C’est avant tout la promesse de quitter la politique faite à sa conjointe qui aurait motivé sa décision.
«S’il y a une promesse qu’un politicien doit tenir, c’est bien celle qu’il fait à sa conjointe», plaisante à moitié le député de Glengarry—Prescott—Russell, qui a annoncé son intention à la fin juillet.
Élu en 2015 en même temps que son chef, le premier ministre Justin Trudeau, il reconnait neuf ans plus tard que la baisse de sa «passion» et de sa «patience» y sont aussi pour quelque chose.
Francis Drouin fait notamment référence au Comité des langues officielles du 6 mai dernier, où il s’était emporté contre deux témoins venus s’exprimer sur le financement fédéral des établissements postsecondaires de la minorité anglophone du Québec.
La tempête politique qui en a découlé a duré des semaines. De «plein de marde» aux «propos extrémistes», les éléments de langage du politicien avaient volé la vedette ce jour-là.
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Défense féroce de la francophonie minoritaire
Francis Drouin se dit usé par certains points de vue exprimés durant le comité. Le chercheur indépendant, Frédéric Lacroix, et le professeur membre du Regroupement pour le cégep français, Nicolas Bourdon, avaient notamment assuré que les personnes qui étudient dans un collège ou une université anglophone seraient davantage amenées à vivre en anglais.
En réaction à ses propos, le Bloc québécois et les conservateurs avaient demandé sa démission de la présidence de la section canadienne de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF).
Ces témoignages mettaient selon lui de l’avant la vision d’une «petite minorité québécoise», «très nationaliste» qui mine la francophonie minoritaire. «L’un des témoins [invités au Comité le 6 mai, NDLR] n’a jamais dit qu’il était candidat en 2015 pour le Bloc québécois», raille le député.
L’invitation des deux témoins en question avait d’ailleurs été suggérée par le Bloc québécois, souligne-t-il.
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S’il reconnait avoir «manqué de patience», c’est aussi parce qu’il pense que «ce n’est pas au Canada seul, mais à l’espace francophone [international] dans son ensemble de se pencher sur le sujet des minorités francophones».
Sur les «321 millions de locuteurs francophones dans le monde, nous sommes minoritaires. Si on ne commence pas à traiter de cette question-là sérieusement, j’ai peur que la langue soit menacée dans le futur, car nos jeunes [francophones] consomment tous du contenu anglophone sur les plateformes»
«Pas le choix de passer par l’immigration» pour maintenir la francophonie
Francis Drouin estime qu’il laissera une francophonie qui n’est pas «statique tout le temps». «Oui notre poids démographique a diminué, c’est pourquoi on a voulu rétablir celui de 1971 dans la loi C-13 [la modernisation de la Loi sur les langues officielles adoptée en juin 2023, NDLR].»
Pour lui, l’élément sur lequel les politiciens doivent continuer d’insister reste le même : favoriser l’immigration. «Il y a des jeunes de moins de 25 ans qui vont représenter de 50 à 60 % de la population francophone», indique-t-il.
Le président sortant de l’APF assure qu’un projet sur la mobilité de la main-d’œuvre sera présenté aux chefs d’État au prochain Sommet de la francophonie. La question de l’amélioration des visas et des programmes francophones au Canada est aussi sur la table, dit-il, autant au fédéral qu’au niveau des provinces.
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Des comptes à demander sur l’immigration francophone
Selon lui, certaines provinces comme le Nouveau-Brunswick sont par contre à la traine. Il s’inquiète de Blaine Higgs, «un anti-francophone» qui ne s’en cache pas.
Côté fédéral, «on n’a pas été bons jusqu’à il y a à peu près trois ans. Ça a pris un peu trop de temps, mais au moins, il y a du progrès de ce côté. Il faut donner les outils et les budgets!»
Après son départ de la politique, Francis Drouin compte s’impliquer dans sa communauté francophone à sa façon. «Ma conjointe est anglophone, mais comprend très bien l’importance de garder ma langue, donc mon fils va à l’école en français. Je continuerai d’appuyer nos institutions francophones chez nous.»
Au-delà de ce principe, le député franco-ontarien n’a «aucune idée de ce qu’[il] va faire par la suite». «J’ai deux priorités : sortir de ma zone de confort et m’assurer que j’ai assez de temps pour le passer en famille.»
Garder un lien avec la politique peut-être? «Je vais y réfléchir. La politique est la grande université du monde, on y apprend toutes sortes de choses. J’espère avoir encore un an pour le faire!»
«Rehausser» l’image libérale
Questionné sur la faible popularité de son parti et de son chef, Francis Drouin n’émet aucune critique, mais il admet que «l’équipe de M. Trudeau a beaucoup de travail à faire pour rehausser son image, car les Canadiens ont perdu de l’attachement au premier ministre».
L’équipe libérale devra également démontrer qu’elle «a un plan», car le «chef de l’opposition officielle a fait un bon job pour pointer du doigt tous les problèmes et les attribuer à Justin Trudeau».
Il ne donne néanmoins pas Pierre Poilievre gagnant des prochaines élections, puisqu’il n’a «pas de plan concret» sur des «questions existentielles», comme la taxe carbone.
«Je ne dis pas que le nôtre est parfait, mais on en a un. Ce sont nos enfants qui vont ressentir l’impact de nos décisions et je trouve ça triste que des politiciens n’aient pas le culot d’avoir ces conversations d’adultes».