologues ont trouvé des traces de leur séjour sur l’ile de Baffin et l’ile d’Ellesmere, où les vestiges d’un navire viking échoué ont été découverts.
Pour l’époque, atteindre Ellesmere était tout un exploit. Il s’agit de l’ile la plus au nord du Canada. Sa pointe nord-est n’est qu’à 26 kilomètres du nord-ouest du Groenland.
Le planisphère de Cantino est considéré comme étant la plus ancienne et l’une des plus importantes cartes de «l’âge des découvertes». D’un auteur inconnu, elle date du début du XVIe siècle.
Mais délaissons le Nord quelque peu et parlons du Sud, car il y a un lien assez direct entre les expéditions européennes en Amérique du Sud — et centrale — et les explorations dans les eaux arctiques.
Comme on le sait, lorsque Christophe Colomb débarque sur une ile des Bahamas le 12 octobre 1492, il pense avoir atteint les Indes. Quelques années plus tard, d’autres explorateurs et Colomb lui-même se rendront compte qu’ils ont atteint un tout autre continent.
Le détroit d’Arán, tel qu’imaginé par certains cartographes.
Mais il a fallu encore quelques années pour déterminer si l’Amérique du Nord et du Sud formait un seul continent ou si un détroit les séparait. Vient alors le mythe du détroit d’Anián.
Des explorateurs et des cartographes ont imaginé (le mot est faible) qu’un long (très très long) détroit servait de trait d’union entre les océans Atlantique et Pacifique à travers l’Amérique du Nord. L’une des hypothèses voulait que le détroit d’Anián relie le golfe de Californie et celui du Saint-Laurent.
Imaginons un instant quelle aurait pu être la devise du pays traversé par ce détroit au long cours : «D’un golfe à l’autre»! Mais on s’égare.
Ce mythe perdurera quand même tout au long du XVIIIe siècle et motivera la quête d’un lien maritime entre les deux océans.
Jean Cabot et les autres
L’explorateur Jean Cabot — Giovanni Caboto de son vrai nom — avait bien avant imaginé qu’il était possible d’atteindre la Chine en passant au nord du continent américain.
En 1497, il gagne les côtes de l’ile de Terre-Neuve et du Labrador. Certains pensent que cette terre est la Chine. Mais le Passage du Nord-Ouest échappe à Cabot. Il remet ça l’année suivante ; hélas, sa flotte disparait en mer.
Jean Cabot, peint ici en vêtements vénitiens traditionnels.
On est un peu dans la brume aussi pour ce qui est des voyages de son fils, Sébastien Cabot. Suivant les traces (maritimes) et le rêve d’un Passage du Nord-Ouest, de son père, Cabot fils aurait navigué le long du Labrador, traversé le détroit d’Hudson et même atteint la baie d’Hudson avant de rebrousser chemin.
Les explorateurs français Jacques Cartier et Samuel de Champlain croiront pouvoir trouver ce passage plus au sud en explorant le fleuve Saint-Laurent. Là encore, un rêve inassouvi.
Entretemps, la Grande-Bretagne avait repris le flambeau de l’exploration des eaux arctiques. En 1576, Martin Frobisher se rend jusqu’à la Terre de Baffin (plus grande ile du Canada, partie du Nunavut) et pénètre dans ce qu’il croit être un détroit, mais qui s’avèrera être une baie, qui porte aujourd’hui son nom.
Peu après, son compatriote John Davis se butera lui aussi, par trois fois, à la Terre de Baffin.
Au début du XVIIe siècle, l’explorateur anglais Henry Hudson pousse le rêve un peu plus loin. Il atteint la grande baie à laquelle il donnera son nom. Mais, victime d’une mutinerie, il est abandonné dans un canot avec son fils et sept membres d’équipage. Il sera établi plus tard qu’il s’avère impossible d’atteindre le Pacifique en empruntant le détroit et le nord de la baie d’Hudson.
Trois survivants de cette expédition participeront à d’autres tentatives qui, même si elles n’aboutissent pas, orienteront les explorateurs suivants vers la bonne route, soit au nord de la Terre de Baffin.
Près de deux siècles s’écouleront avant que d’autres ne se lancent dans cette aventure.
En 1845 et 1846, John Franklin et ses 133 marins à bord de deux navires vont plus loin que tous leurs prédécesseurs : ils contournent la Terre de Baffin, piquent vers le sud, mais restent emprisonnés dans les glaces près de l’ile du Roi-Guillaume. Personne ne survivra.
