Avec des informations de Lê Vu Hai Huong
Selon le plan ministériel 2025-2026 de FEGC, les dépenses prévues par le ministère pourraient chuter de près de 407 millions $ à seulement 76,3 millions $ pour l’année financière 2027-2028.
Le 7 octobre, l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC) a lancé une pétition en ligne pour alerter la population canadienne à propos de ces compressions.
À l’aube du budget fédéral du 4 novembre, l’organisme demande au gouvernement de reconduire les programmes de FEGC et de garantir un financement stable et durable aux organismes de femmes francophones.
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Question «de vie ou de mort»
«On sait que les différents ministères ont été appelés à faire des coupures de 15 %, mais 80 %, c’est absolument alarmant», déplore la vice-présidente de l’AFFC et représentante du Nouveau-Brunswick, Geneviève L. Latour.

Geneviève L. Latour lance l’alerte sur la perte de programmes qui aident les femmes victimes de violences conjugales.
L’objectif de la pétition est d’informer sur l’ampleur et l’effet de ces suppressions budgétaires, mais aussi de mobiliser le public. La responsable n’hésite pas à parler d’«un recul historique pour le droit des femmes». Elle invite les membres de la société civile à contacter leur député fédéral pour les interpeler sur ce sujet.
«On sait que les femmes jouent un rôle crucial dans les communautés francophones. Ces coupures-là vont avoir un impact sur les femmes, que ce soit au niveau de la santé, de la communauté, de la vitalité», dit Geneviève L. Latour.
Elle rappelle que plusieurs organismes viennent en aide aux victimes de violence conjugale : «Ça peut faire la différence entre la vie et la mort pour certaines d’entre nous.»
«C’est inquiétant et ça va certainement se traduire par une réduction du service pour les femmes. Quand ça vient aux femmes francophones, nos services en français sont déjà rares et sous-financés. Ces coupures-là vont aggraver les inégalités et invisibiliser encore plus nos réalités.»
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Réponse du gouvernement
FEGC assure de son côté par courriel qu’aucune réduction budgétaire n’a été effectuée : «Les chiffres du plan ministériel ne représentent aucune réduction actuelle ou prévue du ministère. Ils reflètent plutôt l’expiration prévue de certains financements de programmes à durée déterminée.»
Le ministère affirme avoir bénéficié d’un «financement sans précédent» en 2025-2026 par rapport aux années précédentes, alors que le pays est confronté aux tarifs douaniers américains. Son budget est passé de 323 millions de dollars en 2022-2023 à 407 millions en 2025-2026.
«Au cours des cinq dernières années, Femmes et Égalité des genres Canada a financé quatre projets avec l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne, pour un montant total de plus de 2,1 millions de dollars. L’un de ces projets est toujours en cours», précise-t-il.
Si l’AFFC est en discussion avec Ottawa, l’organisme n’est pas encore «rassuré», commente Geneviève L. Latour. Pour elle, ces réductions budgétaires auront des conséquences à court et à long terme.
C’est un retard qu’on va avoir de la difficulté à rattraper. C’est pour ça qu’il faut agir dès maintenant.
«Quand les fonds arrêtent, on doit mettre des gens à la porte»
La présidente de l’Union culturelle des Franco-Ontariennes (UCFO), Sylvie Gravelle, affirme qu’une réduction budgétaire de cette taille affecterait toutes les femmes de son organisme, en particulier celles en milieu rural.

Sylvie Gravelle craint la perte du pouvoir collectif résultant de l’isolement. Elle pense qu’«un tel pouvoir est vraiment fort quand on [les femmes sont] toutes ensemble».
La présidente de l’Union culturelle des Franco-Ontariennes (UCFO), Sylvie Gravelle, affirme qu’une réduction budgétaire de cette taille affecterait toutes les femmes de son organisme, en particulier celles en milieu rural.
Selon elle, les subventions permettent d’organiser des rencontres essentielles où les femmes peuvent discuter, briser leur isolement et partager leur culture, leur patrimoine et des traditions parfois vieilles de 400 ans. La disparition de ces cercles menacerait également la transmission de la langue.
L’UCFO demande aux citoyens de signer la pétition en ligne, d’envoyer des lettres au premier ministre et d’appeler leurs députés.
La directrice générale de l’UCFO, Janie Renée Myner, déplore que la décision du gouvernement affaiblisse davantage un système déjà précaire. Elle précise que ces compressions feraient perdre à l’organisme les deux tiers de ses fonds d’opération.
«Quand les fonds arrêtent, on doit mettre des gens à la porte», lâche-t-elle. En conséquence, elle constate que les employées ne reçoivent jamais une rémunération équitable et que leur valeur n’est jamais reconnue par les bailleurs de fonds.
Les bénévoles de l’UCFO jouent aussi un rôle crucial, poursuit Janie Renée Myner. Elles offrent des services de soutien aux proches aidants, un travail «invisible».
L’UCFO, qui célèbrera son 90e anniversaire en janvier 2026, est l’une des plus anciennes institutions franco-ontariennes. L’organisme a notamment servi d’université pour des femmes qui n’avaient pas accès à l’éducation.
La directrice générale souligne la situation des femmes francophones âgées, qui, selon elle, ont contribué toute leur vie à la communauté, mais qui restent «ni vues ni reconnues ni comptabilisées» dans les statistiques, y compris celle du recensement.
Les femmes en contexte minoritaire, une priorité?
Pour Hafsa Aatiq, présidente de Réseau-Femmes Colombie-Britannique, cette baisse budgétaire ne ferait qu’aggraver une situation déjà fragile dans la province pour les femmes francophones.

«C’est honteux parce que notre dualité linguistique, c’est vraiment ce qui nous rend uniques au Canada. Et couper le financement offert aux communautés francophones, c’est vraiment menacer notre force», déplore Hafsa Aatiq.
«Elles font face à beaucoup d’obstacles justement en raison du manque de services en français dans plusieurs domaines majeurs comme la santé, la justice et la lutte contre la violence basée sur le genre.»
Les fonds fédéraux sont d’autant plus cruciaux qu’ils constituent l’une des rares sources de revenus de l’organisme : «Si on ne peut pas compter sur un financement qui est durable et stable, ça menace la continuité de nos services. La création de nouveaux programmes n’est pas garantie non plus, tout comme certains postes», signale Hafsa Aatiq.
Pendant ce temps, les besoins ne faiblissent pas, bien au contraire. «Il y a de plus en plus de femmes francophones en Colombie-Britannique, notamment les nouvelles arrivantes», poursuit-elle.
Pas «une variable budgétaire»
«On entend parler de coupures de financement, ce n’est pas nouveau. Mais le financement des organismes en milieu minoritaire, ça ne peut pas être traité comme une variable budgétaire, surtout de la part du ministère des Femmes et de l’Égalité des genres Canada. Il devrait être un levier de justice et d’équité linguistique et de genre», insiste Hafsa Aatiq.

Janie Renée Myner révèle que l’UCFO a survécu grâce à des subventions irrégulières de 300 $ ou de 1500 $ parfois. À son avis, ce mode de financement invite l’organisme à «recommencer la roue éternellement» quand la subvention est restreinte pour leur projet.
Janie Renée Myner souligne le manque de considération pour les besoins spécifiques des femmes francophones en contexte minoritaire au sein du gouvernement fédéral.
Elle rapporte que la sous-ministre de FEGC, Frances McRae, «nous a plus ou moins dit et confirmé que le ministère de Femmes et Égalité des Genres n’avait jamais pris en compte la loi sur les langues officielles au Canada et n’a jamais réparti ses fonds en considérant la précarité justement de la langue officielle en contexte minoritaire».
Cela signifie que les femmes francophones canadiennes en dehors du Québec n’ont pas reçu un financement équitable, déduit la responsable.
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