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le Samedi 4 juin 2022 7:00 Politique

Niki Ashton, une voix multilingue pour la justice sociale

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La députée Niki Ashton. — Photo : Courtoisie/Montage Francopresse
La députée Niki Ashton.
Photo : Courtoisie/Montage Francopresse
FRANCOPRESSE – Niki Ashton s’est lancée en politique pour «défendre les droits humains». Depuis 2008, elle siège comme députée du Nouveau Parti démocratique (NPD) de la circonscription fédérale de Churchill–Keewatinook, qui couvre tout le nord du Manitoba. Elle se dit aujourd’hui «préoccupée» par la situation de la langue française au Canada.
Niki Ashton, une voix multilingue pour la justice sociale
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Née au Manitoba, Niki Ashton est la fille de Steve Ashton, un Anglais qui a été ministre provincial des Transports et des Infrastructures sous le premier ministre manitobain Greg Selinger, et de Hariklia Dimitrakopoulou, une militante féministe grecque.

«Le grec est ma langue maternelle, mais je suis allée à l’école d’immersion française, explique Niki Ashton. Mes parents nous ont enseigné l’importance des langues à mon frère et moi, vu l’aspect bilingue et multiculturel du Canada, avec un respect marqué pour les Autochtones.»

Niki Ashton et Lillian Cook (à droite), une militante qui travaille avec les grands-mères et les familles de la Première Nation de Sagkeeng, en aout 2021.

Photo : Courtoisie Niki Ashton

En plus de maitriser le français, la députée parle aussi l’anglais, le mandarin, l’ukrainien, le russe et le turc, en plus de posséder des notions de cri. «Plusieurs de nos communautés, ici dans le Nord du Manitoba, parlent le cri, et je veux pouvoir interagir un minimum avec elles», assure la députée.

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Faire le saut en politique

Niki Ashton a commencé sa carrière politique à l’âge de 23 ans. Elle voulait se présenter sous la bannière néodémocrate parce qu’elle souhaitait défendre son idéal de justice sociale.

Or, en 2005, la députée néodémocrate Bev Desjarlais de la circonscription fédérale manitobaine de Churchill (aujourd’hui Churchill–Keewatinook) s’est fait expulser de son parti pour avoir voté contre le mariage entre personnes de même sexe, s’opposant ainsi à son chef.

L’occasion était tout indiquée pour Niki Ashton, qui a réussi à être choisie pour représenter le NPD à l’élection suivante. Malheureusement pour elle, le vote néodémocrate s’est trouvé divisé entre elle et Bev Desjarlais, qui s’est présentée comme candidate indépendante. En conséquence, la circonscription de Churchill a été ravie par les libéraux.

À l’élection suivante, en 2008, Niki Ashton a cependant pu faire son entrée comme députée néodémocrate à la Chambre des communes.

Porte-parole francophile

Niki Ashton lors de son assermentation à la Chambre des communes en 2021.

Photo : Courtoisie Niki Ashton

Après un baccalauréat en économie politique mondiale à l’Université du Manitoba et des études au Collège du monde uni Li Po Chun de Hong Kong, Niki Ashton obtient une maitrise en affaires internationales à l’Université Carleton, à Ottawa.

«Les affaires internationales m’ont toujours intéressée. Puis j’ai été impliquée dans la politique, dès mon jeune âge, avec mes parents. Mais je voulais suivre mon propre parcours, alors je me suis engagée dans le travail sur les droits de la personne».

Poussée par plusieurs groupes militants dans ce domaine, Niki Ashton s’est lancée à deux reprises dans la course à la chefferie du NPD, mais sans succès.

Malgré ces défaites, elle occupe une place importante au sein du NPD. Au cours de ses 14 ans comme députée, elle a été porte-parole parlementaire de son parti pour notamment le développement communautaire, le développement rural, la jeunesse, l’alphabétisation, la condition féminine, les Affaires indiennes et du Nord canadien, et les Affaires autochtones.

