
«Le portrait de la francophonie canadienne a beaucoup évolué en 20 ans et les besoins ont changé», souligne Ajà Besler du Réseau dialogue.
«On doit engager un dialogue entre toutes les diversités des communautés canadiennes, qui ne sont plus aussi homogènes qu’avant», estime la directrice générale de Réseau dialogue, Ajà Besler.
Pour la responsable, la fondation doit «s’outiller et évoluer» pour répondre à de nouveaux besoins : «De plus en plus de gens ont des identités multiples et ne savent pas où se situer, il faut changer nos mentalités sur ce qu’est être francophone.»
L’organisation a voulu marquer cette évolution avec un changement de nom. La Fondation dialogue est devenue Réseau dialogue à la fin novembre.
Ajà Besler prend notamment l’exemple des élèves en classe d’immersion, à cheval entre «l’anglophonie et la francophonie». Le Réseau dialogue mène actuellement une recherche avec l’Université d’Ottawa afin d’identifier les barrières qui empêchent ces jeunes de faire partie de la communauté francophone.

«Il ne s’agit pas de forcer le français dans la gorge des anglophones, le but est que les francophones et les anglophones puissent s’épanouir et être servis partout dans leur langue maternelle», considère Guy Matte.
«Par les francophones, mais pour un plus grand public»
L’organisme a également lancé cette année un forum jeunesse en leadeurship intersectionnel, «afin de créer des communautés plus inclusives et de permettre aux jeunes d’être des acteurs du changement», détaille Ajà Besler.
Aux yeux du premier directeur général de la Fondation dialogue, Guy Matte, cette nouvelle diversité est une «opportunité unique» pour renforcer les liens entre les différentes composantes de la société canadienne.
«Le but premier de la fondation n’était pas de se regarder entre nous, mais de s’ouvrir aux autres, de faire le pont avec les anglophones et les Premières Nations et d’en faire des alliés», rappelle-t-il.
C’est vraiment une particularité, nous sommes une organisation par les francophones, mais pour un plus grand public. Nous faisons beaucoup de travail de sensibilisation à destination des anglophones
En 2004, la Fondation a commencé «sans personnel, sans bureau et sans financement», se souvient Guy Matte : «Tout était à faire, il n’y avait que l’envie de promouvoir la dualité linguistique, cette idée fondamentale qui sous-tend le Canada.»
Dès 2005, l’organisme reprend en main l’organisation des Rendez-Vous de la Francophonie (RVF). L’analyste politique de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF), Marc Masson, salue à cet égard les efforts entrepris pour faire connaitre la francophonie, «pas mal invisible autrement».
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En Saskatchewan, Marc Masson souligne les retombées positives des RVF pour la francophonie en situation minoritaire.
Renforcer les liens avec le Québec
«On est sur la place publique pendant un mois chaque année. C’est très bénéfique, ça nous rapproche des francophiles», souligne le Fransaskois.
Réseau dialogue a également créé avec Canadian Parents for French et le Français pour l’Avenir le Réseau de la dualité linguistique.
«Une grande partie de la population canadienne veut s’assurer que cette dualité linguistique soit respectée, comme en témoigne l’engouement extraordinaire pour les écoles d’immersion», assure Guy Matte.
Le rapprochement avec le Québec constitue désormais un autre cheval de bataille du Réseau dialogue. Ajà Besler constate à ce propos l’«ignorance» d’une partie de la population québécoise : «Il y a encore du cheminement à faire. Ce n’est pas de la mauvaise volonté, mais ils ne savent pas que le français existe ailleurs, ils ne l’ont pas appris à l’école, les médias n’en parlent pas.»
Elle note néanmoins une volonté politique de consolider les liens, avec l’adoption récente du Plan d’action gouvernemental en francophonie canadienne 2022-2025 au Québec.
«Il y a un éveil des Québécois à la francophonie, une ouverture pour travailler ensemble à défendre le français, confirme le directeur général du Centre de la francophonie des Amériques, Sylvain Lavoie. Si la langue est vivante à l’extérieur du Québec, elle sera aussi vivante en son sein.»
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Pour Sylvain Lavoie, «il y a un éveil des Québécois à la francophonie, une ouverture pour travailler ensemble».
L’art pour tisser des liens
Le Centre, création du gouvernement du Québec, collabore régulièrement avec le Réseau dialogue.
«Nos expertises et nos offres de programmation sont complémentaires pour faire rayonner la francophonie», considère Sylvain Lavoie.
«On a des objectifs communs et la tâche est tellement énorme, qu’on n’est jamais assez à créer du dialogue», poursuit Ajà Besler.
Lors de l’édition 2022 des RVF, la Fransaskoise Alexis Normand a pu ainsi présenter son documentaire Assez French au Québec, grâce à un partenariat entre le Réseau dialogue et le Centre de la francophonie des Amériques. Son court-métrage sur l’amour du français d’une famille exogame a notamment été projeté à Québec et Montréal.
À l’inverse, de nombreux artistes québécois se rendent dans des communautés francophones en situation minoritaire à l’occasion des RVF.
«Il y a un effet de sensibilisation, ils ramènent dans leurs bagages ce qu’ils ont vu et entendu. L’art est l’une des meilleures façons d’en apprendre plus sur les différentes réalités à travers le pays», appuie Ajà Besler.
En Saskatchewan, Marc Masson juge le travail du Réseau dialogue «encore plus nécessaire» à l’heure où l’immigration atteint des sommets. Selon lui, les nouveaux arrivants anglophones n’ont pas nécessairement conscience de la francophonie en situation minoritaire.
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