Peinture de John Everett Millais montrant un vieux marin désabusé et sa fille lisant un journal de bord. L’œuvre représente la frustration britannique après plusieurs échecs pour trouver cette voie maritime.
L’aboutissement de siècles d’efforts
Finalement, en 1854, Robert McLure est le premier à franchir le passage d’ouest en est sur mer, mais aussi en partie sur la glace.
Malgré tous ces efforts, toutes ces pertes de vie lors d’expéditions britanniques, ce sera un Norvégien, le célèbre explorateur Roald Amundsen (qui sera d’ailleurs le premier, cinq ans plus tard, à atteindre le pôle Sud), qui parviendra à franchir complètement le Passage du Nord-Ouest par la mer, et cette fois de l’ouest vers l’est 1450 kilomètres.
L’une des raisons de son succès : sa goélette. La Gjøa était un petit navire, ce qui fait qu’elle a réussi à naviguer dans des eaux peu profondes.
Comme les nombreuses autres expéditions qui l’ont précédée, celle d’Amundsen a été atroce. L’équipage a failli y laisser sa peau à plusieurs reprises.
Arrivé en eau libre, Amundsen écrira d’ailleurs dans son journal : «Le passage du Nord-Ouest est ouvert. Mon rêve d’enfance vient de se réaliser à ce moment. Une étrange sensation me prend à la gorge. Je suis surmené et à bout — c’est une faiblesse —, mais je sens les larmes me monter aux yeux.»
De nos jours, le Passage du Nord-Ouest est de plus en plus facilement navigable, résultat des changements climatiques. Il ouvre la voie à une course à l’exploitation controversée des richesses naturelles de l’Arctique et il ravive les questions de souveraineté de ces eaux.
Le rêve pourrait encore se transformer en cauchemar.
Amin Moghadam fait partie de la Chaire d’excellence en recherche du Canada (CERC) sur la migration et l’intégration, à l’Université métropolitaine de Toronto, qui participe à la mise en place du projet de l’Observatoire.
FRANCOPRESSE : Quel est l’objectif d’un projet comme l’Observatoire de l’immigration francophone au Canada (OIFC)?
Amin Moghadam : L’un des objectifs est d’associer la recherche sur l’immigration francophone à l’immigration internationale. Ensuite, un observatoire répond à un besoin, observe une crise, comparé à un centre de recherche par exemple. Là, on a identifié deux éléments.
Selon Amin Moghadam, l’idée de l’Observatoire est de proposer une «complexité» dans la compréhension de l’immigration francophone.
Le premier concerne la question démographique des communautés francophones au Canada, en contexte minoritaire notamment.
Le deuxième vise à intégrer la perspective des immigrants francophones qui arrivent au Canada et qui viennent de contextes sociaux et nationaux très différents. Ils n’ont pas le même rapport à la francophonie au Canada.
On a parlé en atelier [au Symposium annuel de l’immigration francophone, NDLR] sur comment faire pour associer une approche utilitaire, qui est celle du gouvernement, à la compréhension du parcours des immigrants, notamment sur leurs conditions de vie et d’employabilité.
Un autre objectif est de produire de nouvelles données sur l’immigration francophone à partir de perspectives différentes, très internationales.
L’Observatoire permettra aussi de comprendre ce qui manque. Par exemple, [au Symposium] il y a eu des remarques sur les approches intersectionnelles, qui existent déjà dans la recherche, mais qui sont peut-être moins représentées dans des études plus générales qui concernent les questions raciales, de classe, etc.
Au sein de la Chaire, on est aussi plusieurs francophones à s’intéresser à la consolidation d’un réseau de chercheurs francophones pour l’Observatoire.
Les réflexions autour de l’Observatoire de l’immigration francophone du Canada (OIFC) remontent à quelques années.
«On essayait de comprendre les perspectives manquantes en termes de production de la recherche scientifique au Canada, sur l’immigration francophone au Canada», explique le chercheur.
Dès 2021, Linda Cardinal, professeure à l’Université de l’Ontario français (UOF), a contacté la Chaire d’excellence en recherche du Canada sur la migration et l’intégration de l’Université métropolitaine de Toronto [anciennement Université Ryerson, NDLR] pour inscrire les problématiques de l’immigration francophone au Canada dans une perspective plus large.
Vous avez mentionné que l’Observatoire répond à un besoin, à une crise. Laquelle?
En fait, il répond à un problème dans les provinces hors Québec, où les immigrants francophones sont attirés, mais où ils rencontrent souvent des soucis d’employabilité.