Ma priorité, c’est de me battre pour mes [électeurs]. Le Nord du Manitoba est une région plus résiliente et plus marginalisée, où les impacts de la colonisation sont clairs.

— Niki Ashton, députée manitobaine de la circonscription fédérale de Churchill–Keewatinook

Au fil de sa carrière politique, Niki Ashton a siégé à plusieurs comités de la Chambre des communes. Elle est d’ailleurs actuellement membre du Comité des langues officielles.

À ce titre, elle a pu interroger il y a quelques mois le président et chef de la direction d’Air Canada, Michael Rousseau, critiqué pour son unilinguisme anglais alors qu’il dirige une entreprise fédérale soumise à la Loi sur les langues officielles. La députée Ashton a pu le soumettre à un interrogatoire serré.

«Cette situation est inacceptable! s’insurge Niki Ashton. Le PDG d’Air Canada avait l’air presque fier de ne pas parler le français. Et cette entreprise, qui reçoit des enveloppes non négligeables du gouvernement pendant la pandémie, trouve normal [que son PDG] ne parle pas le français.»

Unilinguisme au Canada : une question de «culture qui doit changer»

Niki Ashton à la Chambre des communes.

Photo : Courtoisie Niki Ashton

«Le recul du français au Canada aujourd’hui me préoccupe. On voit que même au sein du gouvernement, la réflexion doit être engagée, quand de hauts fonctionnaires ne sont pas bilingues», déplore-t-elle.

La députée se dit prête à défendre le bilinguisme bec et ongles : «Pour moi, c’est une question de culture qui doit changer. Il faut que le gouvernement force les compagnies à respecter le projet de loi C-13 [sur la modernisation des Langues officielles].»

«Je trouve que l’accent est une excuse [pour éviter de parler une langue]», ajoute-t-elle. Elle cite son propre exemple : «Je suis francophile, j’ai un accent. Mais je saisis l’occasion d’améliorer mon français dès que je peux. Il faut parler.»

Son raisonnement «vaut aussi pour la lieutenante-gouverneure générale du Nouveau-Brunswick, assène-t-elle. On ne peut pas utiliser C-13 comme une réponse à tout. Quand il s’agit de nominations à des postes-clés, surtout dans la seule province officiellement bilingue, ce type de décisions revient au premier ministre.»

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Éduquer la prochaine génération en français

Niki Ashton défend le français jusque dans son propre foyer. Mère de jumeaux en bas âge, elle doit composer avec «un défi dans l’accès aux garderies francophones. On sait qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre en éducation dans les services de petite enfance, mais on ne voit pas que ce dossier est une priorité au gouvernement fédéral et cela doit changer.»

Dans ma circonscription, j’ai travaillé avec la garderie francophone, mais nous n’avons pas trouvé de solution parce que ce n’est pas la priorité du gouvernement, en dehors du Québec. Si on est sérieux pour éduquer la prochaine génération en français dans les communautés en situation minoritaire au Canada, il faut s’attaquer à ce problème.

— Niki Ashton, députée manitobaine de la circonscription fédérale de Churchill–Keewatinook

Selon elle, la solution, qui repose sur une «volonté politique», est multiple. La députée évoque par exemple un soutien solide de l’éducation des jeunes enfants «en général, mais particulièrement en français», des clauses linguistiques claires dans les ententes entre le gouvernement fédéral et les provinces, et le recrutement dans les services francophones pour la petite enfance.

Elle insiste sur un autre point : l’immigration est essentielle au Canada francophone. «Le Canada est en train d’échouer ses buts en immigration francophone. Il faut remédier à cela», conclut-elle.

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«Mon siège de député.e» est une série de portraits des député.e.s francophones, francophiles, francocurieux et francocurieuses du Canada. Ces élu·es ont accepté de se prêter au jeu et de s’ouvrir quant aux enjeux qui leur tiennent à cœur, qu’il s’agisse de la place du français à la Chambre des communes ou de tout autre sujet d’importance dans la société canadienne.

Inès Lombardo

Correspondante parlementaire

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