le Mercredi 10 Décembre 2025
le Mercredi 10 Décembre 2025 6:30 Politique

Les nouveaux pouvoirs de sanctions du commissaire aux langues officielles «ratent leur cible»

Pourquoi faire confiance à Francopresse.
Les sanctions administratives pécuniaires du commissaire aux langues officielles devraient s’étendre à toutes les entités fédérales de transport et devraient être bien plus élevées que 50 000 $, ont plaidé la FCFA, Droits collectifs Québec et le Parti conservateur.  — josh-nezon-unsplash
Les sanctions administratives pécuniaires du commissaire aux langues officielles devraient s’étendre à toutes les entités fédérales de transport et devraient être bien plus élevées que 50 000 $, ont plaidé la FCFA, Droits collectifs Québec et le Parti conservateur.
josh-nezon-unsplash

FRANCOPRESSE – Les amendes trop faibles et la gestion complexe sont les principales critiques formulées à l’égard du règlement qui donne de nouveaux pouvoirs au Commissaire aux langues officielles. Le règlement «rate sa cible», selon des spécialistes et le Parti conservateur, au Comité permanent des langues officielles, le 9 décembre.

Les nouveaux pouvoirs de sanctions du commissaire aux langues officielles «ratent leur cible»
00:00 00:00

Les mêmes critiques sont revenues plusieurs fois. Les montants des amendes ne sont pas assez élevés pour inciter la mise en place de vraies mesures de respect des deux langues officielles – le français surtout. Les délais de traitement d’une plainte sont trop longs. Le commissaire aux langues officielles est restreint par un processus administratif encore trop lourd.

«Les délais [pour passer par les autres processus de résolution du conflit avant la sanction pécuniaire, NDLR] sont au-delà de l’acceptable», a indiqué l’avocat général de Droits collectifs Québec, François Côté, qui a témoigné au Comité.

En d’autres termes, la sanction est trop peu et arrive trop tard dans le processus.

À lire aussi : De nouveaux pouvoirs de sanctions pécuniaires pour le commissaire aux langues officielles

Trois types d’amendes

Il y a trois types de sanctions prévues par le règlement. Le premier concerne les infractions liées aux services conventionnés et peut entrainer des amendes allant jusqu’à 25 000 $.

Les entorses aux obligations de communication et de services au public prévues à la partie IV de la Loi sur les langues officielles sont ciblés par des pénalités pouvant atteindre 50 000 $.

Enfin, les violations touchant la santé ou la sécurité du public seraient sanctionnées par des amendes variant de 5000 à 50 000 $.

Seuls Air Canada, VIA Rail, Marine Atlantique S.C.C. et les aéroports peuvent être sanctionnés.

«Pourquoi pas 1 million $?»

Les fonctionnaires de Patrimoine canadien ont défendu le règlement qu’ils ont rédigé contre les critiques des députés et des témoins. «Les sanctions administratives pécuniaires sont un pouvoir de dernier recours», a rappelé la sous-ministre de Patrimoine canadien, Julie Boyer.

Questionnée sur le plafonnement à 50 000 $ de l’amende maximale dans les règlements, notamment pour une entreprise comme Air Canada qui a un chiffre d’affaires de plus de 5 milliards de dollars, la sous-ministre Julie Boyer a affirmé que «le commissaire aux langues officielles peut appliquer cette sanction «à répétition».

Cependant, cette répétition est liée à la nature de la plainte, pas au nombre de personnes. Par exemple, si plusieurs personnes déposent une plainte en raison d’un manquement de service dans la langue officielle de leur choix, sur un même vol d’Air Canada, il s’agit d’une seule plainte. Celle-ci est donc sujette à l’imposition d’une seule amende.

«L’effet cumulatif peut grimper très vite si on regarde le nombre de trajets. C’est un tout nouveau régime, c’est une base. On va apprendre», a renchéri la directrice des Langues officielles au sein de Patrimoine canadien, Sarah Boily.

Selon l’avocat de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), Roger Lepage : «Pourquoi ne pas aller jusqu’à 1 million de dollars? Car la dissuasion doit être financière», a-t-il appuyé.