Au-delà des questions d’emploi, la vie quotidienne pour les immigrants francophones est aussi importante, avec des espaces de sociabilité, de rencontres. Il y a aussi la question des services en français. Il y a eu du travail là-dessus ; il n’empêche que si on ne parle que le français en contexte minoritaire, on ne s’en sort pas. Tout ça alors qu’il y a plusieurs programmes [d’immigration] pour les francophones en contexte minoritaire.
L’approche de l’Observatoire, c’est d’inscrire cette problématique dans une perspective internationale plus large.
Si on veut comprendre les préoccupations de l’immigration francophone au Canada, il faut aussi parler de la francophonie d’ailleurs, des pays d’origine des immigrants, et même des pays où le français n’est pas forcément développé, mais qui ont mis en place des infrastructures pour faire venir des immigrants au Canada. Comme en Iran, d’où je viens, où il y a tout un réseau d’instituts français qui s’est développé et qui privilégie les immigrants francophones.
Les recherches de l’Observatoire seront-elles destinées au gouvernement?
En partie au gouvernement, mais aussi au grand public, aux acteurs communautaires… Il s’agit de consolider les connaissances sur l’immigration francophone pour tous les acteurs concernés.
C’est pour cela qu’on insiste sur le fait que l’Observatoire va être un lieu de partage et de sociabilité. Un lieu physique et virtuel, de rencontre d’acteurs qui viennent de milieux très différents : universitaires, communautaires, privés et gouvernementaux.
Quand le lancement est-il prévu?
On envisage un lancement de l’Observatoire en septembre, mais rien n’est confirmé. On attend encore du financement des partenaires impliqués.
Vous faites partie de l’Université métropolitaine de Toronto. Quel est l’intérêt pour un établissement anglophone de faire partie du projet?
La Chaire d’excellence à l’Université métropolitaine de Toronto a été créée en 2019. C’est dans notre mandat depuis le départ de mener des activités sur l’immigration francophone, en français ou pas.
Il y a aussi une collaboration avec le consulat de France à Toronto. On a mis en place une première rencontre début 2021 sur les mots des migrations. Nous sommes très intéressés par l’usage des mots anglais, français ou arabes. «Immigration», «migrants», «immigrants»… Est-ce que l’on parle de la même chose dans toutes les langues?
Notre hypothèse, c’est que lorsqu’on écrit dans une langue, on ne réfléchit pas forcément de la même manière. C’est notre volonté d’intégrer différentes manières de réfléchir et de penser.
Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de cohérence.
Organisée par le Centre de la francophonie des Amériques, cette journée s’inscrit dans le cadre du Plan d’action qui accompagne la nouvelle politique en matière de francophonie canadienne du Québec.
Parmi les objectifs affichés par le gouvernement : mieux faire connaitre aux Québécois et aux Québécoises la réalité des francophones vivant en milieu minoritaire. Mais aussi «sensibiliser», complète Jean-François Roberge, ministre de la Langue française.
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Méconnaissance et empathie
Joseph Yvon Thériault, sociologue acadien.
«C’est une bonne intention de viser les Québécois. C’est un des enjeux centraux des relations [entre la province et le reste de la francophonie canadienne], estime le sociologue acadien Joseph Yvon Thériault. Ce n’est pas un antagonisme ; c’est un angle mort, une espèce d’inconscience du Québec […] du fait qu’il y a un million de francophones dans le Canada autour du Québec.»
«Dans la population québécoise en général, il y a une empathie, une sympathie pour les francophones hors Québec. Mais avec une espèce de méconnaissance, de surprise que ça existe encore», reconnait-il.
Quand on parle de la francophonie minoritaire, c’est souvent à travers une lentille démographique ou institutionnelle, mais rarement sous le prisme de la «vitalité communautaire», poursuit le spécialiste. Ou par temps de crise.
«La question de l’université en Ontario français a suscité un grand sentiment d’empathie au Québec, qui a participé d’ailleurs à ce renouveau des relations. On voit que la crise linguistique au Nouveau-Brunswick le fait, analyse-t-il. Mais dans la vie ordinaire, il n’y a pas de grandes pressions pour ça.»
«Voir les bonnes pratiques ailleurs»
L’idée d’un rapprochement entre les deux francophonies n’est pas nouvelle. Mais pour Sylvain Lavoie, président-directeur général du Centre de la francophonie des Amériques, la politique actuelle du gouvernement québécois «se veut vraiment une politique action».
Sylvain Lavoie, président-directeur général du Centre de la francophonie des Amériques.
