Le coup de canon a retenti le 23 mars. L’élection canadienne a été lancée et les efforts des partis fédéraux pour rejoindre l’électorat canadien ont commencé. Un projet qui est largement passé par les plateformes de Meta, comme Facebook et Instagram.
Lors des quatre dernières semaines de la campagne électorale, entre le 30 mars et le 28 avril, le Parti conservateur du Canada (PCC) a dépensé 2,7 millions de dollars en publicité auprès du géant du numérique. La facture du Parti libéral du Canada (PLC) était semblable, s’élevant à 2,6 millions.
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Mark Carney en tête
Si le PCC est le parti qui a le plus dépensé, parmi les chefs, c’est le libéral qui l’emporte. Mark Carney a déboursé 1,4 million de dollars entre le 30 mars et le 28 avril, loin devant son principal adversaire, le conservateur Pierre Poilievre, qui a dépensé 8 200 dollars.
Toutes ces données sont toutes disponibles sur le site Web de Meta.
Il a malheureusement été difficile d’obtenir des données pour la première semaine de campagne, c’est-à-dire du 23 au 29 mars. Toutefois, les informations recueillies par Who Targets Me permettent de brosser le portrait suivant pour cette période :
- PCC = 721 156 $
- PLC = 694 341 $
- NPD = 28 428 $
- PVC = 13 598 $
- Mark Carney = 355 053 $
- Pierre Poilievre = 1 790 $
- Jonathan Pedneault = 68 $
- Yves-François Blanchet 0 $
- Elizabeth May = 0 $
- Jagmeet Singh = 0 $
Par courriel, le Bloc québécois confirme avoir dépensé au total 116 000 dollars sur les plateformes de Meta durant la campagne électorale.
Le parti s’était fixé l’objectif de doubler ce montant pour l’investir dans des médias imprimés, numériques, télévisuels et radiophoniques québécois. «Dans les faits, nous avons quasiment triplé nos investissements faits au cours de cette campagne dans ces médias», écrit un porte-parole du parti.
Des dépenses critiquées
L’achat de publicités auprès de Meta est un sujet controversé et politisé, notamment depuis que le géant bloque les médias d’information sur ses plateformes au Canada.
La Presse canadienne a recensé plus de 900 000 dollars de publicités achetées dans la semaine qui a précédé le déclenchement de l’élection. Ces dépenses ont été durement critiquées par la présidente de Réseau.Presse – l’éditeur de Francopresse et qui regroupe une vingtaine de médias francophones en milieu minoritaire –, Maryne Dumaine.
Ce n’était pas la première fois qu’elle se désolait de voir la classe politique canadienne privilégier Meta par rapport aux médias d’information, qui eux, souffrent d’un manque de revenus publicitaires.
En début d’année, lorsque le gouvernement fédéral a recommencé à acheter de la publicité chez Meta pour la première fois depuis le début du blocage des nouvelles sur ses plateformes, Mme Dumaine a relevé une «contradiction» de la part d’Ottawa. Car si Meta bloque les médias, c’est parce qu’elle refuse de se soumettre à la Loi canadienne sur les nouvelles en ligne.
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Les radios communautaires ont aussi dénoncé les 900 000 dollars dépensés avant la campagne. Dans un communiqué, l’Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec (ARCQ), l’Alliance des radios communautaires du Canada (ARCC) et l’Association des radios régionales francophones (ARRF) parlent d’une «incohérence des partis politiques fédéraux».
Elles estiment que les médias locaux auraient pu se partager la somme et rappellent que tous les partis soutiennent l’achat local, «un sentiment de patriotisme qui ne semble pas atteindre les politiciens dans leurs achats de publicités», peut-on lire dans leur déclaration.
Quebec Community Groups Network (QCGN) n’a pas souhaité commenter, mais dit par courriel qu’il comprend «que les campagnes politiques se déroulent de plus en plus sur les médias sociaux et que les partis intelligents doivent aller là où se trouvent les gens», faisant référence aux réseaux sociaux.
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«Rien de significatif», dit le NPD
«Nous avons délibérément investi beaucoup plus (des millions de dollars, NDLR) dans la télévision numérique, les services de diffusion en continu et la vidéo en ligne plutôt que sur les plateformes de Meta», assure de son côté un porte-parole du Nouveau Parti démocratique (NPD) dans une réponse par courriel. Selon lui, en comparaison, les dépenses du parti sur Meta ne représentent «rien de significatif».
Les partis conservateur, libéral et vert n’avaient pas répondu à nos questions au moment d’écrire ces lignes.
Les dépenses d’Élections Canada
Selon ses rapports préliminaires, Élections Canada a dépensé environ 1,4 million de dollars en publicité auprès de Meta pendant la campagne. Grâce aux données disponibles sur le site du géant américain, il est possible de constater que la page en français d’Élections Canada affiche des dépenses bien moins importantes que la page en anglais, «Elections Canada», qui fait état de plus d’un million de dollars.
«Le ratio de l’investissement des publicités dans les 2 langues officielles est représentatif de la population canadienne», explique l’institution dans une réponse par courriel.
Parmi les plateformes numériques étrangères où Élections Canada investit en publicité pour «s’assurer que tous les Canadiens disposent de l’information dont ils ont besoin pour s’inscrire et voter», Meta capte 9 % du budget, tandis que YouTube détient 5 % des parts.
Ces géants américains permettent de «joindre des clientèles moins exposées aux médias traditionnels et/ou médias canadiens», des clientèles spécifiques et de livrer beaucoup d’information (notamment dans une vidéo YouTube), justifie Élections Canada.
«Élections Canada privilégie les médias canadiens», écrit Élections Canada. 74 % des dépenses publicitaires prévues leur sont destinées.