Il y a des années, l’intimidation était identifiable et restreinte dans un espace donné – comme une cour d’école –, mais avec l’arrivée des réseaux sociaux, l’intimidation a dépassé ces frontières pour pénétrer dans l’intimité des personnes qui en sont victimes, c’est-à-dire chez soi, informe Michel Dorais, professeur retraité de l’Université Laval et sociologue de la sexualité.
Toutefois, la cyberintimidation comme les menaces de mort en ligne est «un acte criminel, donc il faut faire attention à ce qu’on écrit», alerte Stéphane Villeneuve, professeur à la faculté d’éducation au département de didactique scolaire à l’Université de Québec à Montréal et directeur du Programme en intégration du numérique en milieu scolaire.
Anxiété, dépression, suicide…
Mis à part le cadre légal, la violence en ligne «peut causer beaucoup de détresse, mais aussi beaucoup de sentiment d’insécurité et d’isolation», déclare Andréanne Deschamps, vice-présidente et directrice clinique de Jeunesse, J’écoute.
Le déferlement de haine sur les réseaux sociaux n’est pas à prendre à la légère. Il peut causer des problèmes de santé mentale, comme du stress, de l’anxiété, de la dépression ou des idées suicidaires et des troubles d’apprentissages pour les jeunes, ajoute Stéphane Villeneuve.
Les victimes peuvent ressentir des douleurs physiques comme un faible appétit, des maux de ventre, des problèmes de sommeil. Dans les cas les plus extrêmes, les jeunes peuvent commencer à consommer des substances illicites, explique le professeur.
Stéphane Villeneuve rappelle toutefois que les intimidateurs peuvent aussi souffrir de problèmes de santé mentale.
Comme parents et éducateurs, si ces signes apparaissent chez l’adolescent, il ne faut pas hésiter à ouvrir la conversation afin d’éviter d’aggraver la situation, informe Andréanne Deschamps.
En parler pour s’en sortir
Pour surmonter la cyberintimidation, Stéphane Villeneuve et Andréanne Deschamps incitent aussi les jeunes à en parler pour se libérer du fardeau et pour recevoir l’aide nécessaire.
Parmi les confidents, le professeur Villeneuve invite le jeune à se confier à ses parents qui doivent «se mettre vraiment en mode écoute et de non-jugement».
Dans le cas où la relation est compliquée, il y a des personnes formées pour leur venir en aide, comme «les psychologues scolaires et les travailleurs sociaux», précise-t-il.
Le service Jeunesse, J’écoute offre différents appuis aux jeunes, dont les victimes de cyberintimidation dans l’ensemble du territoire en anglais et en français.
Les jeunes peuvent appeler le service pour parler à cœur ouvert ou s’informer sur les ressources juridiques à proximité de leur domicile. Pour les jeunes qui préfèrent les textos, ils peuvent utiliser le service de clavardage avec un agent en direct.
Ces services permettent aux jeunes «d’avoir une perspective différente de quelqu’un qui n’est pas du tout là pour juger, mais vraiment essayer d’aider et à comprendre la situation», précise Andréanne Deschamps.
Stéphane Villeneuve appelle toutefois les jeunes victimes de cyberintimidation à prendre avec des pincettes les conseils de leurs amis, car ils «ne sont pas toujours les meilleures personnes outillées pour aider […], ils peuvent mettre de l’huile sur le feu encore plus».
L’éducation pour la prévention
Parmi les jeunes, 47,3 % des adolescents non binaires et transgenres déclarent avoir subi de la cybervictimisation.
La cybervictimisation est une action commise sur les plateformes en ligne dans le but de porter atteinte à autrui.
La cyberintimidation est la répétition des actes préjudiciaux sur autrui en ligne.
Source : Statistiques Canada
Ce pourcentage important révèle le manque de discussion sur la communauté LGBTQIA2S+ dans le système scolaire, mais aussi «beaucoup de désinformation, de mésinformation et d’ignorance», commente Michel Dorais.
Il faut conscientiser les jeunes et les adultes à connaitre et découvrir la différence, informe Michel Dorais, sociologue de la sexualité.
Mettre en place des exercices de sensibilisation permettrait de faire «accepter les autres jeunes et leurs parents aussi, parce qu’il y a des parents qui sont transgenres, non binaires aussi», considère-t-il.
Stéphane Villeneuve encourage, quant à lui, le développement de l’empathie chez les adolescents pour diminuer le phénomène de cyberintimidation chez les jeunes à long terme.
«C’est l’empathie qui fait vraiment que lorsqu’on écrit un commentaire à quelqu’un, avant de l’envoyer, on essaie de se mettre dans la peau de l’autre et de se dire “si je recevais ça, comment je me sentirais?”», précise le professeur.
Pour atteindre ces objectifs, l’uniformisation des formations dans les écoles est primordiale, indique Stéphane Villeneuve. Certains établissements invitent une personne victime de cyberintimidation ou un policier et d’autres choisissent d’en faire une activité de théâtre pour sensibiliser, raconte-t-il.
Mis à part les formations, il y a des enseignants qui n’ont pas assez d’informations sur la façon d’enseigner la sensibilisation face à la cyberintimidation, ajoute Stéphane Villeneuve.
Ainsi, pour assurer un environnement plus sain et sécuritaire pour les jeunes, il faut faire découvrir la diversité dans toutes ses formes, considère Michel Dorais.