«C’est une façon de s’ouvrir […] et de vraiment marquer le coup. Pour inciter les organisations, que ce soit gouvernementales, la société civile, communautaire ou autres à s’intéresser davantage à la francophonie canadienne et de créer des ponts.»
Un rapprochement d’autant plus important selon lui «dans le contexte linguistique» actuel, alors qu’une «question nationale se pose sur l’avenir de la langue».
«Cela permet d’aller chercher les bonnes pratiques de l’un et de l’autre, s’enthousiasme Sylvain Lavoie. En francophonie canadienne, il y a effectivement des expériences uniques qui sont favorables pour le Québec dans son questionnement par rapport à la langue française. Allons voir les bonnes pratiques ailleurs!»
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Un tournant politique?
Pour autant, est-ce que cette politique introduit réellement un nouveau chapitre dans la relation particulière qu’entretient la Belle Province avec le reste des francophones au pays?
Selon Joseph Yvon Thériault, les dernières années ont été synonymes d’un certain rapprochement politique. «L’élection de la CAQ [Coalition avenir Québec] et l’affaiblissement du projet souverainiste […] ont ouvert une nouvelle fenêtre d’opportunité pour les relations entre la francophonie hors Québec et les Québécois.»
Une occasion qui, d’après lui, n’a pas été totalement saisie.
Je ne suis pas sûr que les francophones hors Québec l’ont compris et ont tiré le maximum de profit qu’ils pouvaient de [cette ouverture] ou le maximum de reconnaissance. Ils sont demeurés un peu craintifs et instrumentaux dans leurs relations.
Mais depuis un an, on assiste à un certain refroidissement de ces relations, estime le sociologue. Notamment à cause des débats autour du projet de loi C-13, portant sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
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La Journée québécoise de la francophonie canadienne s’inscrit dans le cadre de la nouvelle politique en matière de francophonie canadienne du Québec.
Déclin de langue française
Pourtant, les deux francophonies se rencontrent autour d’un même combat : le maintien du français au Canada.
Se lever chaque matin, choisir de vivre en français et de renouer avec cet engagement chaque jour : cela fait partie de l’ADN francophone. […] Du Québec, il faut démontrer qu’on est solidaires et qu’on est ensemble pour la maintenir vivante!
La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) applaudit d’ailleurs la création de cette Journée québécoise. Pour Liane Roy, sa présidente, cet évènement s’inscrit dans une série de gestes au service du rapprochement des francophonies canadiennes.
Pour Liane Roy, présidente de la FCFA, la Journée québécoise de la francophonie canadienne démontre l’engagement du Québec pour un rapprochement réciproque avec les francophones ailleurs au pays.
Elle rappelle que la Loi 96 inclut «une volonté du gouvernement du Québec de tendre la main aux francophones des autres provinces et territoires et d’assurer son leadeurship en matière de francophonie canadienne».
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Pour Liane Roy, les 75 actions du nouveau Plan d’action [du Québec] constituent également un tournant : «Avant, on travaillait seulement avec le secrétariat aux relations canadiennes. Maintenant, on peut travailler avec plusieurs ministères et agences de l’administration.»
Sylvain Lavoie se veut très optimiste pour la suite. D’après lui, les Québécois veulent répondre présents. «Des librairies indépendantes participent aussi à l’évènement en proposant des auteurs francophones. […] Tout le monde a voulu mettre la main à la pâte. C’est une formule gagnant-gagnant pour tout le monde.»
Pouvoir faire communauté
«On s’est aperçu, avec tout ce qui est sorti dans les recensements, que le français est vraiment vulnérable au Canada et nous avons tout à gagner à nous rassembler», corrobore Liane Roy.
«Si on veut faire société en Amérique, il faut qu’il y ait une communauté qui se construise avec le Québec, considère de son côté Joseph Yvon Thériault. Les francophones hors Québec ne peuvent pas percevoir le Québec comme une culture étrangère. S’ils le perçoivent ainsi, il sont voués à une espèce de minorisation et ce n’est pas ça qu’ils veulent.»
Pour le sociologue, le milieu artistique est celui qui a le mieux réussi «sa jonction avec le Québec» : «Les communautés culturelles et artistiques hors Québec ont d’une certaine façon compris que leur public était québécois et qu’ils ne pouvaient pas faire du Québec bashing continuellement.»
Qui dit nouveau pays dit nouvelle alimentation. À leur arrivée au Canada, les immigrants doivent s’adapter au marché local et parfois changer leurs habitudes alimentaires.
