Détresse psychologique, difficultés d’accès aux soins, manque de ressources des organismes communautaires ; les obstacles sont nombreux pour les nouveaux arrivants et la pandémie a aggravé la situation. Les organismes culturels, notamment de la francophonie canadienne, ont un rôle à jouer.
Les immigrants et les réfugiés ont-ils plus de risque de développer des problèmes psychologiques?
Les nouveaux arrivants ont généralement une meilleure santé mentale que le reste de la population canadienne. Cela s’explique notamment par les démarches d’immigration : seules les personnes les plus résilientes, qui ont le plus de ressources, réussissent à passer le processus de sélection et à émigrer avec succès au Canada.
Tout dépend bien sûr de leurs conditions d’accueil. S’ils vivent des expériences négatives ou sont victimes d’exclusion, de discrimination ou encore de déqualification professionnelle, le risque qu’ils développent des problèmes psychologiques est accru.
Pour les réfugiés qui ont vécu des guerres ou des persécutions, c’est encore différent. Ils sont plus vulnérables et clairement plus à risque d’avoir des problèmes de santé mentale.
La COVID-19 a-t-elle aggravé ce risque de détresse psychologique?
La pandémie a fragilisé tout le monde, y compris ceux qui avaient une bonne santé mentale.
Les nouveaux arrivants ont pu connaitre de grandes détresses, amplifiées par la distance avec leur pays d’origine. Ils ont pu vivre des expériences de deuil douloureuses avec des proches décédés à l’autre bout du monde. Là encore, le non-accès aux soins a pu aggraver ces situations.
Parmi les réfugiés, la crise sanitaire associée à l’isolement et à un sentiment ambiant de peur et de danger a pu réactiver des traumas vécus dans le passé. L’anxiété et l’incompréhension ont également été grandes chez les jeunes, surtout s’ils étaient fraichement arrivés au Canada.
La pandémie a mis à mal le développement social des adolescents : toutes leurs activités de socialisation, les rencontres avec les amis, les sports leur ont été enlevés.
Comment aider les immigrants et les réfugiés dont la santé mentale est fragilisée?
Je suis tout d’abord inquiète du manque d’aide en santé mentale. Il y a encore trop de résistances, trop peu de ressources humaines et financières accordées à ce secteur.
Cela étant dit, la téléthérapie est un bon moyen pour soutenir les immigrants en souffrance. En cette période troublée, où il peut être compliqué de se déplacer, elle facilite l’accès à l’aide pour celles et ceux qui ont une bonne connexion internet.
Si le problème de santé mentale s’avère important, le soutien psychologique à distance est en revanche insuffisant. La communication non verbale et les signaux émotionnels, fondamentaux dans le processus de guérison, se perdent en effet dans la téléthérapie.
Faut-il former les professionnels pour intervenir en santé mentale auprès des nouveaux arrivants?
C’est primordial de les former à la réalité des populations immigrantes et réfugiées, mais aussi de leur donner des formations en sensibilité culturelle et sécurité interculturelle.
Dans les organismes communautaires, il y a souvent des agents qui ont une bonne sensibilité culturelle, mais qui manquent de connaissances dans le domaine du travail social et de la psychologie.
À l’inverse, dans les milieux médicaux, les professionnels ne maitrisent pas toujours la réalité des populations immigrantes et réfugiées. À mon sens, la collaboration entre ces deux sphères doit être améliorée.