le Mercredi 16 avril 2025
le Mercredi 19 février 2025 6:30 Chroniques et éditoriaux

Amitiés féminines : briser le mythe de la rivalité

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«Depuis des siècles, la société patriarcale a entretenu la rivalité entre les femmes», remarque Julie Gillet.  — Photo : Noorulabdeen Ahmad – Unsplash
«Depuis des siècles, la société patriarcale a entretenu la rivalité entre les femmes», remarque Julie Gillet.
Photo : Noorulabdeen Ahmad – Unsplash
CHRONIQUE – Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, nous rappelle chaque année l’importance des luttes féministes. Mais si les manifestations, les revendications et les batailles politiques sont essentielles, il existe une autre forme de résistance, plus discrète, plus intime, mais tout aussi fondamentale : l’amitié féminine.
Amitiés féminines : briser le mythe de la rivalité
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Dans un monde qui nous a longtemps dressées les unes contre les autres, s’aimer, se soutenir et se choisir n’est pas seulement un acte de bienveillance. C’est un acte politique.

Depuis des siècles, la société patriarcale a entretenu la rivalité entre les femmes. Nous avons grandi avec l’idée qu’il fallait être «la plus belle», «la plus désirée», «la plus vertueuse».

On nous a appris que nous devions nous méfier des autres femmes, qu’elles étaient des rivales, des menaces.

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Quand le patriarcat nous divise

Dans les contes de notre enfance, la belle princesse est souvent opposée à la méchante sorcière. Dans les films, la «garce» et la «sainte» se disputent les faveurs d’un homme.

Et que dire du «Tu n’es pas comme les autres filles», cette phrase qu’on nous a vendue comme un compliment?

Rien de plus efficace pour nous diviser.

Pendant que nous nous comparons, que nous nous épuisons à être «mieux» que les autres, nous restons distraites. Distraites des véritables rapports de pouvoir, des systèmes qui nous oppressent, des inégalités bien réelles qui nous maintiennent sous contrôle. Car cette rivalité entre femmes n’est pas qu’un dommage collatéral du patriarcat : c’est une stratégie.

Et comme toute bonne stratégie, elle a un complice de taille : le capitalisme. Un marché florissant s’est bâti sur nos insécurités savamment entretenues.

Le capitalisme nous pousse à voir les autres femmes non pas comme des alliées, mais comme des concurrentes pour une place dans un monde qui nous en laisse si peu. Il prospère sur notre isolement. Il nous veut dociles, convaincues que notre valeur dépend de notre apparence, de notre performance ou de notre capacité à nous conformer.

— Julie Gillet

Sororité et entraide : un héritage féministe

Mais soyons honnêtes : cette guerre entre femmes est un mensonge. Une illusion fabriquée pour nous maintenir à notre place.

La vérité, c’est que quand nous nous choisissons, quand nous nous soutenons, quand nous refusons de jouer le jeu, tout change. L’histoire l’a montré : les avancées féministes ne sont jamais venues de la compétition, mais toujours de la sororité.

L’histoire nous prouve que les femmes ont toujours su se réunir et s’organiser ensemble. Les suffragettes se battaient côte à côte pour obtenir le droit de vote. Les ouvrières du textile créaient des réseaux de soutien face à l’exploitation. Les féministes des années 1970 s’éduquaient mutuellement sur leurs droits et brisaient le silence sur les violences conjugales.

Aujourd’hui encore, l’entraide entre femmes est partout. Dans les groupes de discussion où l’on partage nos histoires et nos conseils. Dans les collectifs qui recueillent la parole des victimes de violence. Dans ces réseaux de mères qui s’organisent pour alléger la charge invisible qui leur pèse. Dans ces amies qui s’assurent qu’on est bien rentrée après une soirée, qui nous écoutent quand tout va mal, qui nous encouragent quand nous doutons de nous-mêmes.

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Célébrons nos amitiés féminines

L’amitié féminine ne se contente pas de résister : elle transforme.

Elle permet de déconstruire ensemble le sexisme, le racisme, le validisme. Elle crée des espaces où l’on s’écoute, où l’on se soutient, loin des injonctions patriarcales et des rôles assignés. Des ilots de résistance et d’indépendance. Comme l’écrivait l’activiste et poétesse queer noire Audre Lorde : «Sans communauté, il n’y a pas de libération.»

En ce 8 mars, au-delà des slogans et des revendications, prenons un instant pour penser à celles qui nous ont portées, soutenues, aimées. Envoyons un message à une amie pour la remercier, organisons un cercle de discussion, soutenons des initiatives féministes locales.

Car au fond, le féminisme n’est pas qu’un combat. C’est aussi un refuge. Et nos amitiés en sont les remparts les plus précieux.

Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, voici près de quinze ans qu’elle travaille dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.

Type: Opinion

Opinion: Contenu qui avance des idées et qui tire des conclusions fondées sur une interprétation des faits ou des données émanant de l’auteur.

Julie Gillet

Chroniqueuse