À Toronto, il n’est pas difficile d’acheter des denrées venant du monde entier, témoigne Jean-Marie Nzoro Munoko, gestionnaire des Services aux nouveaux arrivants au Centre francophone du Grand Toronto (CFGT).
«On trouve des épiceries exotiques où on peut acheter du plantain […] des magasins de Camerounais, de Congolais, de Burundais.» Les rayons de certains grands magasins aussi proposent des produits des quatre coins du monde.
À la ville et à la campagne
Marc-Alexandre Lagacy est animateur culturel au programme de Communauté francophone accueillante (CFA) de Clare, en Nouvelle-Écosse.
À l’extérieur des grandes villes, le choix n’est cependant pas le même.
Marc-Alexandre Lagacy, animateur culturel au programme de Communauté francophone accueillante (CFA) de Clare, en Nouvelle-Écosse, l’a bien remarqué.
«Ici, c’est une petite région rurale. Halifax est à environ trois heures de drive. […] C’est quand même assez difficile pour les nouveaux arrivants de trouver des produits qu’ils pourraient avoir dans les grands centres. C’est probablement le plus gros défi dans la région.»
Néanmoins, l’animateur évoque rarement le sujet avec les principaux intéressés. «Je n’ai jamais vraiment eu de conversation avec de nouveaux arrivants qui trouvaient ça difficile, remarque-t-il. Il y a certainement une période d’adaptation, mais je crois que les personnes se rassemblent entre elles et font des repas.»
La CFA essaie aussi d’organiser des repas traditionnels chaque mois, selon les pays d’origine des nouveaux résidents. Des excursions vers Halifax sont également organisées, notamment par l’Université Sainte-Anne.
«Les épiceries dans la région sont quand même assez ouvertes à acheter de la nourriture ou des produits de différents pays. Si elles ont assez de demandes, elles vont quand même faire un effort», assure Marc-Alexandre Lagacy.
«Dans les milieux ruraux […], on voit quand même une belle évolution », confirme Marianne Lefebvre, nutritionniste, conférencière et consultante spécialisée en nutrition internationale.
Jean-Marie Nzoro Munoko, gestionnaire des Services aux nouveaux arrivants au Centre francophone du Grand Toronto.
Elle assure que «d’une part, les grandes surfaces font de plus en plus de place dans leurs étals pour les produits ethniques, et d’autre part il y a de plus en plus de gens qui vont opter pour la transformation, la commercialisation de certains produits de leurs pays d’origine. On a de plus en plus de producteurs agroalimentaires issus de la diversité.»
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Adaptation et inflation
Se procurer des produits d’ailleurs reste donc possible, mais à quel prix?
«La vie est devenue trop chère, donc la marge de manœuvre est très étroite, constate Jean-Marie Nzoro Munoko. Il y a beaucoup d’inquiétudes […] Alors, nous on essaie d’aller trouver des ressources qui sont beaucoup moins chères.»
Le CFGT a établi des listes de magasins et de banques alimentaires qui s’adressent aux nouveaux arrivants. Il propose également des bons alimentaires aux familles les plus démunies. «On communique sur la façon d’essayer d’acheter à meilleur prix», ajoute le gestionnaire. Le CFGT indique les dates des soldes par exemple.
Marianne Lefebvre est nutritionniste, conférencière et consultante spécialisée en nutrition internationale.
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Jean-Marie Nzoro Munoko réfléchit par ailleurs à mettre à jour un guide, «un inventaire de magasins exotiques et de toutes les nationalités qui se trouvent à Toronto, avec l’adresse du magasin, le numéro de téléphone et qu’est-ce qu’ils vendent. Je pense que c’est une ressource qui va aider la communauté.»
Manger sain ou économique
Il reste que, pour alléger le portemonnaie, certains consommateurs vont se tourner vers les produits les plus abordables, pas forcément les plus sains.
Comme le souligne Marianne Lefebvre, au Canada, les denrées ultratransformées, très riches en sucre, en sel et en gras, sont souvent les moins couteuses. «Deux litres de boisson gazeuse sont parfois moins chers que deux litres de lait.»
Souvent, les gens vont opter pour des aliments de moins bonne qualité plutôt que des denrées non transformées qu’ils avaient l’habitude de consommer plus quotidiennement dans leur pays, parce que c’est le plus accessible.
Mais ce type de régime peut mener à des problèmes de santé, comme le diabète, des maladies cardiovasculaires ou des maladies chroniques, détaille la spécialiste. «La consommation d’aliments ultratransformés est aussi directement en lien avec un déclin de la santé mentale.»
Marianne Lefebvre
L’effet de l’immigrant en bonne santé
«L’effet de l’immigrant en santé, c’est le fait que l’immigrant moyen arrive au Canada avec un excellent état de santé», explique Marianne Lefebvre.
Néanmoins, «cet avantage en matière de santé diminue avec le temps», observe Statistique Canada dans ses rapports sur la santé.
Les causes? «Les raisons de la dégradation de l’état de santé varient énormément d’une culture à l’autre, du statut d’immigration. […] Les gens sont beaucoup plus sédentaires ici, notamment à cause du climat plus froid», analyse Marianne Lefebvre.
«Les enjeux vont beaucoup varier selon le type d’immigration», ajoute Marianne Lefebvre. Ils ne seront pas les mêmes pour un réfugié ou une personne issue de «l’immigration économique», souligne-t-elle.
De même, les préoccupations d’immigrants venant de pays occidentalisés seront différentes de ceux originaires d’un pays en développement, selon la spécialiste.
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Conjuguer les cultures
Mais immigration ne veut pas forcément dire acculturation.
«Quand on quitte un pays, on laisse derrière nous tellement de choses de notre culture. Mais la culture alimentaire, c’est quelque chose qu’on peut trainer avec nous et qu’on peut aussi partager», est d’avis Marianne Lefebvre.
Les personnes sont vraiment très attachées à leur culture, donc elles essaient de conserver leur héritage. Même sur le plan alimentaire.
Mais alors, comment trouver une diète équilibrée sans renier ses origines? Pour la nutritionniste, une partie de la solution réside dans le mélange des cultures. Autrement dit, garder ses coutumes tout en y intégrant des composantes de la culture locale canadienne.
«Prendre le meilleur des deux mondes […] essayer que notre double culture se reflète également dans l’alimentation», résume-t-elle.
Produits de substitution
«Souvent, les gens vont me dire “moi je mange exactement de la même façon que dans mon pays d’origine et je prends du poids”. Ça, je l’entends énormément, se désole-t-elle. Étant donné que l’environnement des gens a changé, il doit y avoir un changement également au niveau des habitudes alimentaires.»
Marianne Lefebvre conseille aussi de consommer des produits de substitution. «Au lieu de remplacer la banane plantain par du riz instantané ou par des pâtes alimentaires, je vais leur suggérer des céréales locales, comme l’orge.»
Ainsi, rien ne se perd, tout s’adapte.
Plus sur la francophonie
Plusieurs organismes déplorent le manque d’information quant à la reconduction du financement à chaque fin de chaque cycle de cinq ans du Plan d’action pour les langues officielles. Pour certains organismes, la poursuite de leurs activités régulières est remise en question alors que d’autres doivent abolir des postes.
En cause : le manque de communication du gouvernement fédéral autour des sommes disponibles pour ces organismes, inscrites dans le Plan d’action pour les langues officielles. Ces sommes découlent du Budget fédéral, dévoilé habituellement fin mars ; soit à la fin de l’année financière.
Un «problème systémique identifié depuis longtemps», estime la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), mais qui met les organismes dans un embarras chronique à la veille de l’ adoption de chaque nouveau Plan, tous les cinq ans.
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Nomination d’un rapporteur spécial sur les ingérences étrangères et de nouvelles villes accueillantes pour les demandeurs d’asile
Pas si indépendant que ça, selon le Bloc québécois et les conservateurs, qui ont critiqué le choix du premier ministre dès l’annonce du Cabinet par communiqué, mercredi.
David Johnston a été nommé rapporteur spécial indépendant par Justin Trudeau mercredi. Il est notamment chargé de déterminer si une enquête publique aura lieu ou non sur les ingérences étrangères dans les élections fédérales.
David Johnston devra déterminer, entre autres, si une enquête publique sur les ingérences étrangères lors des élections fédérales de 2019 et de 2021 est nécessaire. Cette enquête est réclamée par le NPD, les conservateurs et le Bloc québécois.
Le gouvernement du Canada affirme qu’il suivra ses recommandations, «qui pourraient comprendre une enquête officielle, une révision judiciaire ou un autre processus d’examen indépendant, et les mettra en œuvre», peut-on lire dans le communiqué.
«Sans juger des états de service de M. Johnston, on ne peut que constater que Justin Trudeau s’entête à ne pas déclencher maintenant l’enquête publique et indépendante que tout le monde réclame, a fait savoir par courriel Yves-François Blanchet, chef du Bloc. Il n’est pas question d’utiliser le mandat du rapporteur spécial dont on ne connait pas encore les détails ni la durée, pour garder le Parlement et la population dans l’ignorance.»
