Les débats sur les «témoins pleins de marde» et le Québec bilingue occasionnés par les députés libéraux Francis Drouin et Angelo Iacono ont amplifié la discussion sur la défense du français.
Si les élus ne sont pas tous d’accord sur le diagnostic et la manière de régler l’enjeu, le besoin d’agir fait consensus.
«Pour les francophones hors Québec, je considère [que le gouvernement] devrait en faire beaucoup plus», statue le porte-parole du Bloc québécois en matière de langues officielles, Mario Beaulieu. Il rappelle que les chiffres du dernier recensement de Statistique Canada démontrent un déclin de leur poids démographique partout au pays.
«Je pense que tous les francophones doivent être solidaires contre le déclin du français et on va continuer à travailler encore davantage avec les communautés francophones et acadiennes», ajoute-t-il.
À lire aussi : Ottawa : le français au cœur d’une session parlementaire tendue
Une règlementation qui se fait toujours attendre
La porte-parole néodémocrate en matière de langues officielles, Niki Ashton, presse quant à elle le gouvernement de présenter le règlement d’application de la nouvelle Loi sur les langues officielles : «Le projet de loi est essentiel, mais relié à ça, on a besoin de financement, de soutien.»
Le ministre fantôme des langues officielles du Parti conservateur, Joël Godin, trouve aussi le gouvernement libéral lent, surtout à l’égard de la règlementation de la nouvelle Loi.
«C’est notre travail de défendre les langues officielles, parce que moi je ne mets pas en opposition l’anglais et le français. Je veux défendre les deux langues officielles et le français est la langue vulnérable, alors c’est à elle qu’il faut investir beaucoup d’énergie.»
L’immigration francophone
Joël Godin rappelle que le Comité a mené une étude sur ce thème et a «réussi à mettre dans un rapport l’obligation au ministère de l’Immigration de trouver des solutions pour augmenter les cibles en immigration francophone».
Le député libéral Darrell Samson, qui siège au Comité, est d’accord : il faut plus d’immigration francophone. C’est d’ailleurs un dossier dont il a discuté en privé avec le ministre de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté, Marc Miller. «Ma discussion avec le ministre [en juin] m’avise qu’on devrait être très solide pour réaliser la cible cette année, et même la dépasser.»
En novembre 2023, Marc Miller a annoncé de nouvelles cibles progressives : 6 % en 2024 et 8 % en 2026.
La nouvelle a été plutôt mal accueillie par les organismes francophones, qui demandaient une cible plus ambitieuse. «On a juste pris une approche différente», explique Darrell Samson, qui était lui aussi «un peu déçu» sur le coup.
«On donne un minimum et on s’assure de réaliser le minimum comme on ne l’a jamais fait pendant 20 ans. Si on réussit, les gens seront encore plus fiers.»
À lire aussi : Immigration francophone : un comité parlementaire suggère d’augmenter la cible à 12 % immédiatement
L’éducation en français
«J’ai proposé une étude sur le continuum en éducation que l’ensemble des organismes réclament depuis plusieurs années. On a réussi à le faire accepter par le Comité des langues officielles. Alors ça, pour moi, c’est une victoire», dit Joël Godin.
«Le résultat final est que des familles à travers l’Ouest canadien qui veulent, soit comme ayant droit soit comme anglophones, que leurs enfants apprennent le français n’ont pas la possibilité [de le faire].»
«Le financement doit être là pour le secteur de petite enfance, l’éducation et le postsecondaire en français, ajoute-t-elle. On est préoccupé que les établissements postsecondaires n’aient toujours pas le financement stable, adéquat et à long terme dont ils ont besoin.»
Le Comité a quasiment terminé son étude sur le financement fédéral pour les institutions postsecondaires de la minorité de langues officielles, rappelle Darrell Samson, qui admet que «nos universités ont besoin d’aide».
C’est un dossier chaud pour Mario Beaulieu, qui estime que les établissements postsecondaires anglophones au Québec sont surfinancés.
À quelques reprises lors de réunions du comité, il a critiqué le fait que leur financement était disproportionnellement élevé par rapport à leur poids démographique, alors que le contraire prévaut pour les francophones hors Québec.
À lire aussi : Postsecondaire : le fédéral n’assume pas toutes ses responsabilités
Financement et développement économique
«Les promesses pour adopter des mesures pour protéger le français au Québec, c’était de la poudre aux yeux. Par exemple, le programme d’appui aux langues officielles au Québec continue essentiellement à appuyer l’anglais, on ne voit pas de changement», déplore encore l’élu.
À l’extérieur du Québec, «le gouvernement a fait un investissement supposément de 300 millions [de dollars] supplémentaires aux organismes en milieu minoritaire pour leur permettre d’être plus outillés et de faire leur travail. Je peux vous dire que les organismes courent après cet argent-là, ils n’en voient pas la couleur», assure Joël Godin.
À lire aussi : Les finances des organismes toujours dans le rouge
Le Comité mène une étude sur le développement économique des communautés de langue officielle en situation minoritaire qui, selon Darrell Samson, «va donner d’autres outils importants pour faire avancer vers le progrès puis les objectifs de C-13», devenu la nouvelle Loi sur les langues officielles.
«On n’a pas eu le temps de la finir à cause du dégât avec nos collègues, déclare-t-il en faisant référence aux débats entourant Francis Drouin et Angelo Iacono. Mais on est prêts à finaliser celle-là.»