L’immigration touche à des problèmes très concrets : maintenir ou même augmenter la proportion actuelle des francophones hors Québec pour assurer la vitalité des communautés en situation minoritaire, ainsi que contribuer à résoudre la pénurie de main-d’œuvre, une épine de plus en plus présente dans toutes les économies au pays.
«Il faut augmenter le pourcentage d’immigration francophone et peut-être cibler davantage certaines catégories d’emplois pour combler les besoins qu’on a dans les régions», revendique la directrice générale de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE), Marie-Claude Rioux.
Du côté de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), on souhaite que la province obtienne davantage de pouvoir dans ce secteur.
«Comme le Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue au Canada, elle se doit d’avoir une plus grande autonomie en immigration pour s’assurer qu’effectivement, le poids démographique des francophones ne diminue pas», avance le président de l’organisme, Alexandre Cédric Doucet.
La Société nationale de l’Acadie (SNA), qui regroupe les principaux organismes francophones des quatre provinces de l’Atlantique, place également l’immigration en priorité.
Depuis le début de la campagne électorale, la SNA sollicite les partis fédéraux pour qu’ils s’engagent à rétablir et à augmenter le poids démographique des parlants français en Atlantique par le biais de l’immigration francophone.
La présidente de l’organisme, Louise Imbeault, note qu’il existe bien des cibles fédérales et certaines provinciales, «mais ces cibles n’ont jamais été atteintes. Donc, il faut une volonté et les moyens pour y arriver».
La question linguistique, une «non issue» pour les partis?
La modernisation de la Loi sur les langues officielles est un autre dossier qui interpelle les organismes de l’Atlantique consultés.
La revendication générale, qui épouse celle de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, veut que les partis politiques s’engagent à déposer à nouveau un projet de loi dans les 100 premiers jours d’un éventuel gouvernement.
La Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador (FFTNL) en fait son principal cheval de bataille, mais le court délai électoral l’a empêché de formuler des revendications formelles. L’organisme dit s’aligner avec la FCFA pour ses demandes envers les différents partis.
La SANB exige quant à elle que la mise en œuvre de la future Loi modernisée soit effectuée par le Conseil du Trésor, et non par Patrimoine canadien, et qu’il y ait une obligation de consulter les communautés de langues officielles en situation minoritaire lorsqu’il y a des transferts de fonds du fédéral aux provinces.
En Nouvelle-Écosse, les lacunes de la mise en œuvre de la Loi, décriées depuis des années, se font particulièrement sentir du côté de l’offre active dans les services en français.
Selon la directrice générale de la FANE, cette offre n’atteint même pas 10 % dans les bureaux fédéraux de la province. Marie-Claude Rioux souligne les nombreux efforts pour rectifier la situation n’ont connu que des échecs, ce qui la rend désabusée face à la volonté politique.
«Faut se dire les vraies choses : la question linguistique n’est pas une priorité pour aucun des partis, tous gouvernements confondus, indique-t-elle. On est une “non issue”. Faut pas se donner plus d’importance qu’on en a. On n’en a pas. Point. Et encore moins maintenant.»
Marie-Claude Rioux convient toutefois que plusieurs partis ont pris de bons engagements sur la question pendant cette campagne.
Parmi ces engagements, le Parti libéral promet dans son programme électoral de réintroduire dans les 100 jours d’un éventuel nouveau mandat son projet de loi mort au feuilleton en raison du déclenchement des élections.
La plateforme du Parti conservateur souligne de son côté qu’une «mesure législative pour moderniser la Loi» sera présentée, et que celle-ci inclura entre autres que le Conseil du Trésor soit chargé de la mise en œuvre.
De son côté, le NDP s’engage aussi à présenter dans les 100 premiers jours une Loi modernisée, mais pas nécessairement la même que celle les libéraux.
Relance économique et culturelle postpandémique
Autre dossier d’importance : la relance post-COVID. Les principaux organismes francophones de la région revendiquent que cette relance inclue des secteurs qui ont été secoués par la pandémie dans les communautés acadiennes et francophones, dont la santé mentale, la petite enfance et le postsecondaire.
Louise Imbeault, de la SNA, critique nommément la volonté des conservateurs de remplacer le programme de garderies à 10 $ annoncé par les libéraux avant les élections par un système de crédit d’impôt.
Dans la même veine, la fragilité des organismes eux-mêmes inquiète particulièrement la Société acadienne et francophone de l’Île-du-Prince-Édouard (SAF’Île) : «Les organismes communautaires en situation minoritaire qu’on représente [mettent de l’avant] la question de pénurie de main-d’œuvre dans les secteurs-clés […] santé, éducation, culture et petite enfance», affirme la directrice générale, Isabelle Dasylva-Gill.
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De concert avec la FCFA, les organismes de l’Atlantique ont rencontré plusieurs candidats des différents partis afin de faire connaitre leurs demandes. D’autres rencontres sont prévues d’ici la fin de la campagne électorale.