David Johnston a été gouverneur général du Canada de 2010 à 2017. Des clichés de lui en compagnie du président chinois Xi Jinping ont alimenté les critiques déjà abondantes.
En outre, le comportement actuel des membres libéraux du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre n’amoindrit pas la frustration de l’opposition, qui tente de convoquer la cheffe de cabinet de Justin Trudeau, Katie Tellford, au Comité.
Le Forum des ministres responsables de l’immigration (FMRI), réuni à Halifax le 10 mars dernier, a mis de l’avant deux points cruciaux. D’une part, que l’accueil des demandeurs d’asile, notamment ceux qui arrivent par les «voies irrégulières», se fasse au sein de villes en dehors du Québec.
Sean Fraser, ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, identifiera prochainement plusieurs villes hors Québec pouvant accueillir les demandeurs d’asile.
«Je n’ai pas de liste exhaustive à communiquer, mais oui, nous identifions d’autres villes […], mais j’espère que cette liste s’étendra à d’autres que celles qui accueillent déjà des demandeurs d’asile en ce moment», a répondu le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté Sean Fraser, lors de la conférence de presse à l’issue du Forum.
D’autre part, pour réaliser cela, le ministre a mis de l’avant la participation accrue des provinces et des territoires à la sélection des immigrants économiques et à l’augmentation des affectations aux programmes de candidats des provinces (PCP) et des territoires.
En début d’année, le fédéral avait été interpelé pour communiquer davantage avec les villes hors Québec vers lesquelles les nouveaux arrivants étaient redirigés.
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Le ministre Fraser a ajouté que les États-Unis feront partie des discussions pour gérer la frontière canado-américaine. Un sujet qui sera certainement abordé avec le président américain Joe Biden lors de sa visite au Canada les 23 et 24 mars.
À long terme, Sean Fraser a précisé que «l’immigration irrégulière exige que l’on renforce la capacité [d’accueil des immigrants, NDLR] et que nous étendions les voies d’immigration régulières au Canada».
Le Forum du 10 mars a réuni le ministre fédéral Sean Fraser, ainsi que les ministres provinciaux de l’Immigration du Nouveau-Brunswick Arlene Dunn, de Terre-Neuve-et-Labrador Gerry Byrne et de la Nouvelle-Écosse Jill Balser.
Le ministre fédéral de l’Environnement Steven Guilbeault et son homologue albertaine Sonya Savage continuent de collaborer après une fuite au gisement de Kearl, exploité par la compagnie pétrolière Imperial Oil, qui a eu lieu il y a près de deux semaines.
Un communiqué provincial précise qu’en date du 14 mars, l’Alberta n’a vu «aucune preuve de contamination des voies navigables, des plans d’eau ou de l’eau potable à la suite des incidents faisant l’objet de l’enquête».
La province poursuivra les tests et la surveillance et communiquera les résultats à Ottawa. Le ministre Guilbeault a accepté de faire de même en partageant avec la province tous les résultats des tests effectués par le gouvernement fédéral.
Pour l’année 2023, les Rendez-vous de la Francophonie prennent pour thème «Célébrations». La Journée internationale de la Francophonie porte quant à elle sur «321 millions de francophones, des milliards de contenus culturels».
Certes, de telles occasions de souligner ce qui nous unit auront tendance à s’ouvrir à de multiples interprétations. Toutefois, on peut se demander ce qui est rassemblé par des slogans aussi vastes et au contenu aussi vague.
Ce caractère vague vient peut-être de l’attention qu’on porte à la langue, alors que celle-ci se rattache à tant de situations personnelles et collectives.
Il en va tout autant de la diversité rattachée à la langue et à la francophonie canadienne comme internationale : prise comme valeur, elle se trouve derrière la promotion de la «richesse» et de la variété des contenus et produits culturels de la francophonie.
La diversité comme rideau
Cette diversité a-t-elle un contenu réel? Il existe tant de caractéristiques qui nous distinguent et servent à nous rassembler que célébrer la diversité revient simplement à constater un fait.
Il est tout à fait louable de refuser de définir un groupe par une seule caractéristique ou en relation à une seule norme. On sait toutefois que le mot «diversité» a plutôt tendance à être utilisé comme euphémisme pour parler de diversité culturelle.
Valoriser cette diversité en soi a l’effet de nous détourner des revendications des personnes qui sont reléguées à la diversité (elles en sont «issues») et ainsi montrées comme différentes du groupe majoritaire.