Madeleine Chenette, secrétaire parlementaire du ministre des Langues officielles, a expliqué qu’il y a d’autres moyens que le montant des amendes pour dissuader les entreprises qui enfreignent la Loi sur les langues officielles. Elle assure que la publicisation des plaintes pourrait aussi forger la réputation des entreprises ciblées par les sanctions.

Ces entreprises pourraient ainsi voir la confiance des voyageurs dégringoler en même temps que leur chiffre d’affaires.La question est de savoir si 50 000 $ est vraiment dissuasif. Ça pourrait le devenir si les sanctions étaient applicables pour chaque plainte

La question est de savoir si 50 000 $ est vraiment dissuasif. Ça pourrait le devenir si les sanctions étaient applicables pour chaque plainte. 

— Liane Roy, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA)

François Côté de Droits collectifs Québec a affirmé de son côté que le règlement «rate sa cible […] par la petitesse de sa portée, par manque de temps et de mordant». «Des montants de quelques milliers de dollars pour respecter les langues officielles, c’est ridicule» a-t-il fustigé.

À lire aussi : La Cour suprême poursuivie pour la non-traduction de ses anciennes décisions

Cibler plus d’entités

Par ailleurs, l’une des sept recommandations de la FCFA vise à étendre la portée du pouvoir de sanctions du commissaire à toutes les entreprises fédérales du domaine du transport qui offrent une expérience au public voyageur.

Selon Droits collectifs Québec, les sanctions devraient pouvoir être administrées à «toutes les institutions fédérales de la partie V de la Loi», essentiellement celle qui vise la langue de travail.

«C’était clair dans la loi, qui serait visé», a défendu Julie Boyer.

Le député du Bloc québécois, Mario Beaulieu, a affirmé qu’il était par ailleurs «illogique» de ne pas avoir assujetti les services de sécurité des aéroports aux sanctions du commissaire. Un argument également mis de l’avant par Droits collectifs Québec.

«On a considéré longuement la question», a affirmé Julie Boyer. Elle rappelle que ces services sont financés à 100 % par l’argent public. De ce fait, payer une amende avec cet argent n’aurait pas l’effet escompté de respect des Langues officielles.

Lourdeur administrative non résolue

La FCFA a relevé que le processus imposé au commissaire aux langues officielles était lourd. Ce dernier doit respecter un ensemble de critères et une méthodologie rigoureuse dans la rédaction des procès-verbaux liés à une plainte.

«C’est un frein plutôt qu’un encouragement à la sanction administrative pécuniaire», a fait valoir Liane Roy. 

Cette dernière a également énoncé plusieurs recommandations de la FCFA, dont la réduction de la durée des procédures, inclure des sanctions suffisantes et réviser les pouvoirs de sanctions du commissaire tous les cinq ans.

L’avocat de l’organisme francophone, John Mark Keyes, est allé encore plus loin en affirmant qu’il n’avait jamais vu un règlement aussi compliqué.

«Que se passe-t-il si on manque de mentionner tous les critères? […] Ce genre de détail donne les moyens de contestation pour attaquer le commissaire aux langues officielles en justice [par les entreprises]», relève-t-il.

«Vous avez la capacité de renforcer un pilier de la protection du français au pays. Il est crucial que vous saisissiez cette chance», a fait valoir Liane Roy, à l’adresse des députés du gouvernement.

À lire aussi : Plan d’action sur les langues officielles : le gouvernement a encore du pain sur la planche

Le règlement sur les pouvoirs du commissaire aux langues officielles n’est pas encore en vigueur. Contrairement à une loi, les députés ne votent pas un règlement. Le ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes, responsable des Langues officielles a le choix d’inclure ou non les recommandations des témoins.

Déclaration sur les sources et la méthode:

Déclaration IA : Le présent article a été rédigé par un/une journaliste sans l’aide d’outils de l’intelligence artificielle.

Données de parution:

Ottawa

Inès Lombardo

Francophonie canadienne

Adresse électronique: