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le Mercredi 16 novembre 2022 6:30 Chroniques et éditoriaux

Une communauté francophone boréale dynamique

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  Guillaume Deschênes-Thériault
Guillaume Deschênes-Thériault
FRANCOPRESSE – Dans le cadre de la Semaine nationale de l’immigration francophone au début de novembre, je me suis rendu aux Territoires du Nord-Ouest pour discuter de certaines de mes recherches récentes. J’y ai été agréablement surpris par le dynamisme de la communauté francophone locale, de la visibilité du français dans l’espace public et des innovations récentes dans le dossier de l’immigration, qui pourraient servir de modèle ailleurs au pays.
Une communauté francophone boréale dynamique
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Affiche du Réseau en immigration francophone des Territoires du Nord-Ouest installée à l’aéroport de Yellowknife.

Photo : Guillaume Deschênes-Thériault

Mon séjour débute à l’aéroport de Yellowknife, principale porte d’entrée dans le territoire, où une pancarte bien visible du Réseau en immigration francophone des Territoires du Nord-Ouest est stratégiquement placée près du carrousel à bagages. Celle-ci fait la promotion des divers services en français offerts aux nouveaux arrivants.

Sur une table à proximité se trouvent aussi plusieurs exemplaires de L’Aquilon, l’hebdomadaire francophone du territoire.

Le français, plus visible qu’à bien des endroits au pays

Un premier tour de ville suffit pour constater que le français est considérablement plus visible dans l’espace public à Yellowknife que dans plusieurs autres capitales provinciales au pays. Cela s’explique notamment par le fait qu’il s’agit de l’une des langues officielles du territoire.

Les affiches de l’ensemble des bureaux du gouvernement territorial sont ainsi en anglais et en français. S’ajoutent à celles-ci les affiches des édifices fédéraux et celles des organismes communautaires francophones.

De plus, les activités culturelles et communautaires en français sont promues sur les principaux babillards de la capitale. Il est même rare de voir un babillard public à Yellowknife sans au moins une annonce en français.

Le français est bien présent dans plusieurs des lieux d’intérêt touristique locaux; l’Assemblée législative, par exemple offre deux visites guidées par semaine en français. De plus, il est possible d’effectuer en tout temps des visites audios des lieux dans la langue de son choix.

Il en va de même au Centre du patrimoine septentrional, qui abrite un musée sur la culture et le patrimoine des Territoires du Nord-Ouest. L’ensemble de l’information y est offerte en français.

À la sortie de la ville, la route Ingraham Trail sillonne de vastes espaces naturels typiques du Grand Nord canadien. À tous les arrêts que nous avons effectués le long de cette route dans les multiples parcs territoriaux, il y avait une version française des écriteaux informatifs.

Enfin, pour conclure la semaine en beauté, bien que les services en français dans le secteur privé soient limités, nous avons été servi en français à la microbrasserie locale, sans que nous en fassions la demande au préalable.

Une communauté francophone en croissance

Au-delà de la visibilité du français dans l’espace public, on note aussi que le dynamisme de la francophonie locale est associé à une croissance continue de la population franco-ténoise.

Pour préparer mes présentations, j’ai épluché les récents chiffres du Recensement de 2021 et j’ai noté plusieurs indicateurs positifs quant à la place du français dans le territoire.

Le taux de croissance de la communauté franco-ténoise est beaucoup plus important que celui de la population territoriale dans son ensemble, ce qui fait en sorte que le poids relatif des francophones augmente d’un recensement à l’autre.

Il s’agit d’une tendance distincte de celle qui est observée à l’échelle du Canada hors Québec où le poids démographique des francophones est en déclin constant depuis les cinquante dernières années.

À lire aussi : La francophonie minoritaire en perte de vitesse

De fait, entre 2006 et 2021, la proportion de personnes aux Territoires du Nord-Ouest qui ont le français comme première langue officielle parlée (unique et multiple) est passée de 2,6 % à 3,6 %.

Immigration francophone : faire preuve d’innovation

Lors d’une des causeries auxquelles j’ai participé, un représentant du gouvernement a présenté le nouveau volet territorial spécifique aux candidats francophones à l’immigration, qui est un exemple d’engagement concret à l’égard d’un dossier prioritaire pour la communauté franco-ténoise.

En 2016, dans le cadre de consultations portant sur le développement de la Stratégie en immigration du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, des parties prenantes communautaires ont mis d’avant que l’immigration francophone devrait être une priorité.

Le gouvernement territorial a été à l’écoute et a fait de l’augmentation du nombre de candidats francophones approuvés annuellement l’un de ses objectifs. Dans cette optique, le territoire a travaillé de concert avec le gouvernement fédéral pour développer une catégorie axée sur l’immigration francophone au sein de son programme des candidats.

Le volet francophone du Programme des candidats des Territoires du Nord-Ouest a finalement été inauguré en septembre 2022. En ce moment, il n’y a qu’en Ontario où un volet similaire existe. Plusieurs provinces et territoires devraient ainsi suivre l’exemple du gouvernement ténois et mettre en place de telles initiatives.

Édifice où se trouvent le journal L’Aquilon et Radio Taïga, la radio communautaire francophone de Yellowknife.

Photo : Guillaume Deschênes-Thériault

Une reconnaissance officielle et un climat de collaboration

Plusieurs facteurs contribuent à la vitalité de la communauté franco-ténoise. D’abord, bien que l’anglais soit la principale langue d’usage dans l’espace public, le français jouit d’une reconnaissance officielle, étant l’une des onze langues officielles du territoire, avec l’anglais et des langues autochtones.

La communauté francophone dispose aussi de plusieurs points d’ancrage dans la capitale qui peuvent servir de lieux de rassemblement, que ce soit la Maison bleue qui abrite plusieurs organismes francophones, le Centre interculturel, l’école Allain St-Cyr ou le Collège Nordique.

Enfin, soulignons aussi le dynamisme de plusieurs organismes francophones qui contribuent au quotidien à la vitalité de leur communauté.  

En terminant, il importe de rappeler que tout n’est pas parfait non plus. Est-ce que tous les services publics sont réellement disponibles en français? Bien sûr que non. Est-ce que l’on peut s’améliorer dans plusieurs secteurs? Bien entendu.

Toutefois, cela pourrait faire l’objet d’une autre chronique. Celle d’aujourd’hui visait plutôt à mettre en lumière des succès d’une communauté francophone dynamique dont on ne parle pas assez souvent.

Guillaume Deschênes-Thériault est doctorant en science politique à l’Université d’Ottawa. Il détient un baccalauréat de l’Université de Moncton et une maitrise de l’Université d’Ottawa. Dans le cadre de ses recherches, il s’intéresse aux communautés francophones en situation minoritaire, avec un intérêt particulier pour l’enjeu de l’immigration. Depuis mai 2021, il est conseiller à la municipalité de Kedgwick au Nouveau-Brunswick.