Leurs revendications incluent plutôt la fin des discriminations, l’accès aux emplois et aux postes de prise de décisions et, dans le cas des personnes immigrantes, la capacité à retrouver leur famille plus aisément.
Or trop souvent, la célébration de la diversité est un engagement vague, une idole faite pour meubler les discours, mais trop souvent tenue à distance des actions réelles. La diversité est gérée : on la célèbre, on sensibilise la majorité et on éduque cette dernière – mais les frontières sont maintenues.
Les origines de la Francophonie
Une véritable défense de la diversité des expériences francophones viserait plutôt à démonter les obstacles et défaire les hiérarchies. Nous aurions alors la chance de célébrer ensemble des transformations, des accomplissements, et ainsi maintenir les liens créés dans ces projets communs et solidifier une ouverture à l’autre déjà éprouvée dans des projets communs.
Célébrer, sensibiliser et éduquer ne pourront pas suffire : les limites à une Francophonie sont structurelles et héritées de sa construction.
Lors de sa création, l’ancêtre de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) répondait à la désagrégation de l’Empire français dans la foulée des indépendances des anciennes colonies.
Les ex-colonies visaient à établir une collaboration culturelle et technique pour s’appuyer dans leur développement. Tandis que la France s’opposait d’abord à cette nouvelle union, elle a rapidement décidé d’y prendre une place pour l’orienter à ses propres fins : conserver l’Afrique.
L’OIF sert ainsi de vecteur pour étendre l’influence française (ou encore canadienne) et pour assurer l’accès aux marchés africains, rôle au moins aussi important que celui de contrepouvoir et d’aide mutuelle.
Cette domination extérieure passe notamment par les politiques néocoloniales qui se déploient dans la Françafrique, cet ensemble de pays où la France tente de maintenir le contrôle nécessaire au fonctionnement économique de multinationales françaises.
La francophonie canadienne, quant à elle, s’est bâtie d’une part sur une politique menée par l’Église catholique, où la langue était entremêlée à la religion, aux origines ethniques et à un projet de colonisation par l’agriculture.
D’autre part, elle repose sur une politique d’immigration canadienne qui a longtemps empêché l’arrivée de francophones non blancs. Cette francophonie est par conséquent fortement balisée, comprise en relation à des frontières nationales et religieuses.
Ces structures sont en changement, certes, mais elles ne se déferont pas du jour au lendemain – et surtout pas dans l’ignorance de leur pérennité.
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La Francophonie, un terrain pour l’internationalisme
L’idéal internationaliste est une manière de contrer ces définitions nationales et frontalières de la francophonie, et de donner à celle-ci un contenu engageant.
On trouve cet idéal dans l’engagement de la militante et philosophe communiste Rosa Luxemburg.
Son refus de la politique belliciste à l’aube de la Première Guerre mondiale montrait comment la mise en avant des différences nationales servait à empêcher une transformation du régime économique tout en permettant le maintien des visées impériales.
À la solidarité que les dominants maintenaient entre eux, elle opposait la solidarité possible des classes ouvrières de tous les pays, qui pourraient ensemble transformer les structures économiques qui favorisaient leur exploitation.
Une autre version de cet idéal se trouve dans le panafricanisme, un mouvement social et politique ainsi que culturel et intellectuel qui rassemble les personnes africaines et afro-descendantes dans un projet où les frontières s’estompent.
Il peut s’agir tant d’unir les pays d’Afrique que de créer des réseaux qui permettent de lutter pour se libérer des séquelles de l’esclavage et du colonialisme et de participer aux institutions communes ainsi transformées.
Au Canada, dans un contexte colonial différent, l’internationalisme passe d’abord par une reconnaissance de l’implantation coloniale de la francophonie, puis celle des distinctions nationales et de l’autodétermination des peuples autochtones. De là, une position non paternaliste de solidarité et de collaboration devient possible.
S’inspirer de l’internationalisme
Ces visions internationalistes combinent la lutte contre l’impérialisme et le colonialisme, mais ont également en commun l’idée que les frontières nationales servent avant tout à diviser pour mieux régner.
L’internationalisme peut nous inspirer dans la création de réseaux, dans la transformation de nos organismes, mais également dans notre manière de mettre en valeur la langue française.
Il ne s’agit pas de lui attribuer une valeur en soi, de l’ériger en vecteur de survie de certaines cultures, mais plutôt de créer de nouveaux liens, à l’encontre de ces liens qui existent entre ceux qui maintiennent la domination entre les pays et au sein des communautés.