L’idée derrière cette enquête développée par Statistique Canada et Patrimoine canadien est de brosser un portrait juste des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) et d’évaluer les impacts des politiques publiques dans ces communautés.
La dernière et seule du genre date de 2006. En 2019, l’Institut canadien de la recherche sur les minorités linguistiques (ICRML) et plusieurs organismes de langue officielle minoritaire ont envoyé une lettre conjointe à plusieurs politiciens pour réclamer une nouvelle enquête postcensitaire sur les CLOSM.
«Plus loin que le recensement»
Les chercheurs qui étudient de près les CLOSM estiment que cette enquête va «plus loin que le recensement, avec des variables plus précises sur les dynamiques linguistiques au pays», soutient Éric Forgues, directeur de l’ICRML.
«On veut savoir combien de personnes constituent ces populations, où elles sont, leurs pratiques linguistiques dans les différents milieux ; de travail, domestiques, culturels, comment ils perçoivent la langue au sein de leur communauté…»
Des questions supplémentaires figurent au nouveau questionnaire, car plusieurs dossiers ont évolué depuis l’Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle de 2006. Éric Forgues mentionne notamment l’immigration dans les milieux minoritaires : «Ce volet sera plus développé. On va savoir par exemple si les nouveaux arrivants ont bien reçu les services d’immigration» qui peuvent les aider dans leur établissement.
L’enquête est financée à hauteur de 7,5 millions $ par le gouvernement fédéral, affirme Statistique Canada lors d’échanges de courriels avec Francopresse. Selon l’organisme, «[ce montant] ne vient pas du Plan d’action sur les langues officielles [2018-2023] ; il s’agit plutôt d’un financement unique».
Dans les provinces, la collecte de données s’effectuera du 16 mai au 30 septembre 2022 et du 22 aout au 30 novembre 2022 dans les territoires. Les résultats devraient être diffusés vers la fin de la première moitié de 2024 d’après un courriel de l’organisme. Dès la publication des résultats, des chercheurs commenceront leur analyse.
Des invitations à participer à l’enquête ont été envoyées par courriel ou par la poste et la participation est volontaire. Les chercheurs espèrent pouvoir jauger le niveau d’engagement des francophones hors Québec ou des anglophones au Québec dans leur communauté.
L’enquête comporte entre autres des questions sur le sentiment d’appartenance à la communauté et sur la façon dont les gens perçoivent leur langue.
«On pourra voir à quel point les gens s’engagent dans des organismes francophones en contexte minoritaire, même chose du côté des anglophones au Québec», souligne Éric Forgues.
L’enquête comporte des questions sur les thèmes suivants :
- les compétences linguistiques ;
- la scolarité ;
- les services à la petite enfance ;
- le sentiment d’appartenance à la communauté ;
- l’utilisation de la langue dans la sphère publique ;
- les services et les soins de la santé ;
- les services gouvernementaux ;
- les arts et la culture ;
- le marché du travail.
Investir plus stratégiquement
Par ailleurs, le directeur de l’ICRML rappelle que l’enquête est faite «pour s’assurer que dans 30, 50 ou 100 ans, il y ait toujours des communautés francophones en situation minoritaire qui aient une certaine vitalité».
Le frein actuel, qui est aussi la cause du déclenchement de l’enquête, c’est que le gouvernement «investit des milliards de dollars dans les politiques linguistiques sans en évaluer l’impact» lance Éric Forgues. L’enquête pourra servir à l’élaboration de Plans d’action pour les langues officielles.
À lire aussi : Des consultations sur le tard pour les langues officielles
Sylvia Martin Laforge, directrice du Quebec Community Groups Network (QCGN), qui représente les anglophones en situation minoritaire au Québec, confirme que l’enquête de 2006 leur avait permis de réaliser que la communauté anglo-québécoise ne recevait pas un traitement équitable, comparativement à la communauté franco-québécoise.
«À force de surveiller les renseignements et d’écouter la communauté, le gouvernement a réussi à mieux cerner les besoins dans ce domaine», estime-t-elle.
Éric Forgues insiste encore sur l’importance de cet outil : «[Le projet de loi de modernisation de la Loi sur les langues officielles] dit explicitement que les politiques linguistiques, surtout les mesures positives, devraient être appuyées par les recherches et de la consultation… Si c’est dans la loi, les données [de l’enquête] vont redoubler d’importance».