Est-ce que la rentrée parlementaire automnale sera finalement la bonne pour la modernisation de la Loi sur les langues officielles? Après un peu plus de quatre ans, deux élections générales et un projet de loi mort au feuilleton, C-13 pourrait finalement recevoir la sanction royale d’ici la fin de l’année.
Le projet a franchi les deux premières lectures aux Communes. Il fait actuellement l’objet d’études par les comités parlementaires des langues officielles.
Des délais supplémentaires au-delà de l’automne seraient difficilement justifiables. Le projet dans sa forme actuelle constitue une avancée considérable pour les langues officielles, tant par ses objectifs que par les mesures proposées.
Si C-13 n’est pas adopté d’ici la fin de l’année, le fardeau de la faute ne reviendra pas seulement au gouvernement. Les partis d’oppositions, qui pourraient être tentés de ralentir le processus législatif à des fins partisanes, devront choisir judicieusement les amendements qu’ils mettront de l’avant.
De leur côté, il est souhaitable que les différents intervenants qui comparaitront en comité fassent preuve de réalisme et mesurent bien les ramifications de leurs demandes.
Comme l’ont bien rappelé Linda Cardinal, Michel Doucet et Rémi Léger, cosignataires d’un texte d’opinion dans les pages de l’Acadie Nouvelle, «il est temps de cesser de traiter le projet de loi C-13 comme un magasin général».
Plusieurs modifications proposées au cours des derniers mois pourront d’ailleurs être effectuées en déployant diverses mesures administratives et règlementaires une fois le projet adopté.
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Michelle O’Bonsawin sera la première personne d’origine autochtone à siéger au plus haut tribunal du pays.
Une Cour suprême entièrement bilingue
Le 19 aout dernier, le premier ministre Trudeau a annoncé la nomination de la juge Michelle O’Bonsawin à la Cour suprême.
Cette nomination a un caractère historique à plusieurs égards. Elle sera la première personne d’origine autochtone à siéger au plus haut tribunal du pays.
De plus, l’arrivée de cette Franco-Ontarienne à la Cour suprême fera en sorte que l’entièreté des neuf juges sera désormais bilingue. Il s’agit d’une première dans l’histoire du pays.
La nomination de la juge O’Bonsawin vise à remplacer le juge Michael J. Moldaver, qui part à la retraite le 1er septembre. Nommé en 2011 par Stephen Harper, il est actuellement le seul membre de la Cour suprême qui ne parle pas français.
Il s’agit d’un contexte idéal pour légiférer afin de s’assurer que le bilinguisme à la Cour suprême soit désormais la norme et que cela ne repose pas seulement sur la bonne volonté du gouvernement du jour.
Le projet de loi C-13 prévoit déjà une modification en ce sens. Il ne resterait plus qu’à modifier la Loi sur la Cour suprême pour y enchâsser le bilinguisme des juges comme exigence de nomination.
Reste à voir si le gouvernement ou l’un des partis d’opposition déposera un projet de loi pour régler ce dossier une fois pour toutes.
Vers le prochain Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028
Les consultations estivales pancanadiennes sur les langues officielles prendront fin le 31 aout prochain.
Cet automne, le bureau de la ministre Petitpas Taylor, appuyé par les équipes responsables des langues officielles dans les différents ministères et organismes fédéraux concernés, devra mettre les bouchées doubles pour livrer le Plan d’action d’ici le début du printemps 2023.
La question qui reste toutefois en suspens est celle de l’enveloppe budgétaire qui y sera associée. Le Plan d’action 2018-2023 prévoyait une somme de 2,7 milliards $, incluant 500 millions $ de nouveaux investissements par rapport au Plan d’action précédent.
Depuis, le gouvernement a entrepris un travail de fond dans le dossier des langues officielles dans le contexte de la modernisation de la Loi, mettant en lumière d’importants besoins dans plusieurs secteurs-clés à la vitalité des communautés.
Le document de réforme déposé en février 2021 par l’ancienne ministre des Langues officielles, Mélanie Joly, prévoyait déjà plusieurs nouvelles mesures à mettre en œuvre dans le plan 2023-2028. Reconduire les sommes actuelles ne sera pas suffisant pour financer ces nouvelles initiatives et répondre aux besoins des communautés.
Mettre en œuvre le principe de l’égalité réelle entre les langues officielles au Canada a un cout et les montants investis témoigneront du sérieux du gouvernement Trudeau à l’égard de ce principe.

La ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, a lancé les consultations pancanadiennes sur les langues officielles le 24 mai.
La représentation des francophones
Le dossier du redécoupage des circonscriptions fédérales et ses impacts potentiels sur la représentation des communautés francophones est à surveiller.
À titre d’exemple, le poids des Acadiens dans la circonscription néoécossaise actuelle de Nova-Ouest, qui comprend les régions de Clare et d’Argyle, pourrait diminuer avec la refonte proposée de la carte électorale.
L’ensemble des commissions ont publié leurs propositions de modifications. Les audiences publiques sont déjà entamées ou terminées dans certaines provinces, et seront complétées dans l’ensemble du pays d’ici la fin octobre. Chacune des commissions doit par la suite rendre son rapport sur les nouvelles circonscriptions d’ici décembre.
Du côté du Sénat, les nominations afin de pourvoir les sièges vacants tardent dans plusieurs provinces. Des appels pour renforcer la représentation des francophones ont notamment été lancés en Nouvelle-Écosse, en Alberta, en Saskatchewan et au Nouveau-Brunswick au cours des dernières années.
Rappelons que Justin Trudeau a rompu avec une tradition qui remontait à Wilfrid Laurier d’assurer une représentation sénatoriale aux Acadiens de la Nouvelle-Écosse et que depuis son arrivée au pouvoir, le nombre de sénatrices francophones dans l’Ouest est passé de deux à une. Il est temps de corriger cette situation.
Guillaume Deschênes-Thériault est doctorant en science politique à l’Université d’Ottawa. Il détient un baccalauréat de l’Université de Moncton et une maitrise de l’Université d’Ottawa. Dans le cadre de ses recherches, il s’intéresse aux communautés francophones en situation minoritaire, avec un intérêt particulier pour l’enjeu de l’immigration. Depuis mai 2021, il est conseiller à la municipalité de Kedgwick au Nouveau-Brunswick.