le Mercredi 25 juin 2025
le Mercredi 25 juin 2025 6:30 Chroniques et éditoriaux

Bonjour Gemini, au revoir nouvelles sur la francophonie

Pourquoi faire confiance à Francopresse.
Google s’apprête à inonder ses services avec son grand modèle de langage, Gemini.  — Photo : Solen Feyissa – Unsplash
Google s’apprête à inonder ses services avec son grand modèle de langage, Gemini.
Photo : Solen Feyissa – Unsplash
FRANCOPRESSE – Si vous utilisez Google, vous l’avez surement remarqué. Au début de juin, l’«aperçu généré par l’IA» est apparu de façon permanente comme première réponse aux requêtes. Cet outil, aussi utile ou désastreux qu’il s’avèrera être, est un danger pour les médias et la qualité des réponses à vos questions.
Bonjour Gemini, au revoir nouvelles sur la francophonie
00:00 00:00

Google ne veut plus être une entreprise de recherche. Elle veut être une entreprise d’intelligence artificielle.

Le géant du Web a en bonne partie confirmé cette intention lors de la conférence Google I/O – où l’entreprise dévoile chaque année ses intentions de développement – à la fin de mai en Californie.

Au moyen des «agents» d’intelligence artificielle (IA), l’entreprise veut être votre agent de voyage, votre maitre d’hôtel, votre serviteur, votre fournisseur de rêve… et votre geôlier.

L’objectif des services – en plus d’accroitre les revenus de l’entreprise, bien sûr – est de vous garder le plus longtemps possible prisonnier de l’écosystème de Google.

Désert informationnel à l’horizon

Ce qui est pour l’instant seulement un aperçu occupera de plus en plus de dans tout l’écosystème de Google. La société voudra que son IA soit tellement présente qu’elle nous l’imposera à tous les détours.

Il faudra redoubler d’efforts pour voir autre chose que les réponses de Gemini – le nom de l’IA de Google. La liste des sites qui contiennent, en réalité, les informations que vous cherchez sera moins mise en évidence. Autrement dit, une bonne dose de merdification.

À lire : L’IA ou la prochaine «merdification» (éditorial)

Pour garder le trafic dans son écosystème, Google doit le retirer à d’autres. Pourquoi aller sur le site Web de l’Agence du revenu du Canada si Gemini vous explique comment avoir accès à un crédit d’impôt?

La perte de trafic dans les sites du gouvernement est une chose, mais elle sera désastreuse pour les médias. Ceux du Canada sont déjà coupés d’un outil de découvrabilité depuis deux ans : Facebook. Apparaitre dans les résultats des moteurs de recherche était une des dernières façons d’espérer élargir son lectorat et d’intéresser la population à l’information locale.

Les médias d’information en milieu minoritaire seront encore plus perdants. Pourquoi consulter le site de La Voix acadienne, par exemple, si Gemini peut prétendument vous résumer l’information qui touche la francophonie de l’Île-du-Prince-Édouard?

Et si personne ne va sur le site de l’Express-ca de Toronto, qui payera les journalistes de ce média pour produire du nouveau contenu d’information?

Et si L’Eau vive en venait malheureusement à disparaitre, comment Gemini saura ce qui se passe en français en Saskatchewan?

C’est un cercle vicieux. En voulant tout récolter, Google assèchera le terreau fertile de l’information, créera une désertification et ne cultivera plus rien de nutritif, surtout pour la francophonie.

Les intelligences artificielles du type grands modèles de langage dépendent de l’information produite par des humains. Des tests ont montré que les réponses d’une intelligence artificielle entrainée à partir des réponses d’une autre intelligence artificielle perdent en qualité. 

Pas de boule de cristal

En réalité, il est difficile de prévoir à quel point Google réussira à changer les habitudes des «Googleux et Googleuses».

Les évènements comme I/O servent avant tout à épater les investisseurs et investisseuses à coup de rêve sur écrans géants. Les rêves ne se concrétisent pas tous. Pour l’instant, les réponses de l’IA sont loin d’être parfaites. Par contre, les plus jeunes adoptent quand même cette technologie.

Chose certaine, Google voudra imprimer Gemini sur nos rétines et dans nos cerveaux. L’entreprise gagnera en prudence seulement quand un nombre suffisant de vacanciers et de vacancières en colère se seront retrouvés à Sydney en Australie au lieu de Sydney en Nouvelle-Écosse, parce que l’agent IA a fait une mauvaise réservation.

À lire : Intelligence artificielle : les véritables enjeux au-delà des craintes

Pour se protéger

En attendant, si la bonne information vous tient à cœur, résistez à l’uniformisation. Continuez à consulter des sites de médias variés. Usez de votre esprit critique le plus affuté et ne croyez pas les promesses des prophètes de l’IA sur parole – ni l’IA elle-même d’ailleurs.

Si vous ne voulez pas que la production d’information de proximité disparaisse et que l’IA prenne toute la place en ligne, il faut éviter d’installer une dépendance.

Il est en fait déjà possible de ne pas voir les réponses générées par Gemini. Pour éviter les hallucinations ou pour ne pas gaspiller d’énergie, vous pouvez ajouter «-IA» à la fin de votre requête dans Google.

Vous pouvez aussi tourner le dos à Google. Ce n’est pas parce que cette entreprise est la plus connue qu’elle est la seule. DuckDuckGo et Ecosia, par exemple, n’ont pas encore intégré l’IA par défaut dans leur interface.

De leur côté, les médias ont aussi des devoirs à faire. Ils doivent – encore – trouver des solutions innovantes à un problème qu’ils n’ont pas créé. Et comme d’habitude, la tâche s’annonce plus complexe pour les médias francophones en milieu minoritaire.

À lire : Les petits médias francophones face aux défis de la vidéo

Type: Éditorial

Éditorial: Représente le point de vue le l'organisme médiatique.

Sudbury

Julien Cayouette

Rédacteur en chef

Adresse électronique: