Premier de deux articles sur les difficultés financières liées à la crise du coronavirus dans les médias communautaires.
Cette chute de revenus est associée à une demande accrue pour des sources d’information fiables en français en temps de crise. Dans les dernières semaines, tous les membres de l’Association de la presse francophone (APF), un réseau de journaux de langue française publiés au Canada, à l’extérieur du Québec, ont connu une augmentation majeure de l’achalandage sur leur site Web et leurs réseaux sociaux.
«On est en milieu minoritaire, il y a une soif d’information de la part des francophones. Il faut être là pour les desservir. Encore faut-il en avoir les moyens. Il faut s’assurer d’avoir les moyens de nos ambitions», souligne l’éditeur-directeur général du journal l’Acadie Nouvelle au Nouveau-Brunswick et président du conseil d’administration de l’APF, Francis Sonier.
Les mesures annoncées le 25 mars 2020 par le ministre du Patrimoine canadien, Steven Guilbeault, afin d’appuyer les médias durant cette crise ont été accueillies froidement par des intervenants du secteur. On se souviendra de la critique virulente du président de Médias d’Info Canada, Bob Cox, à ce sujet. De nouvelles mesures d’aide aux entreprises, auxquelles sont admissibles les médias communautaires, ont depuis été annoncées par le gouvernement Trudeau.
Moins de ressources, autant de défis
Avant même la crise de la COVID-19, le secteur des médias était confronté à d’importants défis, notamment liés à la compétition avec les géants du Web pour les revenus publicitaires et, pour plusieurs, aux ajustements associés à un virage numérique de plus en plus important.
Les médias communautaires francophones au Canada font aussi face à des défis particuliers du fait qu’ils œuvrent en milieu minoritaire. Marie Hélène Eddie, détentrice d’un doctorat en sociologie de l’Université d’Ottawa, a fait le point sur ces défis lors d’une comparution devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles en mars 2018.

«Ils sont plus petits et ont moins de ressources financières et humaines que plusieurs autres médias au pays. Ils ont aussi des lectorats et des auditoires plus petits et souvent dispersés sur un plus grand territoire, ce qui cause des défis de livraison des journaux, mais aussi, par exemple, des défis en ce qui a trait à l’attente des publics quant au contenu des médias. Certains subsistent aussi dans un contexte de concentration de la presse et doivent faire concurrence à des conglomérats. Enfin, ils servent des communautés de langue officielle en situation minoritaire qui sont déjà en mode de survie», a défendu Marie Hélène Eddie devant le comité.
Le ministre Guilbeault reconnait l’importance de tenir compte de cette réalité distincte des médias francophones à l’extérieur du Québec.
«Dans l’élaboration des mesures que nous avons mises de l’avant et que nous allons mettre de l’avant, c’est important pour nous de tenir compte de la réalité de l’ensemble des médias, petits, moyens et grands. Les besoins des médias communautaires francophones en situation minoritaire ne sont pas les mêmes que ceux du Devoir au Québec, du Toronto Star, de Cogeco ou de Corus. Ces médias ont des réalités qui sont très différentes», a convenu le ministre du Patrimoine canadien en entrevue avec Francopresse.
Parmi les mesures mises de l’avant par le gouvernement fédéral, notons entre autres la Subvention salariale d’urgence du Canada, qui offre un financement de 75 % du salaire des employés, et un prêt sans intérêts pouvant atteindre 40 000 $ provenant du Compte d’urgence pour les entreprises.
Des inquiétudes persistent quant aux critères d’admissibilité à ces mesures et à la vitesse à laquelle l’argent va être déployé. Des délais de 3 à 6 semaines sont à prévoir avant de voir la couleur de l’argent pour certains programmes, alors que les besoins sont